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Inoculation psychologique

La thĂ©orie de l’inoculation psychologique[1], dĂ©veloppĂ©e pour protĂ©ger les attitudes et les croyances existantes, montre comment renforcer la rĂ©sistance Ă  de futurs contrarguments inacceptables ou Ă  des attaques persuasives. L’inoculation consiste Ă  expliquer les contrarguments d’une opinion (la croyance) d’une personne et lui montrer en quoi le contrargument est faux (la rĂ©futation). Par exemple, aprĂšs avoir dĂ©montrĂ© Ă  un groupe que la Terre est ronde (la croyance), on commente le mythe de la Terre plate (contrargument) et on indique comment la science a montrĂ© la quasi-sphĂ©ricitĂ© de la Terre (la rĂ©futation). Les rĂ©futations ou dĂ©mentis prĂ©sentĂ©s dans un message doivent soutenir correctement les attitudes et les croyances actuelles, mais ĂȘtre suffisamment intelligibles pour que le rĂ©cepteur puisse les comprendre[2] - [3].

Depuis plusieurs dĂ©cennies, les milieux acadĂ©miques Ă©tudient la thĂ©orie de l’inoculation psychologique, la testent expĂ©rimentalement. On utilise les techniques d’inoculation psychologique, dĂ©veloppĂ©es par les chercheurs, en formation ou pour influencer l’opinion publique, par exemple. Plusieurs articles scientifiques passent en revue son application en politique[4], dans les campagnes en santĂ© publique (en)[5] - [6], en marketing[7], en Ă©ducation[8] et dans les communications scientifiques (en) sur le rĂ©chauffement climatique[9] entre autres. John A. Banas et Stephen ont publiĂ© une mĂ©ta-analyse[10], et Josh Compton un aperçu[2] de la thĂ©orie. Le nom de la thĂ©orie « Inoculation psychologique » fut choisi par analogie avec l’inoculation en mĂ©decine.

Historique

Lavage de cerveau en Corée du Nord

C’est la guerre de CorĂ©e qui joua le rĂŽle de catalyseur pour la formation de la thĂ©orie de McGuire. En effet, des soldats amĂ©ricains emprisonnĂ©s par la CorĂ©e du Nord reniĂšrent leur pays et les valeurs associĂ©es : « capitalisme », « dĂ©mocratie », etc. Ces croyances culturelles, qui semblaient aller de soi, n’avaient jamais Ă©tĂ© opposĂ©es Ă  des contrarguments, et leur prĂ©servation n'avait jamais Ă©tĂ© justifiĂ©e Ă  ces soldats.

Le lavage de cerveau et la manipulation mentale des soldats furent perçus comme un Ă©chec des institutions Ă  soutenir les valeurs amĂ©ricaines. Pour contrer cet Ă©chec, on dĂ©cida de renforcer davantage ces croyances. McGuire proposa au contraire non pas de renforcer les croyances, mais de rendre les individus conscients de la vulnĂ©rabilitĂ© de leurs croyances et de les aider Ă  se dĂ©fendre en leur enseignant les contrarguments et leurs rĂ©futations. L’ajout de ces deux Ă©tapes Ă  la formation correspondant aux deux mĂ©canismes de l’inoculation : l’exposition Ă  la menace par contrargument et la rĂ©futation[11].

Dans la continuitĂ© de ces travaux, McGuire rĂ©alisa une sĂ©rie d’expĂ©riences basĂ©es sur la comparaison entre une procĂ©dure de soutien, qui explique en quoi une croyance est bonne ou lĂ©gitime, et une procĂ©dure d’inoculation. On testa avec succĂšs[3] l’hypothĂšse selon laquelle l’inoculation immunise davantage les individus qu'un soutien des croyances culturelles, des mĂšmes largement acceptĂ©s, mais jamais remis en cause.

Premiers pas

À l’origine du concept d’inoculation se trouve les travaux en 1953 de Carl Iver Hovland, Arthur A Lumsdaine et Fred D Sheffield[12] qui comparent la portĂ©e persuasive des « messages de soutien » qui dĂ©fendent un seul point de vue sur un sujet, et les messages montrant le pour et le contre, une forme d’inoculation. Ils concluent Ă  la supĂ©rioritĂ© de l’inoculation Ă  produire de la rĂ©sistance Ă  la persuasion, comparĂ©e aux messages de soutien.

