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Tramway d'Elbeuf

Le tramway d'Elbeuf est mis en service en 1898 dans le sud du département de la Seine-Inférieure (aujourd'hui Seine-Maritime) pour faciliter les déplacements des habitants de la cité textile d'Elbeuf et de ses banlieues ouvrières. Avec ses quatre lignes à écartement standard longues de neuf kilomètres et divergeant de la place du Calvaire, le réseau transporta jusqu'à 1,5 million de personnes, en 1899, au début de l'exploitation.

Tramway d'Elbeuf
Voir la carte de la ligne.
Voir l'illustration.
Le tramway, place du Calvaire, centre névralgique du réseau elbeuvien.

Histoire
Mise en service 1898
Suppression 1926
Exploitant Société des tramways électriques d'Elbeuf (1898-1926)
Exploitation
Matériel utilisé Tramway électrique
Dépôt d’attache Saint-Aubin-lès-Elbeuf
Longueur 9,3 km
Fréquentation
(moy. par an)
1 450 000 en 1899

Les difficultés de gestion de l'exploitation et financières de la compagnie concessionnaire constituèrent autant de signaux d'alerte dès avant la Première Guerre mondiale. Le conflit qui perturba le réseau et la concurrence des autres modes de transport au début des années 1920 aggravèrent la crise de ce tramway qui connut une fermeture précoce en 1926.

Historique

Le projet de Ridder

SituĂ©e Ă  20 kilomètres en amont de Rouen, son agglomĂ©ration s'Ă©tendant sur les deux rives de la Seine, la citĂ© drapière d'Elbeuf s'estimait, Ă  la fin du XIXe siècle, dĂ©laissĂ©e par le chemin de fer depuis que la ligne de Paris Ă  Rouen, inaugurĂ©e en 1843, l'avait Ă©vitĂ©e. Le nouveau mode de communication arriva dans cette agglomĂ©ration, forte de 40 000 âmes, seulement en 1865 lors de la construction de la ligne d'Oissel Ă  Serquigny qui permettait une liaison directe entre Rouen et Caen[notes 1]. Quelques annĂ©es plus tard, en 1883, Elbeuf fut raccordĂ©e Ă  la ligne transversale Rouen-OrlĂ©ans avec l'achèvement du tronçon entre sa gare et celle du Petit-Quevilly, mais cela ne rĂ©solvait en rien le problème des transports urbains[1].

Croisement de deux motrices, place du Calvaire.

Pourtant, en 1877, Théodore de Ridder, représentant la compagnie générale des railways à voie étroite de Bruxelles avait soumis un ambitieux projet de desserte de l'agglomération elbeuvienne par un réseau de tramways à vapeur et à traction hippomobile destiné au transport des voyageurs et des marchandises[2].

