Mysticisme nazi
Le mysticisme nazi (ou Ă©sotĂ©risme nazi) recouvre l'ensemble des doctrines fleurissant en Allemagne avant, pendant et aprĂšs le rĂ©gime nazi et mĂȘlant le pangermanisme et l'aryanisme Ă des doctrines Ă©sotĂ©riques. Elles s'inspirent de thĂ©ories dĂ©veloppĂ©es en Allemagne Ă partir du dĂ©but du XIXe siĂšcle.
Ce courant quasi religieux consiste en la combinaison du pangermanisme et du racisme allemand avec l'occultisme, l'ésotérisme et le paranormal en une philosophie de l'histoire qui est un messianisme sécularisé. Le nazisme se veut non seulement une idéologie politique mais aussi une vision globale du monde.
L'établissement du lien entre ésotérisme et nazisme peut se faire sur plusieurs plans :
- celui de l'histoire, bien que ces aspects idéologiques soient considérés comme secondaires par rapport aux aspects politiques du nazisme ;
- celui de la religion et de l'histoire des mouvements religieux, en particulier pour savoir si le nazisme participe ou s'oppose au christianisme[1] ;
- celui des arts et de la littĂ©rature, dans la mesure oĂč le mĂ©lange du nazisme et de l'Ă©sotĂ©risme a une forte charge Ă©motionnelle (fascination du mal, goĂ»t du mystĂšre rĂ©vĂ©lĂ©, goĂ»t pour le paranormal) et un fort potentiel romanesque dont les thĂšmes servent couramment de base Ă des Ćuvres de fiction.
Une grande partie de la littérature concernant les liens entre occultisme ou mysticisme et idéologie national-socialiste tient ainsi le plus souvent de la littérature à sensation sans bases historiques sérieuses, genre littéraire qui a connu un succÚs éditorial important depuis Le Matin des magiciens de Louis Pauwels et Jacques Bergier (1960).
Vue dâensemble
Histoire
Le mysticisme nazi est un mouvement initiatique völkisch qui plonge ses racines tant dans les doctrines de la SociĂ©tĂ© ThulĂ© et de la SociĂ©tĂ© thĂ©osophique que dans les idĂ©es d'Arthur de Gobineau. Guido von List et Jörg Lanz von Liebenfels en furent dâimportantes figures prĂ©coces, et des Ă©vĂ©nements signifiants aprĂšs la Seconde Guerre mondiale furent la fondation de l'Artgemeinschaft par JĂŒrgen Rieger et celle de lâArmanen-Orden en 1976 par Adolf Schleipfer. Daniel Gasman montre l'influence qu'exerça le monisme d'Ernst Haeckel sur le nazisme.
Selon certains, Hitler lui-mĂȘme semble avoir portĂ© un certain intĂ©rĂȘt pour l'occultisme nazi. Pour d'autres, Hitler nâavait que mĂ©pris pour les occultistes et prĂ©fĂ©rait lâactivisme politique auprĂšs des masses. Cependant, les thĂ©ories occultistes vont directement et fortement influencer le cercle intĂ©rieur des idĂ©ologues nazis. En particulier, Heinrich Himmler et la SS, Alfred Rosenberg (le « philosophe » officiel du nazisme), Rudolf Hess (dauphin d'Hitler avant sa fuite de 1941), Richard Walther DarrĂ© (thĂ©oricien du nazisme rural), sont connus pour sâĂȘtre intĂ©ressĂ©s au mysticisme et au paranormal.
LâhitlĂ©risme Ă©sotĂ©rique est centrĂ© sur les mythologies paĂŻennes (nordique notamment) prĂ©-chrĂ©tiennes, et l'inclusion d'une figure mythifiĂ©e d'Adolf Hitler dans l'Ă©cheveau de ces mythologies.
Le rĂŽle jouĂ© par le mysticisme dans le dĂ©veloppement du nazisme et ses idĂ©aux fut identifiĂ© par des Ă©trangers au moins dĂšs 1940, avec la publication des Occult Causes of the Present War (« Causes Occultes de la Guerre Actuelle ») de Lewis Spence. Ă ce propos, Spence identifia prĂ©cisĂ©ment un sous-courant paĂŻen dans le nazisme (quâil imputait en grande partie Ă Alfred Rosenberg), bien que certaines de ses autres conclusions - telles que la connexion du nazisme avec les Illuminati, et lâassimilation du paganisme au satanisme - soient peut-ĂȘtre moins crĂ©dibles.
Croyances centrales
Des thĂšmes comme lâorigine de la race aryenne, les Teutons en gĂ©nĂ©ral, et les peuples germaniques en particulier, ainsi que la prĂ©sumĂ©e supĂ©rioritĂ© des soi-disant Aryens sur les autres races, et ce que ces derniers prĂ©tendaient au sujet de leurs racines, sont autant de concepts clefs.
Diverses localisations, tel que lâAtlantide, ThulĂ©, lâHyperborĂ©e, Shambhala et dâautres sont suggĂ©rĂ©es comme le foyer de la sociĂ©tĂ© originelle des surhommes.
Une autre croyance clef est que cette Herrenrasse (race supĂ©rieure) a Ă©tĂ© affaiblie par le mĂ©tissage avec ce quâils voient comme des untermensch ou races infĂ©rieures.
Les racines occultistes du nazisme
Une floraison de thĂ©ories et organisations mĂȘlant occultisme et racisme germanique "aryen" ont prĂ©parĂ© la voie au nazisme au dĂ©but du XXe siĂšcle. Les thĂ©ories dĂ©veloppĂ©es seront au cĆur de l'idĂ©ologie nazie, en particulier chez Alfred Rosenberg (le "philosophe" du parti) et Himmler et la SS.
