Homosexualité dans l'anglicanisme
Au sein des Ă©glises anglicanes, l'acceptation de l'homosexualitĂ© fait dĂ©bat. Dans certaines Ă©glises de la Communion anglicane, des Ă©vĂȘques ouvertement homosexuels ont Ă©tĂ© nommĂ©s ou Ă©lus, ce qui a provoquĂ© des conflits et des menaces de rupture, voire d'Ă©clatement de la communion.
Situation dans les différentes églises de la communion
Deux Ă©glises, celles du Canada et des Ătats-Unis, se dĂ©marquent du reste de la Communion par une sĂ©rie d'innovations qui testent les limites du modĂšle anglican de pleine communion entre Ă©glises autonomes, mais liĂ©es par des organes de concertation et de collaboration. Ă l'autre bout du spectre, les Ă©glises du Global South tiennent des positions conservatrices sans compromis et s'organisent de plus en plus sous forme d'un rĂ©seau mondial pour dĂ©fendre leurs vues.
Ăglise anglicane du Canada
En , au terme d'un long processus, le diocĂšse de New Westminster est le premier qui dĂ©cide d'autoriser certaines paroisses Ă mettre en place un rituel de bĂ©nĂ©diction pour les couples de mĂȘme sexe. Cette dĂ©cision aura un fort impact mĂ©diatique et provoquera la sĂ©cession d'autres paroisses du diocĂšse[1], ce qui marque le dĂ©but du mouvement du rĂ©alignement anglican : dans la dĂ©cennie suivante, plusieurs communautĂ©s vont chercher Ă changer d'obĂ©dience au sein de la communion anglicane car ils rejettent ces changements doctrinaux.
La premiĂšre mise en Ćuvre de cette nouvelle disposition a lieu en , et l'Ă©vĂȘque Michael Ingham indique qu'il « ne s'agit pas d'une cĂ©rĂ©monie de mariage mais de la bĂ©nĂ©diction d'un engagement fidĂšle entre personnes de mĂȘme sexe »[2]. En 2009, sur les 76 paroisses de ce diocĂšse, huit ont effectivement mis en place un tel rituel de bĂ©nĂ©diction.
Entre-temps, le Canada a procĂ©dĂ© Ă la lĂ©galisation du mariage homosexuel, processus achevĂ© lors de l'adoption d'une loi fĂ©dĂ©rale en 2005. Les Ă©vĂȘques anglicans dĂ©crĂštent en un moratoire de deux ans sur les bĂ©nĂ©dictions des unions de personnes du mĂȘme sexe[3]. Mais au terme des deux ans, le synode gĂ©nĂ©ral aborde la question Ă nouveau : une motion affirme que ce rite de bĂ©nĂ©diction « n'entre pas en conflit » avec la doctrine de l'Ă©glise. Cependant, une autre motion visant Ă reconnaĂźtre aux diocĂšses le droit de mettre en place un tel rite est mise en Ă©chec.
Depuis, trois autres synodes diocĂ©sains ont votĂ© des rĂ©solutions similaires Ă celle du diocĂšse de New Westminster. Pour les diocĂšses de MontrĂ©al et Ottawa, les Ă©vĂȘques concernĂ©s ont souhaitĂ© mener des consultations prĂ©alables au plan national avant de donner leur accord. Au contraire, l'Ă©vĂȘque de Niagara a mis en place de telles bĂ©nĂ©dictions[4].
Ăglise Ă©piscopale des Ătats-Unis
Peu aprĂšs l'apparition des premiĂšres bĂ©nĂ©dictions de couples homosexuels au Canada, l'Ăglise Ă©piscopale des Ătats-Unis (ECUSA) va poser Ă son tour un problĂšme nouveau Ă la Communion anglicane. Le , un prĂȘtre vivant ouvertement en couple homosexuel, Gene Robinson, est Ă©lu pour occuper le siĂšge d'Ă©vĂȘque du New Hampshire. AprĂšs des dĂ©bats houleux, l'Ă©lection est confirmĂ©e en aoĂ»t au niveau de la convention gĂ©nĂ©rale de l'Ăglise Ă©piscopale[5].
