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Sauvetage des Juifs de Bulgarie

Le sauvetage des Juifs bulgares est un Ă©vĂ©nement historique qui a consistĂ© Ă  organiser le sauvetage d’environ 50 000 Juifs vivant en Bulgarie dans les annĂ©es 1943-1945. Les personnes ayant jouĂ© un rĂŽle dans ce sauvetage sont Dimităr PeĆĄev, le mĂ©tropolite orthodoxe Étienne de Bulgarie et le mĂ©tropolite Cyrille de Plovdiv, qui rĂ©ussissent Ă  freiner la bureaucratie pro-nazie bulgare et Ă  convaincre le roi Boris III de ne pas s’impliquer dans les persĂ©cutions contre la communautĂ© juive bulgare[1]. Les dĂ©portations prĂ©vues par les trains du , n’ont pas Ă©tĂ© mises en Ɠuvre. Les personnes impliquĂ©es dans ce sauvetage ont obtenu, sous le mandat de l’ancien prĂ©sident israĂ©lien Shimon Peres, le statut de « Juste parmi les nations ». 

Synagogue de Bourgas (aujourd'hui galerie d'expositions culturelles).
Plaque commémorative de la communauté juive de Bourgas.

Contexte historique

Contrairement aux autoritĂ©s nazies, hongroises ou roumaines de l’époque, l’état bulgare n’exprime pas bruyamment de l’antisĂ©mitisme, mais des lois antijuives sont adoptĂ©es par le Parlement[2] tandis que , sous la pression de l’Allemagne nazie, le gouvernement crĂ©e les Brannik, organisations de jeunesse inspirĂ©es de la Hitlerjugend[3].

L’alliance de la Bulgarie avec le TroisiĂšme Reich pendant la Seconde Guerre mondiale avait pour objectif de permettre au pays de rĂ©cupĂ©rer la Dobroudja du Sud, la MacĂ©doine du Vardar et la MacĂ©doine-Orientale-et-Thrace qui lui avaient Ă©tĂ© arrachĂ©es Ă  divers moments depuis le traitĂ© de San Stefano, mais qui restaient peuplĂ©es en majoritĂ© de bulgarophones. Cet objectif fut atteint, mais compte tenu de la disproportion entre les deux États, la Bulgarie devient de facto un satellite de l'Allemagne dont le gouvernement est assurĂ© par des politiciens fascistes, pro-allemands et antisĂ©mites comme dans toute l’Europe sous domination nazie. C’est le cas par exemple du Premier ministre Bogdan Filov, qui, le , promulgue le Zakon za ZaĆĄtita na Natsiyata (la « Loi sur la Sauvegarde de la nation »), premiĂšre mesure antisĂ©mite qui entre en vigueur , touchant prĂšs de 50 000 juifs. Cette loi fit rapidement rĂ©agir les humanistes bulgares comme Dimităr PeĆĄev ou le mĂ©tropolite orthodoxe de Sofia, Étienne[4] qui s’y opposĂšrent[2], suivis par une partie de l’opinion. C’est pourquoi la loi ne fut appliquĂ©e qu'aprĂšs les fĂȘtes, le . Cette loi restreignait les droits et les activitĂ©s des Juifs[5].

Une autre figure centrale du mouvement antisĂ©mite de Bulgarie dirige, depuis , le « Commissariat pour le ProblĂšme juif » crĂ©Ă© au sein du MinistĂšre de l’intĂ©rieur bulgare : c’est Alexander Belev, responsable de la dĂ©portation des Juifs de MacĂ©doine du Vardar et de MacĂ©doine-Orientale-et-Thrace (auparavant yougoslaves et grecs, mais devenus apatrides) vers le camp d'extermination de Treblinka. Belev avait signĂ© un accord secret avec le nazi Theodor Dannecker le , qui visait Ă  obtenir une dĂ©portation « efficace et non publique » de Juifs de ces rĂ©gions. Belev promet aux nazis que 20.000 Juifs seraient livrĂ©s Ă  l’industrie d’extermination nazie. Mais le « Commissariat pour le ProblĂšme juif » surestime le nombre de Juifs apatrides et doit donc, pour tenir les promesses de Belev, Ă©laborer un plan pour inclure environ 8.000 Juifs citoyens bulgares dans le plan de dĂ©portation. Ces Juifs furent raflĂ©s dans la nuit du 3 au et transportĂ©s par trains jusqu’à Lom sur le Danube, puis par bateaux Ă  Vienne, et de nouveau en trains jusqu’au camp d’extermination de Treblinka. Il s’agit des mĂȘmes bateaux qui, l’étĂ© 1940, avaient transportĂ© d’IzmaĂŻl Ă  Vienne les Allemands de Bessarabie « rapatriĂ©s » de force dans le Reich conformĂ©ment aux dispositions du pacte Hitler-Staline[6]. Le , hormis une cinquantaine de survivants, les environ 11 000 Juifs livrĂ©s par Belev aux nazis avaient Ă©tĂ© assassinĂ©s Ă  Treblinka[7].

Tout comme l’Église orthodoxe grecque, l’Église orthodoxe bulgare elle aussi, les intellectuels progressistes et une partie importante de l’opinion s’opposaient Ă  la persĂ©cution des Juifs quelle que soit leur citoyennetĂ©, et lancent des pĂ©titions Ă©manant d’organisations, d’écrivains, d’artistes, d’avocats et de chefs religieux, entre autres[5] - [8]. DĂ©jĂ  le , le mĂ©tropolite Étienne de Bulgarie avait lancĂ© une campagne contre le port de l’étoile jaune dans un sermon oĂč il affirmait que mĂȘme si certains fanatiques chrĂ©tiens affirment que les Juifs ont « trahi le Christ », il n’appartient pas aux hommes de torturer ou de persĂ©cuter ces Juifs[4].

Comme en Roumanie voisine, le dĂ©but des politiques antisĂ©mites remonte Ă  1939 en Bulgarie, mais l’escalade de l’antisĂ©mitisme d’état est largement due Ă  la montĂ©e en puissance des fascistes locaux, dont Alexander Belev et sa loi pour la « Protection de la Nation » en 1940. Le roi Boris III dut ĂȘtre dissuadĂ©, quoique pas sans dĂ©bat houleux et prolongĂ©, de retirer sa dĂ©cision d’expulser les Juifs bulgares hors du pays. L’effort antifasciste Ă©tait coordonnĂ© par Dimităr PeĆĄev, vice-prĂ©sident de l’AssemblĂ©e lĂ©gislative et par les mĂ©tropolites Cyrille et Étienne[9].

Sauvetage

Si les Juifs citoyens bulgares ont bĂ©nĂ©ficiĂ© en partie d’une relative mansuĂ©tude grĂące aux pressions des politiciens bulgares progressistes comme Dimităr PeĆĄev, en revanche ceux de MacĂ©doine et de Thrace, devenus apatrides aprĂšs avoir Ă©tĂ© citoyens yougoslaves ou grecs, n’ont reçu aucune protection du gouvernement bulgare. On retrouve la mĂȘme situation dans les autres pays satellites de l’Allemagne : la Hongrie de MiklĂłs Horthy, la Roumanie d'Ion Antonescu, la Croatie d'Ante Pavelić ou la France occupĂ©e de Philippe PĂ©tain ont toutes commencĂ© par dĂ©porter les Juifs qui n’avaient pas la citoyennetĂ© du pays, avant de s’en prendre Ă  leurs propres citoyens, en raison des rĂ©ticences de l’opinion[10]. En Bulgarie, des citoyens et des chefs religieux menacĂšrent de bloquer le passage des trains de dĂ©portĂ©s en s’allongeant sur les rails. Cela dissuada le roi Boris III de poursuivre les dĂ©portations et le il dĂ©cida d’assigner les Juifs Ă  des groupes de travaux agricoles ou de voirie dans tout le pays, assurant Ă  Adolf Eichmann et Adolf Hitler que la Bulgarie a besoin de ces Juifs pour l’entretien des routes et des chemins de fer ainsi que pour les rĂ©coltes qui seraient autrement entravĂ©es : c’était aussi l’« argumentaire » du juste Traian Popovici pour ne pas livrer tous les juifs de la ville dont il Ă©tait maire, Tchernivtsi[11].

HĂ©ritage

À Washington DC, un croisement jouxtant l’ambassade bulgare a Ă©tĂ© baptisĂ© « Dimitar Peshev Plaza » en l’honneur de Dimităr PeĆĄev[12]. Le est cĂ©lĂ©brĂ© en Bulgarie comme le « Jour CommĂ©moratif de l'Holocauste », en souvenir du jour de 1943 oĂč le roi Boris III dĂ©cida de suspendre les dĂ©portations. Le , la Bulgarie a cĂ©lĂ©brĂ© le 73e anniversaire de la Shoah et du sauvetage[13].

En aoĂ»t 2022, Yad Vashem avait reconnu 20 Bulgares comme Justes.

Bibliographie

  • (en) Michael Bar Zohar, Beyond Hitler's Grasp. The Heroic Rescue of Bulgaria's Jews, Adams Media Corporation,
  • (en) Christo Boyadjieff, Saving the Bulgarian Jews, Free Bulgarian Center,
  • (en) Frederick B. Chary, The Bulgarian Jews and the final solution, 1940-1944, University of Pittsburgh Press,
  • (bg) David Cohen, ĐžŃ†Đ”Đ»ŃĐČĐ°ĐœĐ”Ń‚ĐŸ, Shalom,‎
  • (it) Gabriele Nissim, L'uomo che fermo Hitler, Mondadori,
  • (en) Haim Oliver, We Were Saved : How the Jews in Bulgaria Were Kept from the Death Camps, Sofia, Sofia Press,
  • (en) Tzvetan Todorov, The Fragility of Goodness. Why Bulgaria's Jews Survived the Holocaust, Weidenfeld & Nicolson,

Voir aussi

Notes et références

  1. (en) « The Rescue of Bulgarian Jewry », aishcom (consulté le )
  2. Dimitrina Aslanian, Histoire de la Bulgarie de l'Antiquité à nos jours, p357.
  3. B. Lory, La Bulgarie durant la Seconde Guerre mondiale
  4. Olivier Maurel, Comment la communauté juive de Bulgarie fut sauvée du génocide, Harmatta, (lire en ligne).
  5. (en) « "The Rescue of Bulgaria's Jews in World War II, by Rossen Vassilev." », Newpol.org. 2010. Web. (consulté le )
  6. Dirk Jachomowski, (de) Die Umsiedlung der Bessarabien-, Bukowina- und Dobrudschadeutschen. Von der Volksgruppe in RumĂ€nien zur „SiedlungsbrĂŒcke“ an der Reichsgrenze, Oldenbourg, Munich 1984, (ISBN 3-486-52471-2), (Buchreihe der SĂŒdostdeutschen Historischen Kommission 32).
  7. (en) « "The Fate of the Bulgarian Jews" p. 18 by Webb, Chris, and Boris Skopijet. », Holocaustresearchproject.org. "The German Occupation of Europe" HEART, 2008. (consulté le )
  8. (en) « Berenbaum, Michael. "How Are We to Understand the Role of Bulgaria."9 Apr. 2012 », Past.bghelsinki.org. (consulté le )
  9. « Himka, John, and Joanna Michlic. "Debating the Fate of Bulgarian Jews During World War II." Bringing the Dark past to Light: The Reception of the Holocaust in Postcommunist Europe. », nebraskapress.unl.edu Board of Regents of the U of Nebraska, 2013. Print, p. 118 (consulté le )
  10. https://shalom.bg/wp-content/uploads/2016/02/Holocoust-ENG.pdf
  11. John-Paul Himka, Joanna Beata Michlic, (en) Bringing the Dark Past to Light: The Reception of the Holocaust in Postcommunist Europe, University of Nebraska Press 2013, (ISBN 978-0803225442).
  12. « DC intersection renamed for Bulgarian who saved Jews », sur timesofisrael.com (consulté le ).
  13. (en) « Bulgaria Celebrates 73rd Anniversary since Rescue of Bulgarian Jews from Holocaust of Nazi Death Camps », sur archaeologyinbulgaria.com.
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