Smegma
Le smegma est, de manière générale, la sécrétion d'une glande sébacée.
Ce terme sert en particulier à désigner la substance blanchâtre et caséeuse, composée d'un mélange de débris de cellules épithéliales mortes et de sécrétions sébacées lubrifiantes, qui s'accumule souvent sous le prépuce ou dans la région vulvaire autour du clitoris, de manière plus ou moins importante selon les individus, leur âge et leurs pratiques d'hygiène corporelle.
Le smegma est produit de manière naturelle chez la plupart des mammifères, mâles et femelles — y compris les humains, par les glandes prépuciales chez l'homme et les glandes de Tyson (ou glande prépuciale) chez la femme.
Son rôle est encore mal compris. Une partie des composantes odorantes du smegma pourrait avoir eu ou avoir une fonction hormonale ou phéromonale. C'est un milieu dans lequel se développe une microflore particulière[1].
Étymologie
« Smegma » est un terme médical d'étymologie latine (1819, du latin smegma, « détergent », du grec smekhein, « laver, essuyer, nettoyer »).
Le smegma humain
Femme
Chez la jeune fille et la femme, le smegma s'accumule habituellement dans le sillon formé de chaque côté de la vulve par les petites lèvres et les grandes lèvres, ainsi que sous le capuchon du clitoris.
Il est notamment produit par les glandes de Tyson (glande prépuciale), mais modifié par le contact avec l'air, l'urine et les sécrétions vaginales ou certains produits d'hygiène intime.
Son accumulation peut parfois induire, en le recouvrant, une diminution de la sensibilité du clitoris.
En complément des sécrétions vaginales et vulvaires, il servirait à nettoyer et lubrifier les organes génitaux féminins, le clitoris en particulier, tout en participant à la signature odorante individuelle (personnalisée, mais également sexuée, c'est-à -dire différente de la signature masculine).
Dans l'éducation des jeunes filles bourgeoises ou des pensionnats religieux du XIXe siècle, dans un contexte à la fois hygiéniste (pastorien) et particulièrement « prude »[2], le smegma semble avoir été très négativement connoté. Une double raison pourrait être son odeur, probablement plus intense à cette époque où les moyens d'hygiène intime étaient plus rares qu'aujourd'hui, et le fait qu'il soit supposé favoriser ou induire un besoin de masturbation — alors également négativement connotée (la femme n'était censée avoir une sexualité qu'au service de l'enfantement et réserver le plaisir sexuel (quand il était toléré) à son seul époux)[3]. Le contexte social victorien et hygiéniste a favorisé dans l'Angleterre victorienne puis dans une partie de l'Amérique du Nord, une « mode » consistant à circoncire les jeunes filles de bonne famille, voire à leur imposer la clitoridectomie[3]. La littérature médicale de l'époque montre que les médecins avaient conscience de l'importance de la stimulation clitoridienne pour la femme, et cherchaient souvent à conserver le clitoris, tout en répondant à la demande des parents ou autorités de tutelle de corriger un état malsain supposé encourager la masturbation, voire la démence[3]. Ces médecins nettoyaient le smegma, ou les adhérences entre le clitoris et son capuchon, ou procédaient à l’exérèse du capuchon (circoncision féminine) et parfois à l'ablation du clitoris (clitoridectomie) pour corriger l'instinct sexuel de jeunes filles jugées tombées dans un état tenu pour malsain par la société de l'époque[3], avec le risque de provoquer des infections post-opératoires graves, des séquelles physiques[4] - [5] et en causant parfois des troubles de la sexualité féminine pour toute la vie[6].
Chez le garçon
Chez l'enfant en bas âge, la sécrétion de smegma permet ou favorise le « décollement » du prépuce par rapport au gland, solidaires dès la naissance et jusqu'à l'âge de deux à quatre ans[7] en diminuant le risque de phimosis[8]. Il servirait ensuite à nettoyer et lubrifier les organes génitaux masculins et la base du gland, tout en participant à la signature odorante individuelle.
Smegma et santé
L'opinion médicale considère qu'une accumulation excessive de smegma sous le capuchon clitoridien ou chez le garçon et l'homme dans la cavité préputiale (sillon balano-préputial) doit être évitée, à cause des complications que celle-ci peut entraîner. Le smegma accumulé entre le gland et le prépuce peut participer à une infection ou aggraver un type d'inflammations du gland, connues sous le nom de balanites, qui est l'une des causes de phimosis.
Le meilleur moyen d'éviter l'accumulation de smegma consiste simplement à laver fréquemment la région concernée à l'eau tiède, de préférence sans utiliser de produits à base de savon, qui peuvent enlever le film gras (film hydrolipidique) recouvrant et protégeant naturellement la peau, et ainsi favoriser le dessèchement de la peau du gland, voire provoquer des dermatites atopiques.
En Europe, un article serbe de 1974 a émis l'hypothèse que le smegma préputial puisse favoriser le cancer, hypothèse qui a été utilisée par certains promoteurs de la circoncision, et qui a favorisé une tendance à la circoncision préventive du nouveau-né[12]. Cette hypothèse a cependant — sur la base des données scientifiques disponibles — été ensuite démentie[13] - [14].