Le Conseil anglican amĂ©ricain, groupe de pression aux vues conservatrices, condamne cette Ă©lection comme « une hĂ©rĂ©sie, un blasphĂšme et un pĂ©chĂ© » et indique dans un communiquĂ© « Aujourdâhui est un jour affreux dans lâhistoire de notre Ă©glise. LâhĂ©rĂ©sie a Ă©tĂ© portĂ©e au niveau du sacrĂ© »[6]. Vingt-quatre Ă©vĂȘques et dignitaires de quelque 500 diocĂšses amĂ©ricains se retrouvent Ă Dallas, , le , pour dĂ©fendre « le maintien de lâorthodoxie biblique »[6].
Dans la pĂ©riode qui sĂ©pare la nomination du nouvel Ă©vĂȘque de sa consĂ©cration, les discussions s'Ă©tendent Ă l'ensemble de la Communion anglicane. L'archevĂȘque de CantorbĂ©ry Rowan Williams convoque une rĂ©union extraordinaire des primats de la Communion, dont l'Ă©vĂȘque prĂ©sident de l'ECUSA, Frank Griswold. Dans une dĂ©claration commune, ils disent "regretter profondĂ©ment" ces dĂ©veloppements, et proclament que « nul n'a autoritĂ© pour introduire unilatĂ©ralement un nouvel enseignement comme si c'Ă©tait celui de la Communion tout entiĂšre »[7]. MalgrĂ© cela, Gene Robinson sera effectivement consacrĂ© trois semaines plus tard par l'Ă©vĂȘque prĂ©sident Griswold, plaçant de façon durable la Communion au bord du schisme[8].
Lors de la mĂȘme convention gĂ©nĂ©rale, une autre mesure controversĂ©e est prise : la tolĂ©rance de la mise en place, au niveau local, de liturgies pour cĂ©lĂ©brer et bĂ©nir les unions entre personnes de mĂȘme sexe[9].
Pour tenter de prĂ©server l'unitĂ©, lors de la convention suivante (2006), l'Ăglise Ă©piscopale accepte de mettre en place un moratoire de trois ans sur la nomination des homosexuels Ă l'Ă©piscopat. Ă son expiration lors de la convention de 2009, toutefois, ce moratoire n'est pas renouvelĂ©. Le principe de l'ordination des homosexuels est adoptĂ©, ainsi que celui de la bĂ©nĂ©diction des couples de mĂȘme sexe. L'Ă©ventualitĂ© d'une rupture de la Communion anglicane est clairement envisagĂ©e. Dans un mouvement de changement d'obĂ©diences appelĂ© rĂ©alignement, des groupes dissidents s'organisent pour quitter l'ECUSA et fonder une Ă©glise concurrente, l'ACNA[10] - [11]. Celle-ci cherche actuellement Ă ĂȘtre reconnue par la Communion, voire Ă y supplanter l'ECUSA et l'Ăglise anglicane du Canada.
Les relations entre les Ă©glises anglicanes se tendent plus encore avec la consĂ©cration d'une femme vivant elle aussi en couple homosexuel, Mary Glasspool, en . L'archevĂȘque de CantorbĂ©ry Rowan Williams, avait vainement appelĂ© l'Ăglise Ă©piscopale Ă Ă©viter tout geste de division, mais le nouvel Ă©vĂȘque prĂ©sident, Katharine Jefferts Schori, passe outre, ayant dĂ©clarĂ© auparavant qu'elle consacrera Ă©vĂȘque toute personne dont l'Ă©lection a suivi les rĂšgles[8] - [11]. Un de ses confrĂšres dans l'Ă©piscopat, Jon Bruno, dresse un parallĂšle entre l'Ă©lection de Mary Glasspool et les combats pour les droits civiques, citant Martin Luther King : « Maintenant, il est temps que la justice devienne une rĂ©alitĂ© pour tous les enfants de Dieu »[12].
L'Ă©glise Ă©piscopale crĂ©Ă©e un nouveau prĂ©cĂ©dent quand l'Ă©vĂȘque du Massachusetts, Tom Shaw, procĂšde au mariage de deux femmes membres du clergĂ© de cette Ă©glise, lors du jour de l'an 2011. L'Ătat du Massachusetts ayant lĂ©galisĂ© les unions homosexuelles en 2004, l'Ă©vĂȘque avait annoncĂ© en qu'il accepterait de « solenniser toutes les unions » dans son diocĂšse. Cette action controversĂ©e se produit alors que les canons et les formulaires de l'ECUSA affirment encore que « le mariage est entre un homme et une femme », mĂȘme s'il est demandĂ© d'« offrir une rĂ©ponse pastorale gĂ©nĂ©reuse aux besoins des membres de l'Ă©glise » dans les Ă©tats oĂč la juridiction permet les unions homosexuelles[13].
