Guerre des Goths (401-413)
Sous le titre de guerre des Goths (401 - 413) on regroupe l'ensemble des invasions conduites par Alaric (roi des Wisigoths 395-410) en Italie et, aprĂšs sa mort, par son beau-frĂšre Athaulf Ă la fois en Italie et en Gaule.
Date | 401 â 413 |
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Lieu | Italie |
Issue | Sac de Rome |
Empire romain | Goths |
Stilicon | Alaric Ier, Athaulf |
Batailles
bataille de Pollenza, bataille de VĂ©rone, sac de Rome
Le traitĂ© conclu par ThĂ©odose Ier (r. 379-395) en 382 avec les Goths permettait Ă ceux-ci de sâinstaller en MĂ©sie[N 1]. Câest lĂ semble-t-il que naquit Alaric qui commença sa carriĂšre militaire sous les ordres du gĂ©nĂ©ral goth GaĂŻnas. AlliĂ© de Rome pendant le rĂšgne de ThĂ©odose, il aida Ă dĂ©faire les Francs qui appuyaient lâusurpateur Arbogast. AprĂšs la mort de ThĂ©odose et la dĂ©sintĂ©gration des armĂ©es romaines en 395, il fut proclamĂ© roi des Wisigoths. Commandant alors les seules forces intactes qui restaient dans les Balkans, il chercha mais sans succĂšs Ă faire reconnaitre son statut par Rome.
Il conduisit deux invasions majeures en Italie : la premiĂšre de 402 Ă 405 se termina par un accord entre Alaric et le gĂ©nĂ©ral romain Stilicon; une nouvelle invasion conduisit lâannĂ©e suivante Ă un premier siĂšge de Rome, puis en 410 Ă un nouveau siĂšge qui, cette fois, se termina par la prise et le sac de la ville.
Cette victoire des Goths nâen constituait pas moins une dĂ©faite personnelle pour Alaric qui avait toujours espĂ©rĂ© voir reconnaitre sa valeur et son statut par Rome. AprĂšs trois jours de pillage, Alaric dirigea ses troupes vers le sud, ayant probablement comme but de partir pour lâAfrique du nord ou la Sicile. Toutefois, une tempĂȘte dĂ©truisit sa flotte. DĂ©but 411, alors quâil marchait encore Ă travers lâItalie, il fut emportĂ© par la fiĂšvre. Son beau-frĂšre Athaulf (r. 411-415) lui succĂ©da et dĂ©cida de remonter vers le Nord de l'Italie, pour entrer en Gaule en 412; il sâinstalla en Aquitaine quâil dut quitter fin 414 ou dĂ©but 415 sous la pression du gĂ©nĂ©ral Constance envoyĂ© par lâempereur Honorius et termina ses jours Ă Barcelone en Espagne.
Contexte historique
La Guerre des Goths (377 â 382)
La bataille dâAndrinople (378) au cours de laquelle lâempereur Valens (r. 364-378) trouva la mort, est considĂ©rĂ©e comme lâune des plus grandes dĂ©faites de lâhistoire de Rome[1]. AprĂšs la mort de Valens, lâempereur dâOccident, Gratien (r. 367-383) attribua le trĂŽne Ă un gĂ©nĂ©ral venu dâEspagne, ThĂ©odose (r. 379-395). Celui-ci dirigea en personne une nouvelle campagne contre les Goths qui dura deux ans et au terme de laquelle il parvint Ă nĂ©gocier un traitĂ© avec leur nouveau chef, Athanaric; en 382, les Goths, devenus « peuple fĂ©dĂ©rĂ© », reçurent la permission de sâinstaller en MĂ©sie et en Thrace et sâengagĂšrent, en retour, Ă dĂ©fendre les frontiĂšres de lâEmpire romain.