Dans certaines régions du monde (Inde, certains pays africains), le smegma semble (les arguments scientifiques sont encore discutés en raison de biais possibles) pouvoir particulièrement abriter ou favoriser le VIH. Cet argument a aussi été utilisé pour encourager la circoncision.
Incidence de la circoncision
Les hommes circoncis, suivant leur degré de circoncision, ne produisent pas (ou très peu) de smegma. L'association de la circoncision à une meilleure hygiène est invoquée depuis l'Antiquité, Hérodote rapportant au Ve siècle av. J.-C. dans le second livre de ses Histoires que les prêtres d'Égypte se circoncisaient par mesure d'hygiène[15]. Cette idée antique a perduré jusqu'à nos jours, provoquant un débat sur son fondement scientifique, l'American Academy of Pediatrics soulignant que « la circoncision a été suggérée comme une méthode efficace pour maintenir l'hygiène du pénis depuis l'époque des dynasties égyptiennes, mais il existe peu de preuves pour affirmer le lien entre le statut de circoncision et une hygiène optimale du pénis »[16]. Si, en 2010, la Royal Dutch Medical Association affirmait « qu'il n'existe aucune preuve convaincante que la circoncision est utile ou nécessaire sur le plan de la prévention ou de l'hygiène. »[17], pour l'OMS « l’hygiène du pénis est plus facile pour les hommes circoncis. Les sécrétions ont tendance à s’accumuler entre le gland et le prépuce, ce qui oblige les hommes non circoncis à décalotter le gland pour nettoyer régulièrement le prépuce »[18]. Une obligation, ou plutôt la marque d'une hygiène régulière puisqu'il suffit d'un peu d'eau pour effectuer cette toilette, ce qui peut poser un problème dans les régions du monde où l'eau est rare. « La circoncision empêche la production du smegma secrété par les glandes sébacées situées sur la surface interne du prépuce et qui sert à nettoyer et lubrifier le gland. »[19]
Chez les autres mammifères
Chez l'animal, bien que des infections prépuciales ou du gland soient connues, le smegma semble avoir un rôle plutôt protecteur contre les microbes (on l'a même utilisé comme médicament, avec le castoréum par exemple).
En médecine vétérinaire, l'analyse du smegma est parfois utilisée pour la détection des agents pathogènes des voies génito-urinaires, tels que le Tritrichomonas foetus[20].
Chez le cheval
L'accumulation de smegma chez le cheval pourrait favoriser le transport du Taylorella equigenitalis (en), l'agent causal de la métrite contagieuse équine[21]. Certains vétérinaires équins ont ainsi recommandé le nettoyage périodique des organes génitaux des chevaux afin d'améliorer leur santé[22].
Notes et références
- (en) Anyanwu LJ, Kashibu E, Edwin CP, Mohammad AM (2012) « Microbiology of smegma in boys in Kano Nigeria » J Surg Res. (en) 2012;173(1):21-5. .
- (en) Studd J, Schwenkhagen A. Maturitas (2009) « The historical response to female sexuality » Maturitas (en) 2009;63(2):107-11. .
- (en) SW Rodriguez « Rethinking the history of female circumcision and clitoridectomy: American medicine and female sexuality in the late nineteenth century » J Hist Med Allied Sci. (en) 2008;63(3):323-47. .
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- (en) Kristensen IB. Ugeskr Laeger (2008), Epithelial inclusion cyst of the clitoris as a late complication of childhood female circumcision ; 2008 Jan 7; 170(1):59 (résumé).
- (en) Thabet SM, Thabet AS. « Defective sexuality and female circumcision: the cause and the possible management » J Obstet Gynaecol Res. 2003;29(1):12-9. .
- « Soins du bébé »
- (de) Schöberlein W. Munch Med Wochenschr (1967) « Bedeutung und Häufigkeit von Phimose und Smegma [Significance and incidence of phimosis and smegma] » 1967;108(7):373-7. .
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- (en) Waskett JH, Morris BJ (2008) « Re: 'RS Van Howe, FM Hodges. The carcinogenicity of smegma: debunking a myth.' An example of myth and mythchief making? » J Eur Acad Dermatol Venereol. (en) 2008 Jan;22(1):131.
-
« Ils se font circoncire par principe de propreté, parce qu'ils en font plus de cas que de la beauté »
— Hérodote (trad. du grec ancien par Pierre-Henri Larcher), Histoires, vol. II (lire en ligne), chap. 38.
- (en) Task Force on Circumcision, « Circumcision Policy Statement », Pediatrics (en), vol. 103, no 3,‎ , p. 686–693 (ISSN 0031-4005 et 1098-4275, PMID 10049981, DOI 10.1542/peds.103.3.686, lire en ligne, consulté le ) :
« Circumcision has been suggested as an effective method of maintaining penile hygiene since the time of the Egyptian dynasties, but there is little evidence to affirm the association between circumcision status and optimal penile hygiene. »
- « There is no convincing evidence that circumcision is useful or necessary in terms of prevention or hygiene. »(en) « Non-therapeutic circumcision of male minors (2010) », KNMG, .
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