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Préfecture du prétoire d'Illyricum

La préfecture du prétoire d’Illyricum (en latin : praefectura praetorio per Illyricum; en grec : ἐπαρχότης/ὑπαρχία [τῶν πραιτωρίων] τοῦ Ἰλλυρικοῦ) était l’une des grandes divisions administratives de l’Empire romain tardif. Elle comprenait les deux diocèses de Dacie et de Macédoine[1]. À sa plus grande extension, elle s’étendait sur la Pannonie, le Norique, la Crète et la presque totalité de la péninsule des Balkans moins la Thrace. Sa capitale administrative fut d’abord Sirmium (aujourd’hui Sremska Mitrovica en Serbie), puis Thessalonique[2]. Elle fut souvent morcelée et eut une histoire mouvementée due à sa situation géographique à la frontière entre l’Orient et l’Occident.

Illyricum & Dacia vers 400
Préfectures du prétoire en 395 : la préfecture d’Illyricum est en vert foncé.

Contexte historique

La préfecture du prétoire d’Illyricum, 318-379.

Les provinces romaines font leur apparition au lendemain de la première guerre punique, alors que la République romaine s'étend hors de la péninsule italienne. La Sicile (à l’exception de Syracuse) devint ainsi la première province en 241 av. J.-C.[3] et sera bientôt suivie après la guerre des Mercenaires par la Corse-Sardaigne en 227 av. J.-C.[4] - [5]. Après les conquêtes d’Auguste et de ses successeurs, leur nombre ne cessera d'augmenter; d’une dizaine à la mort d’Auguste, elles seront quarante-sept sous Dioclétien (r. 284-305). Ce dernier empereur en doublera le nombre, scindant les provinces existantes en unités plus petites[N 1] (elles passent de 47 à 85)[6] - [7], pour les regrouper vers 297 en douze diocèses[N 2] gérés par des « vicaires »[8]. Les diocèses où l’on parlait habituellement latin (Gaules et Italie) furent confiés à son coempereur, Maximien (r. 286 – 305), assisté d’un césar, Constance Chlore, jusque-là son préfet du prétoire[9]. Les diocèses où l’on parlait grec formèrent la préfecture du prétoire d’Orient.

Histoire

Achevant les réformes administratives de Dioclétien, Constantin poursuivit la séparation des carrières militaire et civile. Le préfet du prétoire perdit le commandement des armées au profit d’un dux, choisi parmi les officiers militaires, et devint essentiellement un administrateur civil[10]. Il est difficile d’établir précisément à quel moment se fit la transformation de ce qui était jusque-là une fonction militaire (Préfet du Prétoire) en une juridiction territoriale (préfecture du prétoire)[11]. Selon l’historien Zosime, les préfectures auraient été créées par Constantin en 218 ou 224. Pour l’historienne et byzantiniste Cécile Morrisson, il s’agit là d’un anachronisme; en effet, à la mort de Constantin, lorsque ses trois fils survivants se partagèrent l’empire, chacun continua à avoir son propre préfet du prétoire servant de chef d’État-major. Ce n’est que vers le milieu du IVe siècle que les préfectures se seraient transformées en juridictions administratives[12]. Ainsi naquirent les préfectures des Gaules à l’Ouest, d’Italie au centre et d’Orient à l’Est. L’Illyricum pour sa part sera ballotée entre Orient et Occident[1].

Contrairement aux autres préfectures, celle d’Illyricum devait avoir une existence agitée marquée par sa création, son abolition, son rétablissement et la modification à maintes reprises de ses frontières. Sous la Tétrarchie, les Balkans étaient considérés comme un pont jeté entre l’Orient et l’Occident. Le diocèse de Thrace, qui contrôlait l’accès aux Détroits et à la mer Noire, fut bientôt détaché pour être rattaché à la préfecture d’Orient, le reste du territoire étant gouverné à partir de l’Italie.

