Henri II de Bourbon-Condé
Henri II de Bourbon, prince de Condé, né le à Saint-Jean-d'Angély et mort en 1646 à Paris, premier prince du sang, pair de France, héritier présomptif de 1596 à 1601, joue un rôle important durant la minorité de Louis XIII, au cours de laquelle il s'oppose au gouvernement de la régente Marie de Médicis.
Titres
Héritier présomptif du trône de France
–
(5 ans, 2 mois et 3 jours)
Prédécesseur | Charles de Bourbon |
---|---|
Successeur | Louis de France |
–
(58 ans, 3 mois et 25 jours)
Prédécesseur | Henri Ier de Bourbon-Condé |
---|---|
Successeur | Louis II de Bourbon-Condé |
Commandement |
Vice-roi de Nouvelle-France Gouverneur du Berry |
---|---|
Conflits | Guerres de religion |
Titulature |
Premier prince du sang Prince de Condé Pair de France Duc de Montmorency Duc d'Albret Duc d'Enghien Duc de Bellegarde Comte de Sancerre |
---|---|
Dynastie | Maison de Condé |
Distinctions | Chevalier du Saint-Esprit |
Autres fonctions |
Grand maître de France (1643-1646) Grand veneur de France Grand louvetier de France |
Naissance |
Saint-Jean-d'Angély |
Décès |
Paris |
Père | Henri Ier de Bourbon-Condé |
Mère | Charlotte de La Trémoille |
Conjoint | Charlotte de Montmorency |
Enfants |
Anne-Geneviève Louis II de Condé Armand de Bourbon-Conti |
Duc de Montmorency, d'Albret, d'Enghien et de Bellegarde, comte de Sancerre (1640-1646), il exerce les fonctions de grand veneur de France et de grand louvetier de France, de gouverneur de Bourgogne et de gouverneur du Berry (1612-1615).
Il est le père de Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé, vainqueur de Rocroi (1643).
Biographie
Circonstances d'une naissance en prison
Fils posthume du prince Henri Ier de Bourbon, prince de Condé, Henri II naît en prison à Saint-Jean-d'Angély, sa mère Charlotte de La Trémoille ayant été accusée d'avoir fait empoisonner son mari, mort de façon inattendue.
Cette supposition vient aussi bien des médecins que de ses proches, dont son cousin Henri de Navarre (futur Henri IV de France)[1], qui soupçonnent Charlotte d'avoir fait empoisonner son mari après l'avoir trompé. La mise à la question d'un serviteur de Condé a fourni des nombreuses charges contre son épouse, concernant notamment ses amabilités envers un page[2] (par ailleurs, le roi de Navarre, bien que protestant, est suspecté par les calvinistes rigoureux d'avoir fait tuer son rival[3]).
Arrêtée, Charlotte est jugée par le parlement de Paris, mais les poursuites sont interrompues à la nouvelle de sa grossesse[4] et elle est simplement emprisonnée à Saint-Jean-d'Angély sous la garde de Jean de Saint-Memme[Note 1] - [5].
Premières années (1588-1601)
Lorsque Henri de Navarre monte sur le trône de France quelques mois plus tard, devenant Henri IV, le statut d'Henri de Bourbon n'est pas politiquement défini. Juridiquement, en tant que fils aîné d'Henri Ier, il est le premier prince du sang et l'héritier présomptif de la couronne ; mais sa légitimité n'est pas reconnue par ses oncles, compte tenu des rumeurs d'adultère autour de sa mère.
Il est placé en nourrice à Mazeray, à environ 3 km au sud-est de Saint-Jean-d'Angély, et son sort va rester précaire pendant quelques années.
En 1595, le roi le prend officiellement sous sa tutelle. Le pape exigeant que Condé soit élevé dans la religion catholique, Henri IV accepte sa conversion, obtenant l'enregistrement par le Parlement d'un édit donnant aux réformés l'accès aux charges publiques[6].
Il lui donne pour précepteur (avec le titre de « gouverneur ») Jean de Vivonne, marquis de Pisany[7] ; le parti protestant accepte alors de laisser partir le prince pour la Cour[8]. Le petit prince est emmené au château de Saint-Germain-en-Laye.
À la suite de la présentation d'un placet signé par plusieurs Grands du royaume (Diane de France, Henri de Montmorency, Charles d'Angoulême, Henri de la Tour d'Auvergne, etc.), Henri IV se résigne en juillet 1596 à libérer la princesse, le procès reprenant devant le Parlement de Paris[9]. L'acquittement est prononcé le . Un peu plus tard, elle abjure la religion réformée[10].
Henri IV reconnaît alors le fils de Charlotte-Catherine comme fils légitime d'Henri Ier de Bourbon, lui donnant ainsi le statut de premier prince du sang. Henri II est alors l'héritier présomptif du trône de France
Bien qu'héritier du trône, il grandit dans l'indifférence à Saint-Germain-en-Laye. Henri IV a peu d'estime pour ses cousins Condé et peu d'affection pour le jeune Henri[11].
En 1601, la naissance de Louis, fils aîné d'Henri IV et de Marie de Médicis (futur Louis XIII) met fin à son statut d'héritier présomptif (Henri IV aura un second fils, Gaston, en 1608).
Premier exil (1609-1610)
En 1609, quelques mois avant d’être assassiné, Henri IV, âgé de 56 ans, tombe amoureux de Charlotte de Montmorency, qui n’a que 15 ans, mais est fiancée au marquis de Bassompierre. Espérant que le prince de Condé, réputé homosexuel, sera un mari complaisant, le roi contraint le prince à épouser Charlotte.
