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Konzo

Le Konzo est une maladie (paralysie, Ă©pidermique) induite par une intoxication chronique, par du cyanure d'origine alimentaire. Elle touche des zones rurales pauvres d'Afrique tropicale ou Ă©quatoriale[1] - [2].

Konzo
Description de cette image, également commentée ci-après
Attitude typique d'un enfant victime du konzo.
Le neurone moteur supérieur est suspecté être détruit par le cyanure
Classification et ressources externes
CIM-10 T62.2
CIM-9 988.2

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

Séchage au soleil du manioc rapé, ici en République démocratique du Congo.
Champ de culture extensive de manioc (ou Cassava) au Mozambique.

Cette maladie ressurgit périodiquement en période de famine, de sécheresse, de conflits et/ou dans des zones de grandes pauvreté quand des personnes sont obligées durant plusieurs semaines de consommer du manioc amer (Manihot esculenta) mal préparé (mal détoxifié). Ce tubercule natif d'Amazonie est aujourd'hui cultivé dans une grande partie des zones tropicales du monde. Ce manioc, qui supporte bien les sécheresses et sols très pauvres et/ou acides est devenu la troisième source alimentaire en Afrique tropicale, après le riz et le maïs. Mais il contient un précurseur du cyanure, qui ne peut être éliminé que par une préparation longue et nécessitant une certaine quantité d'eau.

Le régime nutritionnel est amélioré quand, en plus des racines tubérisées riches en féculent, on consomme les feuilles de la plante, riches en protéines et en certaines vitamines[3]

Le konzo a d'abord été décrit[4] en 1938 par Giovanni Trolli, qui a compilé les observations de huit médecins travaillant dans la région de Kwango du Congo belge (maintenant République démocratique du Congo).

Occurrence

Des foyers de Konzo a été décrits ou signalés (souvent principalement chez des enfants et des femmes) en zone rurale pauvre au Congo[5], au Mozambique[6] - [7] (où la maladie est plus connue sous le nom de mantakassa[6]), en Tanzanie[8], en république centrafricaine[9], au Cameroun et en Angola.

Le premier cas africain scientifiquement signalé s'est déclaré dans la province de Bandundu en république démocratique du Congo en 1936-1937. Le second l'a été dans la province de Nampula dans le nord du Mozambique en 1981. Dans chacun de ces foyers plus de 1000 personnes étaient affectées, et des groupes familiaux étaient fréquents.

Les épidémies apparaissent généralement en saison sèche dans les familles vivant dans la pauvreté absolue, qui n'ont plus pour manger, durant des semaines voire des mois, que du manioc amer mal préparé. Des épidémies plus modestes et des cas sporadiques ont aussi été signalés dans tous les pays précédemment cités.

SymptĂ´mes

Le début de la paralysie (paraparésie spastique) est brutal, symétrique et affecte les jambes plus que les bras.

L'invalidité qui en résulte est permanente mais ne progresse pas.

Typiquement, le patient peut se tenir debout et marcher sur la pointe des pieds avec les jambes rigides et souvent avec un clonus au niveau de la cheville.

Les patients éprouvent généralement d'abord une faiblesse généralisée durant les premiers jours, puis ils sont alités quelques jours à quelques semaines avant d'essayer de marcher.

La vision est occasionnellement floue. Parfois le patient éprouve aussi des difficultés à parler (typiquement durant le premier mois, sauf chez les patients gravement atteints).

La spasticité apparait dès le premier jour, sans phase initiale de flaccidité.

Après de premières semaines d'amélioration fonctionnelle, la paraparésie spastique reste stable durant tout le reste de la vie.

Récemment (2013), des effets neuropsychologiques du konzo ont été décrits en République démocratique du Congo par Boivin et al.[10].

Certains patients peuvent souffrir d'un épisode aggravant brutal de la paraparésie spastique, aux conséquences permanentes. Ces épisodes semblent identiques à l'apparition initiale et peuvent donc être interprétés comme un second début.

