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Préhistoire de l'Australie

La prĂ©histoire de l'Australie est la pĂ©riode comprise entre l’arrivĂ©e des premiers groupes humains sur le continent, il y a entre 50 000 et 70 000 ans[1] - [2] - [3], et l’arrivĂ©e des premiers explorateurs europĂ©ens en 1606, qui marque le dĂ©but de l’histoire de l'Australie. Il est question de prĂ©histoire plutĂ´t que d’histoire dans la mesure oĂą aucune trace Ă©crite n’est disponible concernant les Ă©vènements humains advenus durant cette pĂ©riode.

L’arrivée des premières populations

Il est gĂ©nĂ©ralement admis que les premières populations humaines sont arrivĂ©es en Australie entre 70 000 et 50 000 ans. Durant la dernière pĂ©riode glaciaire, le niveau de la mer Ă©tait beaucoup plus bas qu’aujourd'hui. La cĂ´te australienne s'est trouvĂ©e au plus proche Ă  80 km de Timor, et l’Australie et la Nouvelle-GuinĂ©e formaient un seul continent, appelĂ© Sahul. Elles Ă©taient reliĂ©es par un isthme situĂ© au niveau de la mer d'Arafura, du Golfe de Carpentaria et du dĂ©troit de Torres. Selon la thĂ©orie actuelle, des groupes ancestraux auraient naviguĂ© Ă  partir des iles de l’actuelle IndonĂ©sie pour atteindre le Sahul. Puis, par voie terrestre, ils se seraient dispersĂ©s sur l’ensemble du continent. Les tĂ©moignages archĂ©ologiques attestent de l'occupation humaine du site de Madjedbebe dans le Territoire du Nord il y a 65 000 ans ± 6 000 ans[4], ainsi que de la prĂ©sence d’habitations humaines en amont de la Swan River, en Australie occidentale, il y a environ 40 000 ans. Le moment exact du peuplement initial reste controversĂ© en raison de la mauvaise conservation de l'environnement aride du Sahul et du relativement petit nombre de sĂ©quences archĂ©ologiques fiables par rapport Ă  d'autres rĂ©gions du monde[5].

Des preuves génétiques récentes d'Australiens aborigènes et de Papous suggèrent également que ces peuples sont issus d'une population ancestrale commune, divergeant finalement dans leurs groupes génétiques respectifs après un goulot d'étranglement initial, avec peu de preuves d'un flux génétique ultérieur. Alors que les preuves génomiques suggèrent que le peuplement de Sahul est le résultat d'un seul événement de migration, les preuves de l'ADN mitochondrial concluent que la colonisation s'est produite à la fois par les routes du sud (par le Timor) et du nord. Le flux de gènes ultérieur s'est apparemment produit principalement le long des côtes de l'Australie, l'intérieur aride agissant comme une barrière au mouvement[5].

Selon un modèle établi par des chercheurs, le peuplement de l'ensemble de Sahul se serait produit rapidement dans tous les environnements écologiques en 156–208 générations humaines, ce qui correspond à près de 5 000 ans (env. 4 368 – 5 599 ans)[5]. Il semble que la Tasmanie, elle aussi accessible par voie terrestre à l’époque, ait été atteinte vers le XXXe millénaire av. J.-C..

La présence d’espèces végétales et animales semblables en Australie, en Nouvelle-Guinée et dans les iles indonésiennes voisines est une autre conséquence de ces anciennes voies de passage terrestre, qui disparurent lorsque le niveau de la mer remonta, à la fin du dernier âge glaciaire. Depuis le VIe millénaire av. J.-C., le niveau de la mer est relativement stable, et recouvre le passage qui reliait autrefois l’Australie à la Nouvelle-Guinée.

