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Sidi Ahmed Benyoucef

Sidi Ahmed Benyoucef est un saint musulman algérien du XVe siÚcle, auteur de dictons satiriques fort populaires en Algérie. Son mausolée se situe à Miliana, ville dont il est le saint parton.

Sidi Ahmed Benyoucef
Mosquée de Sidi Ahmed Benyoucef à Miliana dans la Wilaya d'Aïn Defla
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Autres noms
al-RĂąchidĂź

Figure de mysticisme soufi, et en conflit avec les Zianides, il joue un rÎle de pionnier dans l'établissement ottoman en Algérie, en soutenant la résistance menée par les Barberousse contre les Espagnols.

Biographie

Origine et vie familiale

KalĂąa des Beni Rached.

Sidi Ahmed Benyoucef est nĂ© Ă  la KalĂąa des Beni Rached, selon la version la plus courante[1], prĂšs d'Oran, en 1432[2], moins d'un siĂšcle avant la conquĂȘte de la ville par les Espagnols[3].

Ahmed est le nom du saint, Youcef serait le nom de son pÚre ou de son grand-pÚre[1]. Ses biographes le représentent comme un homme grand de taille, de caractÚre jovial. Il portait un turban, une djellaba et un burnous blancs[4].

Des gĂ©nĂ©alogistes lui donnent une origine arabe chĂ©rifienne. Mais c'est un BerbĂšre, ainsi que le montre le nom de certains de ses ancĂȘtres : Yamdas, YaĂąla[1]. On le rattache souvent Ă  la tribu des Maghraouas. Son principal biographe, Al-Sabbagh, lui attribue des mots et des phrases en berbĂšre. Ainsi, il se faisait appeler ddada (mot berbĂšre qui signifie «grand frĂšre»)[1]. Selon une autre lĂ©gende, Benyoucef Ă©tait le fils d'un saint du Gourara, un certain Mansour, surnommĂ© Boukerkour, dont le tombeau est encore visitĂ© de nos jours[1].

Ahmed Benyoucef a eu plusieurs épouses, dont on connaßt les noms de quatre : Setti, Kalila, Aïcha et Khadidja. Son épouse Setti, va lui donner des enfants, notamment Mohamed Al-Seghir, surnommé Ameziane (en berbÚre, le jeune). Avec Setti, il aurait eu également une fille appelée Aïcha qui est morte au cours d'un séjour au Sahara[4].

Mystique soufi

Procession du mouloud Ă  Sidi Boumediene Ă  Tlemcen.

Sidi Ahmed Benyoucef aurait suivi des cours de maĂźtres soufis de son Ă©poque, notamment le mystique Ahmed Zarrouq Al-Barnousi qui l'a initiĂ© au soufisme et au mysticisme musulman, notamment Ă  la tariqa des Chadhiliyya[1]. Il se retire, Ă  Seguia el-Hamra pour enseigner le soufisme et tout spĂ©cialement la doctrine de Abd al Qadir al-Jilani. Il ne quitte cette rĂ©gion qu'aprĂšs avoir formĂ© un autre maĂźtre qu'il laisse Ă  la tĂȘte de la zaouia. AprĂšs cette retraite, il se dirige alors vers le Maghreb central[5].

Sidi Ahmed Benyoucef séjourne dans plusieurs villes de l'Ouest algérien : à Oran, Mostaganem, Tlemcen, ville du précurseur du soufisme maghrébin Sidi Boumediene. Il vécut quelques années avec des saints auprÚs desquels il enrichissait son inspiration spirituelle et ses connaissances divines[6]. II se manifeste à Mascara chez les Hasham de Ghriss, au milieu de marabouts solidement ancrés. On le retrouve également à Médéa, à Blida, et enfin à Béjaïa[6]. Ses séjours dans l'Ouarsenis et le Djurdjura, en Kabylie, ont été les plus longs[1].

Vers 1502, de retour Ă  Mostaganem, Sidi Ahmed Benyoucef est livrĂ© Ă  de nombreuses polĂ©miques. La plus chaude controverse, Ă©voquĂ©e dans les manĂąqib, est celle qui l’oppose Ă  Abd-al-RahmĂąn b.AĂŻsa, grand thĂ©ologien orthodoxe de la ville. Elle persiste presque six mois avant d'ĂȘtre remportĂ©e par lui. Reconnaissant sa dĂ©faite et l'Ă©tendue de la science de l'exĂ©gĂšse, le mufti devient un de ses plus grand zĂ©lĂ©s[6].

Ses disciples les plus célÚbres sont : Ahmad b. Shùa, patron des Beni Zarwal, qui est également gagné par la cause ottomane, Shihab al-Din al-Qastalani, Abdaslam b. Mashish, et S.Bahloul[6]. En outre, il a eu comme élÚve le célÚbre ouali du Djurdjura Sidi Mohamed Ech-Cherif de la Kalùa des Béni Rached. Quant à son élÚve de Saguiet El Hamra, Sidi Mohamed Ben Abderrahmane Es Souhli, il compte parmi ses élÚves Sidi Abdelkader Ben Mohamed, plus connu sous le nom de Sidi Cheikh, Sidi Yahia Ben Safia et Sidi Ahmed Ben Moussa, le fondateur de la zaouia de Kerzaz[5].