Selon la division de l’empire envisagée par Constantin Ier, il semble que les trois diocèses de Macédoine, Dacie et Pannonie auraient dû revenir à Flavius Dalmatius, petit-fils de Constance Chlore, élevé en 335 au rang de césar[13]. Toutefois, celui-ci fut assassiné avec d’autres membres de la famille de Constantin après la mort de celui-ci[14]. Les trois frères survivants, Constantin II, Constant Ier et Constance II se rencontrèrent le pour diviser l’empire entre eux. Constantin II, qui à titre de fils ainé considérait avoir droit à une certaine prééminence, obtint les Gaules et la partie ouest de l’empire, Constant Ier l’Italie et l’Afrique sous l’autorité de son frère ainé, alors que Constance II obtenait l’Orient. Mécontent de ce premier partage, Constant exigera une nouvelle division du territoire lors d’une seconde rencontre l’année suivante à Viminacium (aujourd’hui en Serbie) au cours de laquelle il obtint les diocèses de Dacie et de Macédoine qui deviendront ainsi partie de la préfecture du prétoire d’Italie, d’Illyricum et d’Afrique. Très vite cependant la dispute reprendra entre les deux frères au sujet des territoires d’Afrique[15]. En 340, Constantin II envahit l’Italie[16] ; il fut bientôt encerclé à Aquilée où il perdit la vie, laissant Constant maitre de ses territoires[17] - [18].

Il semble que les trois diocèses de Macédoine, Dacie et Pannonie furent regroupés en une préfecture prétorienne autonome en 347 ou même un peu plus tôt, en 343, lorsque Constant nomma un préfet distinct pour l’Italie[19].

Émule de Marc Aurèle, l’empereur Julien (r. 361-363) s’emploiera à démembrer les institutions mises en place par son oncle Constantin Ier, s’attaquant en particulier à la lourde bureaucratie de l’empire pour redonner plus d’autonomie aux cités. Dès son arrivée au pouvoir, il réunit une commission de fonctionnaires et de militaires chargés de punir les crimes commis sous Constance[20]. Parmi les accusés se trouvait l’ancien préfet d’Illyricum, Florentius, nommé par Constance à la mort de Vindonius Anatolius. Ce dernier fut condamné à mort in abstencia[21]. La préfecture disparut en même temps que le préfet pour ne réapparaitre qu’en 364 lorsque Sextus Claudius Petronius Probus, auparavant Préfet de Rome, puis proconsul en Afrique (358) fut nommé à ce poste[22].

En 364, Valentinien Ier (r. 364-375) partagea l’empire avec son frère Valens (r. 364-378). Il garda pour lui les deux préfectures occidentales (Gaules et Italie-Illyricum-Afrique) et laissa l’Orient à son frère. Retenu alors par la lutte contre les barbares sur le Rhin, il dirigea les préfectures occidentales à partir de Trêves[23]. Jusqu’en 375, l’Illyricum demeurera sous l’administration du préfet d’Italie Probus (en charge 367-375).

Il est possible qu’en 376 l’Illyricum ait été séparée de l’Italie comme le font supposer deux lois datées de 376 et de 378 (?). Probus semble alors avoir conservé son poste et fut suivi par Olybrius et Ausone l’Ancien[24]. Toutefois les invasions des Goths et le désastre d’Andrinople devait amener un réaménagement des préfectures : Théodose qui avait reçu la préfecture d’Orient se vit attribuer également les diocèses de Macédoine et de Dacie alors que Gratien qui conservait l’Occident ne retint que la moitié occidentale de l’Illyricum. En 379, l’Illyricum est donc dédoublé : sa partie Ouest est rattachée à l’Occident alors que sa partie Est constitue une préfecture autonome plus petite que celles de 357 et 376. Sirmium étant dévolu à l’Occident, la capitale passe à Thessalonique[25].

Il s’agissait toutefois d’une situation temporaire et il semble que dès que le péril barbare se fût éloigné, l’Illyricum ait réintégré l’Italie-Illyricum-Afrique en 380 ou 381[26]. Chose certaine, en 386, c’est de Milan que Valentinien II administre les mines de Mésie, Dardanie, Dacie méditerranéenne et Macédoine[27]. En , Valentinien II doit se réfugier à Thessalonique avec le préfet Probus devant l’avance de l’usurpateur Maxime; l’Illyricum fait donc encore partie du territoire qu'il contrôle en Occident[28].