C’est William J. McGuire[13] qui formula le premier la thĂ©orie de l’inoculation psychologique qu’il nomma ainsi par rapprochement avec le monde mĂ©dical. Selon lui, elle permet d’« immuniser » l’individu contre de futures attaques persuasives au mĂȘme titre qu’un vaccin biologique le protĂšge d’un virus.

Par souci d’éthique, lorsque McGuire crĂ©e cette thĂ©orie, il l’applique sur les clichĂ©s sociaux, rarement remis en question ou attaquĂ©s. Par exemple, les premiĂšres expĂ©riences portent sur l’importance de se brosser les dents[14]. Peu de gens rĂ©futent que se brosser les dents soit une bonne habitude. Par consĂ©quent, des contrarguments au brossage des dents ne risquent pas de nuire aux sujets, au mieux si l’expĂ©rience fonctionne bien, elle renforcera le soutien au brossage.

Généralisation

Par la suite, l’application de la thĂ©orie de l’inoculation s’est dĂ©veloppĂ©e et rĂ©pandue dans les domaines de la santĂ©, de la politique, de l’éducation et de la commercialisation. Par exemple, on fit des expĂ©riences sur la prĂ©vention de la toxicomanie chez les jeunes[15]. UltĂ©rieurement, les chercheurs ont Ă©tudiĂ©[16] les situations dans lesquelles les gens ont des attitudes prĂ©existantes, comme le vote des partisans politiques ou contre la vaccination[17]. La thĂ©orie se rĂ©pand aussi dans le monde francophone[18].

L’utilisation de la thĂ©orie de l’inoculation couvre non seulement les problĂšmes sociaux contemporains simples, mais aussi trĂšs controversĂ©s[19]. En parallĂšle, la variĂ©tĂ© et le nombre d’études portant sur la thĂ©orie de l’inoculation aident Ă  renforcer l’efficacitĂ© et l’utilitĂ© de la thĂ©orie. Il devient alors gĂ©nĂ©ralement acceptĂ©, que l’inoculation psychologique puisse ĂȘtre utilisĂ©e pour prĂ©dire ou renforcer les attitudes[1].

Description de l’inoculation psychologique

Composants

Une stratĂ©gie d’immunisation, dans le cas d’un virus, consiste Ă  inoculer une version rĂ©duite d’un virus pour stimuler les dĂ©fenses immunitaires et les rendre plus Ă  mĂȘme de contrer par la suite une forme virale plus forte. Sur le plan psychologique, les individus Ă©vitent, en gĂ©nĂ©ral, les informations contradictoires pour Ă©viter la dissonance. Cette attitude ne les conduit pas Ă  dĂ©velopper de rĂ©sistance, ils vivent dans un monde « aseptisé », dĂ©nuĂ© d’idĂ©es extĂ©rieures remettant en question les leurs. Ainsi, baignant dans un environnement idĂ©ologique gĂ©nĂ©ralement homogĂšne, l’individu sous-Ă©value la fragilitĂ© de ses croyances ainsi que la probabilitĂ© qu’elles se fassent rĂ©futer[13].

Pour McGuire, l’inoculation psychologique doit passer par l’exposition Ă  des arguments en conflit avec son attitude pour stimuler ses « dĂ©fenses psychologiques » et le motiver Ă  rĂ©pondre Ă  une attaque persuasive[1].

L’inoculation psychologique se compose de deux procĂ©dures[20] : une de soutien des idĂ©es et une d’inoculation psychologique[13] qui utilise des contrarguments montrant les menaces et expliquant leurs rĂ©futations.

Du point de vue mĂ©dical, une « procĂ©dure de soutien » consiste Ă  prĂ©venir une attaque virale en renforçant l’organisme par diffĂ©rents moyens (c.-Ă -d. vitamines, rĂ©gime alimentaire Ă©quilibrĂ©, etc.). En psychologie, le soutien se traduit par l’apport d’arguments en accord avec l’attitude de l’individu, dans le but de le protĂ©ger d’une attaque persuasive.