On ne connait pas les termes exacts de ce traitĂ©, mais certains contemporains le considĂšrent comme catastrophique; Hydace de Chaves parle de « pace infida » (litt. « Une paix trompeuse »[2]). Cette guerre devait en effet modifier la façon dont lâEmpire romain traitait avec les peuples barbares. Les Wisigoths, devenus un peuple unifiĂ© distinct de leurs cousins Ostrogoths, pouvaient nĂ©gocier en position de force avec Rome, agissant Ă certaines reprises comme son alliĂ©, Ă dâautres comme son adversaire[3] - [4].
LâIllyricum disputĂ©e entre lâEst et lâOuest
Les « prĂ©fectures du prĂ©toire » furent probablement crĂ©Ă©es aprĂšs la mort de Constantin Ier (r. 310-337) lorsque ses trois fils se divisĂšrent son empire[5]. Contrairement aux autres prĂ©fectures, celle dâIllyricum devait avoir une existence agitĂ©e marquĂ©e par sa crĂ©ation, son abolition, son rĂ©tablissement et la modification Ă maintes reprises de ses frontiĂšres. Elle comprenait les deux diocĂšses de Dacie et de MacĂ©doine. Ă sa plus grande extension, elle sâĂ©tendait sur la Pannonie, le Norique, la CrĂšte et la presque totalitĂ© de la pĂ©ninsule des Balkans moins la Thrace. Sous Valentinien Ier (r. 364-375), lâIllyricum faisait partie de la prĂ©fecture dâItalie, dâIllyricum et dâAfrique. Il semble que lâIllyricum fut alors sĂ©parĂ© de lâItalie : ThĂ©odose qui avait reçu la prĂ©fecture dâOrient se vit attribuer Ă©galement les diocĂšses de MacĂ©doine et de Dacie alors que Gratien qui conservait lâOccident ne retint que la moitiĂ© occidentale de lâIllyricum. En 379, lâIllyricum est ainsi dĂ©doublĂ© : sa partie Ouest est rattachĂ©e Ă lâOccident alors que sa partie Est constitue une prĂ©fecture autonome plus petite que celles de 357 et 376[6].
Jeunesse dâAlaric
Si lâon en croit lâhistorien JordanĂšs[N 2], lui-mĂȘme dâorigine goth, Alaric serait nĂ© Ă PtĂ©ros, lieu-dit du delta du Danube dans lâactuelle Roumanie, dâune famille de la noblesse wisigoth[7]. Il est raisonnable de croire que sa famille fit partie de ces clans goths qui, chassĂ©s par les Huns de leur territoire dans les annĂ©es 370, vinrent sâinstaller dans les Balkans en 382 aprĂšs la bataille dâAndrinople[8] - [9].
En vertu de ce traitĂ©, le premier « foedus » ou « convention » passĂ© sur le territoire mĂȘme de lâEmpire romain[N 3], les tribus goths obtenaient la permission de sâinstaller sur des terres cultivables sans supervision administrative directe de Rome et devaient en Ă©change fournir des soldats Ă lâarmĂ©e romaine[10]. Dans les dĂ©cennies qui suivirent nombreux furent les Goths qui sâenrĂŽlĂšrent ou bien dans les rangs de lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre de lâEmpire dâOrient ou bien comme auxiliaires dans les campagnes menĂ©es par ThĂ©odose en Occident contre les usurpateurs Magnus Maximus (r. 384-388) et EugĂšne (r. 392-394)[11], certains dâentre eux atteignant des grades Ă©levĂ©s les faisant cĂŽtoyer la haute hiĂ©rarchie de lâarmĂ©e romaine[12].