Le , lors de sa convention gĂ©nĂ©rale, l'Ăglise Ă©piscopale adopte un rite commun de bĂ©nĂ©diction pour les couples de mĂȘme sexe. La mesure est soumise Ă l'autorisation de l'Ă©vĂȘque du lieu et les prĂȘtres peuvent demander Ă ĂȘtre exemptĂ©s de conduire ce type de cĂ©rĂ©monies[14].
Ăglise d'Angleterre
MĂȘme s'il n'exerce qu'une prĂ©Ă©minence d'honneur, la prĂ©sence de l'archevĂȘque de CantorbĂ©ry, chef spirituel de la Communion anglicane, explique l'attention particuliĂšre manifestĂ©e Ă l'Ă©gard de la situation dans l'Ăglise d'Angleterre par le reste de la communion. Depuis 2003, date de l'Ă©lection de Rowan Williams, rĂ©putĂ© favorable Ă une meilleure intĂ©gration des fidĂšles homosexuels, s'est manifestĂ© une certaine polarisation entre groupes d'opinions divergentes[15], mĂȘme si on n'observe aucune initiative comparable Ă celles observĂ©es aux Ătats-Unis ou au Canada.
Une crise est ainsi Ă©vitĂ©e de justesse dĂšs le printemps 2003, avec l'annonce, puis le retrait de la nomination de Jeffrey John comme Ă©vĂȘque de Reading, avec le soutien de l'Ă©vĂȘque d'Oxford Richard Harries. Jeffrey John, homosexuel affichĂ© et militant pour cette cause, vivait en effet depuis 1976 une relation avec un autre membre du clergĂ©, mĂȘme s'il affirmait que cette relation Ă©tait platonique. Face Ă une importante vague de protestations[15] issues de son Ă©glise et du reste de la communion, l'archevĂȘque de CantorbĂ©ry se voit alors contraint d'imposer Ă Jeffrey John son retrait. L'affaire illustre l'importance prise par l'aile Ă©vangĂ©lique au sein de l'Ăglise d'Angleterre, lui permettant un lobbying efficace, y compris en termes financiers[16]. D'autres groupes militent cependant avec insistance pour un changement dans la doctrine concernant l'homosexualitĂ©, comme Affirming Catholicism.
Ă partir de 2004, l'introduction des civil partnerships (en) (forme d'union rĂ©servĂ©e aux homosexuels) dans la loi civile relance le dĂ©bat sur les bĂ©nĂ©dictions des couples de mĂȘme sexe. Les Ă©vĂȘques publient une instruction interdisant la bĂ©nĂ©diction de ce type d'unions. Ils interdisent Ă©galement aux membres du clergĂ© de contracter un civil partnership Ă moins de s'engager Ă rester abstinents. Cela n'empĂȘche pas l'Ă©vĂȘque Ă©mĂ©rite de Durham, David Jenkins, de bĂ©nir lui-mĂȘme en l'union d'un prĂȘtre du diocĂšse avec un autre homme[17].
L'Ăglise d'Angleterre est la seule de la Communion anglicane Ă jouir du statut de religion d'Ă©tat, ce qui donne d'autant plus d'impact aux interventions du pouvoir lĂ©gislatif. C'est ainsi qu'en , un projet d'autorisation de cĂ©lĂ©brations religieuses pour les civil partnerships suscite les protestations de plusieurs personnalitĂ©s du clergĂ©, et notamment de l'archevĂȘque d'York John Sentamu. Cette autorisation pourrait en effet ouvrir la porte Ă des procĂ©dures judiciaires contre les religieux qui refusent de les cĂ©lĂ©brer[18]. L'archevĂȘque de CantorbĂ©ry essaie d'obtenir une clause explicite d'exemption pour les confessions qui refusent ce type de cĂ©rĂ©monie[19].