L’opĂ©rationnalisation de l’inoculation psychologique

L’opĂ©rationnalisation de l’inoculation psychologique, la prĂ©vention par rĂ©futation, comporte trois phases :

  • La procĂ©dure commence par une formation ou une sĂ©ance d’information qui « (
) permet d’homogĂ©nĂ©iser les connaissances des sujets et de les activer[20] ».
  • En second, l’inoculation proprement dite expose les sujets Ă  des arguments en dĂ©saccord avec les connaissances Ă©tudiĂ©es dans la phase antĂ©rieure, les contrarguments.
  • En troisiĂšme, la phase de rĂ©futation, le sujet rĂ©fute lui-mĂȘme les arguments nĂ©gatifs prĂ©sentĂ©s prĂ©cĂ©demment, on l’appelle la rĂ©futation active. Le sujet peut aussi utiliser des contrarguments qu’on lui propose, c’est la rĂ©futation passive. En 1961, McGuire et Papageorgis[13] dĂ©montrent qu’une inoculation passive, consistant Ă  lire les diffĂ©rents arguments, offre une meilleure rĂ©sistance Ă  la persuasion qu’une inoculation active, oĂč les participants doivent Ă©crire eux-mĂȘmes les arguments et leurs rĂ©futations. En revanche, lors d’une attaque avec nouveaux arguments, une inoculation active incite davantage les sujets Ă  s’opposer[21].

Souvent, pour vĂ©rifier l’efficacitĂ© de l’inoculation, le sujet rĂ©pond Ă  un questionnaire, afin de mesurer le niveau de sa rĂ©sistance Ă  la persuasion.

Résultats expérimentaux

Études comparatives

Plusieurs tests en laboratoires et en sociĂ©tĂ© montrent l’efficacitĂ© de l’inoculation.

Dans une Ă©tude de D. A. Muller[22] en 2007, 364 Ă©tudiants de premiĂšre annĂ©e de physique ont suivi au hasard l’une de ces quatre types de formations sur les lois de Newton :

  1. Exposition : une brĂšve prĂ©sentation ;
  2. Soutien : une formation complùte ;
  3. Inoculation psychologique : formation complĂšte et prĂ©sentation d’idĂ©es fausses avec leur rĂ©futation ;
  4. Inoculation psychologique active : formation prĂ©cĂ©dente avec ajout d’une discussion.

Les chercheurs montrĂšrent que l’inoculation psychologue, active ou non, apporte les gains d’apprentissage les plus importants et significatifs. Les participants ayant de faibles connaissances antĂ©rieures en ont profitĂ© le plus.

Par exemple, lors des Ă©lections amĂ©ricaines de 1988, Pfau et Josh Compton montrent que l’inoculation contre les attaques politiques Ă©tait supĂ©rieure Ă  une rĂ©futation publiĂ©e aprĂšs une attaque[23] - [24].

Compton, Jackson et Dimmock[6] ont passĂ© en revue plusieurs Ă©tudes oĂč l’inoculation psychologique est appliquĂ©e en santĂ©. Il existe de nombreuses Ă©tudes sur l’inoculation des enfants et des adolescents pour prĂ©venir la consommation de tabac, de drogues ou d’alcool[25]. Une grande partie des Ă©tudes montrent que les enfants inoculĂ©s avant l’ñge de 12 ans rĂ©sistent mieux Ă  la pression des pairs lorsqu’ils deviennent adolescents ou jeunes adultes.

Effets de l’attitude initiale

Grover a Ă©tudiĂ© l’efficacitĂ© d’une campagne antitabac sur les fumeurs et les non-fumeurs. Les donnĂ©es recueillies montrent que l’inoculation fonctionne diffĂ©remment si le comportement existe (fumeur) ou pas (non-fumeur). L’attitude initiale joue un rĂŽle majeur dans la capacitĂ© d’inoculer un individu[26].

Persistance de l’inoculation

Une Ă©tude de Pfau et de ses collaborateurs examina le rĂŽle et la persistance de l’inoculation pour dissuader les jeunes de fumer. Un groupe d’élĂšves du primaire dans le Dakota du Sud regarda une vidĂ©o les prĂ©venant des futures pressions pour inciter Ă  commencer Ă  fumer la cigarette. Au cours de la premiĂšre annĂ©e, on observa une augmentation de la rĂ©sistance chez les personnes ayant une faible estime de soi[27]. À la fin de la deuxiĂšme annĂ©e, tous les Ă©coliers ont montrĂ© plus de rĂ©sistance comportementale au tabagisme qu’auparavant[5].

Autre approche : l’inoculation active guidĂ©e avec dĂ©bat

C’est dans leur article sur la prĂ©vention de la violence juvĂ©nile publiĂ© en 2002 que Goutas, Girandola et Minary[28] proposĂšrent la notion « d’inoculation active guidĂ©e avec dĂ©bat » qui ajoute un dĂ©bat lors de la phase de rĂ©futation. Dans le but de diminuer les comportements agressifs des prĂ©adolescents et de les immuniser contre les croyances dans la lĂ©gitimitĂ© de la violence, ils utilisĂšrent la procĂ©dure d’inoculation active. Ainsi, la phase de rĂ©futation active prit la forme d’un dĂ©bat de 10 minutes sur la violence, oĂč l’on conduisit les participants Ă  donner des arguments en faveur (phase d’inoculation) et ensuite Ă  les rĂ©futer par eux-mĂȘmes (phase de rĂ©futation). Enfin, lors de la phase d’attaque, l’expĂ©rimentateur prĂ©sentait des arguments favorables Ă  l’utilisation de la violence.

Remarquons que les auteurs ne peuvent pas Ă©valuer l’efficacitĂ© de la mĂ©thode d’inoculation active guidĂ©e parce qu’ils n’ont pas utilisĂ© de groupe tĂ©moin. NĂ©anmoins, cette nouvelle approche reste pertinente dans la mesure oĂč elle permet d’interagir avec les jeunes participants durant la procĂ©dure, de la rendre plus interactive notamment lors de l’entrainement, et de fournir l’occasion aux Ă©lĂšves de demander des indications sur les contrarguments ou le vocabulaire qu’ils ne comprennent pas[1].

Message normatif ou informatif et inoculation en deux séances

Linda C. Godbold et Pfau ont utilisĂ© l’inoculation psychologique sur des Ă©lĂšves de sixiĂšme annĂ©e de deux Ă©coles diffĂ©rentes pour les protĂ©ger contre la pression des pairs sur la consommation de l’alcool. Ils ont Ă©mis l’hypothĂšse qu’un message normatif, adaptĂ© aux normes sociales, serait plus efficace qu’un message informatif qui explique seulement pourquoi il ne faut pas consommer de l’alcool. Cette Ă©tude montre que le message normatif crĂ©e une rĂ©sistance plus Ă©levĂ©e[29].

Dans la mĂȘme Ă©tude, on compare aussi les niveaux de rĂ©sistance des sujets qui reçoivent la formation sur les menaces deux semaines aprĂšs la formation normative Ă  ceux qui reçoivent la formation en une seule fois. On ne mesure pas de diffĂ©rences significatives[10].

MĂ©ta-analyse

John A. Banas et Stephen ont publiĂ© une mĂ©ta-analyse sur le sujet et dans le rĂ©sumĂ© de l’article il Ă©crit :

« Une mĂ©ta-analyse de 54 Ă©tudes
 montre qu’un message utilisant l’inoculation psychologique confĂšre une meilleure rĂ©sistance aux influences contradictoires qu’un simple message de soutien (informatif) ou sans message [pour le groupe tĂ©moin][10]. »

De plus, la mĂ©ta-analyse montre que l’efficacitĂ© est similaire mĂȘme si les messages de rĂ©sistances ne sont pas les mĂȘmes que ceux rencontrĂ©s par les gens aprĂšs la sĂ©ance d’inoculation.

Application de l’inoculation psychologique

On utilise l’inoculation psychologique principalement dans le façonnement ou la manipulation de l’opinion publique. Ainsi, plusieurs articles scientifiques passent en revue son exploitation en politique[4], dans les campagnes en santĂ© publique (en)[5] - [6], en marketing[7], en Ă©ducation[8] et dans les communications scientifiques (en) sur les changements climatiques[9] entre autres.

Selon John Cook, chercheur dans l’enseignement des sciences :

« Cette approche [inoculation psychologique] se traduit par des gains d’apprentissage nettement plus Ă©levĂ©s que les cours habituels qui enseignent simplement la science[30] - [22] ».

