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Roméo et Juliette (Berlioz)

Roméo et Juliette (op. 17 = H. 79) est une symphonie dramatique d’Hector Berlioz d'après la tragédie homonyme de Shakespeare. Le livret en vers a été écrit par Émile Deschamps d'après un canevas en prose dû au compositeur. L’œuvre a repoussé les limites des capacités de l'orchestre contemporain, en termes de couleur, de portée programmatique et de virtuosité individuelle.

Roméo et Juliette
Informations générales
Forme
Compositeur
Date de sortie
Album

Livret

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Composition

1839. L'œuvre est dédiée à Niccolò Paganini, qui avait fait remettre au compositeur français un chèque de 20.000 francs après avoir assisté en à un concert au cours duquel Berlioz avait dirigé la Symphonie fantastique et Harold en Italie.

Genèse

L'inspiration initiale vint d'une représentation de Roméo et Juliette (dans la version remaniée de David Garrick) au théâtre de l'Odéon, à Paris. Harriet Smithson, qui a aussi inspiré la Symphonie fantastique, faisait partie de la troupe. Dans ses Mémoires, Berlioz décrit l'effet électrisant du drame[1].

La gamme de sentiments, d'émotions autant que les inventions poétiques et formelles que Berlioz trouve chez Shakespeare ont eu une forte influence sur sa musique, qui rend cette adaptation directe d'une de ses œuvres naturelle. En fait, il avait prévu la réalisation de Roméo et Juliette longtemps avant 1838 mais d'autres projets l'ont occupé dans l'intervalle[2]. Émile Deschamps, l'auteur du livret, a indiqué avoir travaillé avec Berlioz sur la symphonie peu de temps après la saison 1827-1828 de l'Odéon. En effet il est probable que la genèse de Roméo et Juliette est liée à la composition d'autres œuvres écrites avant son séjour pour le Prix de Rome en 1830-1832. Ainsi s'explique que Sardanapale, la cantate avec laquelle Berlioz obtint enfin le Prix de Rome en 1830, inclut des mélodies de la partie Roméo seul du second mouvement et de la Grande fête chez Capulet[1].

Il y a de nombreux indices qui donnent à penser que Berlioz concevait petit à petit un schéma pour Roméo et Juliette durant son séjour en Italie. En , dans un compte rendu de I Capuleti e i Montecchi de Bellini, il souligne comment il composerait une musique pour Roméo et Juliette : le combat d'épée, un concert pour l'amour, les piquantes bouffonneries de Mercutio, la terrible catastrophe, et le serment solennel des deux familles rivales. Un court passage de ce texte figurera d'ailleurs dans le livret de la symphonie[1].

Le dispositif scénique qu'il y emploie est un élargissement de celui que Berlioz avait testé dans Lélio : dans ce monodrame lyrique, l'orchestre était placé sur la scène derrière le rideau, tandis que l'acteur prenait place sur le proscenium. La musique, entendue de façon acousmatique, était celle qui résonnait dans l'imaginaire du personnage. Dans Roméo et Juliette, Berlioz conserve la même disposition (orchestre sur la scène, personnages, c'est-à-dire les Capulets, les Montaigus et les habitants de Vérone sur le proscenium). Il supprime le rideau et demande qu'on éteigne les feux de la rampe. Deux espaces sont ainsi organisés et tout l'enjeu de l'œuvre est d'unifier visuellement musique symphonique et jeu théâtral.

Originalité

Berlioz veut évoquer le drame de Shakespeare, mais sans montrer les personnages éponymes : comme il le dit dans sa Préface, leur amour est trop "sublime" pour pouvoir être représenté par des comédiens ou des chanteurs. C'est aussi une manière de démontrer la puissance évocatrice de la musique symphonique, capable de faire exister des "personnages" de théâtre à part entière, sans jamais les montrer sur la scène. Ce faisant, l'œuvre peut aussi être considérée comme une réponse berliozienne et théâtrale à la symphonie avec chœurs (9e symphonie) de Beethoven. Les pièces instrumentales y suivent le schéma d'une symphonie (allegro, mouvement lent, scherzo, finale), mais Berlioz insère des épisodes chantés puis dramatiques. Le final est écrit comme un finale d'opéra, à ceci près qu'il n'est pas prévu de mise en scène[3]. Mais cette œuvre "multiple" inspire aussi les chorégraphes. Maurice Béjart compose une chorégraphie interprétée par les Ballets du XXe siècle, qui est donnée au Palais des Sports le . Sasha Waltz, à son tour compose une mise en scène-ballet pour la représentation dirigée par Valery Gergiev à l' Opéra Bastille en 2007.

