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Jean de Salisbury

Jean de Salisbury (Joannis Saresberiensis ou Joannis Sariberiensis)[1] nĂ© vers 1115 Ă  Salisbury, dans le comtĂ© du Wiltshire en Angleterre et mort en 1180 Ă  Chartres[2], est un philosophe et historien anglais, grand voyageur membre de l’École de Chartres.

Jean de Salisbury
Jean de Salisbury enseignant la philosophie, miniature de frontispice du Policraticus.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Formation
École de Chartres
Salisbury Cathedral School (en)
Activités
Plaque commémorative, 24 cloßtre Notre-Dame, Chartres.

Biographie

Jean de Salisbury fait ses Ă©tudes en France oĂč il bĂ©nĂ©ficie du patronage du comte Thibaut le Grand. Étudiant Ă  Paris, il y prend des leçons de logique, dĂšs 1136, avec AbĂ©lard. Il poursuit ses Ă©tudes Ă  la prestigieuse Ă©cole cathĂ©drale de Chartres, approfondissant la logique sous la direction de Robert de Melun, et la grammaire sous celle de Guillaume de Conches jusqu'en 1148. Dans cette citĂ©, Jean de Salisbury a pu disposer de plusieurs traductions d'ouvrages savants, entre autres celle de l’IsagogĂš de Porphyre de Tyr, et celles du mĂ©decin syriaque Hunayn ibn Ishaq, ainsi que, probablement, d'une bonne partie de la logique d'Aristote[3].

Il traverse dix fois les Alpes pour s'enquĂ©rir des avancĂ©es des universitĂ©s italiennes, mais aussi pour se rendre Ă  Rome en pĂšlerinage et surtout en diverses missions pour son pays natal. Il remplit de nombreuses missions Ă  Rome auprĂšs d’EugĂšne III et d’Adrien IV.

SecrĂ©taire et ami de Thomas Becket, alors chancelier d’Angleterre, il est notamment chargĂ© des relations de l'archevĂȘchĂ© avec la papautĂ©. Il a rendu, dans sa Vie de Thomas Becket, un hommage posthume Ă  celui qu’il conseilla de nombreuses fois.

Pendant le conflit et l'exil de 1164 de Thomas Becket, il rĂ©side dans l'abbaye Saint-RĂ©mi de Reims, dont l'abbĂ© Ă©tait alors Pierre de Celle. A cette fin, il passe par le nord de la France et la Belgiqueː il raconte dans une lettre Ă  son ami, sa rĂ©ception dans le comtĂ© de GuĂźnes, Ă  Saint-Omer, Arras, l'Écluse[4].

Il enseigne Ă  Oxford au terme de sa vie diplomatique, avant 1170.

Il succĂšde Ă  Guillaume aux Blanches Mains sur le siĂšge Ă©piscopal de Chartres de 1176 Ă  1180.

AprĂšs sa mort, vers l’ñge de 65 ans, il fut inhumĂ© au fond du transept nord de l'Ă©glise abbatiale de Notre-Dame de Josaphat, au nord de Chartres, Ă  l’entrĂ©e de la chapelle Notre-Dame, dans un sarcophage en pierre retrouvĂ© en 1905 par l’abbĂ© MĂ©tais au sein des remblais de surĂ©lĂ©vation du dallage rĂ©alisĂ©e par les Mauristes. Si le gisant en haut-relief a malheureusement disparu (alors que le chanoine Souchet l’avait vu encore en 1640), les cĂŽtĂ©s du sĂ©pulcre, datĂ©s des annĂ©es 1210-1230, sont fort bien conservĂ©s avec leur dĂ©cor de feuillages disposĂ©s en Ă©lĂ©gants rinceaux et volutes sous des arcades trilobĂ©es portĂ©es par de gracieuses colonnettes surmontĂ©es de bouquets variĂ©s, tĂ©moignant du premier Ăąge gothique.

Au dĂ©but du XXe siĂšcle, ses restes ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s, avec ceux de Mgr Renaud de Mousson (1182-1217) un de ses proches successeurs, dans le nouveau caveau des Ă©vĂȘques de la chapelle Saint-Piat, au chevet de la cathĂ©drale.

ƒuvres

Jean de Salisbury peut apparaßtre comme un grand étudiant, participant actif d'une période soucieuse de l'éveil de l'esprit et de l'apprentissage des mondes abstraits. Il croit à un langage universel et aux lois universelles, justifiant un monde rationnel, accessible par la recherche. Peut-on (re)trouver les multiples sources de la vérité positive ou science ?

