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Parlement de 1327

Le Parlement de 1327, qui siège à Westminster entre le et le , joue un rôle instrumental dans le transfert des pouvoirs entre le roi Édouard II et son fils aîné et successeur Édouard III, auparavant comte de Chester.

Enluminure médiévale imaginant l'arrestation d'Édouard II en novembre 1326, à laquelle assiste son épouse Isabelle depuis la droite.

Édouard II est devenu incroyablement impopulaire auprès de la noblesse anglaise pendant son règne, particulièrement à cause des honneurs dont il comble ses favoris, les promotions qu'il leur accorde et les torts qu'il fait aux nobles. À partir de 1325, même son épouse Isabelle le méprise. À la fin de cette année-là, elle emmène leur fils, le comte de Chester, en France et rejoint Roger Mortimer — que son époux avait auparavant fait exiler —, avec lequel elle entame une liaison adultérine. Elle envahit avec lui l'Angleterre l'année suivante afin de déposer son époux. Édouard II est incapable de prendre des mesures contre l'armée des rebelles conduite par la reine car il est trahi par ses vassaux et est contraint de s'enfuir de Londres pour se réfugier à l'ouest, espérant lever des troupes en Galles ou en Irlande. Il est rapidement capturé et emprisonné.

Isabelle et Mortimer convoquent un Parlement pour confĂ©rer une lĂ©gitimitĂ© Ă  leur nouveau rĂ©gime. L'assemblĂ©e commence Ă  se rassembler au Palais de Westminster le mais elle n'apporte pas de solutions car le roi est absent. Le jeune comte de Chester Édouard est proclamĂ© « Gardien du royaume Â» et une dĂ©lĂ©gation parlementaire est envoyĂ©e rendre visite Ă  Édouard II pour lui demander d'accepter de se prĂ©senter devant le Parlement. Il s'y refuse et le Parlement se poursuit sans lui. Le roi est accusĂ© de plusieurs offenses, allant de la promotion de ses favoris Ă  l'affaiblissement de l'Église, rĂ©sultant en la rupture de son serment de couronnement adressĂ© Ă  son peuple. Ces charges retenues Ă  l'encontre du roi sont connues sous le nom d'« Articles d'Accusation Â». La citĂ© de Londres est particulièrement agressive dans ses attaques contre Édouard II et les citoyens parviennent Ă  intimider ceux qui assistent aux sessions du Parlement afin qu'ils consentent Ă  la dĂ©position du roi, qui a lieu l'après-midi du .

Les barons d'Angleterre envoient alors une autre délégation auprès du roi pour l'informer de sa déposition. Les ecclésiastiques missionnés auprès du roi l'en avertissent vers le , posant effectivement un ultimatum au roi : s'il n'accepte pas de renoncer à la couronne en faveur de son fils, alors les barons pourront choisir comme monarque quelqu'un n'appartenant pas à la famille royale. Édouard II est profondément peiné mais accepte leurs conditions. La délégation retourne à Londres et le fils d'Édouard II est proclamé immédiatement roi sous le nom d'Édouard III. Il est couronné le . Pendant les sessions qui suivent, le roi déchu demeure emprisonné et est régulièrement déplacé afin d'empêcher les tentatives de délivrance. Édouard II meurt — sans doute assassiné sur ordre de Roger Mortimer — en . Le régime de Mortimer et Isabelle — qui régentent au nom du jeune Édouard III — doit quant à lui faire face au mécontentement de la population à cause de son avidité, de la mauvaise gestion des affaires et la manipulation du jeune roi. Édouard III organise finalement en 1330 un coup d'État contre Mortimer, le renverse et commence son règne personnel.

Contexte

Édouard II se rend impopulaire tout au long de son règne en raison des faveurs qu'il attribue à ses favoris, honnis par la noblesse anglaise.

Le roi d'Angleterre Édouard II s'entiche de nombreux courtisans profondĂ©ment impopulaires auprès de la noblesse, dont Pierre Gaveston et Hugues le Despenser. Gaveston est tuĂ© au cours d'une rĂ©bellion baronniale contre Édouard en 1312 et Despenser, selon un chroniqueur contemporain, est « profondĂ©ment haĂŻ par les nobles du royaume »[1]. Édouard est Ă©galement dĂ©testĂ© par la noblesse, non seulement pour son favoritisme mais aussi par ses abus. Par exemple, le roi adresse Ă  ses barons plusieurs demandes de le soutenir militairement sans qu'il ne les paie[2]. La popularitĂ© d'Édouard dĂ©cline davantage encore lorsqu'il fait exĂ©cuter en 1322 son cousin Thomas de Lancastre, qui a conduit la rĂ©bellion de 1312. Le roi s'enrichit immensĂ©ment aux dĂ©pens des hĂ©ritiers de Thomas en confisquant les terres de Lancastre[3]. L'historien Chris Given-Wilson exprime ainsi le point de vue de la noblesse après 1322 : « sous Édouard et Despenser, personne ne pouvait se sentir en sĂ©curitĂ© Â»[4]. En 1325, la mĂ©fiance de la plupart de la noblesse envers le roi est partagĂ©e par la reine Isabelle[5] - [6] - [7] - [N 1]. En , Isabelle est « sujette Ă  l'humiliation extrĂŞme d'ĂŞtre proclamĂ©e ennemie Ă©trangère du royaume Â», ce qui conduit Ă  la confiscation de tous ses domaines par le roi[8]. Édouard a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© menacĂ© d'ĂŞtre dĂ©posĂ© Ă  deux occasions auparavant, en 1310 et 1321[9]. Les historiens modernes s'accordent pour dire que l'hostilitĂ© envers Édouard Ă©tait dĂ©sormais gĂ©nĂ©rale. S. B. Chrimes et A. L. Brown attribuent ce ressentiment aux « fautes cruelles et personnelles Â» d'Édouard[10], tandis que W. H. Dunham et C. T. Wood suggèrent que « très peu de personnes, pas mĂŞme ses demi-frères ou son fils, ne semblent s'ĂŞtre occupĂ©s de l'homme misĂ©rable », ce qui explique pourquoi aucun ne s'est battu pour lui par la suite[11]. Un chroniqueur contemporain dĂ©crit Édouard comme un rex inutilis, c'est-Ă -dire un « roi inutile Â»[12].

En 1325, Isabelle est envoyée à Paris par son époux pour mener une mission diplomatique[13], accompagnée de leur fils aîné de 13 ans, Édouard, comte de Chester[9]. Ils sont chargés de négocier la paix avec la France, qui a envahi l'année précédente l'Aquitaine, possession continentale anglaise. Peu après son arrivée en France, Isabelle et Édouard II s'échangent plusieurs lettres et font chacun part de leur discorde au roi de France Charles IV et au pape Jean XXII[9]. Le couple royal est alors de plus en plus cinglant dans sa correspondance[14] et chacun des deux époux cherche à gagner du soutien politique auprès des seigneurs étrangers, ce qui révèle la dégradation sérieuse de leur relation[9]. En représailles, Édouard confisque les terres et propriétés d'Isabelle et dissout sa suite[15]. Le malaise qui règne au sein du couple est exacerbé par l'influence d'Hugues le Despenser sur le roi d'Angleterre. Isabelle confie à son entourage en France que le favori essaie de la séparer de son époux. Quoi qu'il en soit, à partir de , elle entame une relation avec le baron exilé Roger Mortimer. Au cours de l'été qui suit, Édouard commence à envisager un divorce[9] - [N 2]. Entretemps, la mission diplomatique d'Isabelle auprès de Charles IV porte ses fruits et la reine choisit de demeurer à Paris. La reine y concentre alors un centre d'opposition au régime de son époux. Déjà rejoint par Roger Mortimer, le groupe d'Isabelle inclut entre autres le comte de Kent[16], Henri de Beaumont, John de Botetourt, John Maltravers et William Trussell[17]. May McKisack affirme qu'ils sont tous unis par leur haine de Despenser[18]. Isabelle se présente elle et son fils au roi de France comme cherchant refuge par crainte d'« une famille et d'une cour hostiles »[19]. Le roi demande à son épouse et son fils de retourner en Angleterre, ce qu'il refusent tous deux de faire[9]. Le refus du jeune prince de rompre avec sa mère mécontente davantage le roi[20] - [21] - [14] - [22] - [N 3]. Isabelle devient de plus en plus critique envers le gouvernement de son époux et dirige sa colère vers l'évêque d'Exeter Walter de Stapledon, un proche de Despenser qui a été chargé de l'accompagner à Paris[21]. Le roi Édouard s'aliène définitivement son fils lorsqu'il ordonne de placer les terres de ce dernier sous l'administration royale en . Le mois suivant, poursuivant sa stratégie du bord de l'abîme, le roi ordonne que non seulement la reine mais aussi le prince soient arrêtés dès qu'il accosteront en Angleterre[23].

Itinéraire pris par Mortimer et la reine Isabelle lors de l'invasion de l'Angleterre à l'automne 1326.

Ă€ partir de , il devient Ă©vident pour le roi Édouard et Despenser qu'Isabelle et Mortimer ont l'intention d'envahir l'Angleterre, ce qui engendre de nombreuses fausses alertes[24] - [N 4]. Afin de prĂ©parer la dĂ©fense de son royaume, Édouard interdit aux navires d'une certaine taille et d'un certain tonnage de quitter les ports anglais. Plusieurs navires sont pressĂ©s dans la marine royale. Charles IV refuse toutefois de soutenir une invasion de l'Angleterre, bien qu'Édouard II dĂ©clare la guerre Ă  la France en . Les rebelles son de leur cĂ´tĂ© contraints Ă  se tourner vers Guillaume Ier de Hainaut, lui proposant de conclure un mariage entre sa fille Philippa et le comte de Chester en Ă©change de son soutien militaire Ă  leur expĂ©dition[17]. Les fiançailles entre le prince et Philippa ont lieu le [25]. Cette dĂ©cision est une insulte supplĂ©mentaire Ă  l'autoritĂ© du roi d'Angleterre, qui comptait marier son fils aĂ®nĂ© avec une princesse espagnole pour contrecarrer les ambitions françaises[26]. Le , Isabelle et Mortimer dĂ©barquent dans le Suffolk[27]. Ils sont assistĂ©s dans leur dĂ©barquement près d'Ipswich par Robert Watevile, qui commande la flotte royale locale. Il s'agit de la première d'une longue liste de dĂ©fections au dĂ©triment d'Édouard[28]. En moins d'une semaine, les dĂ©sertions massives au profit de la reine se multiplient. AccompagnĂ© de Despenser, le roi quitte Londres et s'enfuit vers l'ouest[29] - [9] - [N 5]. L'historien Michael Prestwich dĂ©crit les dĂ©fections Ă  l'autoritĂ© royale « comme un immeuble frappĂ© par un tremblement de terre Â». Édouard Ă©tait dĂ©jĂ  affaibli et « avant mĂŞme l'invasion, il y avait dĂ©jĂ  de la panique. DĂ©sormais, il n'y avait que de la panique Â»[17]. Ormrod note comment :