Structure

Acte I

1. Introduction : Combats - Tumulte - Intervention du prince -

Prologue : Strophes - Scherzetto

Acte II

2. Roméo seul - Tristesse -

Bruits lointains de concert et de bal -
Grande fĂŞte chez les Capulet

3. Scène d'amour - Nuit sereine -

Le jardin des Capulet, silencieux et désert -
Les jeunes Capulet sortant de la fĂŞte en chantant des airs de la musique du bal

4. Scherzo : La reine Mab, reine des songes

Acte III

5. Convoi funèbre de Juliette : « Jetez des fleurs pour la vierge expirée »

6. Roméo au tombeau des Capulet -

Invocation - Réveil de Juliette - Joie délirante, désespoir, dernières angoisses et mort des deux amants

7. Finale :

La foule accourt au cimetière -
Des Capulet et des Montagu -
Récitatif et Air du Père Laurence : « Pauvres enfants que je pleure » -
Serment de réconciliation : « Jurez donc par l'auguste symbole ».

Avis, influence et postérité

Considérée, dès sa création, comme l'une des œuvres les plus inspirées et les plus novatrices du musicien, la partition continue à frapper l'auditeur par son extrême originalité tant sur le plan de la forme que sur celui de l'écriture (mélodie, harmonie et orchestration)[4]

Hector Berlioz (1803-1869)

Berlioz a développé une prédilection particulière pour cette symphonie, écrivant dans ses mémoires : "Si vous me demandez maintenant laquelle de mes pièces je préfère, ma réponse sera que je partage le point de vue de la plupart des artistes : Je préfère l'adagio (la Scène d'Amour) dans Roméo et Juliette."

Richard Wagner (1813-1883)

Roméo et Juliette faisait l’admiration de Richard Wagner. Lorsqu'il entendit cette symphonie pour la première fois en 1839, il déclara « je me sentais petit comme un écolier à côté de Berlioz ».

En 1860, il envoya Ă  Berlioz la partition complète publiĂ©e de Tristan et Isolde avec la mention  « Au grand et cher auteur de RomĂ©o et Juliette l'auteur reconnaissant de Tristan et Isolde ».

Arturo Toscanini (1867-1957)

Le chef d’orchestre Toscanini décrivait Roméo et Juliette comme « la plus belle musique du monde ».

Olivier Messiaen (1908-1992)

« Je suis un des rares musiciens français à reconnaître le plus grand musicien français, et à aimer Hector Berlioz, non seulement pour La Damnation de Faust, la Symphonie fantastique, mais pour son œuvre le plus génial : je veux parler de Roméo et Juliette. »

« [Berlioz] est un extraordinaire précurseur, un visionnaire du son, de la couleur, de l’élargissement de la palette des timbres. Il y a dans Roméo et Juliette, dans la Symphonie fantastique, dans le Requiem, des passages qui n’ont plus rien à voir avec la musique du XIXe siècle; des passages qui sont déjà de la musique concrète… La véritable importance de Berlioz réside dans ses vues prophétiques d’une musique qui vit et croît sous nos yeux. »[5]

LĂ©onard Bernstein (1918-1990)

Dans la 4ème de ses 6 conférences à Harvard en 1973 (à 1:00:11), Léonard Bernstein analyse Roméo et Juliette qu’il juge très en avance sur son temps, et démontre le lien de parenté évident entre le début du mouvement « Roméo seul » (1839) et le début de Tristan et Isolde de Wagner (1860), accusant ce dernier de plagiat plus ou moins conscient.

En 1989, au cours d’une masterclass avec de jeunes musiciens, il proclamait son admiration pour Berlioz et sa symphonie Roméo et Juliette y voyant une œuvre s’échappant du XIXe siècle pour annoncer le XXe siècle et le dodécaphonisme (comprenant les douze notes de la gamme chromatique).

Discographie

Références

  1. Roméo et Juliette programme notes « Copie archivée » (version du 14 janvier 2008 sur Internet Archive) Public domain: see here
  2. BBC Proms | About the Music
  3. Violaine Anger, Berlioz et la scène : penser le fait théâtral, Paris, Vrin, , 290 p. (ISBN 978-2-7116-2708-0)
  4. Cambridge.org | Roméo et Juliette handbook
  5. Antoine GOLEA, Rencontre avec Olivier Messien, 1960

Liens externes

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