À une Ă©poque oĂč la dialectique s'est largement introduite dans la thĂ©ologie, Jean de Salisbury condamne les « purs philosophes », qui privilĂ©gient la logique au dĂ©triment de l'Ă©thique. Il ne rejette pas la logique, mais la cantonne dans un rĂŽle de simple moyen pour la pensĂ©e[5].

Il est un des hommes de son temps qui connurent le mieux l’AntiquitĂ© et l'ancienne culture classique grĂ©co-romaine, en particulier l'Ɠuvre de CicĂ©ron[6]. Son principal ouvrage, trĂšs cĂ©lĂšbre au Moyen Âge et un des premiers livres imprimĂ©s, est intitulĂ© : Policraticus, de Nugis curialium et vestigiis philosophorum, une sorte d’encyclopĂ©die morale, en huit livres, oĂč l’auteur, avec plus d’érudition que de grĂące, oppose aux frivolitĂ©s du monde et de la cour les solides enseignements de la philosophie.

En tĂȘte des amusements qu’il attaque se trouve la chasse, moyen de vexation contre les faibles. Le jeu de dĂ©s, la musique et les musiciens, les acteurs, les mĂ©nestrels, les jongleurs, ne sont pas Ă©pargnĂ©s. L’auteur montre la vanitĂ© de la magie, de la sorcellerie, bien qu’il ne repousse pas toutes sortes de prĂ©sages.

Le troisiĂšme livre, dirigĂ© contre les flatteurs et les parasites, se termine par un chapitre contre les tyrans. Le tyrannicide y est approuvĂ©, mais Ă  l’Église seule il appartient de dĂ©clarer qu’un prince est tyran. Pour l’ami de Thomas Becket, la royautĂ© n’est que la servante de l’Église. Il est partisan d'une thĂ©ocratie, Ă  l'image de l'ordre de la nature, oĂč le pouvoir politique est subordonnĂ© au pouvoir religieux[7]. Tout cet examen de la sociĂ©tĂ© a pour conclusion une thĂ©orie des devoirs empruntĂ©e aux philosophes anciens, et l’auteur termine en revenant sur le tyrannicide et le devoir de tuer les tyrans. Dans le troisiĂšme livre, il introduit pour la premiĂšre fois le terme de theatrum mundi oĂč «la vie de l'homme sur Terre est une comĂ©die, oĂč chacun oublie qu'il est en train de jouer un rĂŽle»[8].

AchevĂ© en 1156, le Policraticus est adressĂ©, dans une introduction poĂ©tique, Ă  Thomas Becket. Sous le titre peu diffĂ©rent d’Entheticus, Jean de Salisbury fit, en vers Ă©lĂ©giaques, une sorte de rĂ©sumĂ© de son grand ouvrage, rempli d’allusions satiriques, aujourd’hui fort difficiles Ă  comprendre.

Enfin, pour dĂ©fendre la philosophie, c’est-Ă -dire les lettres anciennes, contre les attaques des gens du monde, Jean de Salisbury Ă©crivit son Metalogicon en six livres. À ces ouvrages, il faut ajouter ses Lettres, qui sont trĂšs importantes pour l’histoire de son Ă©poque.

En 1372, le frÚre franciscain Denis Foulechat achÚve sa traduction française du Policraticus, effectuée à la demande du roi de France Charles V.

Citations

  • « Un roi illettrĂ© n’est qu’un Ăąne couronnĂ©. »
  • « La profession des armes, d'autant plus digne d'ĂȘtre approuvĂ©e qu'elle est plus nĂ©cessaire, a Ă©tĂ© instituĂ©e par Dieu lui-mĂȘme. »
  • « Nous sommes des nains assis sur des Ă©paules de gĂ©ants ». Jean de Salisbury n'est pas l'auteur de cette formule, mais en est la source Ă©crite, qu'il rapporte Ă  Bernard de Chartres :
    • « Bernard de Chartres disait que nous sommes des nains assis sur les Ă©paules des gĂ©ants, afin de pouvoir voir plus loin qu'eux, non que cela nous soit permis de toute maniĂšre par l'acuitĂ© de notre vision ou par la hauteur de notre taille, mais parce que nous sommes soulevĂ©s et enlevĂ©s vers les hauteurs par la grandeur des gĂ©ants. » (Metalogicon III ). En latin : « Dicebat Bernardus Carnotensis nos esse quasi nanos, gigantium humeris insidentes, ut possimus plura eis et remotiora videre, non utique proprii visus acumine, aut eminentia corporis, sed quia in altum subvenimur et extollimur magnitudine gigantea. »
  • Jean, encore Ă©tudiant chartrain, est de retour de Paris, il Ă©crit « Il me fut agrĂ©able de rendre visite sur la montagne Sainte GeneviĂšve Ă  ces anciens compagnons que j'avais quittĂ©s et que la dialectique retenait encore et de reparler avec eux de nos vieux sujets de dĂ©bats (...). Je les trouvais au mĂȘme point que jadis. Ils ne semblaient pas avoir atteint leur but, en dĂ©brouillant les vieilles questions, ni mĂȘme ajoutĂ© Ă  leurs connaissances l'ombre d'une proposition. Ils n'avaient progressĂ© que d'une maniĂšre : ils avaient dĂ©sappris la modĂ©ration et ne connaissaient plus la modestie, de sorte qu'il fallait dĂ©sespĂ©rer de leur guĂ©rison. Ainsi l'expĂ©rience m'enseigna une vĂ©ritĂ© certaine, c'est que, si la dialectique peut aider aux autres Ă©tudes, au contraire, si elle prĂ©tend se suffire Ă  elle-mĂȘme, elle demeure stĂ©rile et morte. » (Metalogicon II, 10).