« Étant donné que Mortimer et ses adhérents étaient déjà condamnés pour haute trahison et que toute implication avec les forces d'Isabelle était considérée comme un acte de rébellion, il est frappant que des nobles aussi importants aient accepté de prendre un tel risque au tout début du débarquement. En ce sens, il faut conclure que la présence de l'héritier du trône dans l'entourage de la reine a sans doute été décisive[30]. »

... toute la communauté du royaume présent a choisi à l'unanimité [le prince] Édouard pour être le gardien du dit royaume... et gouverner le dit royaume au nom et en droit du seigneur le roi son père, alors absent. Et le même [prince Édouard] a assumé la domination du dit royaume le même jour dans la forme susdite, et a commencé à exercer les choses qui étaient légitimes sous son sceau secret, qui était alors dans la garde de son greffier Messire Robert Wyville, parce qu'il n'avait pas d'autre sceau pour le dit règne...[31]

Close Rolls, 26 octobre 1326

Les efforts du roi et d'Hugues le Despenser pour lever une armĂ©e ne sont d'aucune utilitĂ©. Le , ils sont capturĂ©s près de Llantrisant en Galles[9]. Ă€ la suite de sa capture, Édouard II est incarcĂ©rĂ© par le comte de Leicester. Ceux qui sont soupçonnĂ©s d'ĂŞtre des espions Ă  la solde de Despenser[32] ou de soutenir le roi sont assassinĂ©s par des foules mĂ©contentes, notamment Ă  Londres[33] - [9] - [34] - [35] - [36] - [37] - [38] - [N 6]. Ainsi, la capitale prĂŞte serment de fidĂ©litĂ© Ă  la reine[39]. Isabelle se trouve pendant ce temps Ă  Bristol, oĂą elle assiste le Ă  l'exĂ©cution du comte de Winchester, père de Hugues le Despenser. Despenser est lui-mĂŞme exĂ©cutĂ© un mois plus tard Ă  Hereford[9]. Isabelle et Mortimer ont envahi l'Angleterre pour se dĂ©barrasser de leur ennemi mutuel — Hugues le Despenser — mais la rapiditĂ© inattendue de la chute du rĂ©gime du roi les contraint Ă  se saisir du pouvoir en l'attente des manĹ“uvres politiques visant Ă  neutraliser dĂ©finitivement Édouard[40], qui a scellĂ© son sort en s'enfuyant[41]. C'est Ă  Bristol qu'Isabelle et Mortimer dĂ©cident avec les prĂ©lats et barons prĂ©sents de la suite des Ă©vĂ©nements[42] - [42] - [N 7]. DĂ©jĂ , le , le comte de Chester est proclamĂ© gardien du royaume par Isabelle et Mortimer[9] : « avec le consentement de la communautĂ© prĂ©sente lĂ -bas du dit royaume, ils le choisirent pour garder le dit royaume »[43]. La description des rebelles sous le nom de « communautĂ© Â» est une rĂ©fĂ©rence directe au mouvement des barons menĂ© Simon V de Montfort et Ă  son programme de rĂ©formes sous le règne d'Henri III[44]. L'Ă©vĂŞque de Hereford obtient d'Édouard II qu'il lui remette le Grand Sceau[45], qui est donnĂ© au prince Édouard le . Ayant dĂ©sormais la possession du Grand Sceau, le comte de Chester est officiellement proclamĂ© l'hĂ©ritier apparent de son père[9]. Ă€ ce moment, il aurait encore Ă©tĂ© possible Ă  Édouard II de rester roi mais, comme le note Ormrod, « les dĂ©s Ă©taient jouĂ©s Â»[46]. Un document publiĂ© par la reine Isabelle en dĂ©crit ainsi sa position et celle de son fils :

« Isabelle, par la grâce de Dieu reine d'Angleterre, dame d'Irlande, comtesse de Ponthieu et nous, Édouard, fils aîné du noble roi Édouard d'Angleterre, duc de Gascogne, comte de Chester, de Ponthieu, de Montreuil...[40] »

— Archives nationales SC 1/37/46

Convocation du Parlement

Illustration d'un Parlement de la fin du XIIIe siècle (vers 1278). Les seigneurs spirituels sont assis à la droite du roi, les seigneurs temporels à sa gauche. Au centre siègent les officiers de justice et les légistes. Aucun commune n'est présente à cette session.

Isabelle, Mortimer et leur conseil quittent Bristol le [47] et arrivent Ă  Londres le [45]. Par mesure de prĂ©caution contre les violences du mois d'octobre, les Londoniens n'ont pas le droit de porter d'armes et, le , ils doivent tous jurer de prĂ©server la paix[48]. Le Parlement se rĂ©unit le lendemain pour considĂ©rer l'Ă©tat du royaume depuis que le roi est emprisonnĂ©. Il est initialement convoquĂ© par Isabelle et son fils, au nom du roi, le prĂ©cĂ©dent. Les brefs adressĂ©s aux diffĂ©rentes circonscriptions mentionnent d'abord une convocation du Parlement pour le . Toutefois, le , de nouveaux brefs sont Ă©mis, diffĂ©rant la sĂ©ance jusqu'au dĂ©but de l'annĂ©e suivante[49] - [N 8]. Cette dĂ©cision est due officiellement Ă  l'absence du roi Ă  l'Ă©tranger[9]. Les convocations qui circulent annoncent que, comme le roi sera sans doute Ă  nouveau absent du royaume pendant le Parlement, il sera tenu devant la reine et le prince Édouard[50]. La lĂ©galitĂ© des convocations originales et les brefs ultĂ©rieurs sont dĂ©crits comme « hautement discutables Â»[9], et le Parlement lui-mĂŞme a Ă©tĂ© dĂ©crit comme « un spectacle de rĂ©gularitĂ© pseudo-parlementaire Â» organisĂ© par Roger Mortimer[51] - [50] - [52] - [N 9]. Pour Isabelle et Mortimer, cette situation n'est pas satisfaisante. Il ne peut s'agir que d'une solution temporaire au problème constitutionnel car, comme l'explique l'historien Ian Mortimer, « ce ne serait qu'une question de temps avant que quelqu'un ne remette en cause la lĂ©galitĂ© de tels mandats Â»[45]. Le fait que le nom de Roger Mortimer figure au sommet de la liste des barons convoquĂ©s — prĂ©cisĂ©ment lĂ  oĂą Ă©tait Ă©crit celui d'Hugues le Despenser — suggère, selon Ormrod, que les rebelles sont dĂ©terminĂ©s Ă  imposer une solution favorable Ă  Mortimer et Ă  la reine, quelle que soit la rĂ©solution adoptĂ©e[50].

Les contemporains sont incertains face Ă  l'assemblĂ©e Ă  laquelle ils assistent : « quelques chroniqueurs l'appelèrent un Parlement, d'autres s'y refusèrent Â»[11]. Édouard II est toujours censĂ© ĂŞtre roi, mĂŞme si « son Ă©pouse la plus aimĂ©e, Isabelle, reine d'Angleterre » et son « fils aĂ®nĂ©, gardien du royaume »[53] — dans ce qui a Ă©tĂ© dĂ©crit comme une « prĂ©sidence nominale »[54] — sont ses intermĂ©diaires. Cette situation est supposĂ©e avoir lieu en raison de sa fuite Ă  l'Ă©tranger selon le rĂ©gime — alors qu'il est en fait emprisonnĂ© au château de Kenilworth. Le roi aurait souhaitĂ© un « colloquium Â» et un « tractatum Â» (une confĂ©rence et une consultation)[53] avec ses barons « Ă  propos de plusieurs affaires le regardant ainsi que le royaume ». Ce serait mĂŞme Édouard qui aurait repoussĂ© l'Ă©chĂ©ance du Parlement jusqu'en janvier, « pour certaines causes et utilitĂ©s nĂ©cessaires Â», probablement Ă  la demande de la reine et de Mortimer[9].

Bien que la déposition d'Édouard II n'ait pas attaqué la royauté elle-même, le processus réel de destitution d'un roi légitime et oint impliquait une tentative de quadrature de cercle. Ce processus avait eu lieu pendant, en marge et à l'extérieur d'une assemblée dont la légitimité était pour le moins douteuse.

Seymour Phillips[55]

Le principal problème du nouveau rĂ©gime, selon Ian Mortimer, est la question d'Édouard II, toujours en suspens. La solution la plus simple est le procès du roi et son exĂ©cution, envisagĂ©e par Roger Mortimer avec Isabelle peu après NoĂ«l Ă  Wallingford. Barons et prĂ©lats ne parviennent toutefois pas Ă  s'accorder : les premiers avancent que l'Ă©chec d'Édouard Ă  gouverner son royaume est suffisant pour que seule la mort apparaisse comme une juste punition tandis que les seconds considèrent que quelles que soient ses fautes, Édouard a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© roi par Dieu. Cette division prĂ©sente deux problèmes Ă  Isabelle et Mortimer. D'abord, l'argument des Ă©vĂŞques est facilement comprĂ©hensible au risque de la colère de Dieu Ă  l'encontre des rĂ©gicides et de l'Angleterre. Ensuite, les procès publics posent toujours le danger qu'un mauvais verdict puisse ĂŞtre rendu — sans compter que certains doutent qu'un roi oint par l'autoritĂ© divine puisse ĂŞtre accusĂ© de trahison. Un jugement pourrait rĂ©sulter en l'acquittement d'Édouard qui non seulement serait libĂ©rĂ© mais regagnerait le pouvoir. La stratĂ©gie d'Isabelle et de Mortimer est d'Ă©viter un procès d'État mais de garder emprisonnĂ© Ă  vie Édouard[56] - [N 10]. Ils sont toutefois contraints, dĂ©sormais que l'emprisonnement du roi est connu dans tout le royaume, de retirer les arguments selon lesquels le prince Édouard est gardien du royaume, puisque son père est « retournĂ© Â» en Angleterre[57].

Personnes présentes

Isabelle et Roger Mortimer s'ssurent de la présence de leurs soutiens ainsi que de l'éloignement de leurs potentiels adversaires au cours du Parlement en janvier 1327.