Alaric commença sa carriĂšre militaire en sâenrĂŽlant dans le contingent goth commandĂ© par GaĂŻnas qui devait aider lâempereur ThĂ©odose en 394 Ă renverser lâusurpateur EugĂšne. Ă cette Ă©poque le nom dâAlaric apparait pour la premiĂšre fois comme Ă©tant Ă la tĂȘte dâune unitĂ© qui combattit le gĂ©nĂ©ral Arbogast lequel, en rĂ©volte contre ThĂ©odose et son fils Arcadius, avait fait proclamer EugĂšne empereur lors de la bataille de la riviĂšre Froide[13]. En dĂ©pit du sacrifice dâenviron 10 000 de ses hommes (selon les sources de lâĂ©poque), victimes de la dĂ©cision de ThĂ©odose dâutiliser les fĆderati goths en premiĂšre ligne dâune manĆuvre dâencerclement des troupes ennemies[14], Alaric ne reçut pas de lâempereur la reconnaissance Ă laquelle il croyait avoir droit. Au contraire, les Romains sâattribuĂšrent le mĂ©rite de lâopĂ©ration, appropriation qui fit sans doute naitre des doutes chez Alaric et les survivants du massacre sur la fidĂ©litĂ© quâils devaient Ă cet empereur et les porter Ă sâinterroger sur lâutilitĂ© de demeurer Ă son service[15]. Se voyant refuser la promotion au grade de magister militum (commandant en chef) de lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre, Alaric se rĂ©volta et marcha contre Constantinople [16].
ThĂ©odose mourut le 17 janvier 395, laissant lâempire Ă ses deux jeunes fils Arcadius et Honorius dont il aurait confiĂ© la garde au commandant de son armĂ©e devenu aprĂšs lui le personnage le plus puissant de lâEmpire dâOccident, Stilicon[N 4] - [17] - [18]. Câest aussi lâannĂ©e au cours de laquelle Alaric serait devenu, selon les historiens modernes [19] - [20], le roi des Wisigoths. Lâhistorien Peter Heather avance pour sa part que les sources ne permettent pas de dĂ©terminer si lâavĂšnement dâAlaric coĂŻncide avec la rĂ©volte des Goths aprĂšs la mort de ThĂ©odose ou si celui-ci coĂŻncide plutĂŽt avec la guerre contre EugĂšne[21]. Quoi quâil en soit JordanĂšs Ă©crit que le nouveau roi persuada son peuple « de se donner un royaume grĂące Ă leurs propres efforts plutĂŽt que de servir les autres dans lâoisivetĂ© »[22].
Alaric et lâEmpire romain dâOrient (397-400)
AprĂšs la dĂ©bĂącle de lâarmĂ©e romaine rĂ©guliĂšre qui suivit la mort de ThĂ©odose et la division de lâempire entre ses deux fils, Stilicon dĂ©jĂ maitre de la partie occidentale de lâempire oĂč rĂ©gnait en thĂ©orie Honorius voulut se rendre Ă©galement maitre de la partie orientale oĂč rĂ©gnait Arcadius[23] - [24]. Alaric se rebella contre cette invasion dirigĂ©e par quelquâun quâil considĂ©rait occuper un poste qui aurait dĂ» lui revenir. Ses troupes goths ne jouissant plus dâune reconnaissance officielle de lâĂtat ne pouvaient plus forcer les villes Ă leur fournir lâapprovisionnement nĂ©cessaire Ă leur survie; Alaric lança celles-ci dans une « campagne de pillage » aux dires de lâĂ©crivain Claudien, partisan de Stilicon Ă la cour dâHonorius[19]. Lâhistorien moderne Thomas Burns croit plutĂŽt quâAlaric fut en fait recrutĂ© par le prĂ©fet du prĂ©toire dâOrient (deuxiĂšme personnage de lâEmpire dâOrient) Rufinus pour arrĂȘter lâavance de Stilicon en Thessalie[25]. Aucune bataille nâeut lieu. Les troupes dâAlaric se dirigĂšrent vers AthĂšnes et de lĂ le long de la cĂŽte, Alaric cherchant plutĂŽt Ă imposer une nouvelle paix aux Romains[19]. Selon Claudien toutefois, les troupes dâAlaric auraient maraudĂ© tout au cours de lâannĂ©e sâavançant jusquâaux montagnes du PĂ©loponnĂšse oĂč une attaque surprise de Stilicon et de lâarmĂ©e dâOccident venue par mer les aurait arrĂȘtĂ©s et forcĂ©s Ă remonter vers le nord en Ăpire [26]. Selon Zosime les troupes de Stilicon se seraient elles aussi livrĂ©es au pillage, laissant celles dâAlaric sâenfuir avec leur butin[27].
