Accueil🇫🇷Chercher

Opération Pamphlet

L'opĂ©ration Pamphlet, Ă©galement appelĂ©e convoi Pamphlet, est une opĂ©ration militaire de la Seconde Guerre mondiale, menĂ©e par les AlliĂ©s en et pour rapatrier la 9e division d'infanterie de l'armĂ©e australienne depuis l'Égypte.

Opération Pamphlet

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Description de cette image, également commentée ci-après
Le Nieuw Amsterdam et le Queen Mary
au large de Fremantle le .
Niveau Stratégique
Planification Janvier et
Planifiée par Alliés de la Seconde Guerre mondiale
Objectif Rapatriement de la 9e division d'infanterie de l'armée de terre australienne
Participants • Forces navales alliés
• 9e division d'infanterie de l'armée de terre australienne
Issue Succès

Durant la traversĂ©e de l'ocĂ©an Indien et le long des cĂ´tes australiennes, le convoi est protĂ©gĂ© par plusieurs forces navales alliĂ©es contre d'Ă©ventuelles attaques des navires de guerre japonais. Vers la fin du mois de , les troupes de la 9e division commencent Ă  embarquer Ă  bord des navires de transport et l'opĂ©ration commence le . Les prĂ©paratifs dĂ©butent après que les gouvernements britannique et amĂ©ricain ont acceptĂ© la demande du gouvernement australien de rapatrier la 9e division, mettant ainsi fin aux contributions de la Seconde force impĂ©riale australienne dans la campagne d'Afrique du Nord. Avant cette prise de dĂ©cision, Winston Churchill et Franklin Delano Roosevelt ont tentĂ© de convaincre le Premier ministre australien John Curtin de ne pas retirer les troupes australiennes jusqu'Ă  ce que la victoire des AlliĂ©s en Afrique du Nord soit complète. Curtin n'est cependant pas disposĂ© Ă  accepter une telle proposition car les commandants alliĂ©s opĂ©rant dans le Pacifique Sud-Ouest jugent que l'appui de la 9e division est nĂ©cessaire pour renforcer les troupes dĂ©ployĂ©es en Nouvelle-GuinĂ©e.

Le convoi est prĂ©parĂ© dans la mer Rouge près de Massaoua, entre la fin du mois de janvier et le dĂ©but du mois de . Les navires sillonnent l'ocĂ©an Indien le et, après avoir fait le plein Ă  l'atoll Addu, arrivent sains et saufs au port de Fremantle le . Durant le voyage, aucun accrochage n'a lieu entre les navires des alliĂ©s et ceux des Japonais. Quatre des navires de transport poursuivent leur navigation vers la cĂ´te est australienne ; l'un s'amarre Ă  Melbourne le et le reste arrive Ă  Sydney deux jours plus tard. Ă€ son retour en Australie, la 9e division apporte une contribution majeure aux opĂ©rations menĂ©es en Nouvelle-GuinĂ©e vers la fin de l'annĂ©e 1943.

Contexte stratégique

La 9e division au Moyen-Orient

En 1940 et 1941, trois divisions d'infanterie et quelques unitĂ©s affectĂ©es au 1er corps de l'AIF sont dĂ©ployĂ©es au Moyen-Orient, oĂą elles prennent part Ă  plusieurs campagnes contre les forces allemandes, italiennes et françaises du rĂ©gime de Vichy[1] - [2]. Après le dĂ©clenchement de la guerre du Pacifique, l'ensemble du corps d'armĂ©e, ainsi que les 6e et 7e divisions d'infanterie retournent en Australie pour renforcer la dĂ©fense du pays[3].

Entre-temps, le gouvernement australien accepte les demandes des Britanniques et des AmĂ©ricains de conserver temporairement la 9e division au Moyen-Orient, en Ă©change du dĂ©ploiement en plus grand nombre des unitĂ©s de l'armĂ©e amĂ©ricaine en Australie et du soutien de la Grande-Bretagne Ă  une proposition d'Ă©tendre la Force aĂ©rienne royale australienne Ă  73 escadrons[4]. La 9e division joue un rĂ´le important durant la première bataille d'El Alamein en et la seconde bataille d'El Alamein entre le et le [5] - [6] - [7] - [8]. La division perd beaucoup de ses hommes au cours de ce dernier engagement et ne prend guère part Ă  la traque des troupes de l'Axe qui battent en retraite[9].

