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Plaque de Pioneer

La plaque de Pioneer est une plaque métallique embarquée à bord des deux sondes spatiales Pioneer 10 et Pioneer 11, lancées respectivement les et . Sur cette plaque, un message pictural de l'humanité est gravé à destination d'éventuels êtres extraterrestres : un homme et une femme représentés nus, ainsi que plusieurs symboles fournissant des informations sur l'origine des sondes.

La plaque de Pioneer.
La plaque attachée à Pioneer 10.

Il s'agit en fait d'une sorte de « bouteille à la mer interstellaire », les probabilités qu'elle soit découverte étant proches de zéro.

Les sondes Pioneer furent les premiers objets construits par des humains à dépasser l'héliosphère. Les plaques sont attachées aux sondes de manière à être protégées de l'érosion des poussières interstellaires, si bien que la NASA s'attend à ce que la plaque (et la sonde elle-même) perdure plus longtemps que la Terre et le Soleil.

Un message plus détaillé et évolué, le Voyager Golden Record, est embarqué sous la forme d'un disque sur les sondes Voyager, lancées en 1977.

Histoire

L'idée originale, celle que la sonde devrait diffuser un message de l'humanité, a été mentionnée la première fois par Eric Burgess (en) quand il a visité l'établissement du Jet Propulsion Laboratory de Pasadena pendant la mission Mariner 9 (voir Programme Mariner). Avec Richard Hoagland, il a approché Carl Sagan, qui avait parlé de la communication avec des intelligences extra-terrestres à une conférence en Crimée.

Sagan était enthousiaste à l'idée d'envoyer un message avec la sonde spatiale Pioneer. La NASA était d'accord et lui a donné trois semaines pour préparer un message. Avec Frank Drake, il a conçu la plaque et le dessin a été créé par son épouse Linda Salzman Sagan (en)[1].

La première plaque a été lancée avec Pioneer 10 le et la seconde avec Pioneer 11 le . La date de franchissement de l'héliopause par les deux sondes est hypothétique car l’héliopause varie en fonction des vents solaires. En admettant par facilité une héliopause statique, Pioneer 11 franchira l'héliopause en 2027 et Pioneer 10 en 2057[2].

Caractéristiques

  • matière : aluminium et or (avec anodisation)
  • largeur : 229 mm
  • hauteur : 152 mm
  • Ă©paisseur : 1,27 mm
  • profondeur de gravure : 0,381 mm[1]

Symbolique

Raie d'émission de l'hydrogène neutre

Représentation symbolique de la transition hyperfine de l'atome d'hydrogène.

En haut Ă  gauche de la plaque se trouve une reprĂ©sentation schĂ©matique de la transition hyperfine de l'atome d'hydrogène. Ce phĂ©nomène physique est employĂ© pour dĂ©finir un Ă©talon de mesure, correspondant Ă  la frĂ©quence ou Ă  la longueur d'onde des photons Ă©mis lors de la transition de spin de l'Ă©lectron (1 420,4 MHz et 21,11 cm).

La simplicité du phénomène et des atomes impliqués rend possible une représentation graphique simple et symbolique. Il est représenté sous la forme d'un « haltère » dont chaque extrémité représente un état de l'atome d'hydrogène. Les spins des protons et électrons sont représentés par une sorte de « i » dont le point représente le sens du spin. Un symbole, sous le trait reliant les deux états, représente l'unité de temps[3].

Représentation de l'homme et de la femme

Représentation de l'homme et de la femme.

Sur le cĂ´tĂ© droit de la plaque se trouvent un homme et une femme de type caucasien, reprĂ©sentĂ©s nus. Une reprĂ©sentation binaire (le chiffre 8) de la taille de la femme est aussi visible. Grâce aux unitĂ©s de longueur d'onde de la transition hyperfine de l'hydrogène ceci signifie 8 Ă— 21 cm = 168 cm, ce qui est la taille moyenne d'une femme.

La main droite de l'homme est levée en signe de salut. Bien qu'il soit peu probable que ce geste soit vraiment universel, il offre la possibilité de montrer le pouce opposable et l'articulation des membres. Il a été envisagé dans un premier temps que l'homme et la femme se donnent la main pour représenter leur union, mais cette représentation aurait pu être interprétée par une intelligence extraterrestre comme celle d'une seule entité et non de deux personnes distinctes.

On peut voir que les parties génitales de la femme ne sont pas réellement dépeintes ; seul le mont de Vénus est montré[3] - [4].

L'historien Ivan Jablonka a fait observer que « ces deux figures biologiques sont codées par le genre ». En effet, la femme porte les cheveux longs et sa vulve a été effacée. Surtout, c'est l'homme qui lève la main « pour adresser un salut au nom de toute l'humanité »[5]. Ces choix peuvent refléter la structure de genre de l'Amérique des années 1970 ou les préjugés des hommes des classes intellectuelles supérieures. Il est vrai que les équipes de la NASA étaient très masculines à l'époque[6].

Représentation de la sonde

Derrière la représentation des êtres humains, la silhouette de la sonde Pioneer est visible. Elle est montrée dans la même échelle, de sorte que la taille des êtres humains puisse être déduite à partir de la taille de la sonde spatiale.