La chambre des Ă©vĂȘques annonce en un examen gĂ©nĂ©ral de la question de la sexualitĂ© humaine pour 2013. Elle indique Ă©galement qu'elle va se saisir Ă nouveau de la question de l'ordination de personnes engagĂ©es dans des civil partnerships (unions de personnes de mĂȘme sexe), cette fois pour leur permettre d'accĂ©der Ă l'Ă©piscopat[20]. AprĂšs un moratoire qui Ă©carte ces candidats de l'ordination Ă©piscopale jusqu'en , la mesure d'interdiction est levĂ©e. Mais il est demandĂ© aux impĂ©trants, comme pour les prĂȘtres, de s'engager Ă rester abstinents. La mesure se heurte Ă de fortes critiques de la part des Ă©vangĂ©liques, notamment le groupe Reform, qui souligne que la question n'a jamais Ă©tĂ© soumise au synode gĂ©nĂ©ral, et qu'elle est impossible Ă mettre vĂ©ritablement en Ćuvre. Le groupe LGBT anglican Changing Attitude estime Ă©galement, pour des raisons opposĂ©es, la mesure hypocrite, prĂ©disant qu'elle fera l'objet de railleries de la majoritĂ© des Anglais[21] - [22].
En fĂ©vrier 2023, aprĂšs six annĂ©es de dĂ©bats et sans reconnaĂźtre le mariage homosexuel, l'Ăglise anglicane autorise la bĂ©nĂ©diction de couples de mĂȘme sexe[23].
Ăglises anglicanes africaines
Certaines Ăglises africaines sont opposĂ©es Ă l'Ă©volution des doctrines sur l'homosexualitĂ© de façon unanime, comme certaines cultures d'Afrique noire qui identifient souvent l'homosexualitĂ© Ă une « pratique des blancs ».
En 2003, l'Ă©vĂȘque Peter Akinola, primat de l'importante communautĂ© anglicane du NigĂ©ria (18 millions de fidĂšles), fustige ainsi violemment l'Ă©lection de Gene Robinson. Sâexprimant au nom des « primats du Sud » (50 millions des 70 millions dâanglicans), Peter Akinola affirme que cette consĂ©cration « violait les prĂ©ceptes clairs et cohĂ©rents» de la Bible ». LâĂ©glise anglicane du Kenya annonce sa dĂ©cision de couper les ponts avec lâĂ©glise Ă©piscopalienne. « En tant quâĂ©glise, nous nâallons pas soutenir lâhomosexualitĂ© dans lâĂ©glise », lance lâĂ©vĂȘque kĂ©nyan Thomas Kogo[3].
L'Afrique du Sud se distingue des autres Ă©glises du continent. Ainsi l'archevĂȘque primat Desmond Mpilo Tutu, dĂ©clare en 1998 « Puisque nous considĂ©rons que l'amour concerne tout l'ĂȘtre et pas seulement la dimension sexuelle, et qu'il ouvre au don de soi et Ă la compassion, quelles raisons aurions nous de croire que cette qualitĂ© doit ĂȘtre rĂ©servĂ©e aux couples hĂ©tĂ©rosexuels ? »[24]. Il est encore plus direct en novembre 2007, n'hĂ©sitant pas Ă lancer « If God, as they say, is homophobic, I wouldn't worship that God »[25], qu'on peut traduire par « Si Dieu Ă©tait homophobe je ne croirais pas en ce Dieu ».
Ăglise d'Irlande
AprĂšs ĂȘtre restĂ©e longtemps Ă l'abri des controverses, l'Ăglise d'Irlande connaĂźt Ă son tour en des tensions sur la question de l'homosexualitĂ©. Le public apprend en effet que le doyen de la CathĂ©drale de Leighlin a conclu un civil partnership avec son compagnon de plus de vingt ans, avec l'accord de son Ă©vĂȘque. De nombreuses protestations s'ensuivent, notamment Ă l'initiative de plusieurs groupes Ă©vangĂ©liques[26] - [27]. Pour apaiser le dĂ©bat, un synode gĂ©nĂ©ral est consacrĂ© au thĂšme de la sexualitĂ© et de la conjugalitĂ© en mai de l'annĂ©e suivante. La motion finale rĂ©affirme que « le mariage fait partie de la crĂ©ation divine, et est un mystĂšre sacrĂ© par lequel un homme et une femme deviennent une seule chair ». Elle prĂ©cise Ă©galement que le mariage vĂ©cu dans la fidĂ©litĂ© est le seul contexte de relations sexuelles normatives. Le clergĂ© est appelĂ© Ă montrer l'exemple, et tous les fidĂšles Ă l'amour du prochain, notamment en Ă©vitant toute action, ou tout langage blessants. Les opposants Ă la motion, notamment le groupe Changing Attitude Ireland critiquent la motion et disent craindre le lancement d'une chasse aux sorciĂšres contre le clergĂ© homosexuel[28] - [29].
