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Isotopes de l'hélium

L'hélium (He) (masse atomique standard : 4,002602(2) u) possÚde huit isotopes connus, mais seulement deux sont stables, l'hélium 3 (3He) et l'hélium 4 (4He). Tous les radioisotopes de l'hélium ont une durée de vie courte, 6He, celui à la durée la plus longue ayant une demi-vie de 806,7 millisecondes. L'isotope le plus courant de l'hélium dans l'atmosphÚre terrestre est l'hélium 4, la fraction atomique entre les deux isotopes étant de un pour un million[1]. Cependant, l'hélium est assez inhabituel au sens que son abondance isotopique varie grandement en fonction de son origine. Dans le milieu interstellaire, la proportion d'3He est mille fois plus élevée[2]. Les roches de la croûte terrestre ont des ratios d'isotopes variant d'un facteur 10, en fonction de leur origine; ce fait est d'ailleurs utilisé en géologie pour étudier l'origine des roches et la composition du manteau terrestre[3]. Les différents procédés de formations des deux isotopes stables produisent des abondances isotopiques différentes.

Des mĂ©langes Ă  parts Ă©gales d'hĂ©lium 3 et 4 se sĂ©parent en dessous de 0,8 kelvin en deux phases non miscibles Ă  cause de leur dissemblance (les deux isotopes suivent une statistique quantique diffĂ©rente : les atomes d'4He sont des bosons alors que ceux d' 3He sont des fermions)[4]. Les rĂ©frigĂ©rateurs Ă  dilution utilisent cette non-miscibilitĂ© des deux isotopes pour obtenir des tempĂ©ratures de quelques millikelvins.

Tous les isotopes de l'hélium plus lourds que 4He sont instables et se désintÚgrent avec une demi-vie inférieure à une seconde. Cependant les chercheurs ont créé de nouveaux isotopes grùce à des collisions dans des accélérateurs de particules afin de produire des noyaux inhabituels pour des éléments tels que l'hélium, le lithium ou l'azote. Les structures nucléaires étranges de ces isotopes permettent d'avoir un autre regard sur les propriétés isolées des neutrons.

HĂ©lium 2 (diproton)

L'hélium 2 (2He) est un isotope hypothétique de l'hélium dont le noyau serait constitué de deux protons et d'aucun neutron, et est pour cette raison appelé « diproton ». Les diprotons sont théoriquement instables à cause des interactions spin-spin et du principe d'exclusion de Pauli qui forcerait les deux protons à avoir des spins anti-alignés, ce qui donnerait au diproton une énergie de liaison négative[5].

Il est possible qu'il y ait eu des observations d'2He instable. En 2000, des physiciens ont observĂ© pour la premiĂšre fois un nouveau type de dĂ©sintĂ©gration radioactive dans laquelle un noyau Ă©met deux protons Ă  la fois, et donc peut ĂȘtre un noyau d'2He[6] - [7]. L'Ă©quipe dirigĂ©e par Alfredo Galindo-Uribarri de l'Oak Ridge National Laboratory ont choisi un isotope du nĂ©on avec une structure Ă©nergĂ©tique qui l'empĂȘche d'Ă©mettre un seul proton Ă  la fois, signifiant que seuls deux protons peuvent ĂȘtre Ă©jectĂ©s, simultanĂ©ment. L'Ă©quipe a alors mis une cible enrichie en protons sous un faisceau d'ion fluor pour produire du 18Ne, qui se dĂ©sintĂšgre ensuite en oxygĂšne et deux protons. Tout proton Ă©jectĂ© de la cible a Ă©tĂ© identifiĂ© par sa caractĂ©ristique Ă©nergĂ©tique. Il existe deux façons pour que l'Ă©mission des deux protons ait lieu : le noyau de nĂ©on peut Ă©jecter un 'diproton' qui se dĂ©sintĂšgre ensuite en se sĂ©parant en deux protons, mais aussi les deux protons peuvent ĂȘtre Ă©mis sĂ©parĂ©ment mais de façon simultanĂ©e, phĂ©nomĂšne appelĂ© « dĂ©sintĂ©gration dĂ©mocratique » (« democratic decay »). Si l'expĂ©rience a bien montrĂ© que l'Ă©mission de deux protons simultanĂ©e Ă©tait possible, les paramĂštres n'Ă©taient pas assez fins pour dĂ©terminer selon quel mode a eu lieu cette Ă©mission.

La meilleure preuve de l'existence d'2He a Ă©tĂ© trouvĂ©e en 2008 Ă  l'Istituto Nazionale di Fisica Nucleare, en Italie. Dans cette expĂ©rience, les chercheurs ont bombardĂ© une feuille de bĂ©ryllium avec un faisceau de 20Ne. Dans la collision, certains atomes de nĂ©on se transformĂšrent en 18Ne. Les noyaux sont ensuite entrĂ©s en collision avec une feuille de plomb. Cette seconde collision a eu pour effet d'exciter les noyaux de 18Ne dans un Ă©tat trĂšs instable. Comme lors de l'expĂ©rience d'Oak Ridge, les noyaux de 18Ne se sont dĂ©sintĂ©grĂ©s en noyaux d'16O, et deux protons Ă©mis depuis la mĂȘme direction. La nouvelle expĂ©rience a montrĂ© que les deux protons ont Ă©tĂ© Ă©jectĂ©s ensemble avant de se dĂ©sintĂ©grer en deux protons sĂ©parĂ©s un milliardiĂšme de seconde plus tard.