Ă Constantinople, le prĂ©fet Rufinus persuada lâempereur dâordonner Ă Stilicon de retourner avec ses troupes Ă Rome et de renvoyer Ă Constantinople les troupes de lâarmĂ©e dâOrient[28]. Mais Ă leur arrivĂ©e dans la capitale le contingent goth commandĂ© par GaĂŻnas assassina le prĂ©fet Rufinus qui fut remplacĂ© par lâeunuque Eutrope[29]. GaĂŻnas fut alors nommĂ© magister militum pour la Thrace. En 397, Eutrope rĂ©ussit Ă battre les Huns qui maraudaient en Asie mineure. Ayant ainsi rĂ©ussi Ă consolider sa position Ă Constantinople, il convainquit lâempereur Arcadius de faire dĂ©clarer Stilicon ennemi public et Ă nommer Alaric magister militum per Illyricum[26]. Cette reconnaissance permettait Ă Alaric de faire payer et approvisionner ses troupes par lâĂtat; des nĂ©gociations sâengagĂšrent pour permettre Ă©galement Ă ses hommes de sâĂ©tablir dĂ©finitivement en Illyrie[30]. Ă Milan, alors capitale de lâEmpire dâOccident, Stilicon et ses partisans furent outragĂ©s par ce quâils considĂ©raient ĂȘtre une trahison.
LâannĂ©e suivante, en 398, Eutrope put cĂ©lĂ©brer officiellement sa victoire sur « les loups du nord »[31]; cette cĂ©lĂ©bration incluait la reconnaissance du fait que les troupes romaines avaient Ă©tĂ© aidĂ©es par les Goths dont les armes avaient permis de chasser les Huns dâArmĂ©nie[32]. Les relations Ă©taient ainsi redevenues cordiales entre les autoritĂ©s impĂ©riales dâOrient et les Goths[33] lorsquâEutrope fut renversĂ© en 399[34]. Le nouveau rĂ©gime crut alors pouvoir se dispenser des services dâAlaric et transfĂ©ra la province dâIllyricum Ă lâEmpire de lâOuest. Dâune part ceci privait Alaric de son rang officiel ainsi que du paiement de la solde et de lâapprovisionnement de ses soldats, dâautre part le problĂšme goth devenait celui de lâOccident, câest-Ă -dire de Stilicon[35].
PremiĂšre invasion de lâItalie (400-403)
Câest au printemps 402 quâAlaric commença Ă envahir lâItalie[36]. Bien que les sources de lâĂ©poque ne donnent pas de raison pour cette entreprise, il est probable quâAlaric avait un urgent besoin de provisions pour ses hommes[37]. Selon Claudien, Alaric aurait entendu une voix venant dâun bosquet lui dire : « Assez de tergiversation, Alaric; traverse les Alpes italiennes dĂšs cette annĂ©e et tu atteindras la Ville[38]». Alaric traversa effectivement les Alpes prĂšs dâAquilea[39]. Pendant une pĂ©riode de six Ă neuf mois des rapports firent Ă©tat de pillage par les Goths le long des voies romaines dâItalie du nord[40]. Alors quâil se trouvait sur la Via Postumia, Alaric fit face Ă Stilicon[41].