Un ensemble de six lignes en Ă©toile d'une longueur totale de 33,8 kilomètres (avec comme point central la place du Calvaire Ă  Elbeuf) Ă©tait envisagĂ©. Trois itinĂ©raires suburbains Ă  vapeur auraient mis en communication le centre d'Elbeuf avec l'agglomĂ©ration rouennaise pour l'un d'entre eux, avec Saint-Pierre-lès-Elbeuf pour les deux autres. La ligne principale aurait franchi la Seine, traversĂ© Saint-Aubin-lès-Elbeuf et se serait raccordĂ©e au rĂ©seau des tramways de Rouen Ă  Sotteville-lès-Rouen après avoir parcouru 18,300 km, avant de rejoindre la gare de Rouen-Martainville[notes 2] par un tronçon Ă  trois files de rails (les nombreuses filatures de la ville Ă©taient Ă©troitement liĂ©es aux industriels du Nord) La seconde ligne de 3,700 km aboutissait au lieu-dit « le Pont d'Oison » par le centre de Caudebec-lès-Elbeuf. La troisième ligne aurait eu km aurait menĂ© au Puits-MĂ©rot par la Porte verte en passant par le hameau de La Villette, près de la Seine. Trois lignes hippomobiles auraient desservi le centre-ville, empruntant les rues Ă©troites de ce dernier et reliant l'axe Saint-Pierre-Sotteville aux gares d'Elbeuf - Saint-Aubin et d'Elbeuf-Ville. Une septième ligne, exclusivement destinĂ©e au fret, aurait Ă©tĂ© constituĂ©e de divers embranchements industriels passant par d'Ă©troites rues moyenâgeuses ainsi que les quais et les rues aux BĹ“ufs, du Havre, Robert, de la Porte-Rouge, Cousin-Corblin, Saint-Amand et DĂ©vĂ©, desservant ainsi la majoritĂ© des usines[2] - [3]. Compte tenu de l'Ă©troitesse de certaines voies, le gabarit envisagĂ© Ă©tait de 1,90 m et les courbes les plus serrĂ©es, sur la ligne 7, n'Ă©taient que de 20 m. de rayon, entrainant l'usage de locomotives articulĂ©es. Le parc aurait Ă©tĂ© constituĂ© de 16 locomotives mixtes, 8 locomotives de 16 Ă  18 tonnes, 21 voitures Ă  impĂ©riales, 12 voitures mixtes, 50 wagons couverts et 100 wagons Ă  charbon, ainsi que 70 chevaux, rĂ©partis dans 5 dĂ©pĂ´ts (Puis-MĂ©rot, Pont-d'Oison, Saint-Aubin, Sotteville et Orival)[4].

Même si l'enthousiasme de la population fut grand comme le prouvèrent les nombreuses pétitions en faveur du réseau et les multiples observations faites lors de l'enquête d'utilité publique réalisée en 1879, les lignes, qui avaient été déclarées d'utilité publique par décret de 1882[5], ne furent jamais construites en raison du manque de soutien financier des industriels, de l'hostilité de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest qui craignait la concurrence de la ligne de Rouen et du ralentissement de l'activité économique lié à la Grande Dépression de 1882[2].

Mise en place du réseau

Il fallut attendre 1894 pour qu'un nouveau projet soit prĂ©sentĂ© Ă  la municipalitĂ© d'Elbeuf par Édouard Cauderay au nom de la Compagnie gĂ©nĂ©rale de traction[1]. Cette dernière proposait la construction de cinq lignes Ă  voie normale dont une Ă  traction hippomobile pour une longueur totale de 9 800 mètres avec toujours la place du Calvaire comme centre[6]. Le projet fit cette fois l'unanimitĂ© et, après une enquĂŞte d'utilitĂ© publique rĂ©alisĂ©e en fĂ©vrier-, les travaux purent commencer en avant mĂŞme que la dĂ©claration d'utilitĂ© publique ne soit promulguĂ©e[7].

Les débuts du tramway et les premières difficultés

Tramway devant la mairie de Caudebec-lès-Elbeuf...

Le réseau que l'on édifiait devait être formé des lignes suivantes[6]:

  • ligne no 1 : Elbeuf-Place du Calvaire - Place du Coq-Rouvalet - Orival terminus (3 265 m) ;
  • ligne no 2 : Elbeuf-Place du Calvaire - Caudebec - Saint-Pierre terminus (3 670 m) ;
  • ligne no 3 : Elbeuf-Place du Calvaire - Rue de Paris-Rue de la RĂ©publique - Gare de Saint-Aubin-Jouxte-Boulleng (1 800 m) ;
  • ligne no 4 : Elbeuf-Place du Calvaire - Gare d'Elbeuf-Ville (545 m) ;
  • ligne no 5 : Rue de Paris - Champ de foire - Port (520 m), ce dernier tronçon Ă©tant rĂ©servĂ© au transport des marchandises.