Henri IV poursuit Charlotte avec tant d'assiduité que, le , Henri de Condé s'enfuit avec elle à Bruxelles, capitale des Pays-Bas espagnols, à un moment où les tensions s'exacerbent entre la France et l'Espagne, à la suite de l'affaire des duchés de Clèves et de Juliers et au rapprochement de la France et de la Savoie[12].
Craignant une invasion française, le gouvernement des Pays-Bas espagnols n'autorise le séjour que de Charlotte. Henri de Condé part alors pour Cologne.
La situation internationale dégénère à tel point qu'Henri IV prépare une expédition militaire qui doit traverser les Pays-Bas espagnols pour intervenir dans les conflits de succession des principautés de Clèves et de Juliers. Ce projet est parfois interprété comme une action visant à « libérer » Charlotte, au risque d'un conflit avec l'Espagne, ce que certains historiens comparent à la guerre de Troie[13].
Selon certains historiens, Charlotte aurait incité Albert d'Autriche, gouverneur des Pays-Bas, à organiser un complot pour assassiner Henri IV[14].
La période de la Régence (1610-1619)
Henri II de Bourbon-Condé rentre en France après l'assassinat du roi par Ravaillac en 1610, alors que la régence est exercée par Marie de Médicis.
En 1611, elle le nomme vice-roi de la Nouvelle-France. En 1612, il reçoit de Louis XIII l'hôtel de Gondy, dans l'actuel 6e arrondissement de Paris, rebaptisé hôtel de Condé, qui occupe alors un large triangle terminé par l'actuel Théâtre de l'Odéon.
Comme d'autres aristocrates de haut rang, Henri de Condé jalouse le pouvoir de la régente et tolère mal l'influence de ses favoris, notamment l'Italien Concino Concini, au détriment de celle des princes du sang.
En 1613, lorsque les largesses de la couronne se tarissent par manque d'argent, il franchit le pas et lance un manifeste contre le gouvernement. Se posant en protecteur des protestants, il s'oppose au projet d'alliance matrimoniale avec l'Espagne, par le mariage du jeune Louis XIII avec l'infante Anne d'Autriche. Les premières prises d'armes des grands se concluent par le traité conclu à Sainte-Menehould le , aux termes duquel de nouvelles pensions sont accordées par la couronne, l'alliance matrimoniale avec l'Espagne est suspendue et la convocation des États généraux est prévue.
Afin de le contrer, la régente limoge les ministres trop faibles et appelle le cardinal de Richelieu, tout en gardant Concini auprès d'elle. Ayant reçu de la régente le gouvernement du Berry, Henri se réfugie sur ses terres. Il veut se faire oublier pendant que les méfaits du gouvernement Concini le détruisent de l'intérieur. Mais la régente le rappelle à la cour en lui promettant de nombreux avantages. En 1614, il fait reconstruire l'église de Vallery, près de Sens, où la plupart des membres de la famille seront inhumés sous le maître-autel.
Les États généraux ( - ) ne donnent aucune satisfaction à la noblesse et laissent le champ libre à Marie de Médicis. Les « mariages espagnols » sont célébrés en 1615 : Louis XIII épouse l'infante Anne d'Autriche, tandis que le futur Philippe IV d'Espagne épouse la sœur du roi, la princesse Élisabeth de Bourbon.
La colère des grands se ranime. Condé obtient un nouveau traité (paix de Loudun, ) avec la régente qui accepte son entrée dans le conseil de régence. Chef du conseil, Condé s'oppose à la politique, et encore plus à la personne de Concini, et se heurte aux autres membres du conseil.
Vers cette Ă©poque, il contracte la syphilis.
Richelieu, alors en pleine ascension au service de Concini et de la reine-mère, se méfie de lui et le fait arrêter en plein conseil le . Condé reste emprisonné de 1616 à 1619 à la Bastille puis au donjon de Vincennes, où il demande à être rejoint par son épouse Charlotte. Celle-ci accouche de deux enfants mort-nés, puis d'une fille vivante le , Anne Geneviève de Bourbon-Condé, future duchesse de Longueville, une des chefs de la Fronde. Deux mois plus tard, les Condé sont remis en liberté par le roi grâce à l'intervention du duc de Luynes.
Le règne de Louis XIII
Une fois libéré, Condé se conduit en fidèle serviteur du roi, participant aux nombreuses campagnes de celui-ci.
En 1622, il participe à la guerre contre les huguenots dans le sud du royaume, prend Nègrepelisse, met le siège devant Montpellier, mais le lève au bout de six semaines, une épidémie s’étant déclarée dans son camp. Le , il quitte le Languedoc pour accomplir un vœu à Notre-Dame de Lorette.
De son séjour en Italie (-), il reste un récit dont on ne sait pas s'il est l'auteur, le Voyage de Monsieur le prince de Condé en Italie depuis son partement du camp de Montpellier jusques à son retour en sa maison de Mouron (= Montrond), ensemble les remarques des choses les plus notables qu'il a veues en son dit voyage[15].
Le prince de Condé obtient à la fin de 1627 un commandement contre les protestants du Languedoc.
En 1631, le roi lui confie le gouvernement de Bourgogne, qu'il conservera jusqu'Ă sa mort.
Après l'entrée en guerre de la France contre l'Espagne en 1635, il est placé en 1638 à la tête d'une des armées qui combattent dans les Pyrénées. Il échoue au siège de Fontarabie, mais prend Salses (1639) et Elne (1641) dans le Roussillon.
Le château de Chantilly
En 1643, alors que leur fils « le Grand Condé » vient de remporter la bataille de Rocroi, son épouