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Pleine conscience

L'expression pleine conscience dĂ©signe une attitude d'attention, de prĂ©sence et de conscience vigilante, qui peut ĂȘtre interne (sensations, pensĂ©es, Ă©motions, actions, motivations, etc.) ou externe (au monde environnant, bruits, objets, Ă©vĂ©nements, etc.).

C'est une notion indienne ancienne, samma-sati en pali, samyak-smriti en sanskrit, l'« attention juste[1] ». AssociĂ©e Ă  l’enseignement de Siddhartha Gautama, elle joue un rĂŽle important dans le bouddhisme oĂč la pleine conscience est une Ă©tape nĂ©cessaire vers la libĂ©ration (bodhi ou Ă©veil spirituel) ; il s’agit d'un des membres du noble sentier octuple.

L'appellation « pleine conscience » est la traduction française de mindfulness en anglais, désignation de Jon Kabat-Zinn pour distinguer l'état recherché dans une pratique thérapeutique d'une forme de méditation ayant pour but la réduction du stress (MBSR) ou la prévention de rechutes dépressives (MBCT). Il est parfois jugé que le mot conscience est réducteur, ainsi en français on parle aussi de « pleine présence », de « présence attentive ».

Les publications scientifiques sur le sujet sont de qualitĂ© inĂ©gale, pouvant reposer sur des biais mĂ©thodologiques ou des conflits d’intĂ©rĂȘt, mais l'analyse systĂ©matique de recherches correctement conduites montre des effets faibles Ă  modĂ©rĂ©s sur le stress psychologique (anxiĂ©tĂ©, dĂ©pression, douleur) tandis que sur d'autres troubles aucun effet significatif n'est dĂ©montrĂ©. Il existe un certain nombre d'effets indĂ©sirables qui peuvent apparaĂźtre lors de cette pratique. Certains affirment par ailleurs que bien que proclamĂ©e laĂŻque, la pleine conscience reste rattachĂ©e au bouddhisme, et qu'il y a des risques d'instrumentalisation par diffĂ©rentes structures telles que des entreprises, armĂ©es, ou encore des groupes sectaires.

Principes dans le bouddhisme

L’attention juste ou pleine conscience consiste Ă  ramener son attention sur l'instant prĂ©sent et Ă  observer les sensations ou pensĂ©es tandis qu'elles apparaissent puis disparaissent : « c’est l’attention portĂ©e Ă  l’expĂ©rience vĂ©cue et Ă©prouvĂ©e, sans filtre (on accepte ce qui vient), sans jugement (on ne dĂ©cide pas si c’est bien ou mal, dĂ©sirable ou non), sans attente (on ne cherche pas quelque chose de prĂ©cis)[2] ».

Le pratiquant peut examiner la matiÚre (en particulier le corps), les perceptions, les habitudes mentales positives ou négatives, la conscience. L'observateur est supposé rester neutre et silencieux (le « silence mental ») en examinant l'apparition et la disparition des sensations agréables, neutres ou désagréables, sans juger, sans chercher à retenir la sensation agréable ni à rejeter la sensation désagréable. Dans une approche bouddhiste, l'observateur apprend à se détacher et se libÚre progressivement de la matiÚre, de la sensation, de la perception, des conditionnements mentaux, de la conscience, et donc de dukkha (l'insatisfaction, la souffrance).

Cette pleine conscience n’est pas limitĂ©e Ă  la pratique de la mĂ©ditation, mais elle consiste simplement Ă  observer les objets physiques et mentaux qui se prĂ©sentent Ă  l'esprit. Quand un objet disparaĂźt, la pleine conscience ne cesse pas, elle est tournĂ©e par l'observateur vers un objet « par dĂ©faut » : le souffle ou la marche. Quand un nouvel objet apparaĂźt Ă  l'esprit, l'attention dĂ©laisse l'objet « par dĂ©faut » et s'applique Ă  observer attentivement le nouvel objet selon les deux aspects de sa nature, comme vĂ©ritĂ© conventionnelle (sammuti sacca) et comme vĂ©ritĂ© ultime (paramattha sacca). L'attention sur le souffle (ānāpānasati) : inspire, petite pause, expire, petite pause, n'est pas une fin en soi mais elle soutient efficacement la vitalitĂ© de la pleine conscience.

Le Bouddha conseille d'observer la sensation intérieurement (dans le mental) et extérieurement (dans le corps). Par exemple, si l'observateur voit dans le mental : "chaud", il peut voir aussi dans le corps : dilatation des vaisseaux sanguins, transpiration, etc. Ensuite, si l'observateur voit dans le mental : "froid", il peut voir aussi dans le corps : contraction des vaisseaux sanguins, grelottement, etc.

La pleine conscience se situe au-delà de la premiÚre forme de sagesse : l'aspiration issue de l'écoute ou de la lecture des instructions, et au-delà de la deuxiÚme forme : la logique de l'intellect. Elle est la troisiÚme forme de sagesse, dite bhavana-maya panna, la vision directe de la réalité ultime en toute chose, la sagesse obtenue par l'expérience personnelle directe, le développement de l'esprit[3].

Utilisation thérapeutique

Bien que cette pratique soit issue du bouddhisme, elle a trouvé deux types d'application en thérapie cognitive :

  • la mĂ©thode de « rĂ©duction du stress Ă  partir de la pleine conscience » (en anglais, Mindfulness-Based Stress Reduction ou MBSR) a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e par Jon Kabat-Zinn. Elle est proposĂ©e dans 200 hĂŽpitaux amĂ©ricains[4]. Le principe a aussi Ă©tĂ© adoptĂ© par des Ă©crivains, confĂ©renciers ainsi que des psychologues dans le traitement du stress et de l’anxiĂ©tĂ©.
  • la thĂ©rapie basĂ©e sur la pleine conscience pour la dĂ©pression (en anglais, Mindfulness-Based Cognitive Therapy for Depression ou MBCTD) a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e comme un moyen de prĂ©vention des rechutes dĂ©pressives, rechutes dont la consĂ©quence peut ĂȘtre le suicide[5] - [6]. Une Ă©tude de l'universitĂ© d'Oxford publiĂ©e en par The Lancet suggĂšre qu'une thĂ©rapie basĂ©e sur la mĂ©ditation pleine conscience est une alternative aussi efficace qu'un traitement par antidĂ©presseurs dans la prĂ©vention de rechute dĂ©pressive[7] - [8].

L'utilisation de la pleine conscience repose sur un « changement de postulat »[9]. Alors que les thérapies cognitives classiques avançaient qu'il fallait travailler sur les contenus des pensées négatives et les biais cognitifs, l'application de la MBCTD à la prévention des rechutes dépressives se base sur des résultats qui conduisent à penser que la vulnérabilité dépend avant tout de l'humeur plutÎt que du contenu des pensées. L'humeur jouerait un rÎle prépondérant en contribuant aux pensées dysfonctionnelles et à la rechute dépressive : « Il s'est rarement produit au cours des recherches en psychologie clinique qu'une prédiction aussi forte soit rejetée de maniÚre aussi tranchée. Des attitudes et croyances dysfonctionnelles n'étaient pas cause de rechute[10]. »

La pratique de la pleine conscience est un exercice utilisé dans la psychothérapie comportementale dialectique, un traitement de Marsha Linehan pour les patients souffrant du trouble de la personnalité borderline.

Mindfulness-Based Stress Reduction (MBSR)

La « rĂ©duction du stress Ă  partir de la pleine conscience » (en anglais, Mindfulness-Based Stress Reduction ou MBSR) a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e par Jon Kabat-Zinn en 1979. La mĂ©ditation Mindfulness est une adaptation de la mĂ©ditation bouddhiste pleine conscience qui vise Ă  combattre l’angoisse, le stress, la maladie et la douleur[11]. Elle est aussi une technique de bien-ĂȘtre qui permet aux individus de vivre plus intensĂ©ment le moment prĂ©sent.

Selon le biostatisticien Bruno Falissard, les Ă©tudes cliniques sur le sujet sont « aujourd’hui [en 2019] suffisamment bien faites pour reconnaĂźtre qu’il s’agit d’un soin psychothĂ©rapeutique avec des rĂ©sultats convaincants[12]. »

Description de la pratique

La mĂ©ditation pleine conscience ne consiste pas Ă  ne penser Ă  rien, mais plutĂŽt Ă  rĂ©orienter son attention soit de façon ciblĂ©e, vers un ou plusieurs Ă©lĂ©ments du prĂ©sent (sur ses sensations, sur sa respiration ou tout autre phĂ©nomĂšne psychologique tel que la douleur, ou le bien-ĂȘtre), soit de façon non-ciblĂ©e, en ouvrant sa vigilance, et ses sens, Ă  tous les Ă©lĂ©ments de l'instant prĂ©sent, au fur et Ă  mesure de leur entrĂ©e en scĂšne (bruits, pensĂ©es, souvenirs, tempĂ©rature ambiante, projets, sentiments, position du corps...). Selon Christophe AndrĂ© : « Elle propose notamment, face aux moments de stress quotidiens, de ne pas chercher Ă  fuir ces instants par la distraction (en pensant Ă  autre chose) ou l’action (en s’absorbant dans le travail ou un loisir) ; il s’agit au contraire de les accueillir et de les observer, dans un Ă©tat particulier de conscience et d’éveil corporel qui permet d’éviter qu’ils s’aggravent ou deviennent chroniques[2]. »

En se mettant Ă  l'Ă©coute du prĂ©sent et de ses propres sensations, le mĂ©ditant est en prĂ©sence de la structure de ses habitudes. Les pensĂ©es ayant un impact majeur sur notre sensation de bien-ĂȘtre et nos dĂ©cisions quotidiennes, la mĂ©ditation pleine conscience, en mettant le pratiquant dans une prise de conscience directe avec ses sensations au moment prĂ©sent, aurait un effet, au minimum, d'apaisement mental[2].

Pleine conscience, méditation et thérapie

La pleine conscience ou mindfulness est un état psychologique qui centre l'individu sur le moment présent. La méditation vise à s'orienter vers cet état de pleine conscience. La pratique est en moyenne de quarante minutes de méditation par jour[12].

La thérapie cognitive MBSR est un programme d'exercices de méditations qui vise la réduction du stress et la disparition des états d'angoisse[12]. Dérivées de la MBSR, des thérapies cognitives fondées sur la pleine conscience sont utilisées en psychiatrie[13].

Dans une perspective de psychologie positive, la mĂ©ditation pleine conscience peut ĂȘtre utilisĂ©e comme une technique de bien-ĂȘtre voire de dĂ©veloppement personnel.

Mindfulness-Based Cognitive Therapy for Depression (MBCT)

La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT) est une thérapie psychologique conçue pour aider à prévenir la rechute de la dépression, en particulier chez les personnes atteintes de trouble dépressif majeur (TDM). Il utilise des méthodes traditionnelles de thérapie cognitivo-comportementale (TCC) et ajoute de nouvelles stratégies psychologiques telles que la pleine conscience et la méditation de pleine conscience. Les méthodes cognitives peuvent inclure l'éducation du participant sur la dépression[14]. La pleine conscience et la méditation de pleine conscience se concentrent sur la prise de conscience de toutes les pensées et tous les sentiments entrants et sur leur acceptation, mais sans s'y attacher ou y réagir[15].

La mĂ©ditation pleine conscience est Ă©galement au cƓur d'une thĂ©rapie codifiĂ©e par Zindel Segal (en) et ses collĂšgues de l'universitĂ© de Toronto[2] : la thĂ©rapie cognitive basĂ©e sur la pleine conscience (pour la dĂ©pression) (en anglais, Mindfulness-Based Cognitive Therapy (for Depression) ou MBCT). En France, c'est dans le Service Hospitalo-Universitaire du centre hospitalier Sainte-Anne que cette thĂ©rapie fut proposĂ©e pour la premiĂšre fois en 2004 par le Dr Christophe AndrĂ©, qui y exerçait alors comme psychiatre et praticien hospitalier.

Revues systématiques et méta-analyse

L'étude de l'efficacité thérapeutique de la pleine conscience a fait l'objet de nombreuses publications de qualité inégale[note 1], mais aussi d'analyses de revues systématiques et d'une méta-analyse qui montrent des effets faibles à modérés uniquement sur certains troubles :

  • En 2014, une mĂ©ta-Ă©tude publiĂ©e dans le JAMA Internal Medicine (en) concernant la mĂ©ditation a montrĂ© des effets faibles Ă  modĂ©rĂ©s sur le stress psychologique (anxiĂ©tĂ©, dĂ©pression, douleur) mais aucun effet significatif sur plusieurs aspects tels que l'humeur, l'attention, et le sommeil[17]. Il est cependant important de noter que cette mĂ©ta-Ă©tude agrĂšge des Ă©tudes sur des programmes de pleine conscience, mais aussi sur d'autres pratiques mĂ©ditatives (mantra, mĂ©ditation transcendentale)
  • En 2016, une analyse de 11 revues systĂ©matiques publiĂ©es par Cochrane sur l'efficacitĂ© de la mindfulness sur diffĂ©rents troubles (fibromyalgie, agressivitĂ© chez les personnes ayant un handicap intellectuel, troubles d'anxiĂ©tĂ©, troubles somatoformes, et fatigue aprĂšs un AVC) conclut Ă  un manque de preuves d'efficacitĂ©[18].
  • En 2017, une analyse de 26 revues systĂ©matiques conclut que les programmes basĂ©s sur l'utilisation de la mindfulness pour des troubles chroniques sont potentiellement bĂ©nĂ©fiques aux personnes ayant une dĂ©pression et peuvent augmenter le bien-ĂȘtre psychologique. Sur le plan physique aucun effet probant sur la santĂ© n'a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©, mais une amĂ©lioration de la capacitĂ© Ă  supporter la douleur a Ă©tĂ© relevĂ©e[19].

Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour déterminer quels sont les effets spécifiques (non placebos), et sur le long terme, de la mindfulness, ainsi que pour clarifier la causalité entre la pratique de cette méditation et les effets constatés[19].

La revue PLoS One s'est rĂ©tractĂ©e en 2019 pour potentiel conflit d'intĂ©rĂȘt, et des erreurs mĂ©thodologiques[20], au sujet d'une synthĂšse de revues systĂ©matiques de 2015 qui disait confirmer des vertus de la mĂ©ditation pleine conscience (MBSR et MBCT) pour soulager des symptĂŽmes, Ă  la fois physiques et mentaux, en traitement d'appoint[21].

Risques

Contre-indication et effets indésirables

Nicholas Van Dam, psychologue, indique que « La pratique de la mĂ©ditation [de pleine conscience] nĂ©cessite un ego solide. S’il est altĂ©rĂ© par un trauma ou par une psychose, alors la mĂ©ditation est contre-indiquĂ©e[13] ».

Les effets secondaires de la mĂ©ditation pleine conscience sont peu Ă©valuĂ©s en comparaison des effets bĂ©nĂ©fiques, et la psychiatre Willoughby Britton de l’universitĂ© Brown aux États-Unis indique que : « Dans les essais cliniques sur la mĂ©ditation, par exemple, les effets secondaires ne sont pas reportĂ©s de façon adĂ©quate. Quand vous interrogez les personnes qui pratiquent la mĂ©ditation au sujet d'expĂ©riences inhabituelles, elles rĂ©pondent gĂ©nĂ©ralement nĂ©gativement. La pression du groupe et la prĂ©sence de l’instructeur influencent aussi leurs rĂ©ponses, car ils craignent d’entacher l’image de la mĂ©ditation. Mais si vous les questionnez en privĂ© sur des effets prĂ©cis, comme la rĂ©surgence de souvenirs traumatiques, l’anxiĂ©tĂ© ou le sentiment de ne plus ĂȘtre dans leurs corps, alors elles reconnaissent traverser des expĂ©riences difficiles[13]. »