Consommation

Dans le secteur de la consommation, Compton et Pfau[31] menĂšrent une Ă©tude afin de prĂ©venir les dĂ©penses excessives et le surendettement des Ă©tudiants. L’inoculation visait Ă  les rendre plus rĂ©sistants au marketing publicitaire sur l’adoption des cartes de crĂ©dit.

Commercialisation et mise en marché

La recherche sur la publicitĂ© et la commercialisation est principalement axĂ©e sur la promotion de modes de vie saine Ă  l’aide d’un produit ou pour un objectif spĂ©cifique de l’entreprise. Peu de temps aprĂšs que McGuire a publiĂ© sur la thĂ©orie de l’inoculation, Szybillo et Heslin ont appliquĂ© les concepts utilisĂ©s par McGuire dans l’industrie de la santĂ© Ă  des campagnes de publicitĂ© et de commercialisation[32]. Ils ont cherchĂ© Ă  apporter des rĂ©ponses aux annonceurs commercialisant un produit ou un sujet controversĂ© : si un annonceur savait que le produit ou la campagne provoquerait une attaque, quelle serait la meilleure stratĂ©gie publicitaire ? Voudraient-ils rĂ©futer les arguments ou rĂ©affirmer leurs affirmations ?

DĂ©nialisme

Le dĂ©ni de la science s’est accru considĂ©rablement ces derniĂšres annĂ©es. Un facteur majeur est la propagation rapide de la dĂ©sinformation et des fausses nouvelles par les mĂ©dias sociaux (comme Facebook), ainsi que la mise en Ă©vidence de cette dĂ©sinformation dans les recherches Google[9]. Cependant, John Cook et ses collĂšgues[33] - [34] - [35] ont montrĂ© que la thĂ©orie de l’inoculation peut contrer le dĂ©ni.

Le dĂ©ni du changement climatique est un problĂšme particulier dans la mesure oĂč sa nature planĂ©taire et sa longue durĂ©e sont particuliĂšrement difficiles Ă  percevoir pour l’individu, car le cerveau humain a Ă©voluĂ© pour faire face aux dangers immĂ©diats et Ă  court terme. Cela implique un processus en deux Ă©tapes. PremiĂšrement, rĂ©pertorier et analyser la cinquantaine de mythes les plus courants sur le changement climatique, en identifiant les erreurs de raisonnement et les erreurs logiques de chacun[36]. DeuxiĂšmement, montrer la faille du contrargument en utilisant la mĂȘme logique, souvent poussĂ©e Ă  l’extrĂȘme ou Ă  l’absurde. L’humour, quand il est appropriĂ©, peut ĂȘtre particuliĂšrement efficace.

Politique

L’inoculation a fait ses preuves lors des Ă©lections amĂ©ricaines en 2000, par Pfau, Park, Holbert, et Cho[4], en augmentant l’intĂ©rĂȘt de certains groupes participants pour la campagne Ă©lectorale, leurs connaissances vis-Ă -vis des candidats ainsi que leur intention d’aller voter, comparativement au groupe contrĂŽle.

Santé

Une grande partie des travaux menĂ©s dans le domaine de la santĂ© tente de crĂ©er des campagnes qui encouragent les gens Ă  arrĂȘter les comportements malsains, par exemple, arrĂȘter de fumer ou prĂ©venir l’alcoolisme. Compton, Jackson et Dimmock[6] ont passĂ© en revue les Ă©tudes oĂč la thĂ©orie de l’inoculation Ă©tait appliquĂ©e aux messages liĂ©s Ă  la santĂ©.

En santĂ©, Olley, Abbas, et Gidron[19] travaillĂšrent sur la promotion du prĂ©servatif par les femmes nigĂ©riennes atteintes du SIDA. Bien qu’ils n’aient pas rĂ©ussi Ă  augmenter l’utilisation rĂ©elle du contraceptif, la procĂ©dure d’inoculation a nĂ©anmoins induit une hausse du sentiment d’efficacitĂ© Ă  se servir d’un prĂ©servatif et une baisse des barriĂšres sociales et cognitives Ă  son emploi telles la motivation, la satisfaction sexuelle, etc.