Deux affrontements eurent lieu. Le premier se dĂ©roula Ă Pollentia (aujourdâhui Pollezo dans le Piedmont), le jour de PĂąques. Selon Claudien, Stilico remporta une victoire Ă©clatante, capturant la femme dâAlaric et leurs enfants ainsi quâune grande partie du butin quâAlaric avait amassĂ© au cours des cinq derniĂšres annĂ©es [42]. Au cours de la poursuite qui sâensuivit, Stilicon offrit de retourner les prisonniers, mais son offre fut refusĂ©e. La deuxiĂšme bataille eut lieu Ă VĂ©rone[42]. LĂ encore, Alaric fut battu; Stilicon lui offrit Ă nouveau une trĂȘve lui permettant de quitter lâItalie. Lâhistorien Kulikowski explique cette conduite plutĂŽt incomprĂ©hensible par le fait que les deux hommes Ă©tant en froid avec Constantinople, Stilicon ne voulait pas dĂ©truire des forces qui pourraient Ă©ventuellement ĂȘtre utilisĂ©es contre un adversaire commun[42]. Hansall suit une ligne de pensĂ©e similaire expliquant que dâune part la victoire de Stilicon nâĂ©tait peut-ĂȘtre pas aussi totale que voudrait le faire croire Claudien, dâautre part quâil aurait pu y avoir une entente secrĂšte en fonction de laquelle Alaric serait entrĂ© au service de Stilicon[43]. Cette thĂšse sâappuie sur un passage de Zosime, Ă©crivant un demi-siĂšcle plus tard, qui suggĂšre quâen 405 Alaric aurait Ă©tĂ© « au service de lâOccident », ce qui permet de croire quâune entente aurait effectivement Ă©tĂ© conclue en 402[44]. Alaric se retira alors avec ses troupes dans lâune des quatre provinces de Pannonie dâoĂč il pouvait « jouer lâOccident contre lâOrient tout en menaçant lâun et lâautre[42] ». Si Alaric ne sâaventura pas jusquâĂ Rome, son invasion eut deux consĂ©quences importantes : dâune part la capitale de lâEmpire dâOccident fut transfĂ©rĂ©e de Milan Ă Ravenne et dâautre part elle força le rappel de la lĂ©gion XX Valeria Victrix de Bretagne [45]. Pendant quâAlaric Ă©tait en Pannonie, un autre groupe imposant de Goths sous la conduite de leur chef Radagaise, venus avec divers alliĂ©s dâen dehors de lâempire, franchirent le Danube et avancĂšrent vers lâItalie, pillant villes et villages le long de la cĂŽte[46]. Bien que le gouvernement eut peine Ă recruter suffisamment dâhommes pour faire face Ă ces invasions, Stilicon parvint Ă arrĂȘter la menace lorsque Radagaise divisa ses forces en trois groupes. Stilicon coinça Radagaise prĂšs de Florence et rĂ©ussit Ă obtenir leur soumission par la faim[46]. De son cĂŽtĂ©, Alaric pouvait attendre patiemment lâissue de ces nouvelles attaques pour choisir son camp, alors que Stilicon sâapprĂȘtait Ă faire face Ă de nouvelles invasions barbares[47].
DeuxiĂšme invasion de lâItalie (408-410)
Accord entre Stilicon et Alaric
En 406 et 407, de nouveaux groupes barbares, composĂ©s en grande partie de Vandales, SuĂšves et Alains traversĂšrent le Rhin pour envahir la Gaule pendant quâune rĂ©volte Ă©clatait en Bretagne oĂč les troupes acclamĂšrent lâun des leurs, Constantin, empereur en 407. Pour dĂ©fendre la Gaule envahie par les barbares, Constantin quitta la Bretagne avec toutes ses troupes, laissant celle-ci sans dĂ©fense et sâĂ©tablit Ă TrĂšves[48]. Stilicon pouvait difficilement faire face Ă autant dâennemis Ă la fois. Alaric, qui entretemps avait Ă©tĂ© nommĂ© magister militum par Stilicon en espĂ©rant quâil aiderait Ă se dĂ©barrasser de lâusurpateur, en profita pour marcher vers lâItalie. SâarrĂȘtant dans le Norique (aujourdâhui lâAutriche), il rĂ©clama la somme de 4 000 livres dâor pour ne pas envahir lâItalie [49] - [50]. Le SĂ©nat se rĂ©volta Ă la pensĂ©e dâacheter ainsi la paix et Zosime cite la formule dâun sĂ©nateur : Non est ista pax, sed pactio servitutis (litt : « Ceci nâest pas une paix, mais un pacte de servitude »[51]). MalgrĂ© les rĂ©ticences du SĂ©nat, Stilicon agrĂ©a le paiement de cette somme[52]. SensĂ©e sur le plan militaire, cette dĂ©cision affaiblit considĂ©rablement Stilicon sur le plan politique Ă la cour dâHonorius : par deux fois Stilicon avait permis Ă Alaric de sâĂ©chapper et maintenant Radagaise Ă©tait aux portes de Florence[53].
