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Ouvrage de Saint-Antoine

L'ouvrage de Saint-Antoine est une fortification faisant partie de la ligne Maginot, située sur la commune de Modane dans le département de la Savoie.

Ouvrage de Saint-Antoine
L'entrée mixte de l'ouvrage de Saint-Antoine.
L'entrée mixte de l'ouvrage de Saint-Antoine.

Type d'ouvrage Petit ouvrage d'artillerie
Secteur
└─ sous-secteur
secteur fortifié de la Savoie
└─ Moyenne-Maurienne,
quartier de l'Arc
Année de construction - ?
RĂ©giment 71e BAF et 164e RAP
Nombre de blocs 3
Type d'entrée(s) Entrée mixte
Effectifs 141 hommes et 5 officiers (commandant l'ouvrage : capitaine puis chef d'escadron Ravier-Bollard)
CoordonnĂ©es 45° 11′ 55,32″ nord, 6° 40′ 47,6″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : France
GĂ©olocalisation sur la carte : Savoie

Il s'agit d'un petit ouvrage d'artillerie construit pendant les années 1930. Sa mission était d'interdire, avec son voisin sur l'autre versant l'ouvrage de Saint-Gobain, la vallée de la Maurienne.

Description

Position sur la ligne

L'ouvrage fait partie du secteur fortifié de la Savoie, dans le sous-secteur chargé de la défense de la vallée de la Maurienne. Les fortifications doivent y bloquer le débouché du col du Mont-Cenis. Ces défenses sont organisées en profondeur, avec d'abord une série d'avant-postes en Haute-Maurienne très proches de la frontière franco-italienne, puis derrière elle la « ligne principale de résistance » composées d'ouvrages bétonnés plus puissants formant barrage à hauteur de Modane (Moyenne-Maurienne) et enfin en Basse-Maurienne une seconde position plus légère.

Ce barrage de Moyenne-Maurienne est composé des ouvrages de Saint-Gobain et de Saint-Antoine, chacun sur un versant de la vallée et se couvrant mutuellement de leurs tirs, en amont de Modane. Un peu plus en aval, ce couple d'ouvrages est renforcé par le vieux fort du Replaton (en bas du versant) et l'ouvrage du Sapey (en haut du versant).

Souterrains

Comme tous les autres ouvrages de la ligne Maginot, celui de Saint-Antoine est conçu pour résister à un bombardement d'obus de gros calibre. Les organes de soutien sont donc aménagés en souterrain, creusés sous plusieurs mètres de roche, tandis que les organes de combat, dispersés en surface sous forme de blocs, sont protégés par d'épais cuirassements en acier et des couches de béton armé.

Une galerie principale relie l'entrĂ©e aux installations souterraines et aux blocs de combat. Cette galerie est Ă©quipĂ©e d'une voie ferrĂ©e Ă©troite de 60 cm oĂą roulent des wagonnets poussĂ©s Ă  bras (les caisses d'obus font de 80 Ă  105 kg). Juste après l'entrĂ©e de plain-pied, une sĂ©rie de galeries perpendiculaires ainsi qu'une travĂ©e parallèle abritent l'usine (produisant l'Ă©lectricitĂ© pour l'Ă©clairage et le chauffage) avec ses rĂ©servoirs de gazole et d'eau, la cuisine avec les rĂ©serves de nourriture, le casernement de temps de guerre (en temps de paix le casernement se fait en surface), le système de ventilation (avec une batterie de filtres Ă  air), le poste de commandement et le central tĂ©lĂ©phonique.

L'usine est Ă©quipĂ©e avec trois groupes Ă©lectrogènes, composĂ©s chacun d'un moteur Diesel Als.Thom[1] de 54 chevaux, couplĂ© Ă  un alternateur. Un groupe auxiliaire CLM 1 PJ 65 de 8 chevaux[2]. Ces groupes ne devaient servir qu'en cas de coupure du courant, fournit par une ligne aĂ©rienne depuis Modane. L'Ă©vacuation des gaz se faisait par une cheminĂ©e dĂ©bouchant en surface entre l'entrĂ©e et le bloc 1.

Blocs

En surface, les trois blocs sont dispersĂ©s pour rĂ©duire leur vulnĂ©rabilitĂ© aux bombardements. Chaque bloc de combat dispose d'une certaine autonomie, avec ses propres magasins Ă  munitions (le M 3 près des armes, le M 2 juste avant l'accès au bloc), sa salle de repos, son PC, ainsi que son système de ventilation. Étant donnĂ© que les positions de mise en batterie pour de l'artillerie lourde sont rares en montagne, le niveau de protection est moins important que dans le Nord-Est (les ouvrages construits en Alsace, en Lorraine et dans le Nord). Dans le Sud-Est (les Alpes), les dalles des blocs font 2,5 mètres d'Ă©paisseur (thĂ©oriquement Ă  l'Ă©preuve de deux coups d'obus de 300 mm), les murs exposĂ©s 2,75 m, les autres murs, les radiers et les planchers un mètre. L'intĂ©rieur des dalles et murs exposĂ©s est en plus recouvert de cinq mm de tĂ´le pour protĂ©ger le personnel de la formation de mĂ©nisque (projection de bĂ©ton Ă  l'intĂ©rieur, aussi dangereux qu'un obus).