L'armanisme de Guido List (1902)
Lâarmanisme est une thĂ©orie dĂ©veloppĂ©e par le pangermaniste Guido List, dit « Guido von List » (1848-1919), Ă©crivain occultiste (Ă partir de 1902) soutenu par les thĂ©osophes viennois, qui rĂ©alise pour la premiĂšre fois la fusion de lâoccultisme et de lâidĂ©ologie pangermaniste. Les thĂ©osophes apportent en particulier lâidĂ©e de la succession de 5 races dans lâhistoire mondiale : races astrale, hyperborĂ©enne (ayant vĂ©cu aux pĂŽles et disparue), lĂ©murienne (ayant vĂ©cu sur une Ăźle disparue dans lâOcĂ©an Indien), atlante et aryenne. Des traditions racontent qu' Helena Blavatsky, fondatrice de la thĂ©osophie en 1875, aurait Ă©tĂ© initiĂ©e en Gobi par lâĂ©lite sacerdotale cachĂ©e dâanciennes races (la SS enverra plus tard une mission Ă leur recherche en Gobi).
La théorie
Lâarmanisme postule que lâAllemagne antique Ă©tait une civilisation supĂ©rieure dont la religion originelle, comprenant renaissance et dĂ©terminisme karmiques, sâexprimait sous deux formes : une forme exotĂ©rique (accessible Ă tous) qui Ă©tait le wotanisme et une forme Ă©sotĂ©rique (rĂ©servĂ©e Ă des initiĂ©s) qui Ă©tait lâarmanisme. Les "Armanen" Ă©taient, dans cette thĂ©orie, un lĂ©gendaire groupe de prĂȘtres-rois de lâancienne nation ario-germanique, adorateurs du dieu-soleil.
La romanisation et la christianisation de lâAllemagne (par Charlemagne en particulier) auraient obligĂ© lâArmanisme Ă se cacher pour se perpĂ©tuer Ă travers des organisations (guildes, sainte-Vehme, Templiers, rose-croix et franc-maçonnerieâŠ), textes et lĂ©gendes (Eddas, Graal..), symboles architecturaux et hĂ©raldiques, etc.
List rĂ©clame donc en 1911 le retour Ă lâĂąge dâor traditionnel de lâAllemagne, soit la formation dâun empire germanique, racialement « pur », et de religion armaniste.
Organisations et influences armanistes
- Guido von List fonde la SociĂ©tĂ© List (1908) puis lâOrdre supĂ©rieur des Armanen (1911), qui se veut lâĂ©lite de la SociĂ©tĂ© List.
Lâarmanisme influencera des organisations politiques pangermanistes, en particulier :
- Le journal Hammer (1902), puis les Groupes de la renaissance germanique (1908), puis le Reichshammerbund (1912).
- Le Germanen Orden (1912), issu de la « Loge Wotan » dâun groupe Hammer et dirigĂ© par Hermann Pohl.
- Rudolf Glauer, dit Rudolf von Sebottendorf (1875-1945), aventurier passionnĂ© dâĂ©sotĂ©risme et dâastrologie, ayant notamment vĂ©cu en Orient, devient le chef du Germanen Orden en BaviĂšre, quâil transforme en 1918 en SociĂ©tĂ© de ThulĂ© (« CrĂ©Ă©e Ă Munich au tournant de lâannĂ©e 1917, 1918, (la SociĂ©tĂ© de ThulĂ©) Ă©tait lâincarnation du Germanen Orden fondĂ© Ă Leipzig en 1912 afin de regrouper divers petits groupes et organisations antisĂ©mites », explique l'historien Ian Kershaw[2].
- Sous le régime nazi, les organisations de Guido List seront cependant interdites (en 1942), probablement pour ne pas interférer avec la doctrine occultiste "officielle" de la SS.
Les historiens américains Jackson Spielvogel et David Redles, pourtant partisans d'accorder une place aux théories occultistes dans la formation du nazisme, précisent qu'une relation directe et personnelle entre Hitler et la Société Guido von List durant ses années à Vienne en 1907-1913 « n'a pas été définitivement établi »[3].
L'ariosophie de Lanz-Liebenfels (1905)
L'ariosophie (ou thĂ©ozoologie ou aryo-christianisme) est une thĂ©orie dĂ©veloppĂ©e par Jörg Lanz von Liebenfels (1874-1954), moine cistercien dĂ©froquĂ© (en 1893) qui a quittĂ© lâĂ©glise (en 1899). L'ariosophie constitue une fusion du christianisme et du racisme germanique. La thĂ©orie est publiĂ©e en 1905, dans le manifeste Theozoologie oder die Kunde von den Sodoms-Ăfflingen und dem Götter-Elektron (« ThĂ©ozoologie ou la Tradition des Singes Sodomites et des Ălectrons des Dieux »). Lanz appela d'abord sa doctrine thĂ©ozoologie (insistant sur son caractĂšre "scientifique") et aryo-christianisme (sur son caractĂšre religieux), avant d'opter dans les annĂ©es 1920 pour le label d'ariosophie (connaissance Ă©sotĂ©rique au sujet des Aryens), forgĂ© en 1915, que la postĂ©ritĂ© retiendra.
Certains auteurs, en particulier le spécialiste Nicholas Goodrick-Clarke (en 1985), utilisent le terme "ariosophie" de maniÚre assez générique pour décrire toutes les théories occulto-aryanistes, y compris l'armanisme de Guido List.