Opposant au pouvoir zianide

Prise d'Oran par les Espagnols.

Contemporain du dĂ©but de XVIe siĂšcle, une pĂ©riode marquĂ©e de transition et de lutte pour le pouvoir, Sidi Ahmed Benyoucef incarnait comme tant d'autres mystiques, le soulĂšvement des autochtones contre les abus du pouvoir zianide et la rĂ©sistance contre les Espagnols[7]. Il joue ainsi un rĂŽle politique en soutenant, contre eux, la cause de Khayr ad-Din Barberousse, le nouveau maĂźtre d’Alger pour le compte des Ottomans[8]

Le relùchement religieux de la dynastie régnante et le danger chrétien qui ne cessait de grandir, le poussent à jouer un rÎle éminent dans les affaires politiques locales. Son influence et ses succÚs parmi la population d'Oran, lui attire la jalousie de l'émir Abu Abdallah, qui le persécute avant de le condamner à mort. Mais celui-ci, selon la légende, dût échapper miraculeusement au bûcher[9].

En rassemblant ses fidÚles et ses biens pour aller installer dans la plaine du Chelif, le saint lance aux Zianides son mot célÚbre : « Vous nous avez causé des inquiétudes que Dieu vous en cause par terre et par mer ». Les résultats de cette invocation ne se font pas attendre, les Espagnols venus par la mer s'emparent d'Oran en 1509 et les Turcs venus par voie terrestre entrent à Tlemcen en 1517[10].

Il joua un rĂŽle de pionnier dans l'Ă©tablissement turco-ottoman en AlgĂ©rie[9]. En conflit avec les Zianides qui cherchaient un compromis avec les Espagnols. Sidi Ahmed Benyoucef donne Ă  Arudj Barberousse qu'il aurait connu, une mission de djihad au Maghreb. Ce dernier, pour l’en remercier, lui aurait fait plus tard un don Ă  la zĂąwiya de Miliana[3].

Mort

Quelques années avant sa mort, il part faire le pÚlerinage à la Mecque. Il attendait la mort de le sultan Aba Abdallah, son ennemie juré, pour revenir à Tlemcen et rentrait aussitÎt en lutte contre ses rivaux[9].

Lorsqu’il meurt en 1524, son cadavre est attachĂ© Ă  sa mule et enterrĂ© lĂ  oĂč l’animal s’arrĂȘte, en l’occurrence un tas d’immondices Ă  l’entrĂ©e de Miliana. On Ă©rige par la suite un sanctuaire Ă  cet emplacement, qui deviendra un lieu de pĂšlerinage frĂ©quentĂ©[8].

Postérité

Mausolée de Sidi Ahmed Benyoucef.

Sidi Ahmed Benyoucef est le saint-patron (walÄ«) de la ville de Miliana en AlgĂ©rie[11]. Il est l’un des walÄ« les plus populaires dans tout l’Ouest algĂ©rien et de larges parties du Maroc[8] et l'une des figures les plus illustres du XVe siĂšcle et les plus apprĂ©ciĂ©es dans l'hagiographie locale et l'apologie religieuse[7].

On lui attribue des dictons satiriques (daùwß ), fort populaires en Algérie et extraordinairement fantasques[9]. Dans l'ethnographie coloniale, le saint est célÚbre à la fois comme auteur présumé de dictons satiriques et comme patron de sectes hérétiques[10]. Ainsi, René Basset publie Les dictons satiriques attribués à Sidi Ahmed ben Yƫsuf en 1890[12]. Son double personnage, oscillant entre l'orthodoxie et les tendances gnostiques suspectées, provoque sa « popularisation » et l'inclination folklorique de sa postérité. Ses connaissances mystiques et son orthodoxie, reconnues par les uns, récusées par les autres, deviennent objet de polémiques et de suspicions[9].

Son biographe et disciple Muhammad al-Sabbùgh al-Qalai est l'auteur Bustùn al-Azhùr jß Manùqib Zimzim al-Akhyùr wa al-Anwùr Sidi Ahmad Yûsuf al-Rùchidß al-Nasab w l-Dùr, qui est sans doute la biographie de saint la plus célÚbre au Maghreb. Ses copies manuscrites se comptent par dizaine dans les bibliothÚques publiques et privées[10].

Avant de mourir, Sidi Ahmed Benyoucef avait désigné son fils aßné Muhammad Marzûqa né de sa premiÚre femme comme héritier de sa baraka. Ainsi, la transmission du charisme du saint devient héréditaire[10]. Marzûqa comme son pÚre, est emprisonné dans les geÎles zianides et comme lui, il a failli mourir sur un bûcher[10]. Ses descendants sont restés toujours fidÚles aux Ottomans[9].

