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Mastocytose

Les mastocytoses sont des maladies orphelines consistant en une prolifération locale ou générale de mastocytes. Elles touchent les enfants comme les adultes, toutes les populations sans distinction de sexe.

Mastocytose
Description de cette image, également commentée ci-après
Classification et ressources externes
CIM-10 Q82.2, C96.2
CIM-9 757.33, 202.6
ICD-O 9741/3
OMIM 154800
DiseasesDB 7864
eMedicine 203948
med/1401
MeSH D008415

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

Physiopathologie

Les mastocytoses sont un groupe hétérogène d'affections rares caractérisées par l'accumulation ou la prolifération anormale de mastocytes (MC) dans un ou plusieurs organes. Les mastocytes font partie des cellules impliquées dans la défense de l'organisme contre les infections ; elles ont un rôle utile, mais qui devient parfois néfaste si ces mastocytes se multiplient de façon exagérée (prolifération anormale) ; ils interviennent alors dans certaines réactions allergiques IgE-dépendantes et sont responsables des mastocytoses.

Étiologie

Les causes des mastocytoses sont encore mal comprises et il existe probablement plusieurs causes ou cofacteurs :

  • un mĂ©canisme identifiĂ© est liĂ© Ă  la prĂ©sence d'une mutation ponctuelle, acquise et activatrice, du rĂ©cepteur appelĂ© KIT. Ce rĂ©cepteur est celui du principal facteur de croissance du mastocyte normal, le Stem Cell Factor ou SCF.
    Cette mutation, présente chez plus de 85 % des patients atteints de « mastocytose systémique », entraîne une prolifération anarchique des mastocytes. C'est alors la libération de médiateurs, et notamment d'histamine, par un phénomène de dégranulation des mastocytes, qui provoque l'apparition de nombreux symptômes variables d'un individu à l'autre.
  • Dans d'autres cas, des anaphylaxies induites par des piqĂ»res d'insecte ou des morsures d'acarien hĂ©matophage (tiques en particulier) se montrent Ă©troitement associĂ©es Ă  des troubles mastocytaires. Les liens entre ces anaphylaxies et les mastocytes sont ici spĂ©cifiques, inhabituels et - en 2019 - encore mal compris[1].
    Une hypothèse est qu'une multiplication pathologique des mastocytes est dans ces cas induite par une anaphylaxie elle-même induite par des venins ou par des allergènes introduits dans l'organisme du patient via la morsure ou la piqûre[1]. Certains aspects cliniques des réactions aux piqûres ou aux morsures d'insectes devraient faire suspecter une mastocytose sous-jacente (par exemple, une chute de tension sans urticaire, en particulier chez l'homme)[1]. La mesure du taux de tryptase sérique (c'est-à-dire dans le sérum sanguin) devrait être systématique chez des patients victimes d'anaphylaxie induite par des piqûres/morsures d'insectes ou un venin, car il est corrélé à des risques importants pour eux (leur niveau de tryptase de base est souvent anormalement élevé, et ceci a été corrélé à une atteinte mastocytaire clonale mais pourrait aussi révéler un des autres syndromes sous-jacents possibles, dont : un syndrome d'activation mastocytaire, une hypertryptasémie familiale, ou une anaphylaxie dite idiopathique[1]. Ces pathologies se chevauchant en partie, une attention particulière est à porter à l'évaluation clinique lors de la présentation et aux marqueurs de laboratoire. Une biopsie de la moelle osseuse peut poser le diagnostic final et spécifique de la maladie des mastocytes clonale[1].
    La présence d'IgE de venin ne prouve pas que les réactions aux piqûres précédentes du patient étaient induites par ces IgE, mais même de faibles niveaux d'IgE au venin chez les patients atteints de mastocytose les prédisposent à une anaphylaxie sévère. L'évaluation de tous ces facteurs possibles affectera la recommandation d'immunothérapie au venin[1].

Formes cliniques

La peau est le seul tissu atteint dans les mastocytoses cutanées à type d’urticaire pigmentaire (UP), affections observées surtout chez l'enfant et souvent spontanément résolutives à l'adolescence.

Les mastocytoses systémiques (MS) sont définies par l'atteinte d'un ou plusieurs organes, dont la moelle osseuse, avec ou sans atteinte cutanée. Elles représentent 10 à 30 % des mastocytoses et surviennent généralement chez l'adulte. Elles sont caractérisées par la prolifération anormale de mastocytes dans différents organes : la moelle osseuse, l'os, les muqueuses des voies digestives et parfois, dans les cas les plus graves, le foie et la rate. Elles peuvent être cliniquement stables dans le temps, sans raccourcissement de la durée de vie et on parle alors de mastocytose systémique indolente[2], ou au contraire, avoir une évolution clinique plus péjorative (mastocytose systémique agressive). Les MS sont assez fréquemment associées à une autre maladie hématologique non mastocytaire (leucémie, lymphome...).

Dans d'exceptionnels cas, on décrit une forme extrêmement agressive, la leucémie à mastocytes, qui se définit par la présence de plus de 20 % de mastocytes anormaux sur le frottis médullaire et dont le pronostic est très péjoratif.

Les formes familiales de mastocytose (au moins deux cas dans une même famille) sont plus rares, estimées à ce jour à moins de dix pour cent des malades.

Symptomatologie

Les symptômes les plus fréquents sont :

  • une atteinte cutanĂ©e (petites taches rouges ou brunes pouvant gonfler après avoir Ă©tĂ© frottĂ©es[3]), pouvant constituer la seule atteinte dans la mastocytose cutanĂ©e, surtout chez l'enfant. L'Ă©volution en est favorable, s'amendant avec la pubertĂ©. Des symptĂ´mes digestifs peuvent Ă©galement exister[4] ;
  • des symptĂ´mes liĂ©s Ă  la libĂ©ration des substances contenues dans les mastocytes : malaises, hypotension, sueurs, douleurs abdominales, diarrhĂ©e, voire choc allergique avec perte de connaissance ; ces manifestations peuvent ĂŞtre provoquĂ©es par une piqure d'insecte, l'absorption de certains aliments ou mĂ©dicaments, un stress, etc. ;
  • une atteinte osseuse : lĂ©sions condensantes ou au contraire ostĂ©oporose avec risque de fractures ;
  • une atteinte digestive : diarrhĂ©e avec malabsorption Ă  l'origine d'un amaigrissement, augmentation de la taille du foie ou de la rate ;
  • une atteinte hĂ©matologique : anĂ©mie, thrombopĂ©nie, leucopĂ©nie.
  • une Ă©tude montre que 50 % des patients atteints souffrent de dĂ©pression [5].

Épidémiologie

Étant donnĂ© les formes indolentes, les formes rĂ©gressives avant l'âge adulte et les difficultĂ©s de diagnostic, l'Ă©pidĂ©miologie prĂ©cise des mastocytoses n'est qu'une Ă©valuation et classe cette affection parmi les maladies rares et orphelines : l'estimation d'un cas pour 1 000 Ă  8 000 nouveaux patients consultant dans un service de dermatologie a Ă©tĂ© Ă©mise[6] - [7]. L'incidence annuelle de la forme systĂ©mique serait de l'ordre de moins d'un cas pour 100 000 patients[8].

Diagnostic

Le diagnostic des mastocytoses utilise principalement des critères histologiques, la suspicion clinique de mastocytose étant confirmée par l’examen histologique de la peau et de la moelle osseuse. Des colorations comme le bleu de toluidine peuvent être utilisées pour identifier les mastocytes. De plus, des réactions immunocytochimiques mettant en évidence la tryptase sont utiles pour confirmer la nature mastocytaire de l’infiltrat cellulaire. Enfin, le diagnostic peut être étayé par l’étude immunophénotypique des MC présents dans la moelle osseuse. En effet, les MC normaux, ainsi que les cellules rencontrées au cours des mastocytoses, expriment de façon forte l’antigène CD117, tandis que des antigènes non trouvés sur le MC normal peuvent être présents de façon aberrante sur les MC anormaux, tels le CD2 et/ou le CD25.

La mesure des médiateurs mastocytaires peut aussi aider au diagnostic de mastocytose. Ainsi, l’histamine dans le sérum et dans l’urine, la tryptase sanguine, et les métabolites de la prostaglandine D2 et de l’histamine dans les urines sont élevés dans la plupart des cas de mastocytose systémique.