Ăglise au pays de Galles
Dans l'Ăglise au pays de Galles, aucune rĂšgle n'a Ă©tĂ© Ă©dictĂ©e concernant les membres du clergĂ© qui auraient conclu un civil partnership, la dĂ©cision Ă©tant laissĂ©e Ă l'Ă©vĂȘque du lieu. En revanche l'Ăglise a dĂ©cidĂ© de respecter le moratoire demandĂ© Ă l'ensemble de la Communion anglicane sur la nomination d'Ă©vĂȘques homosexuels[30].
Cependant, la plus haute autoritĂ© religieuse, l'archevĂȘque primat Barry Morgan, s'est dĂ©clarĂ© en 2008 prĂȘt Ă ordonner un Ă©vĂȘque ouvertement homosexuel[31]. En , alors que les plus hauts dignitaires catholiques et anglicans britanniques se dĂ©clarent opposĂ©s Ă l'introduction du mariage homosexuel, l'archevĂȘque Morgan se distingue en dĂ©clarant que « toutes formes d'engagements fidĂšles et pour la vie mĂ©ritent l'accueil, le soutien, et le soin pastoral de l'Ăglise »[32].
Situation au niveau de la communion anglicane
Les organes de la Communion anglicane n'ont pas de rĂŽle de gouvernement, ils jouent un rĂŽle de concertation entre les diffĂ©rentes Ă©glises-sĆurs. Les rĂ©solutions adoptĂ©es ne sont donc pas contraignantes, mĂȘme si elles ont un impact symbolique fort et tentent de jouer un rĂŽle d'harmonisation doctrinale assurant le maintien de la pleine communion sacramentelle. En l'occurrence, sur la question de l'homosexualitĂ©, les instances communautaires n'ont pas un rĂŽle de pilotage, mais elles cherchent Ă amortir les diffĂ©rences de position et Ă maintenir le dialogue entre les membres. Elles sont rudement mises Ă l'Ă©preuve, au point que de nombreuses voix soulignent les menaces d'implosion de la Communion[33].
Conférences de Lambeth successives
La confĂ©rence de Lambeth est un rassemblement dĂ©cennal des Ă©vĂȘques de la Communion anglicane. Lors de la session de 1978, la question homosexuelle est Ă©voquĂ©e comme un sujet Ă approfondir : « Tout en rĂ©affirmant que lâhĂ©tĂ©rosexualitĂ© est la norme biblique, nous reconnaissons le besoin dâune Ă©tude approfondie et dĂ©passionnĂ©e de la question de lâhomosexualitĂ©, prenant fermement appui Ă la fois sur la Bible et les donnĂ©es de la recherche scientifique et mĂ©dicale. LâĂglise, reconnaissant le besoin dâune attention pastorale envers ceux qui sont homosexuels, encourage le dialogue avec eux ». Les Ă©glises engagĂ©es dans un tel dialogue sont encouragĂ©es Ă le poursuivre[34].
Lors de la confĂ©rence de 1998, est passĂ©e une rĂ©solution plus dĂ©taillĂ©e sur la sexualitĂ© humaine. Elle promeut la fidĂ©litĂ© dans le mariage, l'abstinence pour ceux qui n'y sont pas appelĂ©s. Elle stipule que « les pratiques homosexuelles sont incompatibles avec l'Ăcriture », tout en condamnant « la peur irrationnelle des homosexuels ». Elle affirme enfin « ne pas pouvoir conseiller de lĂ©gitimer ou bĂ©nir les unions de couples de mĂȘme sexe, ni l'ordination de clercs engagĂ©s dans de telles unions »[35]. Les Ă©vĂȘques anglicans adoptent cette motion par 526 voix contre 70 et 46 abstentions[36]. Mais les commentateurs relĂšvent que le dĂ©bat autour de ces rĂ©solutions a laissĂ© apparaĂźtre une ligne de fracture au sein de la Communion sur l'autoritĂ© et l'interprĂ©tation de l'Ăcriture, avec une sphĂšre occidentale influencĂ©e par l'exĂ©gĂšse critique et des Ă©glises du Tiers-Monde soupçonnĂ©es de nĂ©o-fondamentalisme[37].
