AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Karthlos

Karthlos (en gĂ©orgien : áƒ„áƒáƒ áƒ—áƒšáƒáƒĄáƒ˜, k'art'losi) est une personnalitĂ© lĂ©gendaire de la mythologie judĂ©o-chrĂ©tienne de GĂ©orgie, racontĂ©e dans le rĂ©cit mĂ©diĂ©val Chroniques gĂ©orgiennes. Descendant de Japhet, il est le second fils du gĂ©ant Thargamos, l'ancĂȘtre commun des Caucasiens, et devient lui-mĂȘme le patriarche des GĂ©orgiens. Il contrĂŽle, selon le mythe, un large territoire en Transcaucasie et participe, avec ses frĂšres, Ă  une guerre pour se libĂ©rer de la domination de Nimrod.

Karthlos
Mythologie chrétienne
Les Thargamosides (Karthlos est troisiĂšme de gauche)
Les Thargamosides (Karthlos est troisiĂšme de gauche)
Caractéristiques
Nom gĂ©orgien áƒ„áƒáƒ áƒ—áƒšáƒáƒĄáƒ˜
Fonction principale AncĂȘtre des GĂ©orgiens
Représentation Géant
RĂ©sidence Armazi
Période d'origine Deux générations aprÚs le Déluge
Groupe divin Targamosides
Culte
Mentionné dans Chroniques géorgiennes
Famille
PĂšre Togarma
Fratrie HaĂŻk, Bardos, Movakos, Lekos, Heros, Kavkasos, Egros
‱ Enfant(s) MtzkhĂ©thos, Gardabos, Kakhos, Koukhos, Gatchios

Tandis que Karthlos n'est qu'une figure mythologique, son récit a été expliqué par l'historiographie moderne par de nombreuses raisons, qu'elles soient politiques, ethnologiques, ou religieuses.

Origines du mythe

Le mythe de Karthlos fait partie de la mythologie judĂ©o-chrĂ©tienne de GĂ©orgie, une sĂ©rie de lĂ©gendes mĂ©diĂ©vales qui tente de trouver un lien entre les ancĂȘtres des GĂ©orgiens et les personnages bibliques de l'Ancien Testament. L'ancien texte Vie de la Karthli (áƒ„áƒáƒ áƒ—áƒšáƒ˜áƒĄ áƒȘჼოვრება), aussi connu sous le nom de Chroniques gĂ©orgiennes fait pour la premiĂšre fois mention de ce personnage aux alentours du XIe siĂšcle, ce qui mĂšne l'historiographie moderne Ă  attribuer le mythe de Karthlos et de sa famille Ă  LĂ©onti Mroveli (l'historien Guiorgui Melikichvili remonte le mythe au VIIIe siĂšcle[1]).

La lĂ©gende de Karthlos est unique au mythe gĂ©orgien, tandis que celle de son pĂšre, Thargamos, est largement prĂ©sente dans la mythologie juive mĂ©diĂ©vale. Les lettres du roi khazar Joseph ben Aaron (Xe siĂšcle), le Josippon (Xe siĂšcle), les Chroniques de Jerahmeel (XIVe siĂšcle) et le Sefer ha-Yashar (XIe siĂšcle) mentionnent tous ce Thargamos (sous le nom de Togarma) ainsi que ces fils, mais ne l'apparentent pas aux peuples du Caucase et ne citent pas ce Karthlos comme l'un de ces fils. L'historien gĂ©orgien IvanĂ© Djavakhichvili thĂ©orise quant Ă  lui que la crĂ©ation du mythe de Karthlos et de sa famille n'est qu'un outil politique pour justifier l'unification des peuples du Caucase lors d'une pĂ©riode oĂč les princes gĂ©orgiens tentent d'accomplir ce fait[2].