Seuls 26 des 46 barons convoquĂ©s au dernier Parlement tenu entre octobre et reçoivent des convocations pour celui de . Six d'entre eux n'ont jamais Ă©tĂ© convoquĂ©s sous le règne d'Édouard II[58]. Les vĂ©ritables instigateurs de ce Parlement sont deux ecclĂ©siastiques — les Ă©vĂŞques de Hereford et de Winchester — et deux barons — Roger Mortimer et Thomas Wake. Indubitablement, Isabelle joue un rĂ´le d'importance en sous-main[59]. La participation au Parlement de reflète celle de l'assemblĂ©e reportĂ©e en [9], mĂŞme s'il ne s'agissait pas d'une assemblĂ©e plĂ©nière[60]. Le , des brefs sont envoyĂ©s aux seigneurs spirituels dont les archevĂŞques de Canterbury et d'York ainsi que 15 Ă©vĂŞques anglais, 4 Ă©vĂŞques gallois et 19 abbĂ©s. Les seigneurs temporels sont reprĂ©sentĂ©s par les comtes de Norfolk, de Kent, de Leicester, de Surrey, d'Oxford, d'Atholl et de Hereford. Deux autres seigneurs temporels ont par ailleurs Ă©tĂ© exĂ©cutĂ©s au cours de la campagne de 1326 : il s'agit des comtes de Winchester et d'Arundel. 47 barons, 23 justiciers et un nombre important de chevaliers et de bourgeois sont convoquĂ©s par les shires[9] et les Cinq-Ports[45]. Les nombreux chevaliers constituent l'essence du soutien Ă  Isabelle et au comte de Chester et comprennent notamment les fils de Mortimer : Edmond, Roger et John[61]. William Trussell, proche de Mortimer, est nommĂ© Speaker[62], bien qu'il n'ait pas Ă©tĂ© Ă©lu au Parlement[51]. MĂŞme si la fonction de Speaker n'est pas nouvelle, l'objectif politique spĂ©cifique du rĂ´le de Trussell crĂ©e un prĂ©cĂ©dent constitutionnel, car il lui est demandĂ© de parler au nom du Parlement tout entier[63] « car il ne peut ĂŞtre en dĂ©saccord avec lui-mĂŞme et doit ĂŞtre obĂ©i de tous »[62]. Il y a moins de seigneurs prĂ©sents qu'aux Parlements traditionnels et ceci accroĂ®t la proĂ©minence politique des communes[64]. L'archevĂŞque d'York, qui a Ă©tĂ© convoquĂ© au Parlement de , est « remarquable par son absence » lors de la session de [65]. Plusieurs parlementaires gallois reçoivent des convocations mais elles sont dĂ©libĂ©rĂ©ment envoyĂ©es trop tard pour les empĂŞcher d'ĂŞtre prĂ©sents. D'autres Gallois, dont le cĂ©lèbre shĂ©rif de Meirionnydd Gruffudd Llwyd, refusent d'assister au Parlement « par loyautĂ© envers Édouard II et par haine envers Roger Mortimer Â».

L'assemblée du Parlement

L'absence du roi

Le renoncement à l'allégeance était transmuté du défi féodal à la volonté de la communauté, et le roi n'était pas rejeté par ses vassaux mais par ses sujets.

Maud Clarke[66]

Plusieurs parlementaires dont l'évêque de Hereford et William Trussell sont envoyés à Kenilworth pour voir Édouard II avant que le Parlement ne siège. Ils sont chargés de persuader Édouard de retourner avec eux à Londres et d'assister au Parlement. Cette mission échoue : Édouard refuse de se présenter et se défend avec robustesse lorsque les envoyés tentent de l'empoigner. La délégation retourne à Westminster le . Le Parlement a alors déjà commencé à siéger depuis 5 jours mais n'a pris aucune mesure avant que la délégation ne revienne : constitutionnellement et historiquement, un Parlement ne peut statuer sans la présence du roi[45] - [67] - [9] - [68] - [N 11]. En apprenant comment Édouard les a dénoncés aux envoyés du Parlement, les opposants au roi ne souhaitent plus désormais chercher à obtenir la présence du roi, qui ne serait qu'un obstacle à leurs ambitions[9]. Le refus d'Édouard II d'assister au Parlement empêche l'institution de siéger[69].

La crise constitutionnelle

Les diffĂ©rents titres utilisĂ©s au nom d'Édouard II Ă  la fin de l'annĂ©e 1326 — qui reconnaissent sa position unique au sein du gouvernement tout en Ă©vitant de l'appeler roi — reflètent une crise constitutionnelle flagrante, dont sont parfaitement conscients les contemporains. La question fondamentale que se posent alors les juristes anglais est de savoir comment transfĂ©rer le pouvoir entre deux rois vivants[70] - [71] - [N 12]. Un chroniqueur commente cette situation qui « bouleverse l'ordre acceptĂ© des choses, menace le caractère sacrĂ© de la royautĂ© et manque d'une vĂ©ritable lĂ©galitĂ© ou d'un procès Ă©tabli »[70]. Beaucoup se demandent par ailleurs si Édouard II a abdiquĂ© ou s'il a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©. LĂ©galement, il a Ă©tĂ© notĂ© dans les Close Rolls le qu'Édouard « a quittĂ© ou abandonnĂ© son royaume Â», son absence permettant Ă  Isabelle et Mortimer de gouverner[72] - [73] - [9] - [N 13]. Isabelle peut ainsi lĂ©gitimement prĂ©tendre que, le roi n'ayant fourni aucun gouvernement stable en son absence, son fils est le mieux placĂ© pour gouverner le royaume Ă  la place de son père[44]. La reine affirme par ailleurs qu'Édouard II a dĂ©libĂ©rĂ©ment mĂ©prisĂ© l'assemblĂ©e parlementaire convoquĂ©e et insultĂ© ses membres en qualifiant le Parlement d'ĂŞtre une assemblĂ©e de trahison[72] composĂ©e uniquement d'« ennemis et de traĂ®tres Â»[48]. On ignore toutefois si le roi a dit ou mĂŞme pensĂ© une telle chose mais Isabelle et Mortimer savent suffisamment bien manipuler les esprits pour le suggĂ©rer[72]. Si Édouard a dĂ©noncĂ© en de tels termes le Parlement, alors il a grandement sous-estimĂ© son Ă©pouse et Mortimer[46]. En effet, l'absence du roi devant le Parlement sauve le couple de l'embarras d'avoir un roi prĂ©sent Ă  sa propre dĂ©position. Mieux encore, cette situation leur permet de poursuivre leurs projets : Seymour Phillips suggère que si Édouard avait Ă©tĂ© prĂ©sent au Parlement, il aurait trouvĂ© davantage de soutiens pour faire sĂ©rieusement Ă©chouer les plans d'Isabelle et Mortimer[48].

Procédures du lundi 12 janvier

Les Londoniens allaient jouer un rôle clé lors du Parlement de Westminster en janvier 1327 en s'assurant que tous les partisans restants d'Édouard II soient intimidés et dépassés par les événements[9].

ImmĂ©diatement après que la dĂ©lĂ©gation envoyĂ©e Ă  Kenilworth soit retournĂ©e Ă  Westminster, le Parlement convient de discuter de leur rapport. L'Ă©vĂŞque de Hereford Adam Orleton — qui souligne combien Isabelle est terrifiĂ©e par son Ă©poux — demande Ă  l'assemblĂ©e quel roi elle dĂ©sire avoir : Édouard II ou son fils. Il ne semble pas qu'il y ait eu de hâte pour dĂ©poser le roi et acclamer le comte de Chester, ce qui pousse Orleton Ă  suspendre la procĂ©dure jusqu'au lendemain afin de permettre aux seigneurs du royaume de rĂ©flĂ©chir sur le sujet[67]. La suggestion de dĂ©poser le roi a clairement Ă©tĂ© trop soudaine pour l'assemblĂ©e[74] et il est probable qu'Ă  ce moment-lĂ  le roi n'ait pas encore Ă©tĂ© totalement privĂ© de soutiens[59]. Le mĂŞme jour, le nouveau maire de Londres Richard de Betoyne et le conseil commun Ă©crivent aux seigneurs en leur demandant de proclamer roi le comte de Chester et de dĂ©poser Édouard II qui a Ă©chouĂ© Ă  respecter « son serment et sa couronne Â». Cet Ă©vĂ©nement a peut-ĂŞtre lieu Ă  l'instigation de Mortimer après le silence des seigneurs Ă  la suite du discours de l'Ă©vĂŞque Orleton[9], Mortimer bĂ©nĂ©ficiant alors d'une immense popularitĂ© auprès de la population londonienne[75] - [76] - [45] - [35] - [74] - [N 14]. La citĂ© de Londres prĂ©sente une pĂ©tition aux seigneurs concernant le futur roi, demandant qu'il soit assistĂ© dans son gouvernement par son conseil jusqu'Ă  ce qu'il comprenne son serment de couronnement et ses responsabilitĂ©s rĂ©galiennes. Cette pĂ©tition est acceptĂ©e tandis qu'une autre, requĂ©rant que le roi tienne un Parlement annuel Ă  Westminster jusqu'Ă  ce qu'il atteigne l'âge adulte, est rejetĂ©e[77].

Procédures du mardi 13 janvier

Le hall principal de Guildhall, où les serments ont été prêtés.

Qu'Édouard II ait abdiquĂ©, ait Ă©tĂ© dĂ©posĂ© ou ait Ă©tĂ© victime d'une combinaison de ces deux actions[78], c'est le [55] que la couronne change lĂ©galement de mains[78] devant une assemblĂ©e dĂ©crite comme « tout le baronnage du pays Â»[11]. Deux Ă©lĂ©ments sont alors entamĂ©s. D'abord, le Parlement Ă©tant suspendu jusqu'Ă  l'après-midi, les seigneurs et leur partisans prĂŞtent serment Ă  Guildhall[78] — ceci constitue un stratagème dĂ©libĂ©rĂ© visant Ă  intimider les parlementaires qui sont en dĂ©saccord avec ce qu'ils considèrent comme un fait accompli[79]. Par ce serment, ils jurent de « maintenir tout ce qui a Ă©tĂ© ordonnĂ© ou doit ĂŞtre ordonnĂ© pour le profit commun Â»[80] et de soutenir l'application des limitations constitutionnelles des Ordonnances de 1311[81] - [82] - [N 15]. Ce groupe est composĂ© de 24 barons, 14 archevĂŞques et Ă©vĂŞques, 7 abbĂ©s et prieurs, 13 chevaliers, 30 hommes des Cinq-Ports, 13 de St Albans et 5 de Bury St Edmunds[83]. Il inclut ainsi des hommes qui n'assistent pas formellement au Parlement mais sont Ă©troitement liĂ©s aux principaux acteurs de la chute d'Édouard II (par exemple, des chevaliers appartenant Ă  la suite d'Isabelle prĂŞtent serment). De plus, certaines personnalitĂ©s qui doivent assister Ă  cette cĂ©rĂ©monie ne peuvent ĂŞtre prĂ©sents en raison de leur Ă©loignement de Londres (ainsi, le comte de Leicester est chargĂ© de garder Édouard II Ă  Kenilworth)[84] - [85].