DĂ©marches de rapatriement de la division

Carte montrant la situation stratégique mondiale en décembre 1942.
Situation stratégique mondiale en :

En , plusieurs facteurs obligent le gouvernement australien à rappeler la 9e division. En premier lieu, le gouvernement et le commandant des forces militaires australiennes, le général Thomas Blamey, ont le désir de soulager les efforts de guerre des 6e et 7e divisions durant la campagne de Nouvelle-Guinée, et Blamey pense que la 9e division est mieux préparée à cette tâche que les milices de l'armée de réserve australienne ou les unités de l'armée américaine[10]. De son côté, le commandant des forces alliées du South West Pacific Area, le général Douglas MacArthur, fait pression sur les gouvernements américain et australien pour qu'ils demandent des renforts lors des offensives contre les positions japonaises[11]. Ensuite, le gouvernement australien souhaite concentrer son armée dans un seul théâtre, étant donné la difficulté croissante de trouver des renforts après les pertes subies par la 9e division au Moyen-Orient[12], mais aussi les difficultés politiques associées à la mise en œuvre des procédures permettant aux unités de milice de servir hors du pays. À cela s'ajoute une baisse considérable du moral des soldats en cas de séjour prolongé en dehors du territoire australien[13].

Le , le Premier ministre australien John Curtin envoie un télégramme diplomatique au Premier ministre britannique Winston Churchill afin de demander le retour de la 9e division en Australie[14]. Dans le télégramme, Curtin déclare que, en raison de la pénurie de main-d'œuvre en Australie et des exigences liées à la guerre du Pacifique, il n'est plus possible de fournir suffisamment de renforts pour soutenir la division au Moyen-Orient[14]. Considérant la 9e division comme un atout indispensable pour la prochaine offensive à El Alamein, le gouvernement britannique s'oppose d'emblée à cette demande[15]. Le , soit six jours après le début de la bataille, Curtin envoie un autre télégramme à Churchill, déclarant que l'Australie a besoin de la division dans le Pacifique afin de participer à de nouvelles offensives[16]. Le , le président américain Franklin Delano Roosevelt écrit à Curtin pour lui proposer le déploiement d'une division supplémentaire de l'armée américaine en Australie, en contrepartie du maintien de la 9e division au Moyen-Orient. Curtin, sous la pression de MacArthur, rejette cette proposition le et demande à nouveau le rapatriement de la 9e division[17].

Ratification de l'opération

Photo en noir et blanc d'une troupe militaire effectuant un défilé.
Soldats de la 9e division pendant un défilé militaire à l'aéroport de Gaza, le .

Le , le gĂ©nĂ©ral Harold Alexander, commandant en chef du Middle East Command, informe le gĂ©nĂ©ral Leslie Morshead du prochain rapatriement de la 9e division[18] - [19]. Le , Churchill affirme au gouvernement australien avoir essayĂ© de convaincre Roosevelt de laisser rentrer la 9e division, mais que les rĂ©percussions stratĂ©giques qui en rĂ©sulteraient pourraient rĂ©duire de 30 000 hommes l'effectif des forces militaires amĂ©ricaines prĂ©sentes en Grande-Bretagne et en Afrique du Nord. Il affirme Ă©galement qu'en raison d'une pĂ©nurie de navires, les Ă©quipements lourds de la 9e division devaient rester au Moyen-Orient[20]. Le , Roosevelt Ă©crit Ă  Curtin pour lui suggĂ©rer de laisser la 9e division rester au Moyen-Orient jusqu'Ă  la dĂ©faite dĂ©finitive des forces de l'Axe en Afrique du Nord. Le prĂ©sident promet Ă©galement Ă  Curtin que la 25e division d'infanterie sera transfĂ©rĂ©e en Australie au cours du mois de dĂ©cembre[21] - [22]. Ă€ la suite de ces messages, le gouvernement australien demande conseil Ă  Blamey et MacArthur pour savoir s'il est nĂ©cessaire que la 9e division retourne au pays avec l'ensemble de ses Ă©quipements lourds. Les deux hommes affirment que ce ne serait pas nĂ©cessaire car les AmĂ©ricains fourniront tous les Ă©quipements indispensables aux hommes de la 9e division après leur retour en Australie[23].

Photographie en noir et blanc représentant deux hommes âgés en train de se discuter.
Photographie en noir et blanc représentant deux hommes entourés de militaires vêtus d'uniformes sombres.
Avant le rapatriement des soldats australiens, un bras de fer diplomatique à distance s'engage entre John Curtin, appuyé par Douglas MacArthur (à gauche), et le tandem Churchill-Roosevelt.