Des effets indĂ©sirables ont pu ĂȘtre observĂ©s avec une pratique mal dirigĂ©e ou avec des instructeurs sous-qualifiĂ©s. Les problĂšmes rapportĂ©s sont des cas de dĂ©personnalisation et de fragilisation[22].

DĂ©rives et instrumentalisation

La pleine conscience est au cƓur d'un marchĂ© lucratif, « avec 1 million de nouveaux mĂ©ditants chaque annĂ©e aux Etats-Unis et un marchĂ© Ă©valuĂ© Ă  1 milliard de dollars en 2015[13] ». Elle peut donc attirer des opportunistes qui l'utilisent pour s'enrichir, voire devenir un produit d'appel pour des groupes sectaires[23]. De plus, il est possible que des personnes non formĂ©es ou non complĂštement formĂ©es se dĂ©clarent instructeurs. Or le public susceptible de s'intĂ©resser Ă  la pleine conscience en tant que thĂ©rapie est par dĂ©finition un public fragilisĂ© et potentiellement vulnĂ©rable ne pouvant pas ĂȘtre pris en charge par des gens qui ne sont pas formĂ©s Ă  cette problĂ©matique particuliĂšre[22].

L'Unadfi a relayĂ© en 2018 les propos de Vicente Jara, professeur[24] Ă  Domuni (un Ă©tablissement privĂ© catholique d'enseignement supĂ©rieur fondĂ© et administrĂ© par l'Ordre des PrĂȘcheurs) et membre fondateur du rĂ©seau composĂ© de catholiques espagnols RĂ©seau ibĂ©ro-amĂ©ricain pour l’étude des sectes (RIES), qui affirme que la mĂ©ditation pleine conscience est « une technique prĂ©sentĂ©e comme dĂ©tachĂ©e de toute religiositĂ© mais qui en dĂ©finitive fait partie intĂ©grante du bouddhisme[25]. ».

En 2021, Élisabeth Martens publie La mĂ©ditation de pleine conscience. L’envers du dĂ©cor dans lequel, selon Le Monde Diplomatique, « Elle reproche aux promoteurs de ce mouvement, adaptĂ© aux goĂ»ts occidentaux par le professeur de mĂ©decine Jon Kabat-Zinn, de cacher sa dimension religieuse et de dĂ©tourner les pratiques mĂ©ditatives pour en faire une recette de management, la mindfulness[26]. »

Certains ont dĂ©jĂ  pointĂ© les risques d'une « dĂ©rive », en particulier dans les entreprises, oĂč la pleine conscience pourrait ĂȘtre dĂ©tournĂ©e de son but et utilisĂ©e Ă  des fins d'une part d'augmentation de l'efficacitĂ© et de la performance, et d'autre part de rĂ©solution de mal-ĂȘtre au travail, sans que les sources extĂ©rieures de ce mal-ĂȘtre ne soient elles-mĂȘmes traitĂ©es. Ainsi que le disent les chercheurs David Zarka et Ilios Kotsou : « Cette mĂ©ditation risque de devenir une pratique au service de l'injonction de performance et d'Ă©valuation qui caractĂ©rise nos sociĂ©tĂ©s nĂ©olibĂ©rales[27]. » Le Dr. Michel David, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration Française de Psychiatrie, renchĂ©rit en rĂ©action Ă  un sĂ©minaire de mĂ©ditation organisĂ© au MinistĂšre de la SantĂ© en 2019 : « Que les gens fassent de la mĂ©ditation chez eux, comme on fait du yoga ou de la relaxation, trĂšs bien, mais que ça soit promu comme une politique publique, c'est un peu comique. Et problĂ©matique. D'abord, pourquoi cette mĂ©thode, plutĂŽt qu'une autre ? Et puis, pour l’État, c'est dire aux gens ; vous allez mal, payez-vous des sĂ©ances de mĂ©ditation, ça ne coĂ»te rien Ă  la SĂ©cu »[28].