Mort d'Arcadius et de Stilicon
Ă lâEst, lâempereur Arcadius, mourut le 1er mai 408 et fut remplacĂ© par son fils ThĂ©odose II (r. 408-450). Il semble que Stilicon aurait alors voulu marcher sur Constantinople pour y installer un rĂ©gime qui lui soit favorable[54]. Mais avant quâil ne puisse entreprendre cette expĂ©dition, un coup fomentĂ© contre lui et ses partisans, et menĂ© par le maitre des offices (chancelier impĂ©rial) Olympius, eut lieu alors quâil Ă©tait hors de la ville accompagnĂ© dâun seul dĂ©tachement[55]. Cette unitĂ©, formĂ©e de Goths et de Huns, Ă©tait sous le commandement dâun Goth, Sarus, dont les hommes massacrĂšrent leurs collĂšgues huns pendant leur sommeil. AbandonnĂ©, Stilicon fut capturĂ© par des hommes dâOlympius qui, bien que lui ayant promis la vie sauve, le fit assassiner[56].
Alaric fut alors dĂ©clarĂ© « ennemi de lâempereur » pendant que les hommes dâOlympius pourchassaient les survivants goths du massacre ainsi que leurs familles et autres « fĂ©dĂ©rĂ©s » de lâarmĂ©e lesquels allĂšrent chercher refuge chez Alaric dans le Norique [57]. Avec la fuite de milliers de recrues, lâarmĂ©e romaine Ă©tait dĂ©sorganisĂ©e et lâItalie privĂ©e de toute dĂ©fense[58] - [59].
PrivĂ© de la reconnaissance de lâĂtat, Alaric nâavait plus lâautoritĂ© pour collecter les taxes dont il avait besoin pour lâentretien de ses hommes. Il offrit alors de retourner en Pannonie moyennant un montant plutĂŽt modeste et le titre de comes, ce qui lui fut refusĂ© par le rĂ©gime dâOlympus qui le considĂ©rait comme un alliĂ© de Stilicon[60].
SiĂšges et prise de Rome (408-410)
PoussĂ© au pied du mur, Alaric et son armĂ©e de quelque 30 000 hommes, nombre dâentre eux nouvellement engagĂ©s et dâautant plus motivĂ©s, marcha sur Rome pour venger les familles victimes de ses soldats massacrĂ©s[61]. Il traversa les Alpes juliennes pour arriver en Italie, probablement en utilisant une route et des provisions dĂ©jĂ prĂ©parĂ©es pour lui par Stilicon[62]. Ăvitant Ravenne dĂ©fendue par des marĂ©cages et pourvue dâun port de mer, il arriva en septembre 408 devant Rome dont il entreprit immĂ©diatement le siĂšge[N 5]. Aucun combat ne fut livrĂ©, Alaric comptant sur la faim pour briser la volontĂ© des habitants. De fait, et aprĂšs dâĂąpres discussions, les habitants agrĂ©Ăšrent de lui payer 5 000 livres dâor, 30 000 livres dâargent, 4 000 tuniques, 3 000 peaux teintes et 3 000 livres de poivre[63]. Alaric en profita pour libĂ©rer 40 000 esclaves goths quâil engagea dans son armĂ©e avant de lever le siĂšge retirer[45].