Le , Curtin insiste de nouveau sur la nécessité de renvoyer la 9e division en Australie dès que possible, afin de compenser les pertes subies par l'Armée de terre à la suite des dernières épidémies de maladies tropicales ; d'autant plus que la présence de la division est indispensable pour les préparatifs des offensives alliées dans le Pacifique[14]. Dans son message, il accepte que les équipements lourds soient laissés au Moyen-Orient et exige que la division retourne en Australie avec le strict minimum, afin de se préparer au combat dans le Pacifique Sud-Ouest[24]. Aucun autre débat sur la question n'a lieu et, le , Churchill informe Curtin que les navires de transport seront disponibles vers la fin du mois janvier pour rapatrier la 9e division et une partie de ses équipements[25].

La contribution des troupes de la 9e division dans la seconde bataille d'El Alamein prend fin le [26]. Elles prennent la route le et arrivent en Palestine le . Par la suite, la division établit son camp dans une localité située entre Gaza et Qastina, où certains soldats prennent le temps de se reposer, tandis que d'autres s'entraînent. De nombreux hommes de la division obtiennent également une permission[27]. Le , l'ensemble des troupes de la division participe à un défilé militaire à l'aéroport de Gaza[28] - [14].

Préparatifs de l'opération

Photographie en noir et blanc montrant deux canons anti-aériens montés sur le pont d'un paquebot.
Reconverti en navire de transport de troupes, le Queen Mary est équipé de canons anti-aériens.

Les prĂ©paratifs du convoi commencent vers la fin du mois de [29]. Le , tous les commandants des unitĂ©s de la Première force impĂ©riale australienne (AIF) au Moyen-Orient sont informĂ©s de l'opĂ©ration, connue d'abord sous le nom de code « Liddington »[30]. Un plan de sĂ©curitĂ© renforcĂ©e est mis en place pour l'occasion, et le personnel subalterne est informĂ© du transfert de ses unitĂ©s en Égypte[31]. De nombreux membres de l'AIF croient au dĂ©but se prĂ©parer Ă  de nouvelles offensives en MĂ©diterranĂ©e, mais Ă  mesure que les prĂ©paratifs avancent, il devient Ă©vident que les unitĂ©s sont sur le point d'entreprendre un long voyage en mer. Au dĂ©but du mois de , l'artillerie, les chars et les autres Ă©quipements lourds de la 9e division sont entreposĂ©s dans les dĂ©pĂ´ts d'armes et, le , la division commence Ă  se dĂ©placer vers la zone du canal de Suez, d'oĂą elle doit embarquer[32] - [33]. Au cours de cette pĂ©riode, tout le personnel affectĂ© au RDP (Reinforcement Depot in Palestine) de l'AIF se regroupe avec la 9e division, augmentant de manière significative le nombre de passagers autorisĂ©s Ă  embarquer[34]. Pour rejoindre le point d'embarquement, la division se dĂ©place en groupes ; quelques-uns passent un jour ou deux dans un camp de transit Ă  Qassin, oĂą tous les vĂ©hicules ayant servi au transport sont remis aux autoritĂ©s britanniques[35]. Avant de quitter le Moyen-Orient, la 9e division s'entraĂ®ne au dĂ©barquement et Ă  la guerre dans la jungle. En janvier, chaque brigade passe trois jours Ă  faire des exercices sur un terrain accidentĂ© près de Bayt Jibrin. La plupart des commandants de brigade et plusieurs officiers de chacun des bataillons d'infanterie suivent Ă©galement des formations de courte durĂ©e en opĂ©ration militaire amphibie avec des experts britanniques sur les lacs Amer, en Égypte[36].

Vers la fin de l'annĂ©e 1942, la Royal Navy apporte sa contribution au rapatriement de la 9e division en affectant quatre grands navires de transport de troupes Ă  l'opĂ©ration. Au dĂ©but, le ComitĂ© des chefs d'Ă©tat-major britannique propose Ă  Churchill de traverser l'ocĂ©an Indien sans escorte de protection mais, Ă©tant donnĂ© que la partie est de l'ocĂ©an est Ă  portĂ©e des forces navales japonaises basĂ©es Ă  Singapour, dont les sous-marins ont dĂ©jĂ  attaquĂ© quelques navires près d'Aden, cette proposition est jugĂ©e risquĂ©e, d'autant plus qu'il est peu probable que le mouvement de tant de troupes puisse ĂŞtre gardĂ© secret[37] - [38]. De plus, la navigation sans escorte du convoi viole une politique de longue date consistant Ă  affecter au moins un capital ship pour protĂ©ger les convois de troupes dans cette rĂ©gion, et n'aurait donc pas Ă©tĂ© acceptĂ©e par le gouvernement australien[39]. En novembre, le ComitĂ© des chefs d'Ă©tat-major dĂ©cide d'attribuer une escorte au convoi, en omettant toutefois de donner des dĂ©tails sur le nombre de navires affectĂ©s[40].