Dans la tradition des Aborigènes d'Australie, l’histoire du continent commence avec ce que l’on peut traduire par le « Temps du rêve », un mythe de la création qui raconte l’origine des peuples, des animaux et de la configuration géomorphologique du continent australien (voir aussi l’article Cosmogonie). Les traditions du « Temps du rêve » furent, et sont encore aujourd’hui perpétuées par des chansons et des récits oraux dans toute l’Australie. L’arrivée de Matthew Flinders à Albany (Australie Occidentale) et l’attaque japonaise sur Darwin en 1942 ont été intégrées dans les danses et les cérémonies rituelles, et d’une certaine manière, appartiennent désormais à cette mythologie.

Conséquences environnementales

La découverte de cendres par les archéologues semble montrer que, durant la période suivant l’arrivée des humains, les incendies se sont multipliés dans l’Australie préhistorique. On suppose que les chasseurs s’en servaient pour rabattre le gibier, pour stimuler la renaissance de la végétation afin d’attirer les animaux, ou pour s’ouvrir un chemin dans des forêts impénétrables[6]. Les régions très densément boisées devinrent des forêts plus clairsemées, et les forêts déjà clairsemées devinrent des prairies. Les espèces résistant au feu devinrent prédominantes : par exemple, les eucalyptus, les acacias et les plantes grasses.

L’évolution de la faune fut plus radicale : la mégafaune australienne disparut très rapidement, ainsi que de nombreuses autres espèces plus petites. On dénombre 60 espèces de vertébrés ainsi exterminées, notamment le groupe des diprotodons (des marsupiaux herbivores de la taille d’un hippopotame), quelques espèces d’oiseaux, des kangourous dont une espèce carnivore, une espèce de lézard mesurant près de cinq mètres, et une tortue aux dimensions comparables à celle d’une petite voiture. La cause directe de ces extinctions en masse n’est pas connue avec certitude[7] : le feu, la chasse, les changements climatiques, ou la combinaison de ces facteurs peuvent être mis en cause, mais on pense généralement que l’intervention de l’homme y a d’une façon ou d’une autre contribué[8]. Sans grands herbivores pour réguler la végétation, et recycler les nutriments du sol dans leurs excréments, l’érosion devint plus rapide et les feux plus destructeurs, faisant ainsi évoluer rapidement le paysage.

Cette carte montre l'Ă©tendue probable des terres Ă©mergĂ©es en Australie vers le XVIIIe millĂ©naire av. J.-C. (le niveau de la mer Ă©tait alors plus bas de 150 m), ainsi que la localisation des glaciers (en blanc, Tasmanie, sud-est de l'Australie).

Il est difficile d’évaluer la population qui habitait l’Australie avant la colonisation européenne. Il existe des hypothèses faisant état d’une population séparée en trois groupes ethniques distincts, ou d’une origine ethnique unique. Cependant, en raison de la politisation de ce problème, la théorie de l’origine unique, qui favorise la solidarité ethnique, a été privilégiée. En fait, il existe assez peu d’éléments permettant d’argumenter dans un sens ou dans l’autre. L’étude du génome n’a pas permis de trancher entre un modèle reposant sur un peuplement par vagues successives et un modèle reposant sur une implantation unique.

Changement climatique, isolement et contacts

Entre le XVIIIe millénaire av. J.-C. et le XVe millénaire av. J.-C., l’aridité du continent s’accrut ; le climat était plus froid et moins humide qu’aujourd'hui. À la fin du Pléistocène, vers le XIIIe millénaire av. J.-C., l’isthme qui traversait le détroit de Torrès, celui qui reliait l’île Kangourou au continent et la plaine de Bass (qui se trouvait entre l’actuelle province de Victoria et la Tasmanie) furent à nouveau immergés. La fin de l’époque glaciaire fut assez brusque. Pour certains, elle serait évoquée dans les légendes aborigènes : on y trouve des récits évoquant des poissons tombant du ciel et des tsunamis.

Dès lors, les Aborigènes de Tasmanie furent isolés sur le plan géographique. Vers le IXe millénaire av. J.-C., les populations habitant l’île Kangourou et les petites îles du détroit de Bass disparurent.