La théorie
Lâariosophie postule que la « race aryenne pure » descendrait dâentitĂ©s divines interstellaires sâengendrant par l'Ă©lectricitĂ©. Mais les aryens auraient « fautĂ© » avec des singes, donnant naissance Ă des races humaines plus ou moins « pures » ayant perdu leurs pouvoirs originels (il s'agit d'une reprise raciste de l'histoire biblique de la chute originelle). Comme une grande partie de la propagande mystique nazie, le livre de Lanz-Liebenfels sâappuie sur quelques images racoleuses dĂ©nonçant le viol de femmes blanches par des hommes ethniquement « infĂ©rieurs » et sexuellement actifs. Selon cette thĂ©orie, lâĂ©glise catholique aurait ensuite trahi sa mission de rappeler la « gnose sexo-raciste » du Christ. Le mythe du Graal est rĂ©interprĂ©tĂ© comme la quĂȘte du sang pur des aryens. Lanz annonce la rĂ©surrection de la gnose sexo-raciste : les aryens retrouvant, par la sĂ©lection, leur « puretĂ© » raciale et donc leur pouvoirs divins qui leur permettront dâĂ©tablir un Ătat aryen mondial (le « troisiĂšme Ăąge »). Lanz prĂŽnait la castration massive des « singoĂŻdes » et autres mĂąles « infĂ©rieurs ».
Organisations et influences de l'ariosophie
Lâariosophie sâest directement exprimĂ©e Ă travers :
- La revue Ostara (1905-1913), qui connut un grand succÚs. Elle utilisait le symbole de la croix gammée.
- L'Ordre du nouveau temple ou Ordre des nouveaux templiers (1907-1942), qui aurait compté 300 membres dont Guido List et le musicien Strindberg. Il est dissous en 1942.
- Le Lumen Club (Vienne, 1932-1942), qui sera une pĂ©piniĂšre pour le parti nazi en Autriche jusquâen 1938. Il est dissous en 1942.
- Un groupe à Berlin parfois appelé Cercle Swastika. L'éditeur de Lanz, Herbert Reichstein, le transforme en institut (1925), puis Société Ariosophique (1926). En 1928, elle est rebaptisée Neue Kalandsgesellschaft ou NKG (Guido List utilisait le terme Kaland pour désigner une loge secrÚte) pour unir la Société aryosophique issue des idées de Lanz et les armanistes de List. Elle devient l'Ariosophische Kulturzentrale (1931). Elle ouvre une école ariosophique à Pressbaum (cours sur les runes, les biorythmes, le yoga et la Cabbale. La Société aryosophique comptait parmi ses membres Schwartz-Bostunicht (anthroposophe proche de Rudolf Steiner, le chef de la théosophie-anthroposophie en Allemagne, puis proche d'Alfred Rosenberg, professeur et colonel SS), Wehrmann (astrologue, fondateur de la SA de Pforzheim).
Le psychologue autrichien catholique antinazi Wilfried Daim (de) a mis en avant dÚs 1957 une influence de Lanz sur Hitler (Der Mann, der Hitler die Ideen gab, 1957). Daim affirme que Lanz a rencontré Hitler en juillet 1909 (sur la foi d'un témoignage de Lanz à Daim en 1951) et qu'il lisait (en 1910), la revue Ostara (revue) (sur la foi d'un témoignage de Josef Greiner, un ami d'Hitler à l'époque).
Lanz a affirmé plusieurs fois qu'Hitler était influencé par son mouvement[3]. La bibliothÚque personnelle de Hitler contenait un livre de Lanz et un livre portant la dédicace : "An Adolf Hitler, meinem lieben Armanenbruder."[4]
Certains historiens de référence reprennent l'idée que Hitler lisait Ostara, tel l'historien allemand Joachim Fest[5].
D'autres historiens relativisent cependant l'influence de Lanz sur Hitler telle que mise en avant par Wilfried Daim (de) : l'historien américain Richard Weikart (California State Univ) rapporte ainsi en 2001 la position de l'historienne autrichienne Brigitte Hamann (université de Vienne) : « L'approche de Hamann est de bon sens, admettant qu'Hitler est susceptible d'avoir lu la revue de Lanz Ostara, mais estimant que le racisme aryen de Hitler porte encore plus la marque de Guido von List »[6].
La Société de Thulé (1918-1925)
ThulĂ© Ă©tait un nom mythique issu de l'AntiquitĂ© grecque, dĂ©signant une Ăźle du grand nord habitĂ©e, selon la lĂ©gende, par le peuple des HyperborĂ©ens. Le terme rĂ©apparut en Allemagne, notamment au XVIIIe siĂšcle dans des poĂšmes de Goethe, et fut rĂ©cupĂ©rĂ© autour de 1900 par la foisonnante nĂ©buleuse völkisch, qui mĂȘlait pangermanisme et foi en la suprĂ©matie aryenne. ThulĂ© Ă©tait pour eux une sorte d'Atlantide du Nord, et ses habitants un peuple supĂ©rieur dont les descendants auraient Ă©tĂ© les Aryens[7].
En 1915, Hermann Pohl fut rejoint par Rudolf Glauer, aussi connu sous le nom de Rudolf von Sebottendorf, qui vint en Allemagne avec un passeport turc et Ă©tait un adepte de la mĂ©ditation soufie et de lâastrologie. Glauer est connu pour avoir Ă©tĂ© un admirateur du pangermaniste Guido von List et du farouchement antisĂ©mite Lanz von Liebenfels (admirateur de Emanuel Swedenborg et de Jakob Lorber). C'Ă©tait un homme riche (la source de cette fortune est inconnue) et il devint en 1918 le grand maĂźtre de la branche bavaroise du Germanenorden (inspirĂ© par l'armanisme de Guido List), qu'il transforma la mĂȘme annĂ©e en SociĂ©tĂ© ThulĂ© avec lâaval de Pohl.
