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Isotopes du thorium

Le thorium (Th, numéro atomique 90) ne possède aucun isotope stable, comme tous les éléments de numéro atomique supérieur à celui du plomb (n° 82). Cependant, il possède six isotopes présents dans la nature et l'un d'eux, le thorium 232 (232Th), est relativement stable, avec une demi-vie de 14,05 milliards d'années, soit bien plus que l'âge de la Terre, et même légèrement plus que l'âge de l'univers. Cet isotope représente d'ailleurs la quasi-totalité du thorium présent dans la nature, celui-ci étant donc considéré comme un élément mononucléidique. Le thorium possède une composition isotopique terrestre caractéristique et une masse atomique standard peut donc lui être attribuée : 232,038 06(2) u.

30 radioisotopes ont été caractérisés, avec un nombre de masse variant entre 209[1] et 238, les plus stables étant, après 232Th, 230Th avec une demi-vie de 75 380 années, 229Th (7 340 ans) et 228Th (1,92 ans). Tous les autres isotopes ont une demi-vie inférieure à 30 jours et pour la plupart, inférieure à 10 minutes. Un isotope, 229Th, possède un isomère nucléaire (ou état métastable) avec une énergie d'excitation remarquablement basse[2], mesurée récemment à 7,6 Â± 0,5 eV[3].

Isotopes notables

Thorium naturel

Le thorium naturel est composé presque uniquement du radioisotope primordial 232Th. Le 228Th est son descendant qui, en équilibre séculaire avec le 232Th, a une abondance relative d'environ 1,4 Ã— 10−10.

Les isotopes 234Th et 230Th sont descendants de l'uranium 238, lui-même environ trois fois moins abondant sur Terre que le thorium 232. 234Th a une demi-vie trop courte pour être significativement quantifiable, 230Th a une abondance proche de 1,7 Ã— 10−5 fois celle de l'uranium 238. C'est le deuxième isotope le plus abondant sur Terre.

Les isotopes 227Th et 231Th sont descendants de l'uranium 235.

En raison de leur présence dans les chaînes de désintégration majeures, les isotopes naturels du thorium ont reçu des appellations historiques, aujourd'hui désuètes.

Isotope Abondance approximative

(fraction molaire)[4]

Origine Appellation historique
227Th Traces (< 10−12) Chaîne de l'uranium 235 Radio-actinium
228Th 1,4 Ã— 10−10 Chaîne du thorium 232 Radio-thorium
230Th 2 Ã— 10−4 Chaîne de l'uranium 238 Ionium
231Th Traces (< 10−12) Chaîne de l'uranium 235 Uranium Y
232Th 1 Radioisotope primordial Thorium
234Th Traces (< 10−12) Chaîne de l'uranium 238 Uranium X1

Thorium 227

Le thorium 227 fait partie de la chaîne de désintégration de l'uranium 235. Il était historiquement nommé radio-actinium, d'après son isotope-père dans cette chaîne.

Thorium 228

Le thorium 228 (228Th) est l'isotope du thorium dont le noyau est constitué de 90 protons et de 138 neutrons. Il fut nommé historiquement radio-thorium, du fait de sa présence dans la chaîne de désintégration du thorium 232 (c'est le plus radioactif des deux isotopes de cette chaîne). Il a une demi-vie de 1,911 6 ans. Il se désintègre principalement par émission α pour donner le radium 224. De façon très occasionnelle (10−13), il peut aussi se désintégrer par émission de cluster, en émettant un noyau d'20O, produisant le plomb 208, isotope stable. C'est un isotope-fils de l'uranium 232 (232U), produit par émission α.

228Th a une masse atomique de 228,028 741 1 g mol−1.

Thorium 229

Le thorium 229 (229Th) est l'isotope du thorium dont le noyau est constitué de 90 protons et de 139 neutrons. Il se désintègre par émission α pour former le 225Ra avec une demi-vie de 7 340 ans. C'est l'un des isotopes à plus longue demi-vie (après les isotopes 232Th et 230Th), et le dernier dont la demi-vie dépasse le millénaire.