Une conférence de consensus internationale a défini des critères de diagnostic des mastocytoses[9] :

  • critères majeurs :
    • infiltrat dense multifocal de mastocytes (>15 mastocytes agrĂ©gĂ©s) dĂ©tectĂ©s sur sections de biopsie mĂ©dullaire et/ou sur sections d’autres organes atteints ;
  • critères mineurs :
    • prĂ©sence de plus de 25 % de cellules fusiformes dans les sections de moelle ou d’organes extra-cutanĂ©s atteints ou plus de 25 % de mastocytes atypiques de l’ensemble des mastocytes observĂ©s sur un Ă©talement de moelle ;
    • dĂ©tection d’une mutation du codon 816 du c-kit dans la moelle ou les autres organes extracutanĂ©s analysĂ©s, prĂ©sente dans plus de 90 % des mastocytoses systĂ©miques[10] ;
    • dĂ©tection de mastocytes CD117+ exprimant CD2 et/ou CD25 ;
    • tryptase sĂ©rique contrĂ´lĂ©e > 20ng/ml en dehors d’une autre hĂ©mopathie associĂ©e.

Si un critère majeur et un critère mineur ou trois critères mineurs sont remplis, le diagnostic de mastocytose systémique est retenu[11].

Pronostic

Les mastocytoses dites « indolentes », correspondant à un peu moins de la moitié des cas, n'engagent pas le pronostic[12]. Dans moins de 1 % des cas, survient une leucémie à mastocytes, très grave, dont la survie est alors inférieure à quelques mois[13].

Traitement

Le traitement des MS est symptomatique et/ou spécifique. Il est limité dans le cas de mastocytoses très indolentes (ou présentant peu de symptômes). Les traitements symptomatiques visent à diminuer les effets indésirables liés à la production de médiateurs par les mastocytes en excès.

Les principales molécules utilisées sont des antihistaminiques H1 (souvent efficaces contre le prurit et les érythèmes localisés dits flushs), et des antihistaminiques H2 (contre les troubles gastro-intestinaux).
D’autres molécules, comme les corticostéroïdes, sont employées en cas de symptômes cutanés sévères.
Des anticholinergiques traitent la diarrhée et les migraines.
Le cromoglycate de sodium traite les symptĂ´mes respiratoires.
Enfin, les biphosphonates sont efficaces chez les patients présentant de l’ostéoporose. L’adrénaline (et une réanimation) peuvent être nécessaire en cas d'état de choc liés à une dégranulation mastocytaire massive.

Le traitement idéal des mastocytoses devrait inhiber spécifiquement la prolifération mastocytaire anormale, mais ce but n’est pas encore atteint.

  • L’interfĂ©ron-alpha a Ă©tĂ© utilisĂ© seul ou en association avec des corticostĂ©roĂŻdes. Il a permis une amĂ©lioration clinique dans plusieurs cas[14], mais une rechute a Ă©tĂ© notĂ©e chez certains patients. De plus, il a des effets secondaires importants qui en limitent l'usage. Une question est de savoir comment traiter les sujets non rĂ©pondeurs Ă  l’interfĂ©ron et prĂ©sentant une maladie progressive. Pour ces patients, diffĂ©rentes thĂ©rapeutiques ont Ă©tĂ© proposĂ©es :
  • la cladribine (2-CdA) a permis une diminution des signes cliniques et du niveau des mĂ©diateurs mastocytaires[15] mais jamais avec une rĂ©mission complète.
  • l'InterfĂ©ron-alpha et 2-CdA peuvent apporter un bĂ©nĂ©fice thĂ©rapeutique dans certains cas de MS, mais ces molĂ©cules manquent de spĂ©cificitĂ© ; elles ne visent pas l’anomalie molĂ©culaire prĂ©sente dans la majoritĂ© des cas de MS, Ă  savoir la mutation activatrice de KIT.
  • la midostaurine, un inhibiteur de kinase actif sur le KIT. Il a une certaine efficacitĂ© contre les formes agressives de mastocytoses, mĂŞme en cas de leucĂ©mie[16]. L'autorisation de mise sur le marchĂ© a Ă©tĂ© obtenue en 2017[17].
  • la transplantation de cellules souches sanguines allonge la survie dans les formes agressives[18].
  • Le masitinib amĂ©liore les symptĂ´mes[19]. Le laboratoire AB Science a dĂ©posĂ© une demande d'AMM [20]auprès de l'EMA est Ă©galement Ă  l'Ă©tude [21]. MalgrĂ© le refus de celle-ci[22],AB Science a dĂ©cidĂ© de reprendre ses essais cliniques depuis le dĂ©but.