L'armée peut utiliser la pleine conscience pour favoriser la résilience des soldats[13].

Jon Kabat-Zin dĂ©clare en 2018 : « Je suis trĂšs heureux que la pleine conscience se soit si bien implantĂ©e dans tant de pays Ă  travers le monde [...]. NĂ©anmoins, il faut rester prudent. La rapiditĂ© avec laquelle la pleine conscience s’implante dans les pays occidentaux fait courir le risque qu’elle perde son sens, en Ă©tant instrumentalisĂ©e de maniĂšre opportuniste ou en Ă©tant utilisĂ©e comme un produit. Il relĂšve de la responsabilitĂ© de tous ceux impliquĂ©s dans ce mouvement de veiller Ă  ce que l’intĂ©gration de la pleine conscience se fasse de maniĂšre Ă©thique, afin qu’elle contribue pleinement Ă  l’apaisement dont nos sociĂ©tĂ©s ont besoin[29]. » De fait, la mĂ©ditation pleine conscience est dĂ©sormais un mot-clef au fort potentiel commercial, qui fait le succĂšs d'Ă©crivains populaires, d'entreprises de coaching ou de conseil (comme l'Institut français pleine conscience mindfullness de Jean-GĂ©rard Bloch ou les multiples activitĂ©s du trĂšs mĂ©diatique Christophe AndrĂ©), et mĂȘme des cabinets de lobbying comme Initiative Mindfullness, surfant sur le business de la mĂ©ditation pleine conscience[28].

Notes et références

Notes

  1. Des micro-Ă©tudes prĂȘtent toutes sortes de vertus miraculeuses Ă  la mĂ©ditation pleine conscience (jusqu'Ă  une diminution de la progression du VIH/SIDA[16]), mais ces Ă©tudes sont souvent entachĂ©es de biais mĂ©thodologiques, voire de conflits d'intĂ©rĂȘts