229Th est produit par désintégration α de l'uranium 233 et il est principalement utilisé pour former l'actinium 225 et le bismuth 213 utilisés en médecine nucléaire[5].

Thorium 229m

La spectrométrie gamma a indiqué que le thorium 229 avait un isomère nucléaire avec une énergie d'excitation remarquablement basse, faisant même de cet isomère nucléaire celui possédant l'énergie la plus basse connue. Depuis quelques années, l'énergie admise de cet état est de 3,5 eV, avec une incertitude de 1,0 eV[6].

Ceci rend sans doute possible son excitation en utilisant des lasers dans la gamme V-UV. Cet isomère pourrait avoir des applications, dans le stockage d'énergie haute densité[7], dans l'horlogerie de précision[8], comme qubit dans le cadre de l'informatique quantique, ou pour tester l'effet de l'environnement chimique sur le taux de désintégration nucléaire[9].

La demi-vie de cet état excité est inconnue, mais elle est estimée à 5 heures. Si cet isomère devait se désintégrer, il produirait un rayon gamma (défini par son origine et non par sa longueur d'onde) dans le domaine de l'ultraviolet. On a pensé un temps avoir détecté ces « rayons gamma ultraviolets », mais cette observation s'est révélée être en réalité être due à de l'azote gazeux excité par des émissions à haute énergie[10].

Des mesures récentes avec des rayons gamma à haute énergie donnent une énergie pour l'état 3/2+ de 7,6 eV, avec une incertitude de 0,5 eV[3].

Thorium 230

Le thorium 230 (230Th) est l'isotope du thorium dont le noyau est constitué de 90 protons et de 140 neutrons. Il fut historiquement appelé « ionium » (avec pour symbole chimique Io) lors de sa découverte dans la chaîne de désintégration de l'uranium 238, avant qu'on découvre que l'ionium et le thorium étaient un seul et unique élément. Il se désintègre principalement par émission α en radium 226 avec une demi-vie de 75 380 ans.

230Th peut être utilisé pour dater les coraux et mesurer les courants marins.

Thorium 231

Le thorium 231 (231Th) est l'isotope du thorium dont le noyau est constitué de 90 protons et de 141 neutrons. C'est un produit de désintégration de l'uranium 235, et il était historiquement appelé Uranium Y en raison de sa présence dans cette chaîne de désintégration. Il se désintègre principalement par désintégration β− pour former le protactinium 231 avec une énergie de 0,39 MeV. Du fait de sa courte demi-vie, 25,5 h, on ne le trouve qu'en très petite quantité sur Terre. Sa masse atomique est de 231,036 304 3 g mol−1.

Thorium 232

Le thorium 232 (232Th) est l'isotope du thorium dont le noyau est constitué de 90 protons et de 142 neutrons. Isotope le plus stable du thorium, il est considéré comme presque stable, sa demi-vie étant légèrement supérieure à l'âge de l'univers. Il est à l'origine de la chaîne de désintégration 4n + 0 qui débute par sa très lente désintégration α en radium 228 et se termine par la formation du plomb 208.

Thorium 233

Le thorium 233 (233Th) est l'isotope du thorium dont le noyau est constitué de 90 protons et de 143 neutrons. 233Th se désintègre par désintégration β− pour former le protactinium 233 avec une demi-vie de 21,83 minutes[11].

Thorium 234

Le thorium 234 (234Th) est l'isotope du thorium dont le noyau est constitué de 90 protons et de 144 neutrons. Il est formé par désintégration alpha de l'uranium 238, et il était historiquement appelé Uranium X1 en raison de sa présence dans cette chaîne de désintégration.

Il se désintègre par désintégration β− pour former le protactinium 234m avec une demi-vie de 24,1 jours. 234Th a une masse atomique d'environ 234,043 6 uma, et une énergie de désintégration de 270 keV.