AprĂšs avoir acceptĂ© les termes imposĂ©s par Alaric pour lever le siĂšge, lâempereur Honorius revint sur sa dĂ©cision. Selon lâhistorien A.D. Lee lâun des points dâachoppement pourrait avoir Ă©tĂ© la condition mise de lâavant par Alaric dâĂȘtre nommĂ© commandant en chef de lâarmĂ©e romaine, et de voir mettre Ă la disposition des Wisigoths les provinces de VĂ©nĂ©tie, Dalmatie et Norique pour sây installer, conditions quâHonorius nâĂ©tait pas prĂȘt Ă accepter[64] - [65]. Devant le refus de lâempereur, Alaric non seulement entreprit un deuxiĂšme siĂšge de Rome, mais fit proclamer par le SĂ©nat la dĂ©chĂ©ance dâHonorius et son remplacement par un Ă©minent sĂ©nateur du nom de Priscus Attale[66]. Comme convenu, Attale nomma immĂ©diatement Alaric magister militum et, de concert, au cours de 409, les deux marchĂšrent sur Ravenne. EffrayĂ©, Honorius Ă©tait prĂȘt Ă partager le pouvoir, lui-mĂȘme demeurant Augustus Ă Ravenne pendant quâAlaric le serait Ă Rome, ce que refusa Alaric sĂ»r de sa force. Sur ces entrefaites cependant des troupes envoyĂ©es de Constantinople, 40 000 hommes si lâon en croit Zosime, lui redonnĂšrent courage et il dĂ©cida de gagner du temps[67].
La seule maniĂšre qui aurait permis Ă Alaric de lâemporter aurait Ă©tĂ© de forcer le gouverneur dâAfrique, HĂ©raclius, Ă interrompre lâapprovisionnement en blĂ© de lâItalie soumettant ainsi la population par la faim. Mais HĂ©raclius tint bon et Attale avec lâappui du SĂ©nat refusa de faire renverser un gouverneur romain par un contingent de Goths. Alaric qui se trouvait Ă Rimini convoqua alors Attale et, publiquement, le destitua; aprĂšs avoir Ă nouveau vainement tentĂ© de nĂ©gocier avec Honorius, il se dĂ©cida Ă assiĂ©ger Rome pour la troisiĂšme fois[68]. La nourriture se faisant rare, vers la fin du mois dâaout, Alaric entra dans la ville quâil livra aux trois jours habituels de pillage[68].
Le sac de la ville pour tragique quâil fut par ses destructions, fut probablement moins atroce que les rĂ©cits qui en furent faits par la suite. ProfondĂ©ment chrĂ©tien, Alaric interdit que lâon touche aux Ă©glises et autres lieux de cultes, et ordonna que le droit dâasile soit respectĂ©[69]. Et lorsque des objets liturgiques furent dĂ©robĂ©s Ă la basilique Saint-Pierre en dĂ©pit de ses ordres, il commanda quâils soient retournĂ©s et remis avec solennitĂ© Ă leur place[70].
Ă nouveau, Alaric voyait sâenvoler son rĂȘve dâĂȘtre reconnu comme lâun des grands personnages de cette Rome que ses troupes venaient de saccager. Pour reprendre les mots de lâhistorien Michael Kulikowski : « Tout ce quâil avait dĂ©sirĂ©, tout ce pour quoi il sâĂ©tait battu au cours des derniers quinze ans sâenvolait en fumĂ©e en mĂȘme temps que la capitale dâun ancien monde. Le trĂŽne impĂ©rial sur lequel lui et ses partisans le voyaient installĂ© devenait inaccessible. Ce quâil pouvait prendre par la force, comme il venait de le faire pour Rome, ne lui serait jamais concĂ©dĂ© de plein droit. Le sac de Rome ne rĂ©solvait rien et, une fois celui-ci terminĂ©, les troupes dâAlaric nâavaient toujours aucun endroit oĂč sâinstaller et les perspectives dâavenir Ă©taient plus sombres que jamais[71]».
Mort dâAlaric, avĂšnement dâAthaulf
Toutefois les Goths ne devaient pas sâĂ©terniser dans la Ville. Trois jours aprĂšs la fin du sac, Alaric conduisit ses troupes en Campanie dâoĂč il comptait probablement sâembarquer pour la Sicile afin d'y obtenir des provisions et autres fournitures ou mĂȘme vers lâAfrique pour affronter HĂ©raclius, lorsquâune tempĂȘte dĂ©vasta sa flotte[72]. Il dĂ©cida de remonter vers le nord de lâItalie, mais alors quâil se trouvait Ă Constantia en Calabre, il fut emportĂ© par la fiĂšvre alors quâil nâavait que quarante ans. Ses hommes emportĂšrent son corps jusquâĂ la riviĂšre Busento. On y construisit un barrage temporaire et on enterra son corps dans le lit de la riviĂšre. Puis, on brisa le barrage et son tombeau fut recouvert par les eaux[73].