Selon l'acadĂ©micien Korneli KekelidzĂ©, l'association de Karthlos Ă  Togarma est inspirĂ©e par Hippolyte de Rome, qui fait de lui l'ancĂȘtre des ArmĂ©niens dĂšs le IIIe siĂšcle[3]. Nikoloz Berdzenichvili, quant Ă  lui, explique la lĂ©gende de Karthlos comme une tentative par le chroniqueur gĂ©orgien de continuer le mythe de Togarma qui est commencĂ© par MoĂŻse de KhorĂšne au Ve siĂšcle et qui fait de ce personnage le maĂźtre de tout le Caucase et de toutes les terres entre la Mer Noire et la Mer Caspienne, ainsi que l'ancĂȘtre des ArmĂ©niens[4].

W.E.D Allen théorise que le mythe de Karthlos est directement lié à l'ancien culte d'Armaz[5], le principal dieu du panthéon pré-chrétien géorgien, ainsi qu'à la vénération moderne de Saint Georges[6].

Biographie

Famille

Karthlos est le second fils de Thargamos et d'une de ses « plusieurs femmes »[7]. Il est le frĂšre cadet de Haos, l'ancĂȘtre des ArmĂ©niens, et a une multitude de frĂšres et sƓurs[7], dont six principaux cadets. Son pĂšre, un arriĂšre-petit-fils de Japhet, prend possession du Caucase Ă  la suite de l'effondrement de la Tour de Babel et, Ă  l'Ăąge de 600 ans[7], meurt et divise ses territoires entre ses huit principaux fils. Chacun devient l'ancĂȘtre de diffĂ©rentes peuplades caucasiennes[8] :

  • Haos, patriarche des ArmĂ©niens ;
  • Karthlos, patriarche des GĂ©orgiens ;
  • Bardos, patriarche des Raniens ;
  • Movakan, patriarche des peuples du Caucase du Nord-Est ;
  • Lekos, patriarche des Lezghiens ;
  • Heros, patriarche des HĂ©rĂ©thiens ;
  • Kavakas, patriarche des tribus de Ciscaucasie ;
  • Egros, patriarche des MingrĂ©liens.

AncĂȘtre des GĂ©orgiens

Ruines de la citadelle d'Armazi.

À la mort de son pĂšre, Karthlos, un gĂ©ant comme Thargamos et ses frĂšres, hĂ©rite d'un large territoire au centre du Caucase. Ses frontiĂšres sont dĂ©crites ainsi[9] :

« À l'Est, l'HĂ©rĂ©thie et la Berdoudji ; Ă  l'Ouest, la mer du Pont ; au Sud, la montagne qui touche Ă  la source de la Berdoudji, celle qui court Ă  l'Ouest, dont les eaux vont au Nord se rĂ©unir au Mtkvari, et qui se prolonge, entre la KlardjĂ©thie et la Tao, jusqu'Ă  la mer ; au Nord, le mont Ghado, portant aujourd'hui le nim de Likhi. »

Soumis à son frÚre Haos[10], Karthlos rÚgne sur sa famille en tant que sujet de Nimrod, le monarque biblique qui domine alors le monde connu, et se doit de lui payer tribut[11]. Toutefois, il rejoint ses frÚres lorsque ceux-ci se révoltent contre Nimrod, refusent de lui payer tribut, et s'allient avec d'autres familles puissantes de l'Occident[11]. Karthlos prend en main la charge contre l'armée des envahisseurs, menée par 60 géants, qui occupe l'AtropatÚne, dans les domaines de Haos, et se lance dans une bataille sanglante qui aboutit en une victoire des Caucasiens[11]. Quand Nimrod retourne dans la région pour mettre un terme à la rébellion des huit frÚres, Karthlos vient de nouveau à l'aide à Haos, qui parvient à tuer Nimrod et mettre fin à la domination de Babylone sur le Caucase[12].