Table des isotopes

Symbole
de l'isotope
Z (p) N (n) Masse isotopique Demi-vie Mode(s) de
désintégration[12] - [n 1]
Isotope(s)-fils[n 2] Spin

nucléaire

Énergie d'excitation
209Th 90 119 209,01772(11) 7(5) ms
[3,8(+69-15)]
5/2-#
210Th 90 120 210,015075(27) 17(11) ms
[9(+17-4) ms]
α 206Ra 0+
β+ (rare) 210Ac
211Th 90 121 211,01493(8) 48(20) ms
[0,04(+3-1) s]
α 207Ra 5/2-#
β+ (rare) 211Ac
212Th 90 122 212,01298(2) 36(15) ms
[30(+20-10) ms]
α (99,7 %) 208Ra 0+
β+ (0,3 %) 212Ac
213Th 90 123 213,01301(8) 140(25) ms α 209Ra 5/2-#
β+ (rare) 213Ac
214Th 90 124 214,011500(18) 100(25) ms α 210Ra 0+
215Th 90 125 215,011730(29) 1,2(2) s α 211Ra (1/2-)
216Th 90 126 216,011062(14) 26,8(3) ms α (99,99 %) 212Ra 0+
β+ (0,006 %) 216Ac
216m1Th 2 042(13) keV 137(4) µs (8+)
216m2Th 2 637(20) keV 615(55) ns (11-)
217Th 90 127 217,013114(22) 240(5) µs α 213Ra (9/2+)
218Th 90 128 218,013284(14) 109(13) ns α 214Ra 0+
219Th 90 129 219,01554(5) 1,05(3) µs α 215Ra 9/2+#
β+ (10−7 %) 219Ac
220Th 90 130 220,015748(24) 9,7(6) µs α 216Ra 0+
CE (2 Ã— 10−7 %) 220Ac
221Th 90 131 221,018184(10) 1,73(3) ms α 217Ra (7/2+)
222Th 90 132 222,018468(13) 2,237(13) ms α 218Ra 0+
CE (1,3 Ã— 10−8 %) 222Ac
223Th 90 133 223,020811(10) 0,60(2) s α 219Ra (5/2)+
224Th 90 134 224,021467(12) 1,05(2) s α 220Ra 0+
β+β+ (rare) 224Ra
225Th 90 135 225,023951(5) 8,72(4) min α (90 %) 221Ra (3/2)+
CE (10 %) 225Ac
226Th 90 136 226,024903(5) 30,57(10) min α 222Ra 0+
227Th 90 137 227,0277041(27) 18,68(9) j α 223Ra 1/2+
228Th 90 138 228,0287411(24) 1,9116(16) a α 224Ra 0+
DC (1,3 Ã— 10−11 %) 208Pb
20O
229Th 90 139 229,031762(3) 7,34(16) Ã— 103 a α 225Ra 5/2+
229mTh 0,0076(5) keV 70(50) h TI 229Th 3/2+
230Th[n 3] 90 140 230,0331338(19) 7,538(30) Ã— 104 a α 226Ra 0+
DC (5,6 Ã— 10−11 %) 206Hg
24Ne
FS (5 Ã— 10−11 %) (Varié)
231Th 90 141 231,0363043(19) 25,52(1) h β− 231Pa 5/2+
α (10−8 %) 227Ra
232Th[n 4] 90 142 232,0380553(21) 1,405(6) Ã— 1010 a α 228Ra 0+
β−β− (rare) 232U
FS (1,1 Ã— 10−9 %) (Varié)
DC (2,78 Ã— 10−10 %) 182Yb
26Ne
24Ne
233Th 90 143 233,0415818(21) 21,83(4) min β− 233Pa 1/2+
234Th 90 144 234,043601(4) 24,10(3) j β− 234mPa 0+
235Th 90 145 235,04751(5) 7,2(1) min β− 235Pa (1/2+)#
236Th 90 146 236,04987(21)# 37,5(2) min β− 236Pa 0+
237Th 90 147 237,05389(39)# 4,8(5) min β− 237Pa 5/2+#
238Th 90 148 238,0565(3)# 9,4(20) min β− 238Pa 0+