Photographie en noir et blanc représentant un paquebot en pleine mer.
Photographie en noir et blanc représentant un paquebot en pleine mer.
Photographie en noir et blanc vue du ciel, représentant un paquebot en pleine mer.
Photographie en noir et blanc représentant un paquebot s'apprêtant à amarrer.
Les quatre paquebots reconvertis en navire de transport de troupes, de gauche Ă  droite : le RMS Aquitania, l'Ile-de-France, le SS Nieuw Amsterdam et le Queen Mary[41].

Les bateaux utilisĂ©s pour l'opĂ©ration sont les paquebots RMS Aquitania, l'ĂŽle-de-France, le SS Nieuw Amsterdam et le Queen Mary ; ces quatre navires ont dĂ©jĂ  transportĂ© des soldats australiens dans divers endroits, dont le Moyen-Orient[42] - [43]. Avant leur arrivĂ©e Ă  Suez, les paquebots de ligne Ă©taient chargĂ©s de transporter le personnel militaire des AlliĂ©s sur de longues distances. L'Aquitania arrive d'Australie le , le Queen Mary arrive du Royaume-Uni le , le Nieuw Amsterdam arrive le après avoir voyagĂ© le long des cĂ´tes de l'Afrique de l'Est et enfin l'ĂŽle-de-France, qui arrive Ă  Suez vers la fin du mois de janvier[44] - [45]. Outre les quatre paquebots, le croiseur auxiliaire SS Queen of Bermuda est rĂ©quisitionnĂ© par les AlliĂ©s pour renforcer l'escorte du convoi et embarquer le personnel australien[46]. Les quatre paquebots de ligne sont armĂ©s de canons anti-aĂ©riens opĂ©rĂ©s par du personnel qualifiĂ©, ainsi que deux canons de 6 pouces chacun[47]. L'opĂ©ration consistant Ă  faire naviguer ensemble ces navires de l'Égypte Ă  l'Australie est dĂ©signĂ©e OpĂ©ration Pamphlet[48].

Le voyage

Traversée de l'océan Indien

Carte de l'océan Indien avec l'itinéraire suivi par les navires impliqués dans l'opération Pamphlet.
Itinéraire des navires de troupes lors de l'opération Pamphlet[1].

Les soldats de l'AIF commencent à embarquer dans les navires de troupes le [49]. Comme les ports du canal de Suez sont trop petits pour que les quatre navires puissent être chargés simultanément, le processus d'embarquement est organisé de façon que les cinq navires du convoi puissent naviguer séparément le long du nord de la mer Rouge, pour ensuite se regrouper près de Massaoua, en Érythrée italienne[50]. Les destroyers britanniques HMS Pakenham, HMS Petard, HMS Derwent et HMS Hero ainsi que le destroyer grec Reine Olga quittent la Mediterranean Fleet pour protéger les navires de troupes contre d'éventuelles attaques des sous-marins japonais lors de leur passage dans la mer Rouge[51] - [52] - [11].

Le Queen Mary est le premier navire Ă  terminer son chargement et quitte Port Tewfik le [53]. Trois jours plus tard, le paquebot mouille l'ancre Ă  Massaoua et les soldats Ă  bord sont obligĂ©s de supporter la forte chaleur des cabines jusqu'Ă  la reprise du voyage[54]. Entre le 25 et le [55], l'Aquitania embarque les soldats de la 20e brigade d'infanterie. L'ĂŽle-de-France termine Ă  son tour son chargement et quitte l'Égypte le , alors que le Nieuw Amsterdam et le Queen of Bermuda lèvent l'ancre le [56]. Au total, 30 985 Australiens embarquent Ă  bord du Queen of Bermuda et des autres paquebots reconvertis ; l'Aquitania en transporte 6 953, le Nieuw Amsterdam 9 241, l'ĂŽle-de-France 6 531, le Queen Mary 9 995 et le Queen of Bermuda 1 731[1] - [57]. Après le dĂ©part du convoi, 622 membres du personnel de l'AIF restent au Moyen-Orient ; ce chiffre est progressivement rĂ©duit Ă  moins de 20 en [58].

Photo en noir et blanc d'une cinquantaine d'hommes rassemblés sur le pont d'un navire. Ceux qui sont au premier plan sont en train de se bronzer. Ceux qui sont à l'arrière-plan tournent le dos à l'objectif.
Soldats en train de se bronzer à bord du Nieuw Amsterdam durant la traversée de l'océan Indien.