Personnalités atteintes de la mastocytose

Christopher Reeve, interprète de Superman

Notes et références

  1. Golden D.B & Carter M.C (2019) Insect sting anaphylaxis — or mastocytosis—or something else ? . The Journal of Allergy and Clinical Immunology: In Practice, 7(4), 1117-1123.
  2. Lim KH, Tefferi A, Lasho TL et al. Systemic mastocytosis in 342 consecutive adults: survival studies and prognostic factors, Blood, 2009;113:5727-5736
  3. Castells M, Metcalfe DD, Escribano L, Diagnosis and treatment of cutaneous mastocytosis in children: practical recommendations, Am J Clin Dermatol, 2011;12:259-270
  4. Theoharides TC, Valent P, Akin C, Mast cells, mastocytosis, and related disorders, N Engl J Med, 2015;373:163-172
  5. "le monde science, 03-03-2016: une maladie rare éclaire les mécanismes de la dépression"
  6. (en) J Longley, TP Duffy et S Kohn, « The mast cell and mast cell disease », J Am Acad Dermatol., vol. 32, no 4,‎ , p. 545-561; quiz 562-4. (PMID 7896943)
  7. (en) WA Alto et L Clarcq, « Cutaneous and systemic manifestations of mastocytosis », Am Fam Physician, vol. 59, no 11,‎ , p. 3047-54, 3059-60. (PMID 10392589, lire en ligne)
  8. Cohen SS, Skovbo S, Vestergaard H et al. Epidemiology of systemic mastocytosis in Denmark, Br J Haematol, 2014;166:521-528
  9. Horny MP, Metcalfe DD, Bennett JM. Mastocytosis. In: Swerdlow SH, Campo E, Harris NL, eds. WHO classification of tumors of hematopoietic and lymphoid tissues. Lyon, France: International Agency for Research and Cancer, 2008:54-63.
  10. Kristensen T, Vestergaard H, Møller MB, Improved detection of the KIT D816V mutation in patients with systemic mastocytosis using a quantitative and highly sensitive real-time qPCR assay, J Mol Diagn, 2011;13:180-188
  11. B. Guillot, N. Kluger, « Mastocytoses », sur www.therapeutique-dermatologique.org, (consulté le )
  12. Lim KH, Tefferi A, Lasho TL, et al. Systemic mastocytosis in 342 consecutive adults: survival studies and prognostic factors, Blood, 2009;113:5727-5736
  13. Georgin-Lavialle S, Lhermitte L, Dubreuil P, Chandesris MO, Hermine O, Damaj G, Mast cell leukemia, Blood, 2013;121:1285-1295
  14. Delaporte E, Piérard E, Wolthers BG et al. Interferon-alpha in combination with corticosteroids improves systemic mast cell disease, Br J Dermatol, 1995;132:479-482
  15. Barete S, Lortholary O, Damaj G et al. Long-term efficacy and safety of cladribine (2-CdA) in adult patients with mastocytosis, Blood, 2015;126:1009-1016
  16. Gotlib J, Kluin-Nelemans HC, George TI et al. Efficacy and safety of midostaurin in advanced systemic mastocytosis, N Engl J Med, 2016;374:2530-2541
  17. (en) « Rydapt | European Medicines Agency » (consulté le )
  18. Ustun C, Reiter A, Scott BL et al. Hematopoietic stem-cell transplantation for advanced systemic mastocytosis, J Clin Oncol, 2014;32:3264-3274
  19. Lortholary O, Chandesris MO, Bulai Livideanu C et al. Masitinib for treatment of severely symptomatic indolent systemic mastocytosis: a randomised, placebo-controlled, phase 3 study, Lancet, 2017;389:612-620
  20. (en) « demande d'AMM »,
  21. (en) « Masitinib pour la mastocytose », sur The Lancet,
  22. (en) « Refus d'AMM », sur AB Science,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • L'Afirmm, Association Française pour les Initiatives de Recherche sur le Mastocyte et Les Mastocytoses
  • Fiche Orphanet

Bibliographie

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