L'ensemble des blocs est thĂ©oriquement protĂ©gĂ© par des fusils mitrailleurs installĂ©s dans les diffĂ©rents crĂ©neaux et cloches, se soutenant mutuellement. Ces fusils mitrailleurs (FM) Ă©taient chacun protĂ©gĂ© par une trĂ©mie blindĂ©e et Ă©tanche (pour la protection contre les gaz de combat). Ils tirent la cartouche de 7,5 mm Ă  balle lourde (modèle 1933 D de 12,35 g au lieu de g pour la modèle 1929 C)[3]. Ces FM Ă©taient des MAC modèle 1924/1929 D, dont la portĂ©e maximale est de 3 000 mètres, avec une portĂ©e pratique de l'ordre de 600 mètres[4]. L'alimentation du FM se fait par chargeurs droits de 25 cartouches, avec un stock de 14 000 par cloche GFM, 7 000 par FM de casemate et 1 000 pour un FM de porte ou de dĂ©fense intĂ©rieure[5]. La cadence de tir maximale est de 500 coups par minute, mais elle est normalement de 200 Ă  140 coups par minute[6] - [7].

Le bloc d'entrĂ©e est une entrĂ©e mixte (alors que l'ouvrage classique a deux entrĂ©es sĂ©parĂ©es pour le personnel et pour le ravitaillement), comprenant un pont-levis ainsi qu'une porte blindĂ©e en façade, protĂ©gĂ©s par une Ă©paisse visière de bĂ©ton armĂ© ainsi que par un fossĂ© diamant. La dĂ©fense rapprochĂ©e du bloc est confiĂ©e Ă  deux crĂ©neaux pour fusil mitrailleur (FM), des goulottes lance-grenades, complĂ©tĂ©s par un crĂ©neau mixte pour un jumelage de mitrailleuses ou un canon antichar de 25 mm (les deux armes Ă©tant permutables entre elles) tirant dans l'axe de la route d'accès. Le pont-levis donne accès un hall de dĂ©chargement, assez grand pour accueillir une camionnette, dĂ©fendu par une porte blindĂ©e Ă©tanche et un crĂ©neau pour FM. Après la porte blindĂ©e, la galerie forme un coude, avec un petit blockhaus Ă©quipĂ© d'un autre crĂ©neau pour FM[8].

Le bloc 1 est une casemate d'artillerie tirant en flanquement vers le nord. Sa façade est Ă©quipĂ©e de deux crĂ©neaux pour mortier de 75 mm modèle 1931 Ă  l'Ă©tage supĂ©rieur, pointĂ©s vers Amodon, ainsi que quatre crĂ©neaux pour mortier de 81 mm modèle 1932 (cadence de 12 Ă  15 coups par minute Ă  une portĂ©e maximale de 3 600 m) Ă  l'Ă©tage infĂ©rieur et pointĂ©s deux vers Amodon et les deux sur le quartier du Bourget au nord-est. Un crĂ©neau optique est orientĂ© sur l'ouvrage du Sapey. La dĂ©fense rapprochĂ©e est confiĂ©e Ă  des crĂ©neaux pour FM, des goulottes lance-grenades, ainsi que deux cloches GFM (pour « guetteur et fusil mitrailleur ») en toiture.

Le bloc 2 est une casemate d'infanterie, dont tout l'équipement est installé en toiture : s'y trouvent deux cloches pour jumelage de mitrailleuses pointées vers le nord-est (couvrant la route), ainsi qu'une cloche observatoire VDP (à « vue directe et périscopique »), ayant comme indicatif O 2)[9].

Au nord-est de l'ouvrage, en contrebas sur le versant, un Ă©lĂ©ment supplĂ©mentaire a Ă©tĂ© construit indĂ©pendamment de l'ouvrage : la casemate annexe de Saint-Antoine (45° 12′ 06,9″ N, 6° 40′ 58,47″ E), Ă©quipĂ©e avec deux crĂ©neaux pour jumelage de mitrailleuses, ainsi qu'une cloche GFM[10]. Les mitrailleuses Ă©taient des MAC modèle 1931 F, montĂ©es en jumelage (JM) pour pouvoir tirer alternativement, permettant le refroidissement des tubes. La portĂ©e maximale est thĂ©oriquement de 4 900 mètres (sous un angle de 45°, mais la trĂ©mie limite le pointage en Ă©lĂ©vation Ă  15° en casemate), la hausse est graduĂ©e jusqu'Ă  2 400 mètres et la portĂ©e utile est plutĂ´t de 1 200 mètres. Les chargeurs circulaires pour cette mitrailleuse sont de 150 cartouches chacun, avec un stock de 50 000 cartouches pour chaque jumelage[5]. La cadence de tir thĂ©orique est de 750 coups par minute[11], mais elle est limitĂ©e Ă  450 (tir de barrage, avec trois chargeurs en une minute), 150 (tir de neutralisation et d'interdiction, un chargeur par minute) ou 50 coups par minute (tir de harcèlement, le tiers d'un chargeur)[12]. Le refroidissement des tubes est accĂ©lĂ©rĂ© par un pulvĂ©risateur Ă  eau ou par immersion dans un bac.