Position relative du Soleil au centre de la galaxie et 14 pulsars

Position relative du soleil au centre de la galaxie, avec 14 pulsars et leur période.

La plaque montre, sur le côté gauche, quinze lignes provenant de la même origine. Quatorze des lignes sont de longs nombres binaires (« | » correspond au 1 et « — » au 0 et la lecture s'effectue du point de convergence des lignes vers leur extrémité) correspondant aux périodes des pulsars. Puisque ces périodes changent en fonction du temps, l'époque du lancement peut être calculée à partir de ces valeurs. Les longueurs des lignes montrent les distances relatives des pulsars au Soleil. La position de la Terre peut donc être calculée par triangulation, même si seulement certains des pulsars sont identifiés. Une des lignes se prolonge vers la droite derrière les personnages ; elle indique la distance relative au centre de la galaxie[7].

Système solaire

Le système solaire avec la trajectoire de Pioneer.

Au bas de la plaque se trouve un diagramme schématique du système solaire qui doit permettre aux destinataires hypothétiques d'identifier le système solaire d'où est partie la sonde spatiale. On y trouve une représentation du Soleil et de ses planètes qui sont plus ou moins à l'échelle ; les anneaux de Saturne sont représentés pour fournir un autre indice permettant d'identifier le Système solaire. Les anneaux autour des planètes Jupiter, Uranus et Neptune étaient inconnus lorsque la plaque a été conçue, et en outre sur ces planètes les systèmes d'anneaux sont bien moins visibles et apparents que ceux de Saturne. Pluton était encore considérée comme une planète lorsque la plaque a été conçue ; en 2006, l'UAI a reclassé Pluton en planète naine, puis en 2008 en tant que plutoïde. D'autres grands objets considérés comme planètes naines, tels que Éris, ne sont pas représentés, étant inconnus au moment où la plaque a été conçue.

Les nombres à côté des planètes, exprimés en binaire, indiquent leur distance relative au Soleil. L'unité choisie est le dixième de la distance entre Mercure (la planète la plus proche du Soleil) et le Soleil. La trajectoire de la sonde quittant la troisième planète est représentée pour préciser le point de départ de celle-ci[3].

Critiques

La plaque a fait l'objet de nombreuses critiques parce que les personnages étaient représentés nus, qu'ils étaient manifestement de type européen — bien que l'auteure du dessin, Linda Salzman, eût tenté de gommer l'appartenance ethnique des personnages — ou parce que la femme jouait un rôle passif dans la pose représentée. De plus, la lisibilité du message, conçu pour être facilement interprété, fut remise en question par certains scientifiques éminents qui ne parvinrent pas à le décrypter[8].

Culture populaire

  • Une reproduction de la plaque de Pioneer de dimensions 35 Ă— 27 mm Ă©tait offerte aux lecteurs du magazine français pour enfants Pif Gadget dans le no 538 du [9]. Sous-titrĂ© « Un message pour les extra-terrestres », ce numĂ©ro Ă©tait prĂ©sentĂ© par Albert Ducrocq.
  • Le rĂ©alisateur-humoriste Alexandre Astier fait la synthèse de nombreuses critiques de la plaque dans son spectacle L'ExoconfĂ©rence[10].

Notes et références

  1. Fimmel, Van Allen et Burgess 1980.
  2. (en) Nola Taylor Tillman, « What Spacecraft Will Enter Interstellar Space Next? », sur Space.com, (consulté le ).
  3. Émilie Laystary, « En 1972, la NASA envoyait la plaque de Pioneer dans l'espace pour communiquer avec les extraterrestres », France 24, (consulté le ).
  4. (en) Kiona N. Smith, « NASA’s Perseverance Rover Is The Inspiration We Need Right Now », Forbes, (consulté le ).
  5. Ivan Jablonka, Des hommes justes : Du patriarcat aux nouvelles masculinités, Paris, Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », , 432 p. (ISBN 978-2-02-140156-1), p. 22.
  6. Erinn Catherine McComb, Why can't a woman fly?: NASA and the cult of masculinity, 1958–1972, Mississippi State University, 2012, https://www.proquest.com/docview/1012353113?pq-origsite=gscholar&fromopenview=true
  7. Sagan, Salzman Sagan et Drake 1972.
  8. Ulivi et Harland 2007, p. 131.
  9. « Pif Gadget en 1979 », sur bdoubliees.com (consulté le ).
  10. David Carzon, « Astier, cet extraterrestre », Libération, (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

Sources de Sagan et de la NASA :

Sources secondaires :

  • (en) Paolo Ulivi et David M. Harland, Robotic Exploration of the Solar System, vol. 1 : The Golden Age 1957-1982, Chichester, Springer Praxis, , 534 p. (ISBN 978-0-387-49326-8). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    Description détaillée des missions (contexte, objectifs, description technique, déroulement, résultats) des sondes spatiales lancées entre 1957 et 1982.
  • (en) Mark Wolverton, The Depths of Space : The Story of the Pioneer Planetary Probes, Washington, D.C., Joseph Henry Press, , 249 p. (ISBN 0-309-09050-4).

Articles connexes

Liens externes

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