Ă€ la fin de l'annĂ©e 1897, les travaux Ă©taient pratiquement achevĂ©s, la voie posĂ©e, la centrale Ă©lectrique alimentant le rĂ©seau opĂ©rationnelle. Le , les premières motrices circulaient sur un rĂ©seau limitĂ© Ă  quatre lignes et long de 9 280 mètres car la ligne no 5 Ă  traction hippomobile ne fut finalement pas construite en raison des difficultĂ©s d'exploitation liĂ©es Ă  la circulation des wagons sur une voie unique, au coĂ»t Ă©levĂ© de l'entretien d'une Ă©curie, Ă  la prĂ©sence d'une plaque tournante au centre-ville[8].

Le tramway rue de la Barrière à Elbeuf. On y distingue l'aubette d'une station.

Les autorités tardant à délivrer leur autorisation, M. Cauderay, au nom de la Société des tramways électriques d'Elbeuf, filiale de la Compagnie générale de traction, décida de mettre les tramways en circulation à ses risques et périls. L'inauguration officielle eut lieu le 26 mai 1898[9]; on invita pour l'occasion un ancien ministre des Travaux publics, M. Dupuy-Dutemps, dont on connaissait l'influence auprès du gouvernement, sans doute pour que celui-ci accélère le processus de déclaration d'utilité publique qui intervint finalement le avec une concession de 50 ans[10] - [11].

... ou sur un évitement, rue et place de la République à Caudebec-lès-Elbeuf.
Tramway, place du Calvaire.

Dès 1898, le service Ă©tait organisĂ© autour de deux axes principaux formĂ©s pour chacun d'entre eux par la rĂ©union de deux lignes : les 1 et 2 formaient la « grande ligne » et mettaient en communication Saint-Pierre-lès-Elbeuf et Orival en 32 minutes pour un parcours de près de sept kilomètres, les 3 et 4 constituaient la « ligne des gares », plus courte (2,3 km), qui partait de la station d'Elbeuf-Ville pour aboutir Ă  celle de Saint-Aubin-lès-Elbeuf et dont le temps de parcours s'Ă©levait Ă  12 minutes. La frĂ©quence des navettes Ă©tait respectivement de 20 et 12 minutes[12]. Curieusement, l'exploitant n'avait pas prĂ©vu de correspondance entre elles lors de leur croisement place du Calvaire. MalgrĂ© cela, le tramway rencontra un grand succès populaire ; en 1899, la première annĂ©e d'exploitation complète, le nombre de passagers transportĂ©s s'Ă©leva Ă  1 450 000[13], mais ces bonnes statistiques de trafic ne devaient pas longtemps cacher des difficultĂ©s financières et d'exploitation.

Dès les débuts de l'exploitation, de nombreuses malfaçons avaient été constatées dans l'établissement de la ligne comme l'impossibilité de croisement de deux motrices sur la place du Calvaire en raison de la largeur insuffisante de l'entrevoie (ce problème fut réglé rapidement — voir l'illustration ci-contre — sans qu'on en connaisse la date exacte, vraisemblablement avant le deuxième trimestre 1899)[7]. Mais, ce fut surtout l'exploitation du réseau qui s'avéra calamiteuse. Dès les premières années de service, les déraillements et les accidents étaient monnaie courante. En raison de la vitesse limitée des convois en centre-ville (12 km/h au maximum) et pour tenir des horaires jamais respectés, les wattmen poussaient leurs machines aux extrémités des lignes au mépris de toutes les règles de prudence. Non sans exagération, la presse locale relatait les nombreux accidents causés par ce manquement à la sécurité, déclarant que les infirmes et les vieillards étaient décimés par le tramway à un rythme effroyable[10]. Le seul record détenu par le réseau fut celui des accidents mortels[10]. À ces problèmes de sécurité s'ajoutait un manque de ponctualité des motrices en particulier sur la ligne des gares qui rataient leurs correspondances avec les trains en gare d'Elbeuf-Ville et de Saint-Aubin-lès-Elbeuf ; toutefois la direction en imputait la responsabilité au mauvais fonctionnement des horloges des stations de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest[10]. La gestion du réseau s'avérait tout aussi problématique car, malgré de bons résultats en ce qui concerne le trafic, le réseau fut déficitaire dès 1899 et ne dégagea jamais de bénéfices jusqu'à sa fermeture[13].