Ivanov et coll[37]. ont constatĂ© que les messages d’inoculation Ă©quipent efficacement les enfants pour quand ils deviennent adolescents. Ils rĂ©sistent mieux aux pressions pour avoir des rapports sexuels non protĂ©gĂ©s ou pour participer Ă  des beuveries.

En 2019, les chercheurs ont commencĂ© Ă  tester l’inoculation en tant que psychothĂ©rapie pour ceux possĂ©dant une mauvaise attitude ou croyance[38]. Josh Compton a publiĂ© un aperçu[2] sur l’ampleur de son utilisation.

SĂ©curitĂ© des systĂšmes d’information

Treglia et Delia ont appliquĂ© la thĂ©orie de l’inoculation Ă  la sĂ©curitĂ© informatique : les utilisateurs et les personnes travaillant dans ce domaine sont sujettes aux escroqueries Ă©lectroniques ou Ă  de fausses reprĂ©sentions. Tout cela peut amener les gens Ă  s’écarter des procĂ©dures et des principes de sĂ©curitĂ© et rendre vulnĂ©rables l’organisation et ses systĂšmes informatiques Ă  des logiciels malveillants, au vol de donnĂ©es ou Ă  une perturbation des systĂšmes et des services[39].

Lutte contre la désinformation

Une Ă©tude publiĂ©e dans Sciences advances en aoĂ»t 2022 rapporte qu'une Ă©quipe internationale de chercheurs en psychologie des universitĂ©s de Cambridge, Bristol et Perth a rĂ©alisĂ© une expĂ©rience qui consiste Ă  inoculer psychologiquement de fausses nouvelles Ă  faible dose Ă  des internautes. Le but est de stimuler, tel un vaccin, l’immunitĂ© de ceux-ci envers la dĂ©sinformation afin de leur permettre de distinguer une information d'une intox. Selon les chercheurs, cette technique augmente « la capacitĂ© des gens Ă  discerner le contenu digne de confiance de celui qui ne l’est pas, et amĂ©liorent la qualitĂ© de leurs dĂ©cisions de partage »[40].

Sebastian Dieguez, chercheur en psychologie cognitive Ă  l'universitĂ© de Fribourg remet partiellement en cause cette thĂ©orie car selon lui la mĂ©thode est « similaire dans la forme Ă  celle utilisĂ©e pour communiquer dans les milieux complotistes ». Le neuroscientifique qui reconnait la nĂ©cessitĂ© « de sensibiliser les gens Ă  des manƓuvres rhĂ©toriques pour aider Ă  distinguer des sources fiables des autres » prĂ©cise que l'Ă©tude en laboratoire connait aussi des limites par rapport Ă  la vie rĂ©elle car elle crĂ©e « des situations assez artificielles, avec des personnes prĂ©venues, qui doivent jauger des messages assez inoffensifs, ni politiques ni clivants »[40].

Recherches récentes ou courantes

Dans le domaine de la lutte contre la toxicomanie chez les enfants, on propose de faire des recherches sur l’utilisation de l’inoculation pour :

  • Lutter contre la tendance des parents Ă  Ă©viter les conversations sur la toxicomanie avec leurs enfants[41] ;
  • Favoriser les conversations avec les enfants dans les familles[41].

Les recherches plus rĂ©centes ont examinĂ© les effets de l’inoculation sur les sujets eux-mĂȘmes en plus des attitudes qu’ils ont, y compris l’efficacitĂ© des mĂ©thodes utilisĂ©es[6].

Compton et Ivanov[16] proposent un survol des recherches sur l’utilisation de l’inoculation dans les campagnes Ă©lectorales amĂ©ricaines et brossent un portrait nuancĂ© du fonctionnement de l’inoculation dans ces campagnes.

La réactance psychologique

Des Ă©tudes rĂ©centes ont abordĂ© l’inoculation en incorporant la thĂ©orie de la rĂ©actance psychologique[42] - [43] - [44] comme un moyen d’amĂ©liorer les rĂ©sultats de la rĂ©sistance des jeunes adultes en se basant sur les deux Ă©lĂ©ments clĂ©s de la thĂ©orie de l’inoculation : les menaces que posent les contrarguments et leurs rĂ©futations.