Le matin du , les cinq navires du convoi se retrouvent au large de l'Ă®le de PĂ©rim, sur la mer Rouge, et atteignent Aden plus tard dans la journĂ©e[1] - [59]. Les destroyers quittent le convoi au passage du cap Guardafui et sont remplacĂ©s par le croiseur lourd HMS Devonshire et le croiseur lĂ©ger HMS Gambia. Le capitaine James Bisset, commandant du Queen Mary, est dĂ©signĂ© commodore de l'opĂ©ration[60]. Les quatre grands paquebots naviguent en tĂŞte du convoi et, suivant le rythme du Queen of Bermuda, les autres navires se dĂ©placent Ă  une vitesse de 17 nĹ“uds, alors que les paquebots naviguent gĂ©nĂ©ralement Ă  une vitesse beaucoup plus Ă©levĂ©e. Ayant prĂ©vu de reprendre au plus vite ses activitĂ©s habituelles avec le Queen Mary, Bisset n'approuve pas l'idĂ©e de naviguer avec un convoi de plusieurs navires, car cela augmenterait considĂ©rablement le temps nĂ©cessaire pour terminer le voyage[61] - [62].

Lorsqu'il atteint l'océan Indien, le convoi navigue vers le sud-est. Les navires manœuvrant ensemble en zigzag, les officiers chargé du quart ont la tâche extrêmement difficile d'éviter les collisions pendant les virages fréquents[63]. Bien qu'elles soient enthousiastes de pouvoir enfin rentrer, le voyage se fait dans des conditions très difficiles pour les troupes, notamment à cause de la chaleur des cabines bondées. Les soldats se détendent du mieux qu'ils peuvent en faisant des exercices physiques, en se bronzant ou en jouant aux cartes. Ceux qui sont à bord du Queen Mary ont cependant le privilège d'assister à des concerts donnés par une fanfare régimentaire. Les officiers de la 9e division jouissent quant à eux de conditions un peu plus favorables, ce qui est plutôt vu d'un mauvais œil par certains des autres haut gradés du convoi[64] - [65]. L'entraînement de la 9e division à la guerre dans la jungle se poursuit pendant le voyage ; tous les membres du personnel assistent quotidiennement à des conférences données par des officiers sur leurs expériences aux combats dans le Pacifique[66].

Escale sur l'atoll Addu et premiers renforts d'escorte

Photographie en noir et blanc représentant deux paquebots au large de l'océan Indien.
Le RMS Aquitania et l'Île-de-France durant la traversée de l'océan Indien.

Le convoi arrive sur l'atoll Addu dans la soirée du pour se ravitailler en nourriture et faire le plein de carburant[67]. Addu sert secrètement de base de ravitaillement pour les navires alliés voguant dans l'océan Indien – un fait ignoré par les Australiens lors de leurs passages sur l'atoll[23]. Bien que n'ayant pas le droit de débarquer, les troupes australiennes habituées au désert aride du Moyen-Orient savourent le paysage tropical de l'atoll[67]. Après le ravitaillement des navires, le convoi continue son périple dans l'après-midi du [68].

Une forte escorte assure la protection du convoi durant la traversĂ©e de l'ocĂ©an Indien, considĂ©rĂ© comme l'Ă©tape la plus dangereuse du voyage, car il y est Ă  portĂ©e des navires de guerre japonais basĂ©s Ă  Singapour[68]. Pour anticiper cette menace, l'escorte du convoi est assurĂ©e pendant plusieurs jours par la Force A de l’Eastern Fleet britannique. Cette flotte comprend les cuirassĂ©s HMS Warspite, HMS Resolution et HMS Revenge, ainsi que le croiseur lĂ©ger HMS Mauritius et six destroyers[53]. Lorsque le convoi atteint un point situĂ© Ă  800 milles (1 300 km) du port de Fremantle (Australie-Occidentale), son escorte est renforcĂ©e par les croiseurs nĂ©erlandais HNLMS Jacob van Heemskerck et HNLMS Tromp, ainsi que les destroyers HNLMS Tjerk Hiddes et HNLMS Van Galen[69] - [53].

Fremantle

Les navires arrivent Ă  Fremantle le [53]. En apercevant les cĂ´tes australiennes, les soldats laissent Ă©clater leur joie et un tonnerre d'applaudissements se fait entendre sur les ponts des navires[65]. Le Nieuw Amsterdam et le Queen of Bermuda s'amarrent dans le port de Fremantle Harbour, tandis que les trois autres navires de troupes jettent l'ancre Ă  Gage Roads[65]. Pendant que les membres de la 9e division d'Australie-Occidentale dĂ©barquent, les navires chargent les provisions et le courrier. Le Queen of Bermuda quitte le convoi Ă  Fremantle et ses 517 passagers sont transfĂ©rĂ©s dans le Nieuw Amsterdam, ce qui provoque un surpeuplement considĂ©rable du paquebot pour le reste du trajet[65].