Une fermeture précoce

Le tramway, rue de la Barrière...
...Rue de Rouen, arrivant Ă  l'Ă©vitement de la rue des Rouvalets.

Le changement d'actionnaire de référence — la compagnie centrale des chemins de fer et tramways[14] devenant la maison-mère de la Société des tramways électriques d'Elbeuf le , en remplacement de la compagnie générale de traction — ne changea rien à la situation[13]. Le personnel mal formé était mal payé et donc instable (en 1907, la moitié des wattmen comptait moins de six mois d'ancienneté). De fréquents rappels à la discipline s'imposaient, ainsi en 1908, il était stipulé dans le règlement remis aux traminots[15] qu'il ne fallait pas perdre de vue l'intérêt de la compagnie, qu'il ne fallait pas se départir de politesse et de tact à l'égard des voyageurs, qu'il fallait arriver dix minutes avant l'heure du départ des tramways, qu'il était interdit de se trouver en état d'ébriété, de fumer et de cracher durant le service...

Le manque de qualification des employĂ©s elbeuviens obligea d'ailleurs la compagnie Ă  faire appel Ă  du personnel du deuxième rĂ©seau des tramways de Rouen sans pour autant que la qualitĂ© du service s'amĂ©liore[13]. Alors que dans le reste du dĂ©partement le trafic augmentait sur les diffĂ©rents rĂ©seaux de tramway, celui d'Elbeuf continuait de perdre des voyageurs depuis le dĂ©but du siècle, en 1912, le nombre de passagers transportĂ©s Ă©tait tombĂ© Ă  1 170 000[16]. Dans ces conditions, les projets de prolongement du tramway de la place du Calvaire Ă  la place du Tivoli par le cours Carnot (ligne 5), de la rue de Paris Ă  l'Ă©glise Saint-Jean (ligne 6) ou, plus ambitieux encore, de Saint-Aubin-lès-Elbeuf Ă  Rouen par la rive droite de la Seine et Amfreville-la-Mi-Voie restèrent sans lendemain[17]

Afin de restaurer sa rentabilité, la compagnie, qui semble avoir été liée à des entreprises de production d'électricité[18] décida de vendre une partie de sa production d'électricité dès 1902, ce qui permit d'équilibrer le budget 1904, mais, dès l'année suivante, la Compagnie du gaz aligna ses tarifs, et la STEE fut de nouveau, et définitivement en déficit[19]. Cela amena à des difficultés pour le tramway, qui n'était pas prioritaire par rapport aux autres abonnés, et dont l'exploitation fut interrompue entre le et le à la suite d'un excès de production électrique[18]...

Le tramway à l'arrêt...pour laisser passer un cortège funèbre.

La Première Guerre mondiale vit le trafic s'interrompre durant les premières semaines du conflit, la circulation reprit toutefois dès le mais de manière réduite. La ligne no 4 fut fermée, une seule motrice circula sur les trois autres lignes dans un premier temps, puis deux à compter de la fin de l'année. Le réseau put mettre en service, chaque matin et soir entre la place du Calvaire et Saint-Pierre-les-Elbeuf, un train ouvrier composé de quatre remorques encadrées par deux motrices[20]. Mais l'exploitation connut une nouvelle dégradation car la compagnie recruta, faute de main d'œuvre disponible, un personnel jeune (certains wattmen avaient moins de seize ans), n'ayant subi aucune formation et livré à lui-même. Les jeunes traminots roulaient au gré de leur fantaisie, brûlaient les poteaux d'arrêt, refusaient de rendre la monnaie, injuriaient les passagers des motrices[17]. Parfois même, arrivés en bout de ligne, les employés ne prenaient pas le temps de manœuvrer les remorques et refoulaient ainsi les baladeuses, assis dans le compartiment voyageurs des motrices en surveillant vaguement la conduite du tramway entre les arrêts[20].