Devenu indĂ©pendant, Karthlos s'Ă©tablit dans ses domaines et construit la citadelle d'Armazi, sa capitale, sur une montagne qu'il nomme Karthli, d'aprĂšs son propre nom[13]. Cette citadelle reste l'une des principales forteresses gĂ©orgiennes dans l'AntiquitĂ©, tandis que le nom de Karthli devient Ă©ponyme de la GĂ©orgie centrale. Il fait aussi construire la citadelle d'Orb (ou Orbeti selon l'historien Vakhoucht Bagration), qui deviendra par la suite SamchvildĂ©, puis la ville de MtkvaristsikhĂ©[14]. À sa mort, il est enterrĂ© Ă  l'entrĂ©e de la citadelle d'Armazi et divise ses territoires entre ses cinq fils, tous des gĂ©ants : Mtskhetos, Gardabos, Kakhos, Koukhos et Gatchios, qui sont tous soumis Ă  la domination de l'aĂźnĂ©[15].

Les manuscrits originaux des Chroniques géorgiennes rajoutent que Karthlos, comme le reste de sa famille, parle l'arménien[11].

Interpretation moderne

L'ethnologue britannique W.E.D. Allen voit un lien direct entre la nomenclature des semi-divinités dont parle les Chroniques géorgiennes et les anciennes tribus qui peuplent le Proche-Orient[16]. Selon lui, Léonti Mroveli utilise non pas son récit comme un outil politique mais comme une transcription chrétienne d'une théorie scientifique sur l'origine des proto-Géorgiens. Dans le nom de « Karthlos », il trouve la racine K-D, qui se trouve plus tard chez les Kardukhoi, une tribu décrite par Xénophon comme vivant au nord de l'Euphrate (donc aux limites septentrionales de Transcaucasie)[17]. Aujourd'hui, cette racine existe non seulement dans le nom géorgien pour la Géorgie (« Sakarthvelo ») mais aussi chez les Kurdes[18].

Il faut ainsi noter que la société kurde moderne utilise toujours le terme « Meshkin » pour décrire les plus pauvres membres de la population kurde : selon W.E.D. Allen, ce mot contient la racine M-S, apparentée à Mtskhetos, fils mythique de Karthlos[18].

La thĂ©orie japhĂ©tique des langues kartvĂ©liennes est Ă©galement liĂ©e au mythe de Karthlos. Cette hypothĂšse donne aux langues du bassin mĂ©diterranĂ©en et de Caucase une origine similaire, dite japhĂ©tique, la tradition biblique donnant aux locaux d'avant l'arrivĂ©e des Indo-EuropĂ©ens un ancĂȘtre commun dans Japhet[19]. Karthlos est lui-mĂȘme un descendant de Japhet.

Bibliographie

  • (en) W.E.D. Allen, A History of the Georgian People, Londres, Routledge & Kegan Paul, , 429 p. (ISBN 0-7100-6959-6)
  • (ka) Guivi Akhvlediani, "áƒ„áƒáƒ áƒ—áƒšáƒ˜áƒĄ áƒȘჼოვრების" áƒ€áƒáƒšáƒ™áƒšáƒáƒ áƒŁáƒšáƒ˜ წყაროები [Sources folklores des Chroniques gĂ©orgiennes], Tbilissi, Sakartvelo,‎ , 166 p. (ISBN 5-529-00504-7)
  • Marie-FĂ©licitĂ© Brosset, Histoire de la GĂ©orgie - 1re Partie, Saint-PĂ©tersbourg, Imprimerie de l'AcadĂ©mie impĂ©riale des Sciences,

Références

  1. Akhvlediani 1990, p. 15
  2. Akhvlediani 1990, p. 17
  3. Akhvlediani 1990, p. 17-18
  4. Akhvlediani 1990, p. 18
  5. Allen 1932, p. 37
  6. Allen 1932, p. 38
  7. Brosset 1849, p. 16
  8. Brosset 1849, p. 17-18
  9. Brosset 1849, p. 18
  10. Brosset 1849, p. 18-19
  11. Brosset 1849, p. 19
  12. Brosset 1849, p. 19-20
  13. Brosset 1849, p. 20
  14. Brosset 1849, p. 20-21
  15. Brosset 1849, p. 21
  16. Allen 1932, p. 16
  17. Allen 1932, p. 16-17
  18. Allen 1932, p. 17
  19. Allen 1932, p. 23-24
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.