Le groupe de barons se rend ensuite au Palais de Westminster oĂą les barons reconnaissent formellement qu'Édouard II doit cesser d'ĂŞtre roi[78]. Un nombre important d'oraisons sont faites. Mortimer fait un discours annonçant sa nomination pour annoncer « ce qui a Ă©tĂ© ordonnĂ© Â» par les nobles[86] (cette prĂ©sentation est subtile car Mortimer parle ici au nom de la communautĂ© et non pour lui-mĂŞme). Il est dĂ©cidĂ© qu'Édouard II doit abdiquer[87] et que son fils « ... Messire Édouard prenne le gouvernement du royaume et soit couronnĂ© roi Â»[88]. Le chroniqueur français Jean le Bel dĂ©crit comment les seigneurs, dĂ©sireux de rĂ©soudre le problème de savoir qui gouvernerait, dĂ©cident ensemble de documenter les « actes et actions mal avisĂ©s » d'Édouard II pour crĂ©er un registre lĂ©gal. Cette documentation est prĂ©sentĂ©e au Parlement (bien qu'elle ait Ă©tĂ© Ă©videmment prĂ©-arrangĂ©e)[86], qui dĂ©clare qu'un « tel un homme est Ă  jamais incapable de porter la couronne ou de se faire appeler roi »[89]. Les griefs retenus Ă  l'encontre d'Édouard II sont une liste codifiĂ©e de fautes commises par le roi et probablement prĂ©sentĂ©e par Adam Orleton et l'Ă©vĂŞque de Winchester Jean de Stratford — cette liste est connue sous le nom d'Articles d'Accusation[87] - [90] - [91] - [N 16]. Certains des Ă©vĂŞques assemblĂ©s prĂŞchent des sermons — Orleton, par exemple, dĂ©crit comment « un roi stupide peut ruiner son peuple Â» et « insiste lourdement sur la folie et le manque de sagesse du roi, et sur ses actions enfantines Â»[92]. Ce prĂŞche, dĂ©clare Ian Mortimer, est « un sermon formidable, qui rĂ©veilla les personnes prĂ©sentes de la manière qu'il [Orleton] connaissait le mieux, grâce au pouvoir de la parole de Dieu »[74]. Orleton base son sermon sur le texte biblique LĂ  oĂą il n'y a pas de gouverneur, le peuple tombera[93] tirĂ© du Livre des Proverbes[94] - [95] - [N 17]. De son cĂ´tĂ©, l'archevĂŞque de Canterbury Walter Reynolds fait appel au Vox Populi, Vox Dei[96].

Articles d'accusation

C'est probablement au cours des sermons des seigneurs spirituels que les « Articles de dĂ©position Â» sont prĂ©sentĂ©s Ă  l'assemblĂ©e. Contrairement aux accusations Ă©laborĂ©es (et souvent magnifiquement hyperboliques) lancĂ©es contre les Despenser, il s'agit ici d'un document relativement simple[96].

Les articles accusaient le roi, source de la justice, d'une série de hauts crimes contre son pays. Au lieu d'un bon gouvernement par de bonnes lois, il avait gouverné par un mauvais conseil. Au lieu de la justice, il avait envoyé des nobles à des morts honteuses et illégales. Il avait perdu l'Écosse et la Gascogne et il avait opprimé et appauvri l'Angleterre. Bref, il avait rompu son serment de couronnement — traité ici comme un contrat solennel avec son peuple et son pays — et il devait en payer le prix.

David Starkey, Crown and Country: A History of England Through the Monarchy[97]

Le roi est accusĂ© d'incompĂ©tence, d'abandon de la majestĂ© royale au dĂ©triment du pays et de l'Église, de refus des bons conseils et d'obstination dans des occupations indignes d'un monarque, de la perte de l'Écosse, de territoires en Gascogne et en Irlande due Ă  l'inefficacitĂ© de son gouvernement, de prĂ©judices envers l'Église et de l'emprisonnement de ses reprĂ©sentants, de l'autorisation de mettre Ă  mort des nobles, de les dĂ©shĂ©riter, de les emprisonner ou de les bannir, de l'incapacitĂ© Ă  rendre une bonne justice au lieu de gouverner pour son seul intĂ©rĂŞt et au profit de son entourage, enfin, de fuite en compagnie d'un ennemi notoire du royaume, laissant ce dernier sans gouvernement, et, dans l'ensemble, d'avoir violĂ© son serment de couronnement et perdu la confiance et la foi de ses peuples[43]. Tout cela, affirme Seymour Phillips, « est rĂ©putĂ© si notoire qu'il ne peut ĂŞtre niĂ© Â»[98]. Les articles n'accusent pas Édouard de tyrannie, mais incriminent ses favoris, dont Hugues le Despenser[98]. La succession des Ă©checs militaires de l'Angleterre en Écosse et en France inquiète particulièrement les barons : Édouard n'a menĂ© aucune campagne militaire efficace, mais a fait lever d'Ă©normes impĂ´ts pour mener ces guerres. Ceux-ci ont provoquĂ© une grande rancĹ“ur, car, comme le cite Powicke, de tels prĂ©lèvements « n'auraient pu ĂŞtre justifiĂ©s que par le succès militaire »[99]. Les accusations des seigneurs de l'Ă©chec militaire ne sont pas entièrement justes en attribuant la responsabilitĂ© totale de ces pertes Ă  Édouard II : l'Écosse Ă©tait quasiment dĂ©jĂ  perdue Ă  l'avènement d'Édouard en 1307[98]. Selon Mark Ormrod, son père Édouard Ier lui a laissĂ© « une tâche impossible » car, bien qu'ayant commencĂ© la guerre, il n'a ensuite pas fait de gains suffisants pour l'achever. L'un des rares théâtres de combats oĂą Édouard triomphe de ses adversaires est l'Irlande lorsque l'armĂ©e Ă©cossaise du roi d'Écosse Robert Ier est anĂ©antie en 1318 Ă  la bataille de Faughart et son frère cadet Édouard Bruce tuĂ©[100] - [N 18]. Cependant, seuls les Ă©checs militaires du roi sont prĂ©sentĂ©s au Parlement, et en effet, ils sont largement utilisĂ©s Ă  l'encontre du roi par le Parlement, plus que d'autres articles[101] - [N 19] :

« Par le commun accord de tous, l'archevêque de Canterbury déclara que le bon roi Édouard [Ier], à sa mort, avait laissé à son fils ses terres d'Angleterre, d'Irlande, de Galles, de Gascogne et d'Écosse en bonne paix et comment la Gascogne et l'Écosse avaient été aussi bien que perdues par un conseil diabolique et une division maléfique...[101] »

— Chronique de Pipewell

La déposition du roi

Tous les orateurs que le Parlement a entendus le rĂ©itèrent les articles d'accusation. Ceux-ci sont prĂ©sentĂ©s aux seigneurs du royaume dans leur intĂ©gralitĂ© en tant que formalitĂ©. Ces derniers concluent en proposant le prince Édouard comme roi, si le peuple approuve ce choix[102]. La foule prĂ©sente est « frappĂ©e... par une telle ferveur Â» avec « des cris dramatiques aux moments-clĂ©s des discours Â», sous la surveillance de Thomas Wake[103] - [61] - [N 20]. Wake se lève Ă  plusieurs reprises et demande Ă  l'assemblĂ©e si elle est d'accord avec chaque orateur : « ĂŠtes-vous d'accord ? Le commun est-il d'accord ?[79] Â» Les exhortations de Wake — les bras tendus, selon Prestwich, il s'Ă©crie : « Je dis pour ma part qu'il [Édouard II] ne doit plus rĂ©gner »[40] —, mĂŞlĂ©es Ă  l'influence intimidante d'une grande compagnie de Londoniens indisciplinĂ©s[103], rĂ©sultent en des rĂ©ponses tumultueuses de « Qu'il en soit ainsi ! Qu'il en soit ainsi ![79] Â» Son discours, prĂ©tend May McKisack, contribue Ă  fournir au nouveau rĂ©gime « le soutien de la clameur populaire »[39].

Le Parlement proclame ensuite Édouard III roi[104] - [105]. Ă€ la tombĂ©e de la nuit, prĂ©cise Valente, l'electio des magnats du royaume reçoit l'acclamatio du populi et laisse peut-ĂŞtre place Ă  un chĹ“ur entonnant le Gloria, laus et honor[103] et Ă  des prestations d'hommage des seigneurs au nouveau roi. L'assentiment au nouveau statu quo n'est pas universel : les Ă©vĂŞques de Londres, Rochester et Carlisle s'abstiennent en signe de protestation[106] - [N 21]. L'Ă©vĂŞque de Rochester « a Ă©tĂ© plus tard battu pour son manque d'enthousiasme Â»[74].

La réponse du roi

Une fois que la déposition d'Édouard II est officiellement proclamée par le Parlement, une dernière action doit être entreprise : celle d'en informer le roi déchu. Une délégation est organisée pour rendre visite à Édouard à Kenilworth et l'informer de la décision de ses sujets de lui retirer leur hommage. La délégation est composée des évêques d'Ely, de Hereford et de Londres, et de quelques laïcs[9] — qui sont environ une trentaine d'hommes[107] — dont le comte de Surrey (qui représente les seigneurs) et Trussell (qui représente les chevaliers)[108] - [9] - [109] - [N 22]. Cette délégation est clairement destinée à être aussi largement représentative du Parlement — et donc du royaume — que possible : sa taille même a aussi l'avantage de répartir beaucoup plus largement la responsabilité collective des actions des représentants qu'un petit groupe ne l'aurait fait[110]. Le groupe part de Londres le jeudi ou peu après et le renoncement officiel de l'hommage de William Trussell — au nom du Parlement[111] — à Édouard a lieu à Kenilworth le 21 ou [111].

Édouard, vĂŞtu d'une robe noire et sous escorte, est amenĂ© dans le hall du château de Kenilworth devant les Ă©vĂŞques et le comte de Leicester[71]. La chronique de Geoffrey le Baker affirme que les dĂ©lĂ©guĂ©s Ă©quivoquent d'abord, « adultĂ©rant la parole de la vĂ©ritĂ© Â» avant d'en venir au fait[11]. Édouard se voit offrir un choix : soit abdiquer au profit de son fils le comte de Chester[112], soit refuser et voir le trĂ´ne proposĂ© Ă  quelqu'un « ayant de l'expĂ©rience dans le gouvernement Â» qui ne sera pas de sang royal[111] — probablement Roger Mortimer[71] - [113] - [N 23]. Le roi proteste mollement et pleure[111], avant de s'Ă©vanouir Ă  un moment[71]. Selon Orleton, qui retranscrit ces Ă©vĂ©nements en 1334, Édouard affirme qu'il a toujours suivi les conseils de ses nobles, mais exprime son regret pour le mal qu'il a fait[93]. Le roi dĂ©chu semble s'ĂŞtre rĂ©confortĂ© du fait que son fils lui succĂ©derait. Des sources suggèrent qu'une reconnaissance de mĂ©moranda a Ă©tĂ© faite entre la dĂ©lĂ©gation et Édouard, d'après le compte-rendu de la cĂ©rĂ©monie[111]. Dans sa chronique, Geoffrey le Baker affirme que vers la fin de la rencontre, Thomas Blunt (l'intendant du roi) a brisĂ© en deux sa baguette de fonction, et a renvoyĂ© les domestiques du roi[92] - [N 24].

La délégation repart pour Londres le mais les nouvelles qu'elle apporte la précèdent[114]. Au moment où les représentants parlementaires retournent à Westminster, vers le , Édouard III est déjà officiellement appelé roi, et la paix du roi a été proclamée à la cathédrale Saint-Paul la veille. Une fois la délégation parlementaire de retour, le nouveau roi peut officiellement être proclamé roi en public[115] : cela se produit le jour même, et le début de règne d'Édouard III est ainsi daté du [114]. Les discussions épineuses commencent sans doute à surgir à ce moment-là concernant le sort d'Édouard II[116]. En effet, aucune sentence juridique ou parlementaire n'a été rendue à son encontre[117].

Conséquences

Rappel du Parlement

La déposition d'Édouard II illustre la vision féodale du lien de fidélité, qui persista réellement pendant deux siècles après la Conquête : à savoir que si un seigneur refuse obstinément la justice à son homme, le lien est rompu et l'homme peut, après avoir ouvertement défié son seigneur, lui faire la guerre[118].

Alfred O'Rahilly, 1922.