Traversée des mers australiennes et fin de l'opération

Photo en noir et blanc d'un paquebot devant lequel on peut voir un petit bateau.
Le Queen Mary arrivant au port de Sydney le .

Le gouvernement Curtin pense que si le reste du convoi traverse les eaux australiennes, il pourrait ĂŞtre victime d'une attaque des navires de guerre et sous-marins japonais. Lors d'une rĂ©union tenue le , le Conseil de guerre envisage de transporter les soldats restants par voie ferrĂ©e. Ce projet est abandonnĂ© Ă  cause de la capacitĂ© limitĂ©e du Trans-Australian Railway. Il faudrait en effet plusieurs mois Ă  la compagnie pour transporter les 30 000 soldats de la division. Le Conseil recommande donc de poursuivre le convoi avec la « protection maximale possible »[53]. En raison de la prĂ©sence des sous-marins japonais au large des cĂ´tes australiennes, des mesures de sĂ©curitĂ© draconiennes sont mises en place après l'arrivĂ©e du convoi Ă  Fremantle : les communications civiles entre l'Australie-Occidentale et la cĂ´te Est sont coupĂ©es pendant plusieurs jours, et Curtin ordonne que les mĂ©dias ne diffusent aucune information sur les dĂ©placements de la 9e division. Lors d'un briefing le , Curtin dĂ©clare aux journalistes qu'il n'a pas bien dormi depuis trois semaines Ă  cause des prĂ©occupations liĂ©es la sĂ©curitĂ© du convoi[70] - [71].

Lorsqu'il quitte Fremantle le , le convoi est escorté par le HNLMS Jacob van Heemskerck, le HNLMS Tjerk Hiddes et le croiseur léger australien HMAS Adelaide. Pour éviter tous les navires et les sous-marins ennemis opérant au large des côtes australiennes, l'itinéraire du convoi a été tracé pour atteindre l'Australie par le sud. L'escorte est renforcée le lorsque le convoi est rejoint par la Force d'intervention no 44, dépêché de Sydney le , et qui inclut le croiseur lourd HMAS Australia et les destroyers américains USS Bagley, USS Helm et USS Henley[72]. L'Adelaïde et les navires de guerre néerlandais quittent le convoi peu de temps après pour escorter le Nieuw Amsterdam jusqu'à Melbourne, où le paquebot accoste dans l'après-midi du [73]. La Force d'intervention no 44 escorte les navires restants jusqu'à Sydney, en naviguant le long des côtes sud de la Tasmanie avant de remonter la côte australienne. Au passage de l'extrémité est du détroit de Bass, l'escorte est renforcée par le Jacob van Heemskerck et le destroyer français Le Triomphant[53] - [74]. Les trois paquebots arrivent à Sydney le , achevant alors l'opération Pamphlet sans le moindre incident[75] - [76] - [53]. Malgré la confidentialité de l'opération, de grandes foules se rassemblent autour de Port Jackson pour assister à l'arrivée des navires. Le Queen Mary jette l'ancre au large de Bradleys Head et les deux autres paquebots amarrent à Woolloomooloo[77]. Curtin annonce officiellement le rapatriement de la 9e division dans un discours prononcé devant la Chambre des représentants le [78].

Conséquences

Photo en noir et blanc de soldats marchant en formation serrée dans une rue.
Les membres du régiment de cavalerie de la 9e division marchant dans le quartier central des affaires de Melbourne, le .

Les navires ayant participĂ© Ă  l'opĂ©ration Pamphlet sont rapidement affectĂ©s Ă  d'autres tâches[62]. Après le dĂ©barquement des troupes Ă  Fremantle, le Queen of Bermuda part pour le Royaume-Uni le [79]. Le , le Nieuw Amsterdam quitte Melbourne Ă  destination de San Francisco en passant par la Nouvelle-ZĂ©lande, avec Ă  son bord 2 189 militaires[80]. Le paquebot arrive dans la ville californienne le . Après avoir embarquĂ© 350 soldats Français libres et environ 150 femmes et enfants, l'ĂŽle-de-France quitte Sydney pour Durban le [81]. Le , le Queen Mary appareille pour le Royaume-Uni avec Ă  son bord 8 326 militaires amĂ©ricains[62]. Naviguant Ă  28 nĹ“uds, il arrive Ă  Gourock (Écosse) exactement un mois plus tard[82]. Quant Ă  l'Aquitania, il quitte Sydney Ă  peu près Ă  la mĂŞme heure que le Queen Mary et arrive Ă  New York le [83].