Par exemple, Miller[45] et ses collaborateurs ont axĂ© leur Ă©tude sur la rĂ©actance aux messages persuasifs des adolescents et des jeunes adultes. La recherche a dĂ©montrĂ© que les personnes vivant une phase de transition dans leur vie dĂ©fendent avec plus de vigueur leurs libertĂ©s comportementales si elle estime que d’autres tentent de contrĂŽler son comportement[46] - [47]. En gĂ©nĂ©ral, ces personnes s’appuient sur la crĂ©dibilitĂ© de la source pour accepter un message. Mais si le message menace leurs libertĂ©s, ils rejettent le message mĂȘme s’ils jugent la source fiable.

Alors que la plupart des Ă©tudes sur l’inoculation Ă©vitent la rĂ©actance, ou, Ă  tout le moins, minimisent son impact, Miller et ses collaborateurs[45] ont choisi d’incorporer la rĂ©actance dans la conception des messages afin d’augmenter la rĂ©sistance. L’objectif principal de leur Ă©tude est de dĂ©terminer comment amĂ©liorer l’efficacitĂ© du processus d’inoculation en Ă©valuant, et en gĂ©nĂ©rant, une rĂ©actance Ă  une libertĂ© menacĂ©e.

Les rĂ©sultats de leur expĂ©rimentation ont permis de comprendre que l’inoculation couplĂ©e Ă  des messages amĂ©liorĂ©s par la rĂ©actance conduit Ă  des « effets de rĂ©sistance plus forts » (p. 148). ConformĂ©ment Ă  l’analogie mĂ©dicale de la thĂ©orie de l’inoculation, Miller[45] et ses collaborateurs comparent les messages renforcĂ©s par la rĂ©actance Ă  un « rappel de vaccin », augmentant ainsi le succĂšs de l’inoculation.

Critiques de la théorie

L’importance qu’accorde McGuire[13] Ă  l’exposition sĂ©lective parait surestimĂ©e Ă  la lumiĂšre des rĂ©sultats de Zuwerink Jacks & Cameron[48]. En effet, les stratĂ©gies rapportĂ©es les plus utilisĂ©es pour rehausser la rĂ©sistance des sujets sont : le renforcement de l’attitude, la confiance dans les arguments et la comprĂ©hension de l’argumentation de rĂ©futation. En revanche, l’exposition sĂ©lective (utilisation d’aspects nĂ©gatifs et dĂ©crĂ©dibilisation de la source ou du messager) est moins utilisĂ©e, car moins bien perçue socialement et considĂ©rĂ©e comme « impolie »[48].

RĂ©plication des Ă©tudes

Certaines Ă©tudes comparatives, comme celles de Romain VeillĂ©[1] ne mesurent pas de valeur ajoutĂ©e « [dans notre Ă©tude]. On ne peut donc pas affirmer ici qu’une stratĂ©gie d’inoculation est plus efficace qu’une stratĂ©gie de soutien en matiĂšre de rĂ©sistance Ă  la persuasion
 il nous semble Ă©trange qu’il n’y ait pas eu rĂ©plication de la supĂ©rioritĂ© de l’inoculation face au soutien »[49].

Articles connexes

Références

  1. Romain VeillĂ©, « RĂ©sistance et clairvoyance argumentative : le rĂŽle de la validitĂ© des arguments au sein de l’inoculation psychologique » [archive du ] [PDF], sur https://cortecs.org/, 2014-2015 (consultĂ© le ).
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  4. MICHAEL PFAU, DAVID PARK, R. LANCE HOLBERT et JAEHO CHO, « The Effects of Party- and PAC-Sponsored Issue Advertising and the Potential of Inoculation to Combat its Impact on the Democratic Process », American Behavioral Scientist, vol. 44, no 12,‎ , p. 2379–2397 (ISSN 0002-7642 et 1552-3381, DOI 10.1177/00027640121958384, lire en ligne, consultĂ© le ).
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  6. Josh Compton, Ben Jackson et James A. Dimmock, « Persuading Others to Avoid Persuasion: Inoculation Theory and Resistant Health Attitudes », Frontiers in Psychology, vol. 7,‎ (ISSN 1664-1078, PMID 26903925, PMCID PMC4746429, DOI 10.3389/fpsyg.2016.00122, lire en ligne, consultĂ© le ).
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