Câest la SociĂ©tĂ© de ThulĂ© qui prĂ©side en 1919 Ă la formation du Parti ouvrier allemand DAP, le parti nazi. La sociĂ©tĂ© de ThulĂ© sera la pĂ©piniĂšre de plusieurs futurs chefs du mouvement puis du rĂ©gime nazi (Ian Kershaw cite notamment Gottfried Feder, Karl Harrer, Hans Frank et Rudolf Hess[8]. Si un certain nombre des adeptes de la SociĂ©tĂ© ThulĂ© Ă©taient des membres haut placĂ©s du Parti nazi, Hitler lui-mĂȘme n'en devint jamais membre. Toutefois, c'est un membre de la SociĂ©tĂ© ThulĂ©, le dentiste Dr Friedrich Krohn, qui choisit le symbole du svastika pour le Parti nazi.
Mais derriĂšre ce nom mystique, la SociĂ©tĂ© de ThulĂ© nâavait Ă peu prĂšs rien dâune organisation occulte. Elle s'apparentait davantage Ă un groupe militant dâextrĂȘme droite[7]. Ses membres (environ 200), explique le politologue StĂ©phane François, prĂ©fĂ©raient tenir des confĂ©rences et lutter contre les communistes plutĂŽt que de pratiquer des rituels magiques : « Dans les faits, câĂ©tait moins une sociĂ©tĂ© secrĂšte ou Ă©sotĂ©rique quâun groupe paramilitaire nĂ© dans le chaos de la fin de la Grande Guerre, antirĂ©publicain, antisĂ©mite, anticommuniste et plutĂŽt composĂ© dâaristocrates, comme il y en avait beaucoup dans lâAllemagne de lâĂ©poque. Certains membres avaient certes un attrait pour lâĂ©sotĂ©risme völkisch [âŠ] Mais cela relevait du folklore, et nâavait rien dâexceptionnel dans ce genre de milieu. »[7]
Les organisations de Gorsleben (années 1920)
Rudolf John Gorsleben (mort en 1930) Ă©tait membre de la SociĂ©tĂ© de ThulĂ©, de la SociĂ©tĂ© ariosophique (1928) et de lâOrdre du nouveau temple (Ordo novi templi). Il Ă©tait aussi responsable du grand rival du parti nazi en Allemagne du sud, le Deutsch Völkiser S&T. Il promeut les idĂ©es dâaryo-christianisme.
Rudolf John Gorselben va fonder :
- Le journal LibertĂ© allemande (1920), auquel a participĂ© lâanthropologue raciste Hans GĂŒnther.
- La SociĂ©tĂ© Edda ou Eddagesellschaft (1925) et son journal Hagal qui fait la promotion dâune religion arienne, de la mythologie paĂŻenne, de lâastrologie et de lâoccultisme. Parmi les membres de la SociĂ©tĂ© Edda se trouve lâĂ©pouse du gĂ©nĂ©ral Ludendorff. La SociĂ©tĂ© Edda est Ă©galement proche du groupe occultiste de Karl Maria Wiligut (1866-1946), qui avait dĂ©veloppĂ© sa propre thĂ©orie occulto-raciste et influencera Himmler.
La "théorie"
Karl Maria Wiligut proclamait que la religion germanique de l'Irminisme, avait été révélée en 12 500 av. J.-C. pour adorer le dieu germanique "Krist"[9]. Le christianisme actuel n'aurait été qu'un vol de cette tradition germanique. L'Irminisme aurait été battu par une religion schismatique, le Wotanisme. L'église catholique, les juifs, la franc-maçonnerie n'auraient cessé à leur tour d'étouffer la tradition irministe.
L'ésotérisme et le régime nazi
L'avis des historiens
Si Adolf Hitler a globalement eu une attitude relativement prudente, voire distante, avec les thĂ©ories occultistes, il allĂ©gua cependant avoir vĂ©cu un « Ă©veil spirituel » sur le front pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, en particulier lorsquâil fut temporairement rendu aveugle par une attaque ennemie au gaz.
L'historien amĂ©ricain Richard Weikart (California State university) synthĂ©tise en 2001 la position de plusieurs historiens de rĂ©fĂ©rence concernant l'attitude de Hitler face Ă l'occultisme. Selon Weikart, « Hitler avait peu ou pas d'intĂ©rĂȘt pour les enseignements ou expĂ©riences mystiques et surnaturels. En privĂ©, il mĂ©prisait les tentatives de Himmler de faire revivre les anciens rites paĂŻens allemands. Alan Bullock, dans l'une des meilleures biographies savantes d'Hitler prĂ©cĂ©dant celle de Kershaw, est probablement proche de la vĂ©ritĂ© en qualifiant Hitler de matĂ©rialiste qui repoussait toute croyance en quelque chose de surnaturel, en dĂ©pit de sa vague rhĂ©torique sur la Providence. »[10].
L'idĂ©e d'un Hitler occultiste vient en partie des conversations prĂȘtĂ©es Ă Hitler par Hermann Rauschning et publiĂ©s en 1939 (Hermann Rauschning, Hitler Speaks, London, 1939). Les Ă©crits de Rauschning ont Ă©tĂ© trĂšs critiquĂ©s par les historiens qui estiment impossible de dĂ©mĂȘler le faux du vrai.