Ces comportements erratiques cessèrent avec le retour des employés démobilisés au début de l'année 1919 mais le matériel, mal entretenu, était à bout de souffle. À partir du , l'exploitation fut placée sous régie municipale, des réparations furent effectuées, les tarifs relevés[17]. La désaffection des voyageurs, la concurrence des services routiers (les usines préféraient transporter leurs salariés en camions, puis en autobus) conduisirent à un déficit accru tandis que les actionnaires ne songeaient qu'à se débarrasser de ce boulet financier.

La fréquence de desserte des lignes se réduisit encore au début des années 1920, le personnel, mal payé, déclencha une grève le qui sonna le glas du réseau[17]. Les motrices ne devaient plus jamais circuler, malgré la proposition de deux industriels elbeuviens qui envisageaient de rénover le réseau et d'acheter du matériel d'occasion des tramways de Rouen. Finalement, en 1927, le tramway fut remplacé par un service d'autobus qui périclita rapidement et s'arrêta en 1936[21].

Infrastructure

Tracés

L'article 2 du cahier des charges annexé au décret du modifiant la déclaration d'utilité publique de 1882 du tramway[11] indique que :

« Le réseau comprendra les lignes suivantes et empruntera les voies publiques ci-après désignées :

Ligne no 1. — De la place du Calvaire à Orival, en passant par les rues de la Barrière, de la République, Saint-Étienne et de Rouen (chemin de grande communication no 132). Dans la commune d'Orival : route de Rouen (chemin de grande communication no 132).

Ligne no 2. - De la place du Calvaire Ă  Saint-Pierre-lez-Elbeuf, par la rue de Caudebec (chemin de grande communication no 144). Dans la commune de Caudebec-lez-Elbeuf : rue de la RĂ©publique (chemin de grande communication no 144). Dans la commune de Saint-Pierre-lez-Elbeuf : rue de Louviers (chemin de grande communication no 144).

Ligne no 3. — De la place du Calvaire à Saint-Aubin (gare de la ligne de Rouen à Serquigny), par la rue de Paris (chemin de grande communication no 144). Dans la commune de Saint-Aubin-Jouxte-Boulleng : par la rue de la République (chemin de grande communication no 144) et le chemin d'accès à la gare. La ligne no 3 aboutit dans la cour de la gare.

Ligne no 4. — De la place du Calvaire à la gare de la ligne de Rouen à Chartres, par la rue du Neubourg (chemin de grande communication no 132), la rue de l'Union (voirie urbaine), et par la rue Saint-Jacques et l'avenue Gambetta (annexe du chemin de grande communication no 132). La ligne no 4 aboutit dans la cour de la gare.

Ligne no 5. — De la gare d'Elbeuf-Saint-Aubin à la place du Champ-de-Foire, en empruntant la ligne no 3 jusqu'à la rue Thiers, puis passant par les rues Thiers et Solférino (voirie urbaine). La ligne no 5 aboutit au Champ de Foire et aux quais. »

Voie

Le dépôt à Saint-Aubin-lès-Elbeuf.

L'ensemble des lignes avait été établi à voie unique, le plus souvent en accotement des rues, sauf dans le centre de la ville d'Elbeuf où la largeur des artères avait permis l'établissement d'une voie centrale avec la présence de longs garages. Pour assurer le croisement des motrices, quatorze évitements avaient mis en place (neuf sur la grande ligne, cinq sur la ligne des gares).

Rails. De gauche Ă  droite :
- type UIC 60,
- type Vignole,
- type Broca ou à gorge, typique des voies de tramway car permettant l'implantation de la voie dans la chaussée,
- type double champignon symétrique,
- et double champignon asymétrique

Les rails utilisĂ©s Ă©taient de type Broca de 44 kg/m Ă  l'origine (une bonne partie des voies fut renouvelĂ©e en 1913 en rails du mĂŞme type, mais de 36 kg/m). Le rĂ©seau possĂ©dait un profil facile, les voies Ă©taient gĂ©nĂ©ralement Ă©tablies en palier sauf Ă  la sortie d'Elbeuf sur la ligne no 1 près d'Orival ou non loin de la gare d'Elbeuf-Ville sur l'itinĂ©raire no 4 oĂą les pentes atteignaient un plus de 50 â€° sur de courtes sections[22].