Références

  1. The encyclopedia of Eastern philosophy and religion: Buddhism, Hinduism, Taoism, Zen, Shambhala, 1994, p. 99
  2. Christophe AndrĂ©, « La mĂ©ditation de pleine conscience », Cerveau & Psycho, no 41,‎ (lire en ligne)
  3. Under the Bodhi Tree : Buddha's original vision of dependent co-arising, page 22, De Buddhadasa bhikkhu, Ă©dition Simon and Schuster
  4. Kabat-Zinn, J., « An out-patient program in Behavioral Medicine for chronic pain patients based on the practice of mindfulness meditation: Theoretical considerations and preliminary results ». Gen. Hosp. Psychiatry (1982) 4:33-47
  5. Journal of clinical psychology 62 de février 2006
  6. La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience pour la dépression : Une nouvelle approche pour prévenir la rechute de Zindel-V Segal, J-Mark-G Williams, John-D Teasdale, De Boeck 2006
  7. (en) « The Lancet: Mindfulness-based therapy could offer an alternative to antidepressants for preventing depression relapse ».
  8. (en) « Effectiveness and cost-effectiveness of mindfulness-based cognitive therapy compared with maintenance antidepressant treatment in the prevention of depressive relapse or recurrence (PREVENT): a randomised controlled trial », sur thelancet.com, : « We found evidence from this trial to support MBCT-TS as an alternative to maintenance antidepressants for prevention of depressive relapse or recurrence at similar costs. ».
  9. Dépression : des thérapies comportementales et cognitives aux thérapies (...)
  10. « La thérapie basée sur la pleine conscience pour la dépression. Une nouvelle approche pour prévenir la rechute » de Zindel V. Segal J. Mark G. Williams, John D. Teasdale, préfacé par C. André et Matthieu Ricard, De Boeck, 2006, p. 50.
  11. , France Inter, La TĂȘte au carrĂ©, Le pouvoir thĂ©rapeutique de la mĂ©ditation avec Antoine Lutz (Chercheur en neurosciences cognitives Ă  l’inserm au Centre de recherche en neurosciences de Lyon), Jean-GĂ©rard Bloch (Rhumatologue Ă  Strasbourg, dirige le diplĂŽme universitaire de MĂ©decine MĂ©ditation et neurosciences), SĂ©bastien Bolher (Journaliste)
  12. « Jean-GĂ©rard Bloch, pionnier de la mĂ©ditation thĂ©rapeutique », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  13. Le Monde 8 janvier 2018
  14. Manicavasgar V, Parker G, Perich T, « Mindfulness-based cognitive therapy vs cognitive behaviour therapy as a treatment for non-melancholic depression », Journal of Affective Disorders, vol. 130, nos 1–2,‎ , p. 138–44 (PMID 21093925, DOI 10.1016/j.jad.2010.09.027)
  15. Hofmann SG, Sawyer AT, Fang A, « The empirical status of the "new wave" of cognitive behavioral therapy », The Psychiatric Clinics of North America, vol. 33, no 3,‎ , p. 701–10 (PMID 20599141, PMCID 2898899, DOI 10.1016/j.psc.2010.04.006)
  16. Communiqué de presse : Practice of mindfulness meditation slows the progression of HIV, study shows, Article scientifique : Mindfulness meditation training effects on CD4+ T lymphocytes in HIV-1 infected adults: A small randomized controlled trial
  17. (en) Madhav Goyal, Sonal Singh et Erica M. S. Sibinga, « Meditation Programs for Psychological Stress and Well-being: A Systematic Review and Meta-analysis », JAMA Internal Medicine (en), Association mĂ©dicale amĂ©ricaine, vol. 174, no 3,‎ , p. 357-368 (ISSN 2168-6106, DOI 10.1001/jamainternmed.2013.13018, lire en ligne) :
    « Mindfulness meditation programs had moderate evidence of improved anxiety (effect size, 0.38 [95% CI, 0.12-0.64] at 8 weeks and 0.22 [0.02-0.43] at 3-6 months), depression (0.30 [0.00-0.59] at 8 weeks and 0.23 [0.05-0.42] at 3-6 months), and pain (0.33 [0.03- 0.62]) and low evidence of improved stress/distress and mental health–related quality of life. We found low evidence of no effect or insufficient evidence of any effect of meditation programs on positive mood, attention, substance use, eating habits, sleep, and weight. We found no evidence that meditation programs were better than any active treatment (ie, drugs, exercise, and other behavioral therapies). »
  18. (en) Rubio Rodriguez, Laura & Maldonado Fernandez, Miguel & LĂłpez FernĂĄndez, Jaime, « Evidence Based Mindfulness. An overview of Cochrane systematic reviews », sur ResearchGate, (consultĂ© le ) : « The Cochrane reviews showed a lack of conclusive evidence for fibromyalgia, aggressiveness in intellectually disabled people, anxiety disorders, disorders and post-stroke fatigue. Mindfulness training induced a non-significant reduction in workplace sitting time. For chronic neck pain, mindfulness exercises minimally improved function but no global effect was perceived at short term. »
  19. Jaqui Long, Michelle Briggs et Felicity Astin, « Overview of Systematic Reviews of Mindfulness Meditation-based Interventions for People With Long-term Conditions », Advances in Mind-Body Medicine, vol. 31, no 4,‎ 2017 fall, p. 26–36 (ISSN 1532-1843, PMID 29306938, lire en ligne, consultĂ© le ) :
    « Changes in physical health measures were inconclusive; however, pain acceptance and coping were improved. Further research is needed to determine long-term and mindfulness-specific effects and to clarify the relationship between levels of mindfulness practice and outcomes. Conclusions : MMIs are potentially beneficial to people with depression and a range of long-term physical conditions, particularly in improving psychological well-being. »
  20. Page de la rétractation sur le site de PLoS One.
  21. (en) M. G. Myriam Hunink, Gregory L. Fricchione, Herbert Benson et Jan J. V. Busschbach, « Standardised Mindfulness-Based Interventions in Healthcare: An Overview of Systematic Reviews and Meta-Analyses of RCTs », PLOS ONE, vol. 10, no 4,‎ (ISSN 1932-6203, PMID 25881019, PMCID PMC4400080, DOI 10.1371/journal.pone.0124344, lire en ligne, consultĂ© le )
  22. Certains payent le prix fort, cippad.
  23. « Méditation et pleine conscience - », sur gemppi.org, (consulté le )
  24. https://www.domuni.eu/es/vida-universitaria/profesor/?idTeacher=370
  25. « Qu'est-ce que la pleine conscience ? », sur UNADFI (consulté le )
  26. Titouan Levallée, « La méditation de pleine conscience. L'envers du décor », sur Le Monde diplomatique, (consulté le )
  27. Prenons garde au détournement de la pleine conscience, article du journal Le Monde, 22 août 2018.
  28. Isabelle BarrĂ©, « Le business de la mĂ©ditation gagne le ministĂšre de la santĂ© », Le Canard EnchaĂźnĂ©, no 5151,‎ .
  29. « MĂ©ditation : « Il y a un risque d’intrumentalisation » », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )

Annexes

En français

  • Thich Nhat Hanh, La Vision profonde : De la pleine conscience Ă  la contemplation intĂ©rieure, Albin Michel, (ISBN 978-2226078131).
  • Thich Nhat Hanh, Le Miracle de la pleine conscience. Manuel pratique de mĂ©ditation, Espace Bleu, (ISBN 978-2867660214).
  • Edel Maex, Mindfulness : apprivoiser le stress par la pleine conscience : Un programme d'entraĂźnement de 8 semaines, De Boeck, (ISBN 978-2804155667).
  • Williams/Teasdale/Segal/Kabat-Zinn (prĂ©f. Christophe AndrĂ©), MĂ©diter pour ne plus dĂ©primer : La pleine conscience, une mĂ©thode pour vivre mieux, Odile Jacob, (ISBN 978-2738124586).
  • Alexandre Heeren et Pierre Philippot, « Les interventions basĂ©es sur la pleine conscience [Mindfulness-based Interventions] », Revue francophone de clinique comportementale et cognitive, no 14,‎ , p. 13-23.
  • Ilios Kotsou et Alexandre Heeren (prĂ©f. Christophe AndrĂ©), Pleine conscience et acceptation : les thĂ©rapies de la troisiĂšme vague, De Boeck, (ISBN 978-2804166137).
  • Christophe AndrĂ©, MĂ©diter, jour aprĂšs jour, L'Iconoclaste, 2011 (ISBN 978-2-91336-637-4).
  • « La mĂ©ditation, de quoi parle-t-on ? », Carmel, Éditions du Carmel, t. 170,‎ (ISBN 978-2-84713-592-3).
  • Catherine Mary, « Les mĂ©decins face aux sirĂšnes de la mĂ©ditation », Le Monde,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).
  • Sandrine Jourdren, Cheminez vers votre sagesse intĂ©rieure : comment la pleine conscience et la philosophie peuvent nous aider Ă  accueillir nos Ă©motions et Ă  vivre dans un monde en mutation, Eyrolles, (ISBN 978-2416003431).

En anglais

  • Kabat-Zinn, J., Lipworth, L. et Burney, R., « The clinical use of mindfulness meditation for the self-regulation of chronic pain », J. Behav. Med. (1985) 8 : p. 163-190.
  • Kabat-Zinn, J., Lipworth, L., Burney, R. et Sellers, W., « Four year follow-up of a meditation-based program for the self-regulation of chronic pain: Treatment outcomes and compliance », Clin. J.Pain (1986) 2 : p. 159-173.
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