Gravité

La sévérité du konzo varie ; les cas vont d'une légère hyperréflexie au niveau des membres inférieurs à un handicap grave, le malade étant alité avec une paraparésie spastique, une faiblesse généralisée au niveau du tronc et des bras, des mouvements oculaires anormaux, et parfois une incapacité à parler et à voir.
Si la sévérité varie d'un patient à l'autre, les neurones moteurs supérieurs les plus longs sont toujours plus touchés que les plus courts. Ainsi, un patient konzo avec troubles de la parole présentera également toujours des symptômes graves dans les jambes et les bras.

Diagnostic

En 2011, l'OMS recommande de baser le diagnostic du Konzo sur trois critères[11] :

  1. une anomalie spastique, symétrique et visible quand le patient est en train de marcher ou courir ;
  2. une apparition en moins d'une semaine, suivie d'un cours non progressif chez une personne antérieurement en bonne santé ;
  3. un réflexe bilatéralement exagérée au niveau du genou ou de la cheville, sans signes de maladie de la colonne vertébrale.

En fonction de sa gravité, le konzo est divisé en trois catégories[11] :

  • « doux Â» quand les individus sont capables de marcher sans soutien ;
  • « modĂ©rĂ©e Â» quand les individus ont besoin d'une ou deux bĂ©quilles, canes ou bâtons pour marcher ;
  • « sĂ©vère Â» quand la personne affectĂ©e est incapable de marcher sans aide.

Diagnostic différentiel

  • Les symptĂ´mes cliniques du konzo sont Ă©tonnamment proches de ceux du lathyrisme et Ă©galement semblables Ă  ceux de la paraparĂ©sie spastique tropicale et de la paraparĂ©sie spasmodique hĂ©rĂ©ditaire, Ă  la diffĂ©rence près que ces deux derniers troubles ont un dĂ©but d'Ă©volution bien plus lent.
  • Le konzo est aisĂ©ment distinguĂ© de la poliomyĂ©lite qui est une paralysie flasque et qui affecte le plus souvent asymĂ©triquement le malade.
  • Il existe une myĂ©loneuropathie distincte, Ă©galement associĂ©e Ă  l'apport de cyanogène provenant du manioc : c'est la neuropathie ataxique tropicale (TAN), dĂ©crite pour la première fois en 1968 dans certaines parties du Nigeria par B.O. Osuntokun.
    Les deux maladies coexistent toujours dans les mĂŞmes zones[12] - [13].

Étiologie

Les spécificités en termes de lésion neurologique ne sont pas encore clairement comprises, mais diverses études ont associé l'apparition de la maladie à une ingestion trop élevée de cyanure (provenant d'un régime monotone de manioc amer) croisée à un apport trop faible en protéines (avec en particulier un manque d'acides aminés soufrés (qui sont vitaux pour permettre au corps de se désintoxiquer du cyanure en le transformant en thiocyanate évacué dans l'urine[14].

L'incidence mensuelle du konzo est significativement corrélée au taux d'enfants ayant une forte teneur urinaire en thiocyanate (réputée bien refléter la consommation de cyanure).

L'importance d'une carence alimentaire en acides aminés soufrés d'origine protéique a été démontrée ou confirmée à partir de l'étude de trois épidémies de konzo non liées entre elles ; au Mozambique[6], en Tanzanie[15] et en RDC.
Dans ces trois cas, des habitants du même groupe ethnique vivant à seulement 5 km de ceux qui étaient victimes du konzo étaient presque tous épargnés, a priori car : au Mozambique ils vivaient près de la mer, en Tanzanie ils vivaient près du lac Victoria, riche en poissons, et en RDC ils vivaient près de la forêt tropicale, ayant accès à des protéines animales (viande de brousse).

Prévalence

Les conditions d'apparition de la maladie ne semblent avoir été réunies que dans les régions les plus pauvres de six pays d'Afrique tropicale, mais la géographie de la maladie peut encore évoluer en raison du dérèglement climatique et d'éventuels conflits.

Le nombre de cas rapportĂ©s en 2009 s'Ă©levait Ă  6788[16] mais la plupart des cas ne sont jamais rĂ©pertoriĂ©s et on estime qu'il y aurait eu 100 000 cas environ pour la seule rĂ©publique dĂ©mocratique du Congo en 2002[17].

La zone géographique touchée par le konzo grandit aussi avec la mise en culture de ce manioc par de nouvelles populations ayant peu de connaissance sur les moyens d'en retirer les substances cyanogènes[16] - [18].