La zaouĂŻa de Sidi Ahmed Benyoucef.

Le saint est revendiquĂ© par des sectes hĂ©rĂ©tiques mahdistes, qui ont projetĂ© sur lui leurs fantasmes apocalyptiques. Le BustĂąn fait peser un silence total sur l'usage emblĂ©matique du saint par les hĂ©rĂ©sies chiliastiques[10]. En effet, pour certaines d'entre elles, le poste du Sauveur Ă©tait restĂ© vacant depuis la disparition du Mahdi Ibn Toumert. C'est le cas des AkĂąkiza du Maroc qui retrouvent dans la personne du saint, le catalyseur de leurs espĂ©rances[10]. ÉchappĂ©s Ă  la dĂ©bĂącle des Almohades, ils seront en proie Ă  de frĂ©quentes campagnes inquisitoriales, Ă  l'initiative des oulĂ©mas. Au milieu du xve siĂšcle, ils sont objet d'une vaste campagne menĂ©e du mufti de Taza[10].

Le cadi de FĂšs, Muhammed YĂ»suf al-MajjĂą se prononce sur leur mise Ă  mort, s’ils ne se repentissent pas. Il dĂ©nonce aussi leur usage de Sidi Ahmad YĂ»suf pour justifier de leur dĂ©bauche et de leur corruption. De cette filiation controversĂ©e, le saint est disculpĂ© par ses biographes orthodoxes. Ils insistent sur son image de saint orthodoxe et Ă  dĂ©faire les hĂ©rĂ©sies mahdistes de toute lĂ©gitimitĂ©[10].

DerriĂšre le tombeau du saint, se trouve celui de sa mule, percĂ© de trous oĂč les malades passent leurs mains et leurs pieds dans l’espoir de guĂ©rir[8]. Lorsque les soldats français occupent Miliana en 1840, ils virent un lion prĂšs du tombeau du saint et le lendemain, un grand serpent descendre des Ă©tages et disparaĂźtre dans la fontaine. Le fait est que, sur les 1 100 Ă  1 200 hommes de la garnison, 800 pĂ©rirent de maladies dans les mois qui suivirent. L’évĂ©nement est de nature Ă  frapper les esprits[8].

Le document d'al-SabbĂągh sur la vie du saint, donne Ă©galement une indication sur l’état linguistique de cette rĂ©gion au XVIe siĂšcle : il cite des phrases en lugha zanātiyya. On parlait encore le berbĂšre au cƓur de l’Oranie Ă  cette Ă©poque[13].

Références

  1. « Une ville, une histoire : Sidi Ahmed Benyoucef (2e partie) », sur Djazairess (consulté le )
  2. https://www.idref.fr/085185558
  3. MEYNIER Gilbert, « Épilogue. Vers l’heure ottomane », dans : L'AlgĂ©rie, cƓur du Maghreb classique. De l'ouverture islamo-arabe au repli (698-1518). Paris, La DĂ©couverte, « Hors collection Sciences Humaines », 2010, p. 303-315.
  4. « Une ville, une histoire : Sidi Ahmed Benyoucef (3e partie) », sur Djazairess (consulté le )
  5. A. Nadir, « Le maraboutisme : superstition ou rĂ©volution? », Cahiers de la MĂ©diterranĂ©e, vol. 14, no 1,‎ , p. 6 (DOI 10.3406/camed.1977.1426, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. L'Algérie mystique, op. cit. p. 37
  7. Kamel Filali, L'AlgĂ©rie mystique : Des marabouts fondateurs aux khwĂąn insurgĂ©s, XVe – XIXe siĂšcles, Paris, Publisud, coll. « Espaces mĂ©diterranĂ©ens », , 214 p. (ISBN 2-86600-895-2), p. 36
  8. François ClĂ©ment, « Les mĂ©tamorphoses animales dans l’Islam populaire mĂ©diĂ©val et moderne », dans MĂ©tamorphose(s) : XIIIe Entretiens de la Garennes Lemot, Presses universitaires de Rennes, coll. « InterfĂ©rences », (ISBN 978-2-7535-4703-2, lire en ligne), p. 297–311
  9. L'Algérie mystique, op. cit. p. 38
  10. Houari Touati, « Approche sĂ©miologique et historique d'un document hagiographique algĂ©rien », Annales, vol. 44, no 5,‎ , p. 1205–1228 (DOI 10.3406/ahess.1989.283650, lire en ligne, consultĂ© le )
  11. « Une ville, une histoire : Sidi Ahmed Benyoucef (1re partie) », sur Djazairess (consulté le )
  12. Tourneau, R. le, “KalÊżat Huwwāra”, EncyclopĂ©die de l’Islam, PremiĂšre publication en ligne: 2010.
  13. Despois, J., Marçais, G., Colombe, M., Emerit, M., J. Despois and Ph. Marçais, “AlgĂ©rie”, in: EncyclopĂ©die de l'Islam. PremiĂšre publication en ligne: 2010

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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