Les éléments apportés par la linguistique et la génétique permettent d’affirmer que, pendant une longue période, il y a eu des contacts entre les Aborigènes du nord de l’Australie et les populations austronésiennes habitant les iles orientales d'Indonésie, mais l’activité commerciale semble en avoir été le trait dominant, sans qu’il y ait d'unions interethniques, ni de colonisation à proprement parler. Il faut aussi signaler la présence temporaire et localisée d’un habitat austronésien sur la côte nord de l’Australie.

Culture et techniques

Les 5 000 dernières annĂ©es furent caractĂ©risĂ©es par une amĂ©lioration gĂ©nĂ©rale du climat, une augmentation de la tempĂ©rature et des prĂ©cipitations, ainsi que le dĂ©veloppement d’une culture tribale complexe. Les tribus aborigènes Ă©changeaient principalement des chants, des danses, mais aussi des pierres prĂ©cieuses, des semences, des armes, de la nourriture… Le type linguistique Pama-Nyunga Ă©tait prĂ©sent sur l’ensemble du continent Ă  l’exception du sud-est et de la terre d'Arnhem. On observe Ă©galement Ă  cette Ă©poque une remarquable continuitĂ© entre les conceptions religieuses dans toute l’Australie. L’initiation des jeunes gens et des jeunes filles Ă©tait marquĂ©e par des fĂŞtes et des rites particuliers. Les comportements Ă©taient soumis Ă  des règles strictes en ce qui concerne les responsabilitĂ©s au sein du cercle familial Ă©largi, oncles, tantes, frères, sĹ“urs et belle-famille. Le système de parentĂ© en vigueur dans la plupart des communautĂ©s dĂ©terminait une division en deux parties, avec des restrictions concernant le mariage entre membres d’une des deux parties de la communautĂ©.

Le pouvoir politique appartenait aux anciens du groupe plutôt qu’à des chefs héréditaires, et les querelles étaient jugées au sein du groupe selon un système complexe de lois tribales. Les vendettas semblent avoir été chose courante, mais la guerre organisée à grande échelle était rare, sans doute en raison des multiples liens de mariage ou de sang entre les individus et les communautés.

Des innovations techniques significatives eurent lieu au cours des 3 000 annĂ©es qui prĂ©cĂ©dèrent la colonisation. Le quartz Ă©tait utilisĂ© pour produire des outils et Ă©tait travaillĂ© avec habiletĂ© par les artisans indigènes. Le dingo arriva depuis l’Asie du Sud. Enfin, l’agriculture se dĂ©veloppa Ă  petite Ă©chelle dans la Victoria occidentale, et la culture de l’igname autour de Geraldton.

On estime généralement qu’en 1606 il y avait environ un demi-million d’Aborigènes australiens (les estimations les plus élevées parlent d’un million d'habitants). Ces populations étaient divisées en groupes culturels et linguistiques distincts. La plupart vivaient de la chasse, et possédaient un riche patrimoine culturel transmis oralement ainsi que des techniques élaborées de gestion des terres (les traces du désastre écologique qui avait succédé aux premières arrivées de population étaient effacées depuis longtemps). Dans les régions les plus fertiles et les plus peuplées, l’habitat était semi-permanent. Dans le Bassin de Murray, l’économie fondée sur la chasse et la cueillette que l’on retrouvait partout ailleurs sur le continent avait en grande partie cédé la place à la pisciculture.

On ne sait pas grand-chose du nombre originel des peuples aborigènes et de la diversité de leurs cultures et de leurs langues. Comme sur le continent américain, les maladies véhiculées par les marins européens décimèrent les populations indigènes bien avant que la plupart des peuples soient entrés en contact avec les colons. À l’époque du débarquement de James Cook, il aurait pu exister jusqu’à 500 tribus parlant plusieurs centaines de langues.