Après leur arrivĂ©e en Australie, tous les membres de la 9e division bĂ©nĂ©ficient d'une permission de trois semaines[84]. Les hommes se rassemblent ensuite dans la capitale de leur État d'origine et assistent Ă  des marches de bienvenue, organisĂ©es Ă  la fois pour saluer la contribution de la division au Moyen-Orient et pour annoncer une campagne d'obligations de guerre[85]. Ă€ l'issue de ces festivitĂ©s, la division se regroupe dans des camps d'entraĂ®nement situĂ©s sur le plateau d'Atherton, dans le Nord du Queensland, oĂą elle termine l'entraĂ®nement Ă  la guerre dans la jungle[86]. Comme l'effectif de la division est encore très important Ă  la suite des renforts assignĂ©s avant le dĂ©part au Moyen-Orient, le surplus d'hommes est transfĂ©rĂ© dans les unitĂ©s de la première force impĂ©riale australienne[87]. En , la 9e division participe Ă  une offensive contre les forces japonaises pendant la campagne de Salamaua-Lae, en Nouvelle-GuinĂ©e[88] - [89]. Sans le rapatriement de la division, une partie de cette mission aurait Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  des unitĂ©s de milice beaucoup moins expĂ©rimentĂ©es[90].

Notes et références

  1. Faulkner et Wilkinson 2012, p. 168.
  2. (en) « Second World War, 1939–45 », The Australian War Memorial,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  3. Plowman 2003, p. 364-365.
  4. Hasluck 1965, p. 73-87,177.
  5. Johnston 2002, p. 107-133.
  6. Coates 2007, p. 166-176.
  7. Correlli Barnett, Les Généraux du désert, Le livre contemporain, , p. 219.
  8. Michael Carver, Et ce fut El-Alamein, Presses de la Cité, , p. 160.
  9. Long 1973, p. 283-284.
  10. Hasluck 1965, p. 193-202.
  11. « Pamphlet • Operations & Codenames of WWII », sur Codenames (consulté le )
  12. Johnston 2002, p. 246-249.
  13. Hasluck 1965, p. 193-194.
  14. Johnston 2002, p. 135.
  15. Johnston 2002, p. 92.
  16. Long 1973, p. 285.
  17. Maughan 2014, p. 748-749.
  18. Maughan 2014, p. 749.
  19. Hall 1997, p. 111.
  20. Hasluck 1965, p. 201.
  21. Maughan 2014, p. 749-750.
  22. Hasluck 1965, p. 201-202.
  23. Maughan 2014, p. 750-753.
  24. Hasluck 1965, p. 202.
  25. Maughan 2014, p. 750.
  26. Maughan 2014, p. 742.
  27. Maughan 2014, p. 747-748.
  28. Maughan 2014, p. 751-752.
  29. Plowman 2003, p. 365-369.
  30. Plowman 2003, p. 368-371.
  31. Plowman 2003, p. 369-371.
  32. Maughan 2014, p. 753.
  33. Plowman 2003, p. 367.
  34. Dean 2018, p. 288.
  35. Maughan 2014, p. 753-754.
  36. Threlfall 2014, p. 160-162.
  37. Day 1992, p. 91.
  38. Roskill 1957, p. 443.
  39. Day 1992, p. 91.
  40. Day 1992, p. 92.
  41. (en) Donald A. Bertke, Gordon Smith et Don Kindell, World War II Sea War, Vol 8: Guadalcanal Secured, Lulu, (ISBN 9781937470135), p. 356.
  42. Plowman 2003, p. 366.
  43. Bernard Le Marec, Les Français libres et leurs emblèmes, Lavauzelle, , p. 140.
  44. Plowman 2003, p. 370.
  45. Plowman 2003, p. 367-372.
  46. Plowman 2003, p. 370-371.
  47. Plowman 2003, p. 374-375.
  48. Plowman 2003, p. 374.
  49. Johnston 2002, p. 138.
  50. Maughan 2014, p. 751-753.
  51. Roskill 1957, p. 433.
  52. Rohwer 2005, p. 229.
  53. Gill 1968, p. 287.
  54. Plowman 2003, p. 368.
  55. Plowman 2003, p. 369-370.
  56. Plowman 2003, p. 370-373.
  57. Maughan 2014, p. 752-753-754.
  58. Maughan 2014, p. 753.
  59. Plowman 2003, p. 274.
  60. Plowman 2003, p. 375.
  61. Plowman 2003, p. 375.
  62. Plowman 2003, p. 383.
  63. Plowman 2003, p. 376.
  64. Johnston 2002, p. 138-140.
  65. Plowman 2003, p. 379.
  66. Threlfall 2014, p. 162.
  67. Plowman 2003, p. 377-378.
  68. Plowman 2003, p. 378.
  69. Plowman 2003, p. 379.
  70. Hall 1997, p. 136,140.
  71. Plowman 2003, p. 350.
  72. Plowman 2003, p. 381.
  73. Plowman 2003, p. 381.
  74. Plowman 2003, p. 382.
  75. Johnston 2002, p. 134-148.
  76. Roskill 1957, p. 443-444.
  77. Plowman 2003, p. 382.
  78. (en) « Return of 9th. Division to Australia Announced », The Canberra Times,‎ , p. 2 (lire en ligne, consulté le ).
  79. Plowman 2003, p. 380.
  80. Plowman 2003, p. 384.
  81. Stanford 1960, p. 101.
  82. Plowman 2003, p. 383.
  83. Layton 2015, Chapitre 2 (Lusitania).
  84. Johnston 2002, p. 140.
  85. Johnston 2002, p. 143.
  86. Coates 1999, p. 44.
  87. Dean 2018, p. 289.
  88. Revue historique des armées, Ministère des armées., , p. 33.
  89. Pierre Montagnon, La Grande Histoire de la Seconde Guerre mondiale: du débarquement allié en A.F.N à l'invasion de l'Italie, novembre 1942-octobre 1943, Pygmalion, (ISBN 9782857044130), p. 249.
  90. Long 1973, p. 285-286.