De mĂȘme RIKEN au Japon et au JINR de Dubna en Russie, il a Ă©tĂ© dĂ©couvert durant la production d'5He par collision entre un faisceau de noyaux d'6He et une cible d'hydrogĂšne cryogĂ©nique, que les noyaux d'6He pouvaient donner leurs quatre neutrons Ă  l'hydrogĂšne ; ceci laisse donc deux protons qui peuvent ĂȘtre Ă©jectĂ©s simultanĂ©ment de la cible, sous le forme d'2He qui se dĂ©sintĂšgre rapidement en deux protons. Une rĂ©action similaire a aussi Ă©tĂ© observĂ©e lors de la collision entre des noyaux d'8He et de l'hydrogĂšne.

HĂ©lium 3

Représentation de l'hélium 3 :
2 protons, 1 neutron, 2 Ă©lectrons

L'hĂ©lium 3 (3He) n'est prĂ©sent qu'Ă  l'Ă©tat de trace sur Terre, principalement prĂ©sent depuis la formation de la Terre, mĂȘme si une petite quantitĂ© arrive sur Terre piĂ©gĂ©e dans de la poussiĂšre interstellaire[3]. Certaines traces proviennent aussi de la dĂ©sintĂ©gration ÎČ du tritium[8]. Dans les Ă©toiles par contre, 3He est plus abondant car c'est un produit de fusion nuclĂ©aire. Certains matĂ©riaux extra-planĂ©taires tel que la rĂ©golithe des satellites ou des astĂ©roĂŻdes contiennent des traces d'3He de par leur exposition aux vents solaires.

HĂ©lium 4

Représentation de l'hélium 4 :
2 protons, 2 neutrons, 2 Ă©lectrons

L'hélium 4 (4He) est l'isotope le plus commun de l'hélium. Il est produit sur Terre par la désintégration α d'éléments radioactifs plus lourds, les particules α ainsi émises étant des atomes d'4He totalement ionisés. Il a été produit en trÚs grandes quantités lors de la nucléosynthÚse primordiale. 4He est un noyau particuliÚrement stable, cela étant dû au fait que ses nucléons forment une couche complÚte.

HĂ©lium 5

L'hĂ©lium 5 (5He) est l'isotope de l'hĂ©lium Ă  la durĂ©e de vie la plus courte avec une demi-vie de 7,6×10−22 seconde. Il a un noyau constituĂ© de deux protons et de trois neutrons. Il se dĂ©sintĂšgre principalement par Ă©mission de neutron en 4He.

5
2
He
⟶ 4
2
He
+ 1
0
n
.

HĂ©lium 6

L'hĂ©lium 6 (6He) est l'isotope instable de l'hĂ©lium avec la durĂ©e de vie la plus longue (demi-vie de 0,8 s). Il a un noyau formellement constituĂ© de deux protons et de quatre neutrons, mais il est en fait constituĂ© d'un noyau d'hĂ©lium 4 entourĂ© par un « halo » de deux neutrons. Il se dĂ©sintĂšgre par dĂ©sintĂ©gration ÎČ− en formant un atome de lithium 6. Dans de trĂšs rares cas, il peut subir une fission nuclĂ©aire, accompagnĂ© d'un rayonnement ÎČ pour former de l'hĂ©lium 4 et du deutĂ©rium. Il peut ĂȘtre formĂ© dans des rares cas de fission ternaire (7 % des cas de fission ternaire, qui reprĂ©sente 0,2 Ă  0,4 % des fissions nuclĂ©aires).

6
2
He
⟶ 6
3
Li
+ e− + Îœe.
6
2
He
⟶ 4
2
He
+ 2
1
H
+ e− + Îœe.

HĂ©lium 7

L'hĂ©lium 7 (7He) est un isotope Ă  durĂ©e de vie trĂšs courte (demi-vie de 2,9×10−21 s). Il a un noyau constituĂ© de deux protons et de cinq neutrons et se dĂ©sintĂšgre par Ă©mission de neutron en hĂ©lium 6. L'hĂ©lium 7 est un « hyperfragment » crĂ©Ă© par certaines rĂ©actions nuclĂ©aires[9].

7
2
He
⟶ 6
2
He
+ 1
0
n
.

HĂ©lium 8

L'hĂ©lium 8 (8He) est l'isotope lourd de l'hĂ©lium le plus Ă©tudiĂ©. Comme l'hĂ©lium 6, son noyau est constituĂ© d'un noyau d'hĂ©lium 4 entourĂ© par un « halo », mais Ă  quatre neutrons. Sa durĂ©e de vie est relativement longue (demi-vie de 0,1 s). Il se dĂ©sintĂšgre majoritairement par dĂ©sintĂ©gration ÎČ− pour former 8Li, plus rarement par dĂ©sintĂ©gration ÎČ− et Ă©mission de neutron pour former 7Li et dans certains cas beaucoup plus rares, par dĂ©sintĂ©gration ÎČ− et fission pour former 5He et 3H. Comme l'hĂ©lium 7, c'est un « hyperfragment » crĂ©Ă© par certaines rĂ©actions nuclĂ©aires[9].