Avec la nomination de l'Ă©vĂȘque Gene Robinson en 2003, les dissensions Ă©clatent au grand jour et un mouvement de semi-dissidence s'affirme. Les Anglicans conservateurs, notamment les Ă©vĂȘques d'Afrique, d'OcĂ©anie et d'AmĂ©rique du Sud, dĂ©noncent l'affaissement moral des Ă©glises occidentales. La confĂ©rence de Lambeth de 2008 est boycottĂ©e par environ 150 Ă©vĂȘques sur 800, et l'idĂ©e de rĂ©solutions communes est abandonnĂ©e au profit de groupes de rĂ©flexion, baptisĂ©s indaba, suivant un modĂšle africain de rĂ©solution des disputes tribales[38]. Sur la question de l'homosexualitĂ©, les diffĂ©rentes parties sont appelĂ©es Ă la retenue, des demandes de pardon sont formulĂ©es, mais le groupe ne peut que prendre acte des conflits :
« §. 111. Si le sujet des relations homosexuelles est si sensible, c'est parce quâil entre en conflit avec la longue tradition de lâenseignement de la morale chrĂ©tienne. Pour certains, la doctrine nouvelle est inacceptable car incompatible avec l'Ăcriture, et lâactivitĂ© homosexuelle est intrinsĂšquement coupable. Des tensions sont apparues quand ceux qui sâen tiennent Ă lâenseignement traditionnel ont Ă©tĂ© confrontĂ©s avec des changements dans la vie de lâĂglise ou dans son enseignement et nâont pas Ă©tĂ© capables de comprendre comment les gens peuvent avoir une nouvelle approche de la Bible ou de la thĂ©ologie pastorale. »
L'Ă©lection de Gene Robinson, non invitĂ© Ă la confĂ©rence, reste le sujet brĂ»lant[38]. Le groupe exprime clairement ses rĂ©serves quant Ă lâĂ©lection dâun Ă©vĂȘque « vivant une union avec une personne du mĂȘme genre », qui « a eu pour effet de perturber profondĂ©ment la Communion en maints endroits et l'a dĂ©tournĂ©e des autres objectifs de sa mission. Il y a aussi l'anxiĂ©tĂ© que cet acte ne soit pas isolĂ© mais se reproduise Ă nouveau et compromette la mission [de la Communion] »[39]. Plusieurs Ă©vĂȘques anglais dĂ©noncent l'inutilitĂ© d'une confĂ©rence qui ne peut que tenter de gagner du temps, aggravĂ©e par l'absence de nombreux Ă©vĂȘques aux idĂ©es traditionnelles[40],.
Un contre-synode tenu Ă JĂ©rusalem, la confĂ©rence GAFCON, rĂ©unit 300 Ă©vĂȘques. Le mouvement s'installe dans la durĂ©e avec la formation de la FraternitĂ© des Anglicans confessants (Fellowship of Confessing Anglicans) qui se dote de son propre conseil de Primats[33] - [41]. De la mĂȘme façon, lors de la confĂ©rence des primats de Dublin en 2011, plus du tiers des provinces de la Communion n'envoient pas de reprĂ©sentant[42].
Références
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- (en) Same-sex couple exchange vows in Anglican church
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- (en) Voir les deux articles de Jonathan Petre dans The Telegraph du 22 décembre 2005 : Church blessing for homosexual vicar, Gay pride or unholy alliance?
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- SĂ©bastien Martin, LâĂglise dâAngleterre rejette la cĂ©lĂ©bration des mariages homosexuels, La Croix
- (en) Ed Thornton, House of Bishops will review same-sex relations, Church Times, 1er juillet 2011
- (en) CofE drops opposition to gay bishops in civil partnerships, BBC News, 4 janvier 2013
- (en) Mixed response to CofE decision to allow gay bishops, BBC News, 5 janvier 2013
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- BBC NEWS | World | Africa | Tutu chides Church for gay stance
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- Rétrospective: le monde des religions dans les turbulences de l'année 2008 sur le Religioscope.
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- (en) Le texte de la résolution et des motions qui ont été repoussées sur le site de la conférence
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