Certaines épidémies ont été induites par des guerres ou conflits locaux ou des sécheresses qui ont privé la population de leur nourriture habituelle (alors que la sécheresse accroit encore la teneur en cyanogène du manioc, de 2 à 4 fois[19]. ce qui fait aussi monter la teneur en cyanure de la farine[20] - [21].

Le konzo est considéré comme endémique dans certaines régions.

  • En Afrique de l'Est, les mĂ©thodes traditionnelles de traitement du manioc pour en Ă©liminer les cyanogènes sont le sĂ©chage au soleil et la fermentation en tas ; elles sont inadĂ©quates mĂŞme les annĂ©es oĂą la pluviomĂ©trie est normale[21].
  • En Afrique centrale, le trempage des racines de manioc dans l'eau durant 4 Ă  5 jours est adĂ©quat, mais un trempage trop court (1-2 jours) laisse de grandes quantitĂ©s de cyanogènes dans la farine et conduit au konzo[22].
  • En Afrique de l'Ouest, le manioc est torrĂ©fiĂ© (donnant le gari, dont la teneur totale en cyanure descend Ă  10-20 ppm[21]. Aucun cas de konzo n'a Ă©tĂ© signalĂ© Ă  l'ouest du Cameroun, mais une autre maladie neurologique (neuropathie ataxique tropicale ou TAN) touche des personnes âgĂ©es dans le Sud-Ouest du Nigeria, de la Tanzanie, de l'Ouganda, du Kenya, des Antilles et du Sud de l'Inde, probablement Ă  la suite d'une consommation Ă  long terme de cyanogènes du manioc, Ă  un niveau infĂ©rieur Ă  celui qui dĂ©clencherait le konzo.

Traitement et pronostic

Bien qu'aucun traitement n'ait à ce jour été découvert, il a été démontré que les victimes du konzo bénéficient beaucoup d'une aide à la réadaptation et à l'utilisation d'aides à la marche adéquates.

En République centrafricaine, des enfants ont été opérés de manière à allonger leur tendon d'Achille. Ceci a amélioré la position du pied, mais avec des conséquences à long terme encore incertaines.

Prévention

Le konzo peut être prévenu par une amélioration du niveau de vie et de la culture, un meilleur accès à l'eau. La « méthode de mouillage »[23] - [24] - [25] permet d'éliminer une grande partie des cyanogènes résiduels de la farine de manioc : La farine de manioc est placée dans un bol et le niveau indiqué à l'intérieur du bol. De l'eau est ajoutée en mélangeant jusqu'à ce que la hauteur de la farine humide arrive à la marque. La farine humide est placée en couche mince sur un tapis pendant 2 heures au soleil ou 5 heures à l'ombre pour permettre l'échappement du cyanure d'hydrogène produit par la dégradation de la linamarine (par l'enzyme linamarase. La farine humide peut ensuite être cuite dans de l'eau bouillante de façon traditionnelle pour produire une sorte de porridge épais dit « foufou » ou « ugali », pouvant être parfumé de diverses façons (avec une sauce par exemple).
La méthode de mouillage est généralement bien acceptée par les femmes des communautés rurales car elle nécessite peu de travail et aucun équipement supplémentaire, et parce qu'elle produit du foufou non-amer (c'est la linamarine qui donne le goût amer du manioc non préparé).

En 2010, la méthode de mouillage a été enseignée aux femmes du village de Kay Kalenge, zone sanitaire de Popokabaka, dans la province de Bandundu (RDC), où il y avait 34 cas déclarés de konzo. Durant cette expérimentation, aucun nouveau cas de konzo est apparu. Et le taux de thiocyanate urinaire des écoliers est tombé à des niveaux sûrs[26].