Ce ne fut qu’après la mort de Théodose en 395 et la division de l’empire que l’Illyricum prit la forme sous laquelle elle apparait dans la Notitia Dignitatum[N 3], distinguant un « diocèse d’Illyricum » (nouveau nom du "diocèse de Pannonie") rattaché à la préfecture italienne et une « préfecture du prétoire d’Illyricum » partie intégrante de l’empire d’Orient[29] - [30].

Toutefois afin de s’allier Arcadius (395 – 408) qui avait hérité de l’Orient, Stilichon (régent 395 – 408) lui céda l’Illyricum. Il devait bientôt se raviser et réclamer à partir de 403 cette portion des Balkans; longtemps après sa chute, l’Occident continuera à en revendiquer la possession[31] - [32]. Ce n’est qu’en 437, alors qu’elle constituera une partie de la dot de Licinia Eudoxie, que Valentinien III (r. 425 – 455) reconnut la souveraineté de l’Empire d’Orient sur la préfecture[33].

Après les invasions slaves du VIIe siècle, les Byzantins perdirent le contrôle de l’arrière-pays des Balkans, ne conservant plus que la partie de la Thrace jouxtant Constantinople, Thessalonique et ses environs ainsi que certaines parties de la côte grecque. Si l’existence du préfet du prétoire (ὕπαρχος) est attestée dans les sources jusque dans les premières années du IXe siècle[34], le dernier préfet connu est Basilidès en 529. Cette fonction sera l’une des derniers survivants du système administratif mis en place par Constantin pour l’ensemble de l’empire. La préfecture dut continuer à exister sur papier, mais Thessalonique avait probablement fini par devenir, selon les mots de Paul Lemerle, « le seul endroit de l’Illyricum où continuait de s’exercer une administration byzantine régulière » et le préfet de la préfecture d’Illyrie n’était sans doute plus que l’éparque de la ville[35].

Subdivisions administratives

Les provinces

Les provinces existant sous Constantin peuvent être classées en fonction de leur localisation géographique[36] :

  • Au sud, trois provinces que n’ont pas touché les réformes de Dioclétien : la Crète (capitale : Gortyne), l’Achaïe ou Hellade (capitale : Corinthe) et l’Épire « ancienne » (capitale : Nicopolis).
  • Au centre, trois provinces résultant du démembrement par Dioclétien de l’ancienne province de Macédoine : la Macédoine (capitale : Thessalonique), la Thessalie (capitale : Larissa) et l’Épire nouvelle (capitale : Dirrachium).
  • Au nord, trois provinces, fruits de la division de l’ancienne Mésie supérieure : la Dacie ripuaire (capitale : Ratiaria), la Dacie méditerranéenne (capitale : Serdica) et la Dardanie (Scupi).
  • À l’ouest, la Prévalitaine (capitale : Doclea) et la Mésie I (capitale : Viminacium).

Les diocèses

Macédoine vers 400

Ces provinces forment sous Dioclétien un seul diocèse, celui de Mésie, plus tard partagé sous Constantin en un diocèse de Macédoine regroupant les provinces du sud et du centre et un diocèse de Dacie, regroupant celles du nord et de l’ouest[36]. Trois changements importants se produisent entre le milieu du IVe siècle et la fin du VIe siècle.

  • Dans la seconde moitié du IVe siècle, la Macédoine est divisée en deux : Macédoine I et Macédoine II[36] ;
  • Au cours du Ve siècle la pointe orientale de la Pannonie II est rattachée, avec les villes de Sirmium et de Bassiana, au diocèse de Dacie[37] ;
  • Vers la fin du VIe siècle la Dalmatie est rattachée à l’Illyricum[37].