Annexes

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) John Coates, Bravery above blunder: the 9th Australian Division at Finschhafen, Sattelburg, and Sio, Oxford University Press, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) John Coates, An Atlas of Australia's Wars, OUP Australia & New Zealand, (ISBN 9780195559149). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) David Day, Reluctant nation: Australia and the allied defeat of Japan 1942-45, Oxford University Press, (ISBN 9780195534535). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Peter J. Dean, MacArthur's Coalition: US and Australian Military Operations in the Southwest Pacific Area, 1942-1945, University Press of Kansas, (ISBN 9780700626045). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Marcus Faulkner et Peter Wilkinson, War at Sea: A Naval Atlas, 1939–1945, Naval Institute Press, (ISBN 9781591145608). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) G. Hermon Gill, Royal Australian Navy 1942 - 1945 - Australia in the War of 1939 - 1945 - Series 2 Navy Volume II, Australian War Memorial, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Richard Hall, Backroom briefings : John Curtin's war, National Library of Australia, (ISBN 0642106886 et 9780642106889, OCLC 44039853). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Paul Hasluck, The Government and the People 1939-1941, Volume 1, Australian War Memorial, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Mark Johnston, That magnificent 9th : an illustrated history of the 9th Australian Division, 1940-46, Allen & Unwin, (ISBN 1865086541 et 9781865086545, OCLC 50572126). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) J. Kent Layton, The Edwardian superliners : a trio of trios, Amberley Publishing, (ISBN 9781445614380 et 1445614383, OCLC 851154660). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Gavin Long, The Six Years War : A concise history of Australia in the 1939-45 war., Australian War Memorial, (ISBN 0642993750 et 9780642993755, OCLC 866782). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Barton Maughan, Australia in the War of 1939-1945 Vol. III: Tobruk and El Alamein, Naval and Military Press, (ISBN 9781783310067). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Peter Plowman, chap. 17 « Operation Pamphlet », dans Across the sea to war : Australian and New Zealand troop convoys from 1865 through two World Wars to Korea and Vietnam, Rosenberg, (ISBN 9781877058066 et 1877058068, OCLC 53472836, lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) JĂĽrgen Rohwer, Chronology of the war at sea, 1939-1945 : the naval history of World War II, Naval Institute Press, (ISBN 1591141192 et 9781591141198, OCLC 62878612). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) S.W. Roskill, The War at Sea, 1939-1945, vol. 2 : The Period of Balance, Her Majesty's Stationery Office, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Don Stanford, Ile De France - A Biography, Cassell & Company Ltd, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Adrian Threlfall, Jungle Warriors : From Tobruk to Kokoda and beyond, how the Australian Army became the world's most deadly jungle fighters, Allen & Unwin, (ISBN 9781742372204 et 1742372201, OCLC 868814151). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.

Articles connexes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.