Il fut remplacĂ© Ă la tĂȘte de lâarmĂ©e par son beau-frĂšre, Athaulf, qui devait Ă©pouser la sĆur dâHonorius, Galla Placidia, trois ans plus tard[74] - [75]. Il se dirigea alors vers la Gaule oĂč il sâĂ©tablit avec ses hommes en Aquitaine. Athaulf et ses Goths constituĂšrent ainsi le premier royaume barbare reconnu au sein de lâEmpire romain. Toutefois, il devra quitter celle-ci sous la pression du gĂ©nĂ©ral Constance (le futur Constance III) pour aller sâĂ©tablir en Espagne. Ce nâĂ©tait toutefois que partie remise, car par le fĆdus de 416, Honorius accorda aux Wisigoths des terres dans la province Aquitaine seconde (actuellement Bordelais, Charentes et Poitou)[76]. Ce sera ensuite le tour des Vandales de sâĂ©tablir en Espagne et en Afrique, des Burgondes sur le Haut-Rhin et le sud de la Gaule ainsi que les Francs sur le Bas-Rhin et dans le centre et le nord de la Gaule[77], faisant ainsi naitre une sĂ©rie de royaumes barbares autonomes au sein de lâEmpire romain.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Alaric I1108765342 » (voir la liste des auteurs).
Notes
- Région géographique située au sud du cours inférieur du Danube, dans les actuelles Serbie, Bulgarie (nord), Macédoine (nord) et Roumanie (Dobroudja).
- Historien de langue latine du VIe siĂšcle connu principalement comme l'auteur d'une "Histoire des Goths" (Getica) composĂ©e en 511, rĂ©sumĂ© d'une Ćuvre perdue de Cassiodore, lui-mĂȘme historien des Goths au dĂ©but du VIe siĂšcle.
- Le fĆdus (traitĂ© d'alliance, pacte, convention, alliance ou contrat) Ă©tait normalement un traitĂ© passĂ© entre Rome et une citĂ© ou un peuple Ă©tranger, donc hors du territoire impĂ©rial, qui prenait alors le statut de citĂ© alliĂ©e (cÄ«vitÄs fĆderÄta) ou de « peuple fĂ©dĂ©rĂ© ».
- Si la garde dâHonorius ne faisait pas difficultĂ© en Occident, cette affirmation fut rejetĂ©e en Orient par le prĂ©fet du prĂ©toire Rufinus qui se considĂ©rait comme tuteur du jeune Arcadius.
- Il faut se souvenir quâalors que le SĂ©nat continuait Ă siĂ©ger Ă Rome, lâempereur habitait maintenant Ravenne.
Références
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- Hydace de Chaves, « Hydatii Gallaeciae episcopi chronicon »
- Kulikowski, (2005), p. 145
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- Morrisson, (2007), pp. 190-191
- Demougeot (1947) p. 18
- Boin (2020) p. 31
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- Heather (1991) p. 197
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- Heather (2013) pp. 153-160
- Burns (1994) p. 159
- Kulinowski (2019) p. 126
- Zozime, Histoire nouvelle, livre V
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Voir aussi
Liens internes
- Guerre des Goths (377 â 382)
Liens externes
- (en) « Alaric I » (in) World History Blog. [en ligne] http://www.worldhistoryblog.com/2006/08/alaric-i.html
- (en) Campbell, Gabriele. "The legend of Alaric's burial", 2006. (in) The Lost Fort. [en ligne] https://lostfort.blogspot.com/2006/04/legend-of-alarics-burial.html.
- « Les Wisigoths, barbares comme les autres ? », Carbone 14, le magazine de l'archéologie, France Culture, .