La capitale

Il semble que la capitale ait été à l’origine Sirmium, laquelle devenue l’une des capitales de l’empire avec la création de la Tétrarchie, fut la capitale de l’empereur Galère[38] - [39]. Selon la Novelle 11 de Justinien elle aurait été transférée à Thessalonique à l’époque d’Attila; on a vu toutefois que Thessalonique avait déjà joué ce rôle lors du court intervalle de 379. Toutefois en 535, le même empereur Justinien jugea la situation suffisamment rétablie pour projeter de transférer sa capitale vers le nord, dans la nouvelle ville de Justiana Prima qu’il venait de fonder en Dacie méditerranéenne près de son lieu de naissance. Il semble cependant que ce projet soit resté lettre morte puisque l’année suivante, le préfet est toujours à Thessalonique[40] et que dans la Novelle 131 datant de 545, ce transfert ne concerne plus que son organisation ecclésiastique[35].

Liste des préfets du prétoire connus pour l’Illyricum

Insignes du préfet du prétoire d’Illyricum selon la Notitia Dignitatum : Les insignes du Préfet du prétoire d’Illyricum, tels que dépeints dans la Notitia Dignitatum : l’encrier d’Ivoire et le porte-plume (theca), le codicille de nomination sur une table recouverte d’un drap bleu ainsi que le chariot de fonction (Kelly (2004) p. 41.

Notes et références

Notes

  1. Par exemple la Gaule lyonnaise est divisée (en deux étapes) en quatre provinces (les Lyonnaises I, II, puis III et IV), la Gaule belgique l'est en deux provinces (I et II).
  2. Selon la "Liste de Véronne". À la fin du IVe siècle ils seront au nombre de quatorze(Ostrogorsky (1983) p. 61)
  3. Document administratif romain plusieurs fois remanié mais datant de la fin du IVe siècle ou du début du Ve siècle donnant un tableau, sous forme de listes, de l’organisation hiérarchique des fonctions civiles et militaires de l'Empire romain, dans ses deux composantes, occidentale et orientale.

Références

  1. Bavant 2004, p. 303.
  2. New Advent Catholic Encyclopedia, « Thessalonica » et « Illyria »
  3. Le Bohec (2001), p. 116
  4. Decret (1977), p. 178
  5. Le Bohec (2003), p. 114
  6. Barnes (1996) pp. 539–42
  7. Rees (2004) pp. 24-27
  8. Kazhdan (1991) vol. 1, « Dioceses » p. 625, « Diocletian » p. 626 et, vol. 3, « Vicar » p. 2164
  9. Southern (2001) pp. 142, 145.
  10. Grant (1993) pp. 82-83
  11. Kelly (2006), p. 185
  12. Morrisson, 2007, pp. 190-191
  13. Aurelius Victor, 41 :20
  14. Maraval (2013), p. 31
  15. Zozime, 2:41-42
  16. Victor, 41:21
  17. Eutrope, 10:9.
  18. Barnes (1982) p. 139
  19. Barnes (2011) p. 160
  20. Petit (1974) pp. 105-107
  21. Ammianus Marcellinus, Res Gestae, 20.8.20, 20.8.21, 21.6.5., 21.9.4
  22. Jones & Martindale (1971 p. 737
  23. Demougeot (1947) p. 16
  24. Demougeot (1947) p. 17
  25. Demougeot (1947) p. 18
  26. Demougeot (1947) pp. 19 et 21
  27. Demougeot (1947) p. 23
  28. Demougeot (1947) p. 27
  29. Bavant 2004, p. 306.
  30. Demougeot (1947) p. 29.
  31. Demougeot (1947) p. 31
  32. Bavant (2004) pp. 304-305
  33. Bavant 2004, p. 307 et 308.
  34. E. Stein, « Untersuchungen über das Officium der Prätorianerpräfektur » (Vienne, 1922)
  35. Bavant 2004, p. 309.
  36. Bavant (2004) p. 307
  37. Bavant (2004) p. 308
  38. Southern Pannonia during the age of the Great Migrations [en ligne] https://hrcak.srce.hr/clanak/14662.
  39. Bavant (2004) pp. 308-309
  40. Cassiodore, Variae X, 35

Bibliographie

Sources primaires

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Sources secondaires

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Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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