Remarques

  • Il existe des échantillons géologiques exceptionnels dont la composition isotopique est en dehors de l'échelle donnée. L'incertitude sur la masse atomique de tels spécimens peut excéder les valeurs données.
  • Les valeurs marquées # ne sont pas purement dérivées des données expérimentales, mais aussi au moins en partie à partir des tendances systématiques. Les spins avec des arguments d'affectation faibles sont entre parenthèses.
  • Les incertitudes sont données de façon concise entre parenthèses après la décimale correspondante. Les valeurs d'incertitude dénotent un écart-type, à l'exception de la composition isotopique et de la masse atomique standard de l'IUPAC qui utilisent des incertitudes élargies.

Notes et références

  1. (en) H. Ikezoe et al., « alpha decay of a new isotope of 209Th », Phys. Rev. C, vol. 54, no 4,‎ , p. 2043 (DOI 10.1103/PhysRevC.54.2043, Bibcode 1996PhRvC..54.2043I)
  2. (en) E. Ruchowska et al., « Nuclear structure of 229Th », Phys. Rev. C, vol. 73, no 4,‎ , p. 044326 (DOI 10.1103/PhysRevC.73.044326, Bibcode 2006PhRvC..73d4326R)
  3. (en) B. R. Beck et al., « Energy splitting in the ground state doublet in the nucleus 229Th », Phys. Rev. Lett., vol. 98, no 14,‎ , p. 142501 (PMID 17501268, DOI 10.1103/PhysRevLett.98.142501, Bibcode 2007PhRvL..98n2501B)
  4. Fiche du thorium sur le site de la Commission on Isotopic Abundances and Atomic Weights
  5. (en)Report to Congress on the extraction of medical isotopes from U-233, Département de l'Énergie des États-Unis, mars 2001
  6. (en) Helmer, R. G. ; Reich, C. W., « An Excited State of Th-229 at 3.5 eV », Phys. Rev. C, vol. 49, no 4,‎ , p. 1845–1858 (DOI 10.1103/PhysRevC.49.1845, Bibcode 1994PhRvC..49.1845H)
  7. Poppe, C. H. ; Weiss, M. S. ; Anderson, J. D. « Nuclear isomers as ultra-high-energy-density materials » () (Bibcode 1992hedm.meet...23P)
    — « (ibid.) », dans Air Force Meeting on High Energy Density Materials, Lancaster, CA
  8. (en) E. Peik et C. Tamm, « Nuclear laser spectroscopy of the 3.5 eV transition in 229Th », Europhys. Lett., vol. 61, no 2,‎ , p. 181–186 (DOI 10.1209/epl/i2003-00210-x, Bibcode 2003EL.....61..181P)
  9. (en) Tkalya, Eugene V. ; Zherikhin, Alexander N. ; Zhudov, Valerii I., « Decay of the low-energy nuclear isomer 229Thm (3/2+, 3.5 +-1.0-eV) in solids (dielectrics and metals): A new scheme of experimental research », Phys. Rev. C, vol. 61, no 6,‎ , p. 064308 (DOI 10.1103/PhysRevC.61.064308, Bibcode 2000PhRvC..61f4308T)
  10. (en) Shaw, R. W. ; Young, J. P. ; Cooper, S. P. ; Webb, O. F., « Spontaneous Ultraviolet Emission from 233Uranium/229Thorium Samples », Phys. Rev. Lett., vol. 82, no 6,‎ , p. 1109–1111 (DOI 10.1103/PhysRevLett.82.1109, Bibcode 1999PhRvL..82.1109S)
  11. (en) G. Audi, « The NUBASE Evaluation of Nuclear and Decay Properties », Nucl. Phys. A, Atomic Mass Data Center, vol. 729,‎ , p. 3–128 (DOI 10.1016/j.nuclphysa.2003.11.001, Bibcode 2003NuPhA.729....3A)
  12. (en)Universal Nuclide Chart

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