Himmler et les rites SS
Le fondateur de lâhitlĂ©risme Ă©sotĂ©rique fut Heinrich Himmler, qui Ă©tait fascinĂ© plus que nâimporte quel autre officiel du TroisiĂšme Reich (dont Hitler) par le racialisme aryen (et pas seulement germanique) et par lâOdinisme germanique. Himmler a prĂ©tendu sâĂȘtre considĂ©rĂ© lui-mĂȘme comme le successeur spirituel ou mĂȘme la rĂ©incarnation de Heinrich (ou Henri) Ier dit lâOiseleur, duc de Saxe et roi germanique au Xe siĂšcle. Il mit au point des rites SS en lâhonneur du vieux roi et rapporta les ossements de ce dernier dans la crypte de la cathĂ©drale de Quedlinburg. Himmler eut mĂȘme ses quartiers personnels amĂ©nagĂ©s au chĂąteau de Wewelsburg, dĂ©corĂ© en lâhonneur de celui-ci.
L'Ahnenerbe
L'Ahnenerbe est un institut de recherches pluridisciplinaire, créé par Heinrich Himmler, Herman Wirth et Walther Darré le . Il est intégré aux SS en janvier 1939. L'institut a pour objet d'études « la sphÚre, l'esprit, les hauts faits et le patrimoine de la race indo-européenne nordique » avec comme outils notamment la recherche archéologique, l'anthropologie raciale et d'autres disciplines.
En compĂ©tition avec Alfred Rosenberg, l'Ahnenerbe se donne en particulier pour but de donner Ă la prĂ©histoire germanique une aura Ă©gale aux antiquitĂ©s grĂ©co-romaine[11]. La particularitĂ© de cet institut est qu'il associait scientifiques de renom et auteurs völkisch, recherches archĂ©ologiques scientifiques et spĂ©culations aryanistes. Himmler nomma aussi Ă des grades Ă©levĂ©s plusieurs occultistes, nĂ©o-paĂŻens et racistes, les aryosophes dont certains, comme Karl Maria Wiligut ou Otto Rahn, ont jouĂ© un rĂŽle important dans lâĂ©laboration aprĂšs guerre du mythe de l'« occultisme nazi »[12].
Néanmoins, si Wiligut est impliqué dans le développement des rituels SS, dÚs août 1939, il doit quitter l'organisation, car il est de plus en plus démasqué comme charlatan, en plus de ses abus de drogue et d'alcool. De surcroit, Hitler s'était alors publiquement opposé à l'occultisme. Himmler, cependant, ne cessera pas complÚtement toute relation avec lui[13]
Alfred Rosenberg et la tentation d'une religion paĂŻenne
Le principal théoricien nazi se situant dans une ligne mystique est le philosophe Alfred Rosenberg. Selon l'historien Lionel Richard, « il prÎne la constitution d'une religion nouvelle articulée sur une identité collective allemande finalement refondée artificiellement, appuyée sur la "pureté naturelle du sang" et sur une "renaissance germanico-nordique." »[14].
Selon Lionel Richard, « sous le TroisiĂšme Reich, Ă l'instigation de Rosenberg et d'autres dirigeants, comme le ministre de l'agriculture Walter DarrĂ© ou le chef SS Heinrich Himmler, les nazis se sont essayĂ©s Ă cette "religion nouvelle". »[14] Elle s'est notamment exprimĂ©e Ă travers un calendrier de cĂ©rĂ©monies (prise du pouvoir le 30 janvier, mĂ©morial des HĂ©ros en mars, anniversaire du chef et "communion" ou "confirmation" des jeunesses hitlĂ©riennes le 20 avril, fĂȘte du Travail le premier mai, solstice d'Ă©tĂ© le 21 juin, fĂȘte des moissons en octobre, commĂ©moration des "martyrs" du putsch de 1923, solstice d'hiver Ă NoĂ«l), tonalitĂ© prophĂ©tiques de discours de Hitler, diffusion de la photo du FĂŒhrer et de Mein Kampf aux nouveaux mariĂ©s, salut Heil Hitler.
Cependant Hitler lui-mĂȘme ne se serait jamais dĂ©clarĂ© lui-mĂȘme publiquement en faveur de ce culte, « trop prĂ©occupĂ© de ne pas liguer contre lui l'ensemble des chrĂ©tiens. » selon l'historien Lionel Richard[15]. Et Lionel Richard d'estimer que, au total, le nĂ©opaganisme n'a jouĂ© qu'un rĂŽle marginal au sein du rĂ©gime nazi.
La répression des sociétés occultistes par les nazis
L'attitude du régime nazi présente quelques ambiguïtés dans ses relations avec les théories occulto-aryennes, tolérées chez certains (Himmler et la SS) et non chez d'autres.
Le cas Artur Dinter (1927)
En 1927, Hitler rĂ©voqua de sa fonction au sein du parti nazi le Gauleiter de Thuringe, Artur Dinter, parce que ce dernier voulait trop Ă©riger en religion la puretĂ© raciale aryenne. En 1928, Dinter fut finalement chassĂ© du parti lorsquâil sâopposa publiquement Ă Hitler au sujet de cette dĂ©cision.)
Suppression de sociétés occultistes (1942)
Le parti Nazi dĂ©couragea activement certaines sociĂ©tĂ©s secrĂštes Ă©sotĂ©riques, voire interna et parfois exĂ©cuta un certain nombre de mystiques de haut rang en Europe, francs-maçons surtout. Hitler voudra plus tard rejeter et tourner ouvertement en ridicule nombre de mystiques allemands, en particulier les adeptes de la franc-maçonnerie, de la thĂ©osophie et de lâanthroposophie[16].