La voie a été renouvelée en 1912/1913 pour 80 % de sa longueur[23].

Les différents arrêts étaient matérialisés par des poteaux blancs, les voyageurs prenaient leur billet auprès du personnel à bord du tramway[22].

DĂ©pĂ´t

Un seul bâtiment suffisait à l'exploitation du réseau et regroupait les bureaux de la Compagnie, le dépôt et l'atelier de réparation du matériel ainsi que la centrale électrique alimentant la ligne[24]. Ce vaste ensemble (agrandi en 1910) se situait sur le territoire de la commune de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, non loin de la Seine, dans un périmètre délimité par les rues Nivert, Saint-Louis et Caroline[25].

Production d'Ă©nergie

La STEE avait sa propre centrale Ă©lectrique installĂ©e dans l'emprise du dĂ©pĂ´t Ă  Saint-Aubin. MalgrĂ© des extensions de capacitĂ©, et compte tenu de la puissance Ă©lectrique vendue Ă  des particuliers ou des entreprises, cette centrale se rĂ©vĂ©la insuffisante et une nouvelle est mise en service en au Grand-Quevilly, dotĂ©e de 4 turbines de 7 500 cv[23], destinĂ©e Ă  alimenter un nouveau rĂ©seau de tramways entre Rouen et Elbeuf. Elle Ă©tait reliĂ©e au tramway d'Elbeuf par un feeder entre Grand-Quevilly et Grand-Couronne par la forĂŞt du Rouvray, puis gagnait Orival jusqu'Ă  une sous-station situĂ©e rue Chanzy. Un autre feeder alimentait le rĂ©seau du tramway de Rouen. Dans l'attente de la mise en service de cette centrale, la SREE exploitait l'usine de son ancienne rivale, la compagnie elbeuvienne du Gaz[18]. En 1913, un autre feeder reliait la sous-station de la rue Chanzy et la place du Coq.

La STEE alimentait à cette époque le réseau de tramway, les réseaux municipaux de Saint-Aubin et d'Elbeuf et la compagnie elbeuvienne du gaz, qui distribuait l'électricité à Caudebec et Saint-Pierre, par l'intermédiaire de sa sous-station de la rue du Neubourg à Elbeuf[26]

Exploitation

Fréquences

Dès 1898, le rĂ©seau est exploitĂ© en deux lignes : la grand ligne entre Saint-Pierre, Caudebec, Elbeuf et Orival, soit 6,935 m. parcourus en 32 minutes. Les tracĂ©s 3 et 4 rĂ©unis formaient la ligne des gares, dont le dĂ©veloppement Ă©tait de 2,345 m. et qui Ă©taient parcourus en 12 minutes. Ces deux lignes se croisaient Ă  la place du Calvaire, sans assurer de correspondances entre-elles. Lors de l'ouverture, les frĂ©quences Ă©taient d'un tramway toutes les 12 minutes sur la ligne des gares, toutes les 20 minutes sur la grande ligne[27].

La ligne des gares était contractuellement tenue d'assurer les correspondances avec les trains de 5 h 5 à 20 h 25, mais cette obligation, peu respectée, amena de nombreuses réclamations[27].

En 1900, afin d'éviter une sous-fréquentation des tramways en fin de ligne, une navette est créée sur la grande ligne, signalée par une plaque blanche à point rouge, entre Les Rouvalets et Caudebec-Assemblée à la fréquence de 8 minutes, le reste de la ligne étant desservi toutes les 16 minutes[28]. Cette navette disparait au service d'hiver 1901-1902, la fréquence de la grande ligne étant portée à 12 minutes et celle de la ligne des gares à 8 minutes[19].