Histoire

La construction de l'ouvrage a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  partir de Ă  la Proven, la SociĂ©tĂ© provençale des travaux publics. L'ouvrage a coĂ»tĂ© un total de 10,5 millions de francs (valeur de )[13], auxquels il faut rajouter les 1,9 million de la casemate annexe[14].

L'ouvrage est occupé par son équipage à partir d' (juste avant la mobilisation générale) jusqu'au début de (après le cessez-le-feu). Le commandant de l'ouvrage était le capitaine puis chef d'escadron Ravier-Bollard. Pendant la bataille des Alpes, l'ouvrage ne peut pas tirer faute d'objectif, les troupes italiennes ne tentant pas de forcer le barrage qu'il forme avec le Saint-Gobain. Par contre, sa cloche observatoire permet de régler un tir des canons de l'ouvrage du Sapey le matin du [15].

En application de l'armistice du 24 juin 1940, l'ouvrage est évacué car il se trouve dans la zone démilitarisée qui longe la petite zone d'occupation italienne en France (comme tous les ouvrages du Sud-Est). L'ouvrage est repris le par les unités de la 2e division d'infanterie marocaine.

Après la guerre, l'ouvrage est entretenu par l'Armée jusqu'au début des années 1970. En 2004, l'ouvrage est cédé à la commune de Modane[16], avec les tubes d'artillerie, les lits métalliques, les citernes et les groupes électrogènes encore en place ; il est à l'abandon depuis.

La construction du Saint-Antoine, classé ouvrage de 3e classe, a coûté un total de 10,5 millions de francs3 (valeur de )4 (+ 1,9 million pour la casemate annexe) :

Notes et références

  1. L'abréviation Als.Thom correspond à la société Alsacienne-Thomson, de Belfort. Elle a fourni des moteurs à deux temps avec trois cylindres.
  2. Le nom du petit moteur Diesel CLM 1 PJ 65 correspond au fabricant (la Compagnie lilloise de moteurs, installĂ©e Ă  Fives-Lille), au nombre de cylindre (un seul fonctionnant en deux temps, mais avec deux pistons en opposition), au modèle (PJ pour « type Peugeot fabriquĂ© sous licence Junkers ») et Ă  son alĂ©sage (65 mm de diamètre, soit 700 cm3 de cylindrĂ©e).
  3. « Munitions utilisées dans la fortification », sur http://wikimaginot.eu/.
  4. « Armement d'infanterie des fortifications Maginot », sur http://www.maginot.org/.
  5. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 58.
  6. Mary et Hohnadel 2001, tome 2, p. 107.
  7. Philippe Truttmann (ill. Frédéric Lisch), La Muraille de France ou la ligne Maginot : la fortification française de 1940, sa place dans l'évolution des systèmes fortifiés d'Europe occidentale de 1880 à 1945, Thionville, Éditions G. Klopp, (réimpr. 2009), 447 p. (ISBN 2-911992-61-X), p. 374.
  8. « Ouvrage du Saint Antoine : on entre dans l'ouvrage », sur http://lignemaginot.com/.
  9. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 16.
  10. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 17.
  11. Stéphane Ferrard, France 1940 : l'armement terrestre, Boulogne, ETAI, , 239 p. (ISBN 2-7268-8380-X), p. 58.
  12. Mary et Hohnadel 2001, tome 2, p. 110.
  13. Pour une conversion d'une somme en anciens francs de 1936 en euros, cf. « Convertisseur franc-euro : pouvoir d'achat de l'euro et du franc », sur http://www.insee.fr/.
  14. Mary et Hohnadel 2009, tome 4, p. 29.
  15. Mary et Hohnadel 2009, tome 5, p. 97-98.
  16. « SAINT ANTOINE ( Ouvrage d'artillerie ) », sur http://wikimaginot.eu/.

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Yves Mary, Alain Hohnadel, Jacques Sicard et François Vauviller (ill. Pierre-Albert Leroux), Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, Paris, Ă©ditions Histoire & collections, coll. « L'EncyclopĂ©die de l'ArmĂ©e française » (no 2) :
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 2 : Les formes techniques de la fortification Nord-Est, Paris, Histoire et collections, , 222 p. (ISBN 2-908182-97-1) ;
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 4 : la fortification alpine, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-915239-46-1) ;
    • Hommes et ouvrages de la ligne Maginot, t. 5 : Tous les ouvrages du Sud-Est, victoire dans les Alpes, la Corse, la ligne Mareth, la reconquĂŞte, le destin, Paris, Histoire & collections, , 182 p. (ISBN 978-2-35250-127-5).

Articles connexes

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