Mysticisme et nazisme aprĂšs 1945
Aspect religieux : lâhitlĂ©risme Ă©sotĂ©rique
L'hitlérisme ésotérique est un courant voulant faire d'Hitler et du nazisme une religion et non un simple courant politique. Il tirerait son origine du mysticisme développé par Himmler et la SS (lire plus haut).
Savitri Devi
Savitri Devi, une essayiste franco-britannique, fut le premier porte-drapeau d'un nazisme Ă©sotĂ©rique aprĂšs-guerre. S'Ă©tant mariĂ©e Ă un brahmane et ayant vĂ©cu plusieurs annĂ©es en Inde, elle relia certains aspects de l'idĂ©ologie nazie Ă des notions tirĂ©es de l'hindouisme. Pour elle, le svastika est un symbole particuliĂšrement important dans la mesure oĂč il reprĂ©sente lâunitĂ© aryenne entre les Hindous et les Germains.
Pour Stéphane François, sa vision de l'Histoire constitue une forme de « néonazisme hétérodoxe »[17], elle serait une « aryo-nazie », qui intégrant le nazisme dans un élargissement de la vision cyclique hindoue de l'histoire, fait d'Adolf Hitler le dixiÚme avatar de Vishnou nommé Kalki[18], ayant pour mission de mettre fin à l'ùge de fer, le XXe siÚcle, afin de permettre l'avÚnement d'un nouvel ùge d'or[19].
Elle deviendra par la suite un auteur « culte » dans les milieux militant de l'« occultisme nazi ».
Miguel Serrano
La figure majeure suivante de l'hitlérisme ésotérique est Miguel Serrano, un diplomate chilien qui joua un rÎle important dans l'élaboration, aprÚs la Seconde Guerre mondiale d'un ésotérisme nazi.
Devenu antisĂ©mite Ă la suite de la lecture du faux Les Protocoles des Sages de Sion, il adhĂ©ra Ă des spĂ©culations « Ă©sotĂ©rico-völkisch » apportĂ©es par un immigrĂ© allemand arrivĂ© au Chili au dĂ©but du XXe siĂšcle. En 1953, il est nommĂ© ambassadeur en Inde oĂč il reste en poste jusqu'en 1962. il profite de ce sĂ©jour pour rencontrer des gourous et pour s'initier au yoga. LimogĂ© en 1970 par le prĂ©sident Salvador Allende, il Ă©crivit une trilogie, dont Adolf Hitler. El Ultimo AvatĂąra, dĂ©diĂ© « Ă la gloire du FĂŒhrer, Adolf Hitler », une somme de 600 pages, peut ĂȘtre considĂ©rĂ©, selon StĂ©phane François, comme son « testament philosophique »[20].
Son concept d'« hitlĂ©risme Ă©sotĂ©rique », qui dĂ©veloppe les spĂ©culations sur l'« histoire mystĂ©rieuse » faisant du nazisme une sociĂ©tĂ© secrĂšte mises Ă la mode dans les annĂ©es soixante par la publication du Matin des magiciens, forme un bricolage mythologique qui mĂȘle Ă©sotĂ©risme, nĂ©opaganisme druidique et germano-scandinave, spĂ©culations völkisch, Cathares, gnosticisme antique, Templiers et Graal, ovnis[20]âŠ
Selon Serrano, Adolf Hitler se serait Ă©chappĂ© de Berlin en 1945 grĂące Ă une soucoupe volante avant de se rĂ©fugier au sein d'une base secrĂšte nazie dans l'Antarctique. Ă l'instar de l'Ă©diteur nĂ©gationniste germano-canadien Ernst ZĂŒndel, le Chilien construit un discours mĂȘlant le thĂšme de l'« Ă©sotĂ©risme nazi » et celui des ovnis[21]. Ainsi, ces « soucoupes volantes seraient une arme secrĂšte de nazis cachĂ©e et l'avenir serait Ă une nouvelle race d'hommes nommĂ©e la « race galactique » »[20].
Dans les années quatre-vingt, Miguel Serrano « va devenir une figure importante de jeunes générations du néonazisme » trouvant un public dans les marges hétérodoxes s'intéressant à l'occultisme, au satanisme et aux soucoupes volantes et au-delà de ces milieux, tout un lectorat évoluant aux marges du New Age[20].
Aspect politique : le mysticisme dans le néo-nazisme
Le nĂ©onazisme moderne a des liens avec lâĂsatrĂș, autant quâavec le National Socialist Black Metal. Des influences mystiques apparaissent souvent dans la musique nazie moderne, en particulier Ă travers des rĂ©fĂ©rences aux artefacts comme la Sainte Lance. Dâautre part, des groupes et organisations nĂ©opaĂŻennes du nord de lâEurope ont clairement dĂ©clarĂ© que dâĂ©ventuels liens de lâĂsatrĂș avec le NĂ©onazisme ne doivent certainement pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme une caractĂ©ristique de leurs adhĂ©rents. Des organisations telles que les Theods, lâĂsatrĂșarfĂ©lagiĂ°, et le ViĂ°artrĂșar sont connues pour leur refus formel dâune telle Ă©tiquette.
Enjeux
Les précurseurs de l'interprétation occultiste (années 1950-1960)
Les historiens américains Jackson Spielvogel (Pennsylvania State University) et David Redles (Cuyahoga Community College in Cleveland, Ohio) font remonter, à la date de 1997, les recherches sur les sources occultistes du nazisme aux auteurs suivants[3] :
- Joachim Besser dans les années 1950 (Joachim Besser, Der Okkultismus stand Pate, in Archiv der unabhÀngigen Gesellschaft zur Pflege junger Wissenschaft und Kunst, Peine, 1949, et Die Vorgeschichte des National-sozialismus im neuem Licht, in Die Pforte 2, 1950) ;
- l'historien germano-américain George L. Mosse au début des années 1960 (The Mystical Origins of National Socialism, in Journal of the History of Ideas no 22, janvier-mars 1961, et The Crisis of German Ideology, New York, 1964) ;
- ils citent aussi (en note) le psychologue catholique antinazi Wilfried Daim (Der Mann, der Hitler die Ideen gab, Munich, 1958).