8
2
He
⟶ 8
3
Li
+ e− + Îœe.
8
2
He
⟶ 7
3
Li
+ 1
0
n
+ e− + Îœe.
8
2
He
⟶ 5
2
He
+ 3
1
H
+ e− + Îœe.

Table des isotopes

Symbole
de l'isotope
Z (p) N (n) Masse isotopique (u) Demi-vie Mode(s) de
désintégration[10]
Isotope(s)-fils[n 1] Spin nucléaire

et parité

Composition isotopique
représentative
(fraction molaire)
Gamme de
variations naturelles
(fraction molaire)
2He 2 0
3He[n 2] 2 1 3,0160293191(26) Stable[n 3] 1/2+ 1,34(3)×10−6 4,6×10−10-4,1×10−5
4He[n 2] 2 2 4,00260325415(6) Stable 0+ 0,99999866(3) 0,999959-1
5He 2 3 5,01222(5) 700(30)×10−24 s
[0,60(2) MeV]
n 4He 3/2-
6He[n 4] 2 4 6,0188891(8) 806,7(15) ms ÎČ− (99,99 %) 6Li 0+
ÎČ−,d[n 5] (2,8×10−4 %) 4He
7He 2 5 7,028021(18) 2,9(5)×10−21 s
[159(28) keV]
n 6He (3/2)-
8He[n 6] 2 6 8,033922(7) 119,0(15) ms ÎČ− (83,1 %) 8Li 0+
ÎČ−,n (16,0 %) 7Li
ÎČ−,t[n 7] (0,09 %) 5He
9He 2 7 9,04395(3) 7(4)×10−21 s
[100(60) keV]
n 8He 1/2(-#)
10He 2 8 10,05240(8) 2,7(18)×10−21 s
[0.17(11) MeV]
2n 8He 0+
  1. Isotopes stables en gras.
  2. Produit durant la nucléosynthÚse primordiale.
  3. 3He et 1H sont les seuls isotopes stables avec plus de protons que de neutrons.
  4. PossĂšde 2 neutrons en halo.
  5. Émission d'un deutĂ©ron
  6. PossĂšde 4 neutrons en halo.
  7. Émission d'un triton

Remarques

  • La composition isotopique est celle de l'air.
  • La prĂ©cision de l'abondance isotopique et de la masse atomique est limitĂ©e par des variations. Les Ă©chelles de variations donnĂ©es sont normalement valables pour tout matĂ©riel terrestre normal.
  • Il existe des Ă©chantillons gĂ©ologiques exceptionnels dont la composition isotopique est en dehors de l'Ă©chelle donnĂ©e. L'incertitude sur la masse atomique de tels spĂ©cimens peut excĂ©der les valeurs donnĂ©es.
  • Les valeurs marquĂ©es # ne sont pas purement dĂ©rivĂ©es des donnĂ©es expĂ©rimentales, mais aussi au moins en partie Ă  partir des tendances systĂ©matiques. Les spins avec des arguments d'affectation faibles sont entre parenthĂšses.
  • Les incertitudes sont donnĂ©es de façon concise entre parenthĂšses aprĂšs la dĂ©cimale correspondante. Les valeurs d'incertitude dĂ©notent un Ă©cart-type, Ă  l'exception de la composition isotopique et de la masse atomique standard de l'IUPAC qui utilisent des incertitudes Ă©largies.

Références

  1. (en) J. Emsley, Nature's Building Blocks : An A-Z Guide to the Elements, Oxford, Oxford University Press, , 538 p., poche (ISBN 978-0-19-850340-8, lire en ligne), p. 178.
  2. (en) G.N. Zastenker et al., « Isotopic Composition and Abundance of Interstellar Neutral Helium Based on Direct Measurements », Astrophysics, vol. 45, no 2,‎ , p. 131–142 (DOI 10.1023/A:1016057812964, Bibcode 2002Ap.....45..131Z, lire en ligne).
  3. (en) « Helium Fundamentals ».
  4. (en) The Encyclopedia of the Chemical Elements, p. 264.
  5. Nuclear Physics in a Nutshell, C.A. Bertulani, Princeton University Press, Princeton, NJ, 2007, Chapter 1, (ISBN 978-0-691-12505-3).
  6. Physicists discover new kind of radioactivity, in physicsworld.com Oct 24, 2000.
  7. Decay of a Resonance in 18Ne by the Simultaneous Emission of Two Protons, Physical Review Online Archive, by del Campo, Galindo-Uribarri et al.
  8. (en) K. L. Barbalace, « Periodic Table of Elements: Li - Lithium », EnvironmentalChemistry.com (consulté le ).
  9. (en) The Encyclopedia of the Chemical Elements, p. 260.
  10. (en)Universal Nuclide Chart.

Voir aussi


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