Tarifs

Ă€ l'ouverture de la ligne, les tarifs Ă©taient de 15 centimes en 1re classe et 10 centimes en 2de classe. Du fait de la fusion des lignes , le trajet Saint-Pierre - Orival coutait 30 et 20 centimes. Des billets d'aller-retour existaient Ă©galement, Ă  20 et 15 centomes la section. En 1899 est crĂ©Ă©e une carte hebdomadaire pour abonnements ouvriers, autorisant l'aller entre 5 h et 7 h, ainsi que le retour entre 18 h et 19 h pour 70 centimes. Une carte Ă  1,25 FRF permettait un voyage supplĂ©mentaire entre 11 h et 13 h[29].

Afin de tenter de retrouver le trafic initial du réseau, la compagnie crée en 1901 un tarif de correspondance entre les deux lignes à 15 et 10 centimes entre Les Rouvalets, L'assemblée, Saint-Aubin et Elbeuf-ville[19].

Afin de tenter de pallier les dĂ©règlements Ă©conomiques de la guerre puis de l'après-guerre, les tarifs sont relevĂ©s le et la carte d'abonnements passa Ă  1 FRF, puis 1,05 FRF le , 1,10 FRF le , 1,30 FRF le et le . Le tarif des correspondances est supprimĂ© le , les voyageurs devant alors payer un second billet en changeant de ligne[30].

Données statistiques

En 1899, le rĂ©seau a transportĂ© 1 443 899 voyageurs, chiffre notable pour une agglomĂ©ration de 40 000 habitants, gĂ©nĂ©rant une recette journalière de 50 francs[31].

En 1900, la recette journalière n'Ă©tait plus que de 48 francs, soit 210 875 FRF de dĂ©penses et 188 333 FRF de recettes et un dĂ©ficit de 22 542 FRF[31], pour 601 108 km parcourue par l'ensemble des motrices et 24 970 km pour les remorques[23].

En 1904, le budget est Ă©quilibrĂ© grâce Ă  la vente d’énergie Ă©lectrique, mais, en 1906, la STEE prĂ©sentait un dĂ©ficit de 40 176 FRF pour une recette de 180 953 FRF[19]

En 1912, annĂ©e de rĂ©alisation d'importants travaux, la recette fut de 208 275 FRF pour une dĂ©pense de 211 627 FRF et 1 172 560 voyageurs[23].

En 1921, les rames du tramway ne parcoururent que 397 708 km, gĂ©nĂ©rant une recette (compte tenu de l'inflation de l'Ă©poque) de 470 213 FRF et un dĂ©ficit de 23 481 FRF[30].

Personnel

Peu de renseignements sont parvenus sur le nombre de salariés employés par les Compagnies qui ont exploité le tramway sur près de trente ans. En 1900, le personnel comptait cinquante employés répartis de la manière suivante[13]:

  • deux membres parmi le personnel administratif ;
  • trente-deux membres parmi le personnel de traction : chef de dĂ©pĂ´t, employĂ©s du dĂ©pĂ´t, wattmen ;
  • quatorze parmi le personnel de l'exploitation : employĂ©s de bureau, receveurs ;
  • deux membres du personnel de voie : cantonniers.

Comme dans d'autres réseaux peu étendus, les tâches annoncées ne correspondaient pas toujours aux fonctions réelles du personnel, ce dernier pouvant occuper plusieurs postes en fonction des besoins. De surcroit, l'emploi occasionnel de personnel du second réseau des tramways de Rouen (géré également par M. Cauderay) au début de l'exploitation et de salariés saisonniers (une dizaine durant l'été) rendent difficile l'évaluation du nombre d'employés du tramway[13].

Vestiges et matériels préservés

Le réseau Astuce, qui a succédé en 2011 au réseau TAE, est un lointain successeur du tramway d'Elbeuf.