ThÚses plus récentes en faveur de l'interprétation occultiste
Spielvogel et Redles notent en 1997 que quelques historiens plus récents - Jeffrey Goldstein (On Racism and Anti-Semitism in Occultism and Nazism, Yad Vashem Studies 13, 1979) et James Webb (The Occult Establishment, LaSalle, IL, 1976) - « ont mis l'accent sur l'importance de l'occultisme en général dans l'apparition de l'idéologie nazie »[3].
Spielvogel et Redles soutiennent pour leur part en 1997 que « la philosophie raciale occulte ou ésotérique peut, en effet, avoir été l'une des sources majeure de l'idéologie raciale de Hitler »[3].
La position de l'histoire universitaire
Les historiens américains Jackson Spielvogel and David Redles estiment que la voie ouverte par Joachim Besser et George Mosse « n'a pas couramment été poursuivie par les historiens universitaires » et que « les histoires classiques du TroisiÚme Reich semblent se contenter de répéter une litanie bien établie de personnes et de mouvements qui auraient influencé la pensée d'Hitler ». Ils estiment notamment (en note de leur article de 1997) que la grande production d'ouvrages peu argumentés à destination du grand public sur le sujet a pu faire fuir les historiens reconnus[3].
Les historiens appuient traditionnellement la naissance du nazisme sur des éléments d'ordre politique ou socio-économique. L'historien britannique de référence du nazisme Ian Kershaw (British Academy) accorde ainsi dans ses ouvrages une place trÚs limitée aux questions de l'occultisme.
L'historien français Pierre Ayçoberry (université de Strasbourg) résume dans la critique d'un livre de l'historien Robert A. Pois, La religion de la nature et le national-socialisme la position majoritaire de l'histoire scientifique pour qui ces éléments sont « des élucubrations sans conséquences, le paravent d'ambitions personnelles ou des impostures »[22].
Pour StĂ©phane François, « il est rĂ©ducteur dâassimiler le national-socialisme Ă une idĂ©ologie dâessence occultiste »[23].
Littérature sensationnaliste et pseudo-scientifique
L'historien britannique Nicholas Goodrick-Clarke (université d'Exeter), rare spécialiste de la question (The Occult Roots of Nazism, 1985 ; Black Sun: Aryan Cults, Esoteric Nazism, and the Politics of Identity), souligne l'importante littérature concernant l'ésotérisme nazi, qui relÚve souvent d'une fascination postérieure et de la recherche d'importantes ventes par des auteurs à sensation.
Il met en avant des caractĂ©ristiques de cette littĂ©rature : 1) une ignorance complĂšte des sources primaires, 2) la rĂ©pĂ©tition d'affirmations inexactes et d'« affirmations extravagantes », sans essai de confirmer les faits, mĂȘme les plus audacieux. Dans son livre Les Racines occultes du nazisme, il dĂ©monte ainsi Bevor Hitler kam (1933) de Rudolf von Sebottendorf, Le Matin des magiciens (1960) de Louis Pauwels et Jacques Bergier, The Spear of Destiny (1972) de Trevor Ravenscroft, Les mystiques du soleil (1971) de Michel-Jean Angbert et Occult Reich (1974) de James Herbert Brennan.
Parmi tous les livres traitant de l'occultisme du national-socialisme, il mentionne comme seuls ouvrages sérieux à l'époque de parution Urania's children de Ellic Howe et The Occult Establishment de James Webb.
StĂ©phane François souligne le rĂŽle jouĂ© par Le Matin des magiciens dans la propagation du « mythe des rapports privilĂ©giĂ©s entre le national-socialisme et le monde des occultistes. »[23]. Selon lui, l'ouvrage serait parvenu « Ă tirer du nĂ©ant mythes et traditions, voire Ă les crĂ©er de toutes piĂšces. »[23] Son succĂšs dĂ©clencha une vague Ă©ditoriale qui contribua Ă populariser des thĂšmes de lâouvrage[23].
Autour de la position catholique
Pour l'historien français Lionel Richard, si l'Ăglise reconnaĂźt une responsabilitĂ© dans l'antijudaĂŻsme d'une minoritĂ© de chrĂ©tiens, elle utilise le paganisme du national-socialisme (« le gĂ©nocide serait "le fruit d'un rĂ©gime tout Ă fait nĂ©o-paĂŻen" ») pour rĂ©cuser toute responsabilitĂ© dans l'antisĂ©mitisme ayant cours officiel sous le TroisiĂšme Reich, qui aurait eu ses racines « en dehors du christianisme »[24]. La mise en avant du paganisme au sein du nazisme permettrait ainsi de rĂ©duire la part de responsabilitĂ© des Ă©glises chrĂ©tiennes.
NĂ©anmoins, les sociĂ©tĂ©s antiques rĂ©ellement « paĂŻennes », comme celles de l'Inde, n'ont jamais Ă©tĂ© antisĂ©mites, antijudaĂŻques, et ont eu des communautĂ©s juives qui n'ont jamais connu la moindre persĂ©cution de la part des « PaĂŻens », et ont prospĂ©rĂ© sans exclusion particuliĂšre (contrairement Ă ce qui se passe dans le monde chrĂ©tien voyant dans les Juifs, Judas, l'assassin de JĂ©sus). Parler de pseudo-paganisme concernant le nazisme est plus juste, d'autant que Hitler se rĂ©fĂ©rait au christianisme en terme Ă©logieux dans nombreux de ses discours, voyant dans le christianisme un ennemi naturel du judaĂŻsme, selon la mĂȘme logique que celle du Ku Klux Klan ; l'occultisme nazi est dans les faits proche du Ku Klux Klan, qui en est le prototype selon Robert Paxton dans son ouvrage Le Fascisme en action, autant par son idĂ©ologie haineuse, raciste, xĂ©nophobe, eugĂ©niste et antisĂ©mite, que par son folklore festif (brĂ»ler des croix ; le Ku Klux Klan existe toujours aux Ătats-Unis, et peut utiliser des symboles nazis dans ses rĂ©unions).
StĂ©phane François rappelle Ă©galement qu'une partie des dirigeants nationaux-socialistes se moquait ouvertement du paganisme de Himmler et que d'autres nâavaient que faire de ces thĂ©matiques[25]. Cette idĂ©e dâun paganisme intrinsĂšque au nazisme viendrait de diffĂ©rents milieux : celui du catholicisme allemand, de protestants et enfin, de la prĂ©sence dans le parti nazi et en particulier dans la SS, de militants paĂŻens. Il explique ainsi que certaines structures paĂŻennes prĂ©existant au TroisiĂšme Reich vont avoir une reprĂ©sentativitĂ© plus grande sous le rĂ©gime nazi, avant dâĂȘtre dans un second temps « mises au pas » comme le reste de la sociĂ©tĂ© allemande[25].
ĂsotĂ©risme nazi dans la fiction
Le mythe de l'ésotérisme nazi naßt réellement avec la parution du Matin des magiciens, en 1960. à la suite de ce livre, le grand public se passionna pour cette thématique, ce qui engendra une forte demande comblée par une quantité de livres trÚs bon marché, publiés principalement entre 1964 et la fin des années 1970[26].
Parmi les ouvrages les plus connus et les plus traduits, StĂ©phane François cite ceux de Trevor Ravenscroft, The Spear of Destiny : The occult power behind the spear which pierced the side of Christ (1973), de RenĂ© Alleau, Hitler et les sociĂ©tĂ©s secrĂštes (1969), de Jean-Michel Angebert, Hitler et la tradition cathare (1971), de Robert Ambelain, Les arcanes noirs de lâhitlĂ©risme (1984)[26].
Cette littérature a pour conséquence de diffuser largement le thÚme de l'« occultisme nazi » dans la culture populaire. Elle suscite une multitude de romans, de livres historiques ou pseudo-historiques et devient sujets de films, le cas le plus connu étant celui des aventures d'Indiana Jones (dans Les Aventuriers de l'arche perdue et Indiana Jones et la DerniÚre Croisade sortis respectivement en 1981 et en 1989). Le thÚme trouve également un large écho dans la bande dessinée, puis dans les jeux vidéo[26].
La sĂ©rie de jeux vidĂ©o Wolfenstein a comme Ă©lĂ©ment central les reliques technologiques de la sociĂ©tĂ© mystique Da'at Yichud (hĂ©breu : ŚŚąŚȘ ŚŚŚŚŚ), que le IIIe Reich aurait utilisĂ© pour accĂ©der a un statut de « superpuissance technologique » lui permettant de dominer la majoritĂ© de l'Occident[27].
Notes et références
- Lire par exemple Marie-France James, Les PrĂ©curseurs de l'Ere du Verseau, MontrĂ©al-Paris, Ăd. Paulines et Mediaspaul, 1985, 191 p., qui lie Ă©sotĂ©risme, nazisme et New Age.
- Kershaw 1999, p. 218.
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- Robert G. L. Waite, Adolf Hitler's Anti-Sernitism : A Study in History and Psychoanalysis in The Psychoanalytic Interpretation of History, ed. Benjamin Wolsman, New York, 1971), p. 197 cité par Spielvogel et Redles.
- Joachim Fest, Les Maßtres du IIIe Reich, 1963 et Grasset, 1965. Fest écrit : "Cette confusion entre "livres" et "brochures" est caractéristique, car il s'agissait en fait, selon toute vraisemblance, de brochures de bas étage, fort répandues, que le fondateur de l'"aryosophie", Jörg Lanz von Liebenfels, intitulait : Ostara."
- Richard Weikart (California state university), The Roots of Hitler's Evil, in Books and Culture : A Christian Review, mars-avril 2001, pages 18-21. Weikart Ă©crit : Because it was so widespread it's impossible to point to any one racial thinker, such as Adolf Lanz von Liebenfels, as The Man Who Gave Hitler His Ideas, as Wilfried Daim has argued. Hamann's approach is commonsensical, admitting that Hitler likely read Lanz's periodical, Ostara, but asserting that Hitler's Aryan racism bears even more the stamp of Guido von List, the mystical writer who first introduced the swastika into Aryan racist circles.
- VOLKER SAUX, Nazis et occultisme : aux sources d'un fantasme, geo.fr, 15 juin 2016
- Ian Kershaw, ouvrage à préciser.
- Bill Yenne, chap. 8 « Le pĂšre confesseur de l'ordre nouveau », dans Himmler et l'ordre noir : Les origines occultes de la SS, Ăditions du Camion blanc (lire en ligne).
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Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
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- Richard Weikart (California state university), The Roots of Hitler's Evil, in Books and Culture : A Christian Review, mars-avril 2001, pages 18-21. Le contexte de la formation intellectuelle de Hitler, passage sur l'occultisme.