Le konzo avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© empĂŞchĂ© par cette mĂ©thode prĂ©ventive (pour la première fois) dans la zone oĂą la maladie avait Ă©tĂ© dĂ©couvert par le Dr Trolli en 1938. Quatorze mois après l'arrĂŞt des opĂ©rations de sensibilisation, le village a Ă©tĂ© de nouveau visitĂ©. Il n'y avait pas eu de nouveaux cas de konzo, et les enfants de l'Ă©cole avaient un faible taux de thiocyanate urinaire. La mĂ©thode de mouillage continuait Ă  ĂŞtre utilisĂ©e et transmise par le bouche Ă  oreille Ă  trois villages voisins. Il est important de clairement enseigner aux populations (aux femmes qui dans ces rĂ©gions font traditionnellement la cuisine) que le konzo est dĂ» Ă  un poison naturellement prĂ©sent dans le manioc, pour les amener Ă  utiliser rĂ©gulièrement la mĂ©thode de mouillage ; En 2011, des affiches Ă©taient disponibles en 13 langues diffĂ©rentes comme aide Ă  l'enseignement[26] comme une mĂ©thode supplĂ©mentaire d'Ă©limination des rĂ©sidus Cyanogènes. En 2011 cette mĂ©thode de mouillage Ă©tait utilisĂ©e dans 13 villages de RDC au bĂ©nĂ©fice d'environ 10 000 personnes. Le temps de sensibilisation/formation a Ă©tĂ© rĂ©duit (passant de 18 mois[26] Ă  12 mois dans la deuxième intervention[27], puis Ă  9 mois dans les troisième et quatrième interventions. Cela a rĂ©duit les coĂ»ts de l'opĂ©ration Ă  16 $ par personne. Cette mĂ©thode ciblĂ©e de rĂ©duction de l'apport alimentaire en cyanure s'est montrĂ©e moins coĂ»teuse et plus efficace pour la prĂ©vention de konzo que les interventions plus larges.

Étymologie

Le mot « konzo » dérive d'une expression africaine de la langue yaka du Sud-Ouest de la république démocratique du Congo qui signifie « jambes liées » ; Ce mot avait été utilisé par le Dr G. Trolli en 1938 puis repris par le Dr Hans Rosling[28] et ses collègues, car décrivant bien la démarche spastique typique de ceux qui sont affligés.

Notes et références

  1. (en) World Health Organization (1996). "Konzo, a distinct type of upper motor neuron disease" (PDF). Weekly Epidemiological Record (in English and French). Geneva. 71: 225–232.
  2. Tylleskär T, et al. (1997). "Konzo - the walk of the camelion" (film ; 8 minutes ).
  3. (en) Bradbury, J.H.; Denton, I.C. (2014). "Mild method for removal of cyanogens from cassava leaves with retention of vitamins and protein" (PDF). Food Chemistry. 158: 417–420. doi:10.1016/j.foodchem.2014.02.132
  4. Trolli, Giovanni (1938). "Résumé des observations réunies, au Kwango, au sujet de deux affections d'origine indéterminée : paraplégie spastique épidémique, Konzo des indigènes du Kwango". Fonds Reine Elisabeth, Bruxelles.
  5. (en) Tylleskär T, Banea M, Bikangi N, Cooke RD, Poulter NH, Hans Rosling. (1992). "Cassava cyanogens and konzo, an upper motor neuron disease found in Africa". the Lancet. 339 (8787): 208–211. doi:10.1016/0140-6736(92)90006-O. PMID 1346173
  6. "Mantakassa: an epidemic of spastic paraparesis associated with chronic cyanide intoxication in a cassava staple area of Mozambique. 1. Epidemiology and clinical and laboratory findings in patients." . Bulletin of the World Health Organization. 62 (3): 477–84. 1984. PMC 2536324 Freely accessible. PMID 6331909
  7. (en) "Mantakassa: an epidemic of spastic paraparesis associated with chronic cyanide intoxication in a cassava staple area of Mozambique. 2. Nutritional factors and hydrocyanic acid content of cassava products". Bulletin of the World Health Organization. 62 (3): 485–492. 1984. PMC 2536310 Freely accessible. PMID 6088100.
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  9. Tylleskär T, Légué FD, Peterson S, Kpizingui E, Stecker P. (1994). "Konzo in the Central African Republic". Neurology. 44 (5): 959–961. doi:10.1212/wnl.44.5.959. PMID 8190305
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  18. (en) Nhassico, D.; Muquingue, H.; Cliff, J.; Cumbana, A.; Bradbury, J. H. (2008). "Rising African cassava production, diseases due to high cyanide intake and control measures" (PDF). J Science Food Agriculture. 88: 2043–2049. doi:10.1002/jsfa.3337
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  28. Hans Rosling Profile on TED.com

Voir aussi

Lien externe

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