Notes et références

Notes

  1. Une première gare fut établie dans la commune de Saint-Aubin-Jouxte-Boulleng (sur la rive droite de la Seine) devenue, en 1931, Saint-Aubin-lès-Elbeuf. Pour des raisons de commodité, le nom récent est systématiquement employé dans l'article.
  2. Il s'agissait de la gare de Rouen oĂą arrivaient les trains de la Compagnie des chemins de fer du Nord.

Références

  1. Bertin 1994, p. 210
  2. Bayeux 1969, p. 27
  3. Lamy 1987, p. 11-12.
  4. Lamy 1987, p. 12.
  5. « Décret du 8 février 1882 qui déclare d'utilité publique l'établissement d'un réseau de Tramways dans la ville d'Elbeuf et sa banlieue (ainsi que le traité de rétrocession et le cahier des charges de la concession) », Bulletin des lois de la République française, xII no 692,‎ , p. 524-539 (lire en ligne, consulté le ), sur Gallica.
  6. Bayeux 1969, p. 28
  7. Bayeux 1969, p. 29
  8. Bertin 1994, p. 210-211.
  9. Courant 1982, p. 50.
  10. Bertin 1994, p. 211.
  11. « Décret du 19 octobre 1898 concernant l'établissement d'un réseau de Tramways dans la ville d'Elbeuf et sa banlieue (ainsi que la convention passée entre la ville et le département, le traité de rétrocession et le cahier des charges de la concession) », Bulletin des lois de la République française, xII no 2035,‎ , p. 883-900 (lire en ligne, consulté le ).
  12. Bayeux 1969, p. 34.
  13. Bayeux 1969, p. 35.
  14. La Compagnie centrale des chemins de fer et tramways, a construit et exploité par elle-même ou par des filiales les réseaux de tramways et chemins de fer secondaires du Beaujolais, Tarn et Côtes-du-Nord, tramways de la rive gauche de Paris et Bouches-du-Rhône.
  15. Marquis 1983, p. 112
  16. Bayeux 1969, p. 36
  17. Bertin 1994, p. 212
  18. Lamy 1987, p. 26.
  19. Lamy 1987, p. 25.
  20. Bayeux 1969, p. 37
  21. Bayeux 1969, p. 38
  22. Bayeux 1969, p. 31
  23. Lamy 1987, p. 27.
  24. « La centrale électrique d'Elbeuf », notice no IA76001814, base Mérimée, ministère français de la Culture
  25. « Le dépôt du tramway », notice no IA76001813, base Mérimée, ministère français de la Culture
  26. Lamy 1987, p. 27-28.
  27. Lamy 1987, p. 22-23.
  28. Lamy 1987, p. 23-24.
  29. Lamy 1987, p. 23.
  30. Lamy 1987, p. 29.
  31. Lamy 1987, p. 24.

Annexes

Bibliographie

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  • HervĂ© Bertin, Petits trains et tramways haut-normands, Le Mans, CĂ©nomane/La Vie du Rail, , 224 p. (ISBN 2-905596-48-1 et 2902808526) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Jean-Luc Bayeux, « Les transports en commun de la ville d'Elbeuf (1872-1936) », Chemins de fer rĂ©gionaux et urbains, no 92,‎ (ISSN 1141-7447) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Alain Lamy, Le Tramway d'Elbeuf : de 1872 Ă  1936, Saint-Aubin-lès-Elbeuf, Éditions Temps libre, ADÉSA, , 271 p. (ISBN 2-9501670-1-2) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
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  • RenĂ© Courant, Le Temps des tramways, Menton, Éditions du Cabri, , 192 p. (ISBN 2-903310-22-X) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Jean-Claude Marquis, Petite histoire illustrĂ©e des transports en Seine-InfĂ©rieure au XIXe siècle, Rouen, Éditions du CRDP, Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • EncyclopĂ©die gĂ©nĂ©rale des transports : Chemins de fer, vol. 12, Valignat, Éditions de l'Ormet, (ISBN 2-906575-13-5) Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Articles connexes

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