Contacts avec les peuples non-australiens

Les peuples vivant sur la cĂ´te nord du continent (rĂ©gion de Kimberley, terre d'Arnhem, golfe de Carpentaria et cap York) ont eu de nombreuses visites durant des millĂ©naires. Les personnes et les biens circulaient aisĂ©ment entre l’Australie et la Nouvelle-GuinĂ©e avant la disparition de l’isthme qui les reliait en raison de la montĂ©e du niveau de la mer, il y a 6000 ans. Cependant, le commerce et les Ă©changes culturels se poursuivirent Ă  travers le dĂ©troit de Torres, large de 150 km mais oĂą la navigation Ă©tait aisĂ©e grâce aux multiples iles qui le parsèment et aux rĂ©cifs qui affleurent en de nombreux points. Les iles Ă©taient peuplĂ©es par des populations de culture mĂ©lanĂ©sienne, et les interactions continuèrent donc par cette voie. Les dĂ©placements traditionnels entre Australie, Nouvelle-GuinĂ©e et IndonĂ©sie rendent plausible la thèse selon laquelle des marchands chinois et arabes auraient visitĂ© le rivage nord du continent dès le IXe siècle. Certaines figures de Bradshaw (en), dans la rĂ©gion de Kimberley, semblent Ă©galement attester du passage d’Indiens aux alentours du dĂ©but de l’ère chrĂ©tienne (mĂŞme si les plus anciennes datent de plus de 17 000 ans[9]).

Les pêcheurs indonésiens "Bajini" venus des Moluques ont pêché au large des côtes australiennes pendant des siècles. Les marchands de Sulawesi fréquentaient régulièrement le rivage nord de l’Australie pour y pêcher des holothuries revendues par la suite aux Chinois, qui les appréciaient beaucoup, et ce au moins depuis le début du XVIIe siècle.

Les échanges culturels semblent avoir été intenses, comme en témoignent les peintures sur rocher et sur écorce des Aborigènes, l’introduction de technologies comme les canots creusés dans un tronc d’arbre, le tabac, la pipe, du vocabulaire venu de Sulawesi, mais aussi la présence de personnes d’origine malaise au sein des communautés aborigènes australiennes, et inversement.

Références

  1. (en) "First Humans in Australia Dated to 50,000 Years Ago", Hillary Mayell, National Geographic, 24 février 2003
  2. (en) "Australia colonized earlier than previously thought?", The West Australian, 19 juillet 2003
  3. Briscoe, Gordon & Len Smith (Ă©ds.), The Aboriginal Population Revisited: 70,000 years to the present, (ISBN 0-9585637-6-4)
  4. (en) Clarkson, C., Jacobs, Z., Marwick, B. et al., « Human occupation of northern Australia by 65,000 years ago », Nature,‎ , p. 306–310
  5. (en) Corey J. A. Bradshaw, Kasih Norman, Sean Ulm et al., Stochastic models support rapid peopling of Late Pleistocene Sahul, Nature Communications, volume 12, Article numéro: 2440, 29 avril 2021, doi.org/10.1038/s41467-021-21551-3
  6. (en) « New Ages for the Last Australian Megafauna: Continent-Wide Extinction About 46,000 Years Ago », Science,‎ , p. 1888-1892 (lire en ligne)
  7. Stephen Wroe et Judith Field, « A review of the evidence for a human role in the extinction of Australian megafauna and an alternative interpretation », Quaternary Science Reviews, vol. 25, no 21,‎ , p. 2692–2703 (ISSN 0277-3791, DOI 10.1016/j.quascirev.2006.03.005, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) John Rowan et J. T. Faith, « The Paleoecological Impact of Grazing and Browsing: Consequences of the Late Quaternary Large Herbivore Extinctions », dans The Ecology of Browsing and Grazing II, vol. 239, Springer International Publishing, (ISBN 978-3-030-25864-1, DOI 10.1007/978-3-030-25865-8_3, lire en ligne), p. 61–79
  9. La boue d'un nid de guêpes fossilisé, découvert en 1996 et construit sur une peinture de Bradshaw, a été ainsi datée par la méthode de datation par luminescence optiquement stimulée. cf. (en) Grahame L.Walsh, Bradshaw Art of the Kimberley, Australie, Takarakka Nowan Kas Publications, , 464 p., p. 164

Voir aussi

Articles connexes

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