ƒuvres

  • Opera omnia, Ă©d. J. A. Giles, Oxford 1848, in Patrologia Latina, 199 lire en ligne
  • Policraticus (1156), Ă©d. K. S. Keats-Rohan, Turnhout, Brepols, 1993.
  • Metalogicon, (v. 1175), Ă©d. J.B. Hall & Katharine S.B. Keats-Rohan, Corpus Christianorum Continuatio Mediaevalis (CCCM 98), Turnhout, Brepols 1991. Trad. an. D. D. McGarry, The Metagogicon, Berkeley, University of California Press, 1955.
  • Metalogicon. PrĂ©sentation, Introduction, Index et Notes, traduction en français par François Lejeune. Presses de l'UniversitĂ© Laval (QuĂ©bec, Canada ) / Librairie Philosophique J. Vrin (Paris), 2009. Collection "ZĂȘtĂȘsis". 413 pages. (ISBN 2763784828).
  • Lettres, trad. an. W. J. Millor et alii, The letters of John of Salisbury, Oxford, Clarendon Press, 1986, 2 t.

Notes et références

  1. Edward Gibbon et François Guizot (éditeur et réviseur), Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, t. 11, Paris, LefÚvre, (lire en ligne), p. 323.
  2. McCormick, Stephen J. (1889). The Pope and Ireland. San Francisco: A. Waldteufel. p. 44.1180.
  3. Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel, Éditions du Seuil, p. 117.
  4. Alphonse Wauters,Table chronologique des chartes et diplÎmes imprimés concernant l'histoire de la Belgique, 10 volumes en 11 tomes, Bruxelles, 1866 à 1904. Tome 2 Année 1164
  5. Émile BrĂ©hier, Histoire de la philosophie, tome 1, PUF (ISBN 9782130523826), p. 534-535
  6. Émile BrĂ©hier, Histoire de la philosophie, tome 1, Presses Universitaires de France (ISBN 9782130523826), p. 534 et 537
  7. Émile BrĂ©hier, p. 536-537.
  8. John Gillies, Shakespeare and the Geography of Difference, Volume 4 of Cambridge Studies in Renaissance Literature and Culture, Cambridge University Press, 1994. (ISBN 9780521458535). Pages 76-77.

Voir aussi

Bibliographie

  • Ronald E. Pepin (trad.), Anselm & Becket. Two Canterbury Saints' Lives by John of Salisbury, Turnhout, 2009, (ISBN 978-0-88844-298-7)
  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littĂ©ratures, Paris, Hachette, 1876, p. 1096
  • Laurence Moulinier, « Jean de Salisbury, un rĂ©seau d'amitiĂ©s continentales », Culture politique des PlantagenĂȘt (1154-1204), colloque international, 2002, [lire en ligne].
  • Christophe Grellard, Jean de Salisbury et la renaissance mĂ©diĂ©vale du scepticisme, Éditions Les Belles Lettres, Paris, 2013 (ISBN 978-2-251-38122-0) p. 338
  • Christophe Grellard et FrĂ©dĂ©rique Lachaud (Ă©d.), A Companion to John of Salisbury (coll. « Brill's Companions to the Christian Tradition », 57), Leyde, Brill, 2014, 480 p. (ISBN 9789004265103)
  • Karen Bollermann et Cary Nederman, John of Salisbury, Stanford Encyclopedia of Philosophy, 2016.

Articles connexes

Liens externes

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