Pendant la pĂ©riode durant laquelle Édouard II est incarcĂ©rĂ© Ă  Kenilworth et le Parlement siège, l'Ă©ducation politique du futur Édouard III est dĂ©libĂ©rĂ©ment accĂ©lĂ©rĂ©e et ce, par la tutelle de conseillers tels que William de Pagula et Walter de Milemete[119]. Bien qu'Ă©tant encore mineur[120], Édouard III est couronnĂ© Ă  l'abbaye de Westminster le [121] - [122] - [N 25]. Les vĂ©ritables dĂ©tenteurs du pouvoir demeurent toutefois Isabelle et Mortimer[123] - [124] - [N 26]. Roger Mortimer est crĂ©Ă© comte de March en octobre 1328 mais Ă  part cette rĂ©compense[117], il ne reçoit que très peu de subventions financières ou de gains terriens. Ă€ l'opposĂ©, la reine Isabelle s'assigne elle-mĂŞme un revenu annuel de 20,000 marcs[125] - [N 27], ce qui est interprĂ©tĂ© par les historiens modernes comme « l'un des plus grands revenus personnels que quiconque ait jamais reçu dans l'histoire anglaise Â»[122] - [126].

Le couronnement d'Édouard est suivi par le rappel du Parlement, qui n'a jamais été dissous[111]. Un nouveau Parlement aurait dû être convoqué après l'avènement d'un nouveau monarque. L'absence de cette formalité est sans doute due au précédent créé par la destitution d'Édouard II[54]. Les registres officiels datent le Parlement dans toute sa durée comme le premier d'Édouard III plutôt que le dernier de son père, alors qu'il s'est étendu sur les deux règnes[127]. Même si ce Parlement assez particulier a constitué un rassemblement radical, il reste encore cohérent à certains égards avec les Parlements traditionnels, c'est-à-dire qu'il est dominé par les seigneurs du royaume qui, néanmoins, dépendent du soutien des communes. Le Parlement de 1327 diffère radicalement des assemblées précédentes dans d'autres aspects : par exemple, avec l'influence concertée que les non-parlementaires et les roturiers ont sur le processus décisionnel et ce, non seulement par l'implication du conseil communal de la ville de Londres mais aussi par celle des Londoniens ordinaires. Ce Parlement a également une plus grande portée géographique, car il comprend des membres non-élus de Bury St Edmunds et de St Albans : l'historien John Maddicott dit que « ceux qui ont planifié la déposition se sont adressés au cours du Parlement à ceux qui n'avaient pas le droit d'y être »[107] - [N 28].

À la suite de son rappel, le Parlement revient aux affaires plus ordinaires des Parlements médiévaux, et entend 42 pétitions au nom du peuple[9] - [128] - [N 29]. Il s'agit alors du plus grand nombre de pétitions présentées par les communes[64]. Les demandes qu'elles contiennent vont de la confirmation des actes contre les Despenser[9] (dont la période allant de ce Parlement à l'effondrement du régime d'Isabelle et Mortimer en 1330 en verra 140)[129] et ceux en faveur de Thomas de Lancastre, à la reconfirmation de la Magna Carta. Ainsi, des pétitions ecclésiastiques et des comtés sont adressées principalement pour demander l'annulation des dettes et des amendes à l'encontre des individus et des villes sous le régime d'Édouard II. De nombreuses demandes sont faites également pour que le nouveau roi utilise sa grâce pour annuler les faux jugements perçus dans les tribunaux locaux et réduire les inquiétudes au sujet de la loi et de l'ordre dans les localités[9]. Cette dernière mesure est particulièrement importante car l'incapacité d'Édouard II à imposer la loi et l'ordre — ainsi que l'éclatement de la guerre civile pendant les dernières années de son règne — a provoqué des troubles généralisés et une illégalité qui n'a été qu'aggravée par l'invasion d'Isabelle et de Mortimer[34]. Mortimer et Isabelle veulent rétablir un semblant de loi et d'ordre dans le royaume, car l'échec d'Édouard II à assurer la paix intérieure est l'une des offenses pour lesquelles il a été déposé[130], et le but de la déposition d'Édouard est, prétendument selon Isabelle et Mortimer, de réparer les torts de son règne[131].

Les communes rédigent les pétitions qu'elles présentent (celles-ci sont rédigées par « les hommes de la commune »[132] — consititués par les chevaliers du comté qui ont été si impliqués dans la désastreuse campagne écossaise de 1322)[133] et les codifient dans une endenture (pour « attester de leur authenticité » par rapport à celles qu'elles ont reçues mais jamais présentées)[134]. Les communes sont particulièrement préoccupées par le rétablissement de l'ordre public dans leurs villes et leurs circonscriptions, et l'une de leurs pétitions demande la nomination immédiate d'une large commission de gardiens de la paix qui pourra personnellement juger les fauteurs de troubles. Le conseil du roi approuve cette mesure[135]. En revenant aux affaires parlementaires normales, le nouveau régime démontre à la fois sa légitimité et sa capacité à réparer les injustices du règne précédent[9]. Le désir de Mortimer et d'Isabelle de gommer l'héritage du règne d'Édouard II se reflète dans le fait que la plupart des pétitions des communes sont acceptées, ce qui donne lieu à la promulgation de 17 articles dans la loi[129]. Lorsque le Parlement est finalement dissous le , il s'agit alors du second ayant le plus longtemps siégé, pendant une durée de 71 jours[64].

PĂ©tition du comte de Leicester en 1327 pour la restitution du titre de comte de Lancastre. The National Archives, document SC 8/157/7819[136].

Le Parlement restaure le comte Henri de Leicester dans les titres et terres de son frère aîné Thomas de Lancastre[3], décapité en 1322, et procède également à l'annulation de la sentence prononcée à l'encontre de Roger Mortimer par Édouard II[137]. À partir de ce moment-là, le roi déchu n'est désormais mentionné que de façon superficielle dans les documents officiels — par exemple, sous le titre « seigneur Édouard, autrefois roi d'Angleterre »[111], ou tout simplement par son nom de naissance Édouard de Caernarfon[138]. Isabelle et Mortimer prennent soin d'empêcher que la déposition d'Édouard II ne vienne ternir leur réputation. Soucieux d'effacer le seul accord ex post facto de l'ancien roi concernant sa déposition, ils font publier la déclaration par laquelle Édouard accepte sa propre déchéance[139] - [N 30]. Leur problème, cependant, est que cette action implique effectivement d'avoir à réécrire un morceau d'Histoire auquel de nombreuses personnes ont participé activement et qui a eu lieu deux semaines auparavant[140].

Cependant, le plus grand bĂ©nĂ©ficiaire de ce Parlement est, en dehors de la classe des magnats, la ville de Londres. En 1321, Édouard II a envoyĂ© des juges royaux pour priver Londres de ses droits, et ceux-ci ont, selon les termes d'un contemporain, « pris tous les privilèges et les deniers de la ville » et destituĂ© le maire de Londres : Édouard a ainsi gouvernĂ© sa capitale lui-mĂŞme Ă  travers un système d'officiers loyaux[137]. L'historien gallois Gwyn Williams dĂ©crit cette action comme celle d'« un rĂ©gime d'urgence de lĂ©galitĂ© douteuse Â»[141]. Ainsi, en 1327, les Londoniens demandent la restitution de leurs libertĂ©s et, Ă©tant donnĂ© leur rĂ´le important — et probablement crucial — dans la dĂ©position d'Édouard II[142], ils reçoivent le non seulement les droits dont Édouard II les a dĂ©pouillĂ©s, mais aussi de plus grands privilèges qu'ils n'en avaient auparavant[142] - [137] - [N 31].

Événements ultérieurs

Pendant ce temps, Édouard II reste emprisonnĂ© Ă  Kenilworth, censĂ©e devenir sa « prison perpĂ©tuelle Â»[92] - [N 32], mais est transfĂ©rĂ© au dĂ©but du mois d' au château de Berkeley, bien mieux sĂ©curisĂ©[143]. Le choix de Berkeley comme lieu d'emprisonnement du roi dĂ©chu reflète, selon Natalie Fryde, les faiblesses du nouveau rĂ©gime : le nord du royaume reste instable Ă  cause de l'agitation des barons locaux, peu fiables, et est vulnĂ©rable Ă  une invasion Ă©cossaise menĂ©e par des seigneurs sympathiques Ă  Édouard II, tel Donald II de Mar tandis qu'au sud, la violence des Londoniens inquiète les rĂ©gents qui renoncent Ă  enfermer Édouard II Ă  la Tour de Londres[144]. NĂ©anmoins, une fois que la nouvelle de son transfert Ă  Berkeley est connue, les partisans de l'ancien roi organisent plusieurs tentatives d'Ă©vasion, dont une semble avoir brièvement rĂ©ussi au mois de . Roger Mortimer ordonne alors aux geĂ´liers d'Édouard de le dĂ©placer rĂ©gulièrement, afin de limiter les complots pour sa dĂ©livrance[145]. Édouard II retourne finalement Ă  Berkeley, oĂą il trĂ©passe pendant la nuit du . La mort d'Édouard est « Ă©trangement opportune Â», selon les mots de Mark Ormrod, car elle simplifie considĂ©rablement les problèmes politiques de Mortimer[146] et empĂŞche dĂ©finitivement une possible restauration du monarque destituĂ©. Beaucoup considèrent alors le dĂ©cès d'Édouard II comme un meurtre, arrangĂ© par Mortimer et Isabelle.

La manipulation manifeste du Parlement était entièrement l'œuvre de Roger [Mortimer]... Roger pouvait dire que la décision avait été conduite avec l'assentiment du peuple par le biais du Parlement. La monarchie anglaise avait changé pour toujours[79].

Ian Mortimer, The Greatest Traitor: The Life of Sir Roger Mortimer, 1st Earl of March

Le mĂ©contentement envers le nouveau rĂ©gime ne tarde pas Ă  se manifester après la destitution et la mort d'Édouard II. La fureur des barons est provoquĂ©e par la position privilĂ©giĂ©e de Roger Mortimer Ă  la cour. Nonobstant le couronnement d'Édouard III, Mortimer est de facto le dirigeant du pays[147]. Selon Ian Mortimer, le premier signe de la pression qu'exerce Roger Mortimer sur le nouveau roi est prouvĂ©e le jour mĂŞme de son couronnement. Non seulement s'arrange-t-il pour que ses trois fils aĂ®nĂ©s soient fait chevaliers, mais, considĂ©rant que les robes de cĂ©rĂ©monie d'un chevalier sont indignes de leur rang, il les fait revĂŞtir comme des comtes pour la cĂ©rĂ©monie[124]. La mauvaise administration de Mortimer se rĂ©percute ainsi sur le roi. Au Parlement de , le roi est accusĂ© par les dĂ©tracteurs de Mortimer de ne pas vivre indĂ©pendamment et de ne pas ĂŞtre suffisamment soutenu par son conseil. Les opposants au rĂ©gime soulignent Ă©galement le dĂ©sordre incessant dans le royaume, malgrĂ© l'avènement d'un nouveau souverain[148]. De son cĂ´tĂ©, Mortimer s'enrichit en s'emparant des possessions des partisans d'Édouard II, mais il s'aliène ainsi le soutien de la population. Sa prĂ©pondĂ©rance au sein du gouvernement est sĂ©rieusement affaiblie en aoĂ»t 1327 lors de la dĂ©route anglaise face aux Écossais Ă  Stanhope Park, qui conduit dès 1328 Ă  la reconnaissance de l'indĂ©pendance de l'Écosse[147]. Maurice Keen dĂ©crit Mortimer comme un dirigeant aussi inefficace dans la guerre contre l'Écosse qu'Édouard II[117]. Mais ce qui montre la fragilitĂ© de la mainmise de Mortimer sur le pouvoir est sa relation avec le roi qui, jamais harmonieuse auparavant, se dĂ©tĂ©riore très rapidement. Mortimer ne fait aucun effort pour faire Ă©voluer cette situation et continue Ă  afficher de l'irrespect envers Édouard III[149]. Édouard, de son cĂ´tĂ©, a initialement apportĂ© son soutien Ă  sa mère contre son père mais ceci n'a jamais engendrĂ© de l'« affection ou de la misĂ©ricorde Â» envers Mortimer, dont la position ne cesse de dĂ©cliner[23] - [N 33]. Michael Prestwich dĂ©crit Mortimer comme un « exemple classique d'un homme dont le pouvoir Ă©manait de sa personne » et compare son aviditĂ© Ă  celle de Despenser et sa sensibilitĂ© politique Ă  celle de Piers Gaveston[126]. Édouard III, qui a Ă©pousĂ© en Philippa de Hainaut, a enfin un hĂ©ritier mâle en [149] - [150]. Sa succession au trĂ´ne assurĂ©e le pousse Ă  s'affranchir de la tutelle de Mortimer : le , accompagnĂ© de ses proches amis, le jeune roi entreprend un coup d'État contre Mortimer au château de Nottingham. Ce dernier est pendu Ă  Tyburn un mois plus tard[151] et le règne personnel d'Édouard III commence alors[152].

Impacts sur le long terme

La principale question que soulève le Parlement de 1327 est de savoir si Édouard II a Ă©tĂ© « dĂ©posĂ© par ou pendant le Parlement [55]? Â» En effet, de nombreux Ă©vĂ©nements nĂ©cessaires Ă  l'Ă©viction du roi ont pris place au Parlement tandis que d'autres ont eu lieu ailleurs, comme le serment de Guildhall et les rĂ©unions secrètes organisĂ©es par Roger Mortimer. La toile de fond parlementaire sert donc de cadre public pour la dĂ©position, mais, d'après Seymour Phillips, ce n'est que par la « dĂ©termination combinĂ©e des magnats principaux, de leurs disciples personnels et des Londoniens » qu'Édouard a pu ĂŞtre destituĂ©[55]. Les historiens victoriens voient dans la dĂ©position d'Édouard une dĂ©monstration de l'autoritĂ© naissante de la Chambre des communes, semblable Ă  celle d'un système parlementaire moderne[71]. L'historiographie du XIXe siècle reste divisĂ©e sur la question. Par exemple, Barry Wilkinson considère que la dĂ©position a pu ĂŞtre rĂ©alisĂ©e davantage grâce Ă  l'action des magnats qu'Ă  celle du Parlement. Ă€ l'inverse, G. L. Harriss dĂ©crit les Ă©vĂ©nements de comme une abdication[70], car « il n'y avait aucun processus lĂ©gal de dĂ©position et les rois comme Édouard II Ă©taient contraints Ă  renoncer au trĂ´ne Â»[153]. Selon ce point de vue, la position dans laquelle se trouve Édouard II se rĂ©sume alors Ă  lui proposer « le choix de l'abdication en faveur de son fils Édouard ou la dĂ©position forcĂ©e en faveur d'un nouveau roi choisi par ses nobles »[154].

Essayer de déterminer précisément comment Édouard II a été destitué du trône, que ce soit par abdication, par déposition, par une théorie juridique romaine, par renonciation à l'hommage ou décision parlementaire est une tâche futile. Ce qui était nécessaire était de s'assurer que tous les moyens concevables de renverser le roi étaient adoptés, et les procédures combinaient tous les précédents possibles.

Michael Prestwich

Le parlementaire travailliste Chris Bryant soutient qu'il n'est pas clair si ces Ă©vĂ©nements ont Ă©tĂ© conduits par le Parlement, ou se sont simplement produits au Parlement. Cependant, il laisse entendre qu'il est significatif que la reine Isabelle et Roger Mortimer aient jugĂ© nĂ©cessaire d'avoir un soutien parlementaire[104] - [155]. Claire Valente dĂ©clare que si « la dĂ©position n'Ă©tait pas rĂ©volutionnaire et n'attaquait pas la royautĂ© elle-mĂŞme », elle n'Ă©tait pas « nĂ©cessairement illĂ©gale et hors de la constitution », mĂŞme si « les historiens modernes l'ont souvent traitĂ©e de cette manière ». La question de l'implication du Parlement, dit-elle, est fondamentale, et cette question est plus difficile Ă  examiner par la nomenclature variable que lui donnent les contemporains. Certains ont dĂ©crit le rassemblement comme Ă©tant simplement un conseil royal, tandis que d'autres l'ont appelĂ© Parlement en l'absence du roi, ou un Parlement avec la reine prĂ©sidant, ou un Parlement convoquĂ© par elle seule, ou convoquĂ© par elle et son fils[156]. Dunham et Wood suggèrent que « le succès politique, plutĂ´t que le processus lĂ©gal Â» a permis la dĂ©position d'Édouard II[92]. De mĂŞme, la dĂ©position elle-mĂŞme peut ĂŞtre attribuĂ©e Ă  diffĂ©rentes parties : « que les magnats seuls ont participĂ© Ă  la dĂ©position, que les magnats et le peuple l'ont fait, que le Parlement lui-mĂŞme a conduit la dĂ©position, mĂŞme si c'Ă©tait le peuple dont la voix Ă©tait dĂ©cisive Â»[72]. D'une manière ou d'une autre, affirme Valente, la dĂ©position d'Édouard II est un « carrefour » pour le Parlement, entre le simple fait d'agir en vertu d'une autoritĂ© collective de magnat pour ĂŞtre rĂ©ellement responsable en tant que corps de propriĂ©tĂ© agissant Ă  l'unisson[72]. Ian Mortimer, lui aussi, convient que « pour la première fois dans l'histoire de l'Angleterre, les reprĂ©sentants de la communautĂ© du royaume seraient appelĂ©s Ă  agir en tant qu'autoritĂ© au-delĂ  de celle du roi ». Il fait remarquer qu'il ne s'agit pas d'un progrès de la dĂ©mocratie — ce n'est pas alors le but recherchĂ© — car le but du Parlement est simplement « d'unifier toutes les classes du royaume contre le monarque »[45]. John Maddicott dĂ©crit les procĂ©dures ayant dĂ©butĂ© comme un coup d'État baronnial qui a cependant fini par ĂŞtre « Ă©levĂ© en quelque chose comme un plĂ©biscite national »[59] et oĂą les communes ont jouĂ© un rĂ´le important dans une rĂ©forme radicale de l'État[132]. Ce Parlement a nĂ©cessitĂ© Ă©galement la crĂ©ation et la mise en Ĺ“uvre de procĂ©dures (telles que les pĂ©titions codifiĂ©es, la lĂ©gislation en la matière et la promulgation des statuts qui en dĂ©coulent) qui deviendront rapidement des normes parlementaires[129].

Magnats et prélats avaient déposé un roi en réponse à la clameur du peuple entier. Cette clameur avait un accent londonien distinct[157].

Gwyn A. Williams

Le Parlement de 1327 montre également comment les contemporains — conscients que la déposition est un concept inconnu et impopulaire dans la culture politique de l'époque — commencent presque immédiatement à dépeindre les événements plus comme une abdication qu'une déposition[60]. Il a été rapporté que peu de chroniqueurs ont déploré la déposition d'Édouard II en elle-même mais plutôt le fait même que la déposition a causé une immense inquiétude au sein de la population[158] car il s'agit alors d'une procédure totalement inconnue[40] - [N 34]. Seymour Phillips commente qu'« utiliser des accusations de tyrannie pour destituer un roi légitime et oint était trop controversé et divisait pour être d'une utilité pratique », c'est pourquoi Édouard a été accusé d'incompétence et d'inadéquation et bien d'autres maux, et non — officiellement — d'être un tyran[119] - [159] - [160] - [N 35]. La Chronique de Brut va elle jusqu'à attribuer la déposition d'Édouard, non pas aux intentions des hommes et des femmes, mais à l'accomplissement d'une prophétie par Merlin[114].

La dĂ©position d'Édouard demeure importante dans l'histoire plus tardive parce qu'elle « Ă©tablissait le modèle des procĂ©dures et des arguments qui seraient suivis dans les dĂ©positions ultĂ©rieures » d'un monarque au pouvoir[43]. Les articles d'accusation de 1327 sont repris 60 ans plus tard lors de la sĂ©rie de crises entre Richard II et les Lords Appellant. Lorsque Richard refuse de se prĂ©senter devant le Parlement en 1386, le duc de Gloucester et l'archevĂŞque de Canterbury lui rendent visite Ă  Eltham et lui rappellent que par « la loi par laquelle Édouard [II] avait Ă©tĂ© jugĂ© Â»[161], un roi refusant de se prĂ©senter au Parlement est susceptible d'ĂŞtre dĂ©posĂ© par les seigneurs du royaume[162]. Traditionnellement, les procĂ©dures parlementaires sont avant 1327 rĂ©digĂ©es en mĂŞme temps que siège l'assemblĂ©e, et peu de temps après, sont inscrites au Parlement par des greffiers. Le compte-rendu du Parlement de 1327 est remarquable parce que « malgrĂ© la situation politique très chargĂ©e en , [il] ne contient aucune mention du processus par lequel Édouard II a cessĂ© d'ĂŞtre roi ». Il commence seulement avec le rassemblement du Parlement sous Édouard III en fĂ©vrier, après la dĂ©position de son père[9]. Il est probable, dĂ©clare Phillips, que les personnes impliquĂ©es aient Ă©tĂ© conscientes de la base juridique prĂ©caire de la dĂ©position d'Édouard — bien qu'elle n'ait pas Ă©tĂ© soumise de « trop près Ă  un examen »[142] — et qu'il n'y ait jamais eu d'enregistrement : « Édouard II avait Ă©tĂ© extrait du registre »[142]. D'autres suggestions concernant l'absence d'inscription sont qu'elle n'aurait jamais Ă©tĂ© inscrite dans le compte-rendu parce que le Parlement Ă©tait clairement illĂ©gitime, ou qu'Édouard III a estimĂ© plus tard qu'il n'Ă©tait pas souhaitable d'avoir un compte-rendu officiel d'une dĂ©position royale dans le cas oĂą un prĂ©cĂ©dent a Ă©tĂ© Ă©tabli, et l'a retirĂ© lui-mĂŞme[127]. Il a Ă©galement Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© que, si le compte-rendu du Parlement de a Ă©tĂ© enregistrĂ© en mĂŞme temps et survĂ©cu en tant que tel, alors la raison pour laquelle il n'existe plus peut ĂŞtre que, ayant Ă©tĂ© menacĂ© de dĂ©position lui-mĂŞme, en 1386, le roi Richard II l'a dĂ©truit lorsqu'il a rĂ©cupĂ©rĂ© son pouvoir personnel face aux Lords Appellant en 1389[163] - [164] - [165] - [166] - [N 36]. Richard considère en effet la dĂ©position d'Édouard II comme une « tache qu'il Ă©tait dĂ©terminĂ© Ă  retirer » de la famille royale anglaise : il va mĂŞme jusqu'Ă  proposer en 1395 la canonisation d'Édouard[165]. La dĂ©position de Richard par son cousin Henri Bolingbroke en 1399 permet Ă©videmment d'Ă©tablir des parallèles directs avec celle d'Édouard II. Les Ă©vĂ©nements qui ont eu lieu 72 ans auparavant sont considĂ©rĂ©s en 1399 comme de « coutume ancienne »[167], notamment le prĂ©cĂ©dent lĂ©gal Ă©tabli, mĂŞme s'il a Ă©tĂ© mal dĂ©fini[167]. Valente note cependant que le changement de rĂ©gime au profit d'Isabelle et de Mortimer en 1327 n'a pas Ă©tĂ© aussi rĂ©ussi que celui d'Henri en 1399[140].

La dĂ©position d'Édouard II est encore utilisĂ©e comme outil de propagande politique pendant les annĂ©es turbulentes du règne de Jacques Ier, au cours des annĂ©es 1620. Le roi, alors très malade, joue un rĂ´le de plus en plus pĂ©riphĂ©rique dans le gouvernement, et son favori, George Villiers, 1er duc de Buckingham, devient parallèlement de plus en plus puissant. Le procureur gĂ©nĂ©ral Henry Yelverton compare alors publiquement Buckingham Ă  Hugues le Despenser Ă  cause du penchant du favori Ă  s'enrichir lui-mĂŞme ainsi que ses amis au dĂ©triment du patronage royal[168]. Selon Curtis Perry, « les contemporains ont appliquĂ© l'histoire [de la dĂ©position d'Édouard II] Ă  la tourmente politique des annĂ©es 1620 : certains ont utilisĂ© le parallèle pour pointer l'influence corruptrice des favoris et critiquer Buckingham, d'autres ont Ă©tabli des parallèles entre l'intempĂ©rance de Yelverton et ses semblables et l'indiscipline des adversaires d'Édouard Â»[169].

Le Parlement de 1327 est le seul et dernier Parlement avant les Laws in Wales Acts de 1535 et 1542 à convoquer des représentants gallois. Ils n'ont toutefois jamais siégé[104], car ils ont été délibérément convoqués trop tard pour y assister en raison du soutien indéfectible du pays de Galles envers Édouard II[45]. Le Parlement de 1327 fournit également presque la même liste de participants des Parlements pendant les cinq années suivantes[170].

Représentations culturelles

Couverture de la première édition de la pièce Édouard II de Marlowe.

Christopher Marlowe est le premier auteur à dramatiser la vie et la mort d'Édouard II dans sa pièce Le Règne difficile et la mort lamentable d’Édouard II, roi d'Angleterre, ainsi que la chute tragique de l'orgueilleux Mortimer, représentée pour la première fois en 1592. Marlowe souligne l'importance du Parlement pendant le règne d'Édouard, depuis son serment de couronnement (Acte I, scène 1) jusqu'à sa déposition (Acte V, scène 1)[171].

La réunion du Parlement de 1327 est décrite dans le cinquième tome de la saga historique Les Rois maudits de Maurice Druon, intitulé La Louve de France. Druon reprend dans cette description l'essentiel des contenus des différentes chroniques médiévales, tout en y apportant quelques accentuations. Tout d'abord, Adam Orleton est présenté comme l'orchestrateur du Parlement et celui qui anime les débats, alors que dans la réalité, ils étaient dirigés sans doute par William Trussell. De plus, l'insistance de l'auteur sur la souveraineté du peuple dans la nuit du 12 au n'est pas entièrement véridique : certes, la clameur de la population londonienne a joué indéniablement un rôle dans la déchéance d'Édouard II mais la décision finale est revenue aux barons. Enfin, il n'existe aucune preuve que le prince Édouard ait refusé la couronne avant que son père ne s'en défasse solennellement.

Voir aussi

Notes et références

Notes

  1. Cette situation n'a pas toujours Ă©tĂ© le cas. Pendant l'essentiel de leur mariage, Isabelle a Ă©tĂ© une Ă©pouse fidèle qui a donnĂ© Ă  son Ă©poux quatre enfants. De plus, elle est active politiquement pour dĂ©fendre Édouard, ayant partagĂ© avec lui sa haine du comte de Lancastre et « a jouĂ© un rĂ´le crucial dans les relations anglo-françaises Â». Ceci est en dĂ©saccord avec l'impression transmise par les chroniqueurs Ă©crivant sous le rĂ©gime d'Isabelle et Mortimer entre 1327 et 1330, qui ont tendance Ă  donner « l'impression que la relation d'Isabelle avec Édouard Ă©tait dysfonctionnelle dès le dĂ©but Â».
  2. L'attitude d'Édouard est rĂ©sumĂ©e ainsi par un contemporain, qui rapporte que le roi « portait un couteau dans ses pantalons afin de tuer Isabelle et avait affirmĂ© que s'il n'avait aucune autre arme, il la dĂ©chirerait entre ses dents Â».
  3. En effet, le roi a menacĂ© son fils « d'ordonner un châtiment de telle sorte qu'Édouard le ressente pour le restant de ses jours et que tous les autres fils en prennent exemple avant de songer Ă  dĂ©sobĂ©ir Ă  leurs seigneurs et Ă  leur père ». Selon Mark Ormrod, le jeune comte n'avait jamais auparavant « fait la si forte expĂ©rience de la personnalitĂ© de sa mère et son affirmation stridente de l'autoritĂ© maternelle ». Le comportement du roi envers son hĂ©ritier concentre une attitude incroyablement menaçante ainsi qu'un profond manque d'affection et en consĂ©quence, lorsqu'il appelle au sens de loyautĂ© de son fils, ce dernier ne rĂ©agit pas.
  4. Hugues le Despenser dispose d'un espion dans la maison de Mortimer à Calais, qui l'informe non seulement du lieu de débarquement de Mortimer mais aussi l'alerte des différentes attaques de diversion.
  5. Le roi s'Ă©chappe soit vers le West Country, soit vers les Marches galloises, oĂą se situe l'essentiel des possessions de Mortimer. Édouard compte sans doute soulever ces deux rĂ©gions contre Mortimer, comme il l'avait dĂ©jĂ  fait en 1322, prĂ©cipitant ainsi son exil en France. De plus, les Gallois ont par le passĂ© souvent Ă©tĂ© fidèles Ă  leur roi. C'est pourquoi « ce n'est pas par accident Â» qu'Édouard s'est dirigĂ© lĂ -bas en raison de son manque de soldats.
  6. Les foules londoniennes poursuivent les membres de l'administration royale fidèles au roi et restés à Londres après sa fuite. Sont ainsi ciblés Walter de Stapledon ou Robert Baldock, qui est emprisonné à la prison de Newgate. L'attitude de la population de la capitale est influencée par une lettre enflammée adressée par Isabelle au maire de Londres, Hamo de Chigwell, dans laquelle elle « l'implore de l'aider ». Un grand rassemblement public informe la population que « Stapledon est l'ennemi de la reine et que tous ceux qui sont hostiles à Isabelle et sa cause devront être mis à mort ». Les Annales Paulini, rédigées à la même époque, décrivent comment la foule « a attaqué et pillé la propriété londonienne du trésorier du roi, l'évêque Stapledon [qui a menacé d'excommunication les opposants d'Édouard II], le contraignant à s'enfuir à Saint-Paul où il a été frappé à la tête et traîné à Cheapside pour y être décapité. [...] La tête de Stapledon a été ensuite envoyée à la reine qui résidait à Bristol ». À la fin du mois d'octobre, une autre foule mécontente pénètre dans la Tour de Londres et contraint le connétable John de Weston à relâcher tous les prisonniers détenus. Les foules proclament leur allégeance à la reine Isabelle à Guildhall. Un certain nombre de fonctionnaires royaux échappe au sort de Stapledon en quittant en précipitation la capitale.
  7. Selon Ormrod, Isabelle et Mortimer sont accompagnés par l'archevêque de Dublin, les évêques de Winchester, d'Ely, de Lincoln, de Hereford et de Norwich, les comtes de Leicester, de Norfolk et de Kent ainsi que Henri de Beaumont, Thomas Wake et William la Zouche.
  8. Les brefs sont Ă©mis non seulement au nom du roi mais sont scellĂ©s Ă  la Court of Chancery comme s'ils ont Ă©tĂ© ordonnĂ©s Ă  Kenilworth, oĂą Édouard II est dĂ©tenu. Cette fiction est purement bureaucratique : Mortimer et la reine donnent des instructions Ă  la chancellerie, d'abord depuis Woodstock, puis Ă  Wallingford, et « personne qui est activement impliquĂ© dans le rĂ©gime ne se fait d'illusions quant Ă  l'origine de l'autoritĂ© royale Â».
  9. Cette situation ne passe pas inaperçue auprès des observateurs contemporains : Ormrod cite le cas des registres de l'Ă©vĂŞque de Salisbury, qui « montre son opposition » aux abus de l'utilisation du Grand Sceau du roi.
  10. Ian Mortimer note que « la ligne la plus radicale est celle prise par les Lancastriens, qui ont Ă©tĂ© anĂ©antis par l'exĂ©cution de Thomas de Lancastre par Édouard. Roger [Mortimer], d'un autre cĂ´tĂ©, avait Ă©tĂ© sauvĂ© de la peine de mort en 1322 grâce Ă  l'intervention du roi et avait Ă©tĂ© auparavant un loyal serviteur du roi. MĂŞme dĂ©sormais [en janvier 1327] il Ă©tait un royaliste et il voulait gagner la confiance du prince Édouard, ce qui Ă©tait peu probable d'arriver s'il le tenait responsable pour l'exĂ©cution de son père ».
  11. Cependant, Édouard II a souvent Ă©tĂ© absent lors de plusieurs sessions parlementaires pour diffĂ©rentes raisons : il se trouvait dans d'autres rĂ©gions du royaume (Parlement d'aoĂ»t-octobre 1311), Ă©tait Ă  l'Ă©tranger (en juillet 1313) ou avait d'autres affaires « importantes Â» (en septembre 1314). De plus, il ne s'est parfois pas du tout prĂ©sentĂ© au Parlement soit pour des excuses officielles (comme en avril-mai 1313 Ă  cause d'une maladie), soit sans raisons spĂ©cifiques (comme au Parlement de novembre-dĂ©cembre 1311).
  12. C'est en effet la première fois qu'un roi anglais est dĂ©posĂ© depuis la conquĂŞte de 1066. MĂŞme les barons qui se sont rebellĂ©s contre le roi Jean en 1215 et ont accueilli en 1216 une invasion française n'ont jamais formellement tentĂ© de le destituer. De mĂŞme, il n'a jamais Ă©tĂ© question pour les barons menĂ©s par Simon de Montfort contre Henri III en 1264 de renverser le roi. La situation de 1327 est non seulement la première dĂ©position dans l'histoire anglaise mais aussi un prĂ©cĂ©dent dans l'histoire europĂ©enne car aucun monarque n'a alors subi ce sort, Ă  l'exception d'un « prince mineur allemand de petite rĂ©putation au dĂ©but du XIVe siècle Â» d'après Ian Mortimer.
  13. Seymour Phillips note qu'Édouard tentait de s'enfuir en Irlande lorsqu'il a été capturé. S'il avait réussi, l'accusation d'abandon du royaume à l'encontre du roi n'aurait pu être retenue, puisque l'Irlande était dans les domaines royaux.
  14. Le nouveau maire de Londres est Ă©galement un des plus loyaux partisans de Mortimer depuis plusieurs annĂ©es. Après avoir vu sa sentence commuĂ©e en emprisonnement Ă  vie Ă  la Tour de Londres en 1322, Mortimer prĂ©pare son Ă©vasion et sa fuite pour la France. Celle-ci a lieu en 1323, probablement grâce Ă  l'aide de Betoyne et de John de Gisors. May McKisack suggère Ă©galement — en s'appuyant sur les rapports rĂ©digĂ©s par Jean Froissart — que les fonctionnaires de Londres ont incitĂ© Mortimer et Isabelle Ă  envahir l'Angleterre, en leur affirmant qu'il trouveront « la citĂ© de Londres, la majoritĂ© des autres villes et les chevaliers et Ă©cuyers prĂŞts Ă  [les] accueillir Â».
  15. Les Ordonnances de 1311 restreignaient spécifiquement la confiance du roi dans tout ce qui était perçu comme de « mauvais conseillers » (tels Gaveston ou Despenser) et imposaient d'autres limites au pouvoir royal, qui était remplacé par le contrôle des barons. Le roi ne pouvait nommer que des fonctionnaires « par le conseil et l'assentiment du baronnage, et cela au Parlement ». De même, le conseil des barons devait être consulté avant le déclenchement d'une guerre, et le Parlement devait être réuni chaque année.
  16. Les articles sont initialement dĂ©crits par Orleton comme une concordia. Le terme d'« Articles d'Accusation Â» est employĂ© pour la première fois par les historiens du XIXe siècle George Burton Adams et H. Morse Stephens dans leur ouvrage Select Documents of English Constitutional History, oĂą le document est imprimĂ© dans son intĂ©gralitĂ©.
  17. Plus prĂ©cisĂ©ment, dans les Proverbes 11 Ă  14, l'Ă©vĂŞque de Hereford s'appuie sur un verset bien connu qui pourrait ĂŞtre chargĂ©, si nĂ©cessaire, avec un poids politique. « Et il est impossible qu'on gouverne utilement les autres quand on est subverti par ses propres erreurs Â», a dit Jean de Salisbury de ce verset, dans le contexte de « quel mal et quel bien arrive aux sujets Ă  cause de la moralitĂ© de leurs dirigeants Â». Jean de Salisbury a Ă©crit ce commentaire au XIIe siècle. Au XIVe siècle, Guillaume d'Ockham dĂ©crit Ă©galement les dangers pour les âmes si un « dirigeant n'a pas l'autoritĂ© suffisante pour contrĂ´ler les choses qui lui sont soumises, et dans un tel cas, la parole de Salomon [dans les Proverbes] doit ĂŞtre appliquĂ©e Â».
  18. Comme le dit Mark Ormrod : « Quelles que soient ses autres dĂ©ficiences, Édouard de Caernarfon [Édouard II] a eu tendance Ă  dĂ©fendre ses droits thĂ©oriques Â».
  19. En fait, dĂ©clare Powicke, de nombreux participants au Parlement de 1327 ont eu une connaissance directe de la campagne catastrophique de 1322 contre l'Écosse, en particulier parmi les communes (moins pour les barons, dont seulement quelques-uns ont pris part Ă  la campagne) : « La classe des chevaliers de comtĂ©, organisĂ©s dans leurs 37 communautĂ©s de comtĂ©, fournissait presque tous les pouvoirs judiciaires et administratifs de la nation Â», rĂ©sultant qu'un soldat ordinaire s'identifiait plus Ă  ces chevaliers dans les localitĂ©s qu'un comte ou baron.
  20. Seymour Phillips a suggéré que Wake — qui est le gendre du comte de Leicester, absent — a remplacé Leicester pendant la procédure parlementaire, et a agi sous les instructions du comte et ce, dans l'intérêt de ce dernier.
  21. Peut-être, propose Valente, parce que la procédure voit des serments d'hommage et de fidélité donnés à un roi avant qu'ils n'aient été formellement retirés à un autre.
  22. Selon la Chronique de Lanercost, qui fournit le rapport le plus détaillé quant à la composition précise de la délégation qui rend visite à Édouard, on dénombre 24 membres. La chronique les énumère comme étant « deux évêques [Winchester et Hereford], deux comtes [Leicester et Surrey], deux barons [William de Ros et Hugues de Courtenay], deux abbés, deux prieurs, deux juges, deux dominicains, deux carmélites, quatre chevaliers (deux du nord et deux du sud de la Trent), deux citoyens de Londres, et deux citoyens des Cinq-Ports ». Le chroniqueur prétend également que la reine a explicitement interdit aux Franciscains — qu'elle favorise personnellement au-dessus de tous les autres ordres religieux en Angleterre — de rejoindre cette délégation, afin de leur épargner le devoir désagréable de lui apporter de mauvaises nouvelles. Cependant, le chroniqueur de Lanercost omet de mentionner soit Trussell (dont la présence est indiscutable), soit les évêques d'Ely ou de Londres. Ironie de l'Histoire, Trussell a été le juge au procès d'Hugues le Despenser à Hereford en novembre 1326.
  23. Bien que, comme le fait remarquer Phillips, la menace de la dĂ©lĂ©gation de dĂ©shĂ©riter Édouard II et de dĂ©truire la ligne de la succession n'Ă©tait clairement « pas crĂ©dible, car l'avènement sur le trĂ´ne de quelqu'un d'autre que le jeune Édouard aurait difficilement Ă©tĂ© acceptĂ©e par tous et aurait conduit Ă  la guerre civile Â». En outre, pour que cela ait jamais Ă©tĂ© possible, il aurait Ă©tĂ© nĂ©cessaire que les deux demi-frères d'Édouard II, Thomas, comte de Norfolk, et Edmond, comte de Kent, ainsi que ses fils Édouard et Jean soient morts, et « il n'y a aucune raison de croire qu'une telle manĹ“uvre ait jamais Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e Â».
  24. Dunham et Wood notent que l'acte de briser un sceptre ou de démettre le personnel, dans ce contexte, était profondément symbolique, comme il était traditionnellement fait sur la tombe d'un roi décédé.
  25. L'évêque de Rochester, d'après Ian Mortimer, assistait au couronnement, tout en « soignant encore ses ecchymoses ».
  26. Non seulement le couple a le contrôle de la personne du roi, limitant ainsi son accès, mais il le conseille, nomme les membres de l'administration en son nom et garde même le sceau royal en leurs mains.
  27. Le marc médiéval est évalué à un tiers de plus qu'une livre.
  28. En ce sens, Maddicott compare le Parlement de 1327 avec celui de 1311 (qui a promulgué les Ordonnances de 1311 aux dépens d'Édouard II et fait exiler Piers Gaveston), et l'assemblée de 1321, qui a imposé l'exil des Despenser.
  29. La pétition était le mécanisme par lequel les plaideurs médiévaux appelaient personnellement le roi à la justice, s'ils sentaient qu'ils avaient été lésés par les tribunaux, ou s'ils désiraient la grâce ou la miséricorde du roi. Le plaideur pouvait être un individu, un groupe, une communauté ou même une ville. Les griefs étaient présentés personnellement par le pétitionnaire aux receveurs de pétitions parlementaires, qui les transmettaient aux juges des pétitions. Si elles étaient de nature simple, les pétitions étaient probablement traitées immédiatement par le Parlement. Les cas les plus complexes étaient eux transmis au conseil du roi pour qu'il en discutât avant de rendre son verdict.
  30. L'importance qu'Isabelle et Mortimer ont accordée à recevoir l'accord d'Édouard II pour sa propre éviction est soulignée, selon Valente, par le fait que dans la brève période entre le couronnement d'Édouard III et l'assentiment de son père, il n'y a presque aucune action officielle du gouvernement, et aucune lettre patente publiée au nom du nouveau roi.
  31. Ces privilèges incluent la nomination automatique du maire en tant que juge royal de Newgate et dĂ©shĂ©rent, et Ă©galement la nouvelle charte garantissant que les libertĂ©s de la ville ne puissent plus ĂŞtre confisquĂ©es Ă  la suite de ses actions. Le nouveau roi, affirme Caroline Barron, « a dĂ©cidĂ© de travailler Ă  travers les maires de Londres plutĂ´t que contre eux Â».
  32. MalgrĂ© son emprisonnement, Édouard ne semble pas avoir Ă©tĂ© maltraitĂ© : son fils lui envoie deux tonneaux de vin allemand et des provisions « en vin, en cire, en Ă©pices, en Ĺ“ufs, en fromage, en chapons et en bovins Â». Son lit, ses vĂŞtements et d'autres effets personnels ont toutefois Ă©tĂ© saisis par Isabelle lors de sa capture.
  33. Selon Mark Ormord, Édouard III semble avoir considéré Mortimer — plus que Despenser — comme responsable de la discorde entre ses parents en 1326.
  34. Prestwich note qu'« il n'y avait pas de précédent anglais exploitable, les récits de chronique tirés de l'histoire fantasmagorique de Geoffroy de Monmouth auraient pu indiquer que des rois avaient été démis de leurs fonctions, mais n'ont pas donné de détails sur la façon de le faire ».
  35. Les analyses contemporaines de la tyrannie royale sont ambiguĂ«s. Jean de Salisbury (« un tyran met les lois Ă  nĂ©ant ») et Henry de Bracton (« le roi qui viole son devoir de maintenir la justice n'est plus un roi, mais un tyran Â») sont clairs sur ce qui constitue la tyrannie dans l'esprit mĂ©diĂ©val. Tous deux sont cependant Ă©quivoques quant aux mesures Ă  prendre contre un tyran, et Bracton, au moins, refuse de justifier le tyrannicide.
  36. Le comté de Lancastre fournit un autre lien direct entre Édouard II et Richard II. En 1397, des rumeurs de complot contre Jean de Gand, oncle de Richard et comte de Lancastre, circulent. Richard lui-même serait impliqué et aurait prétendument l'intention d'abroger l'acte du Parlement de 1327 qui a restauré Henri de Leicester en ses droits, ce qui aurait ainsi réaffirmé la confiscation envers le comte Thomas en 1322 : « D'un tel processus, il ne pouvait y avoir qu'un seul vrai perdant : la maison de Lancastre ». Gand détient en effet ses titres et propriétés du comté de Lancastre par l'intermédiaire de sa première épouse, Blanche de Lancastre, petite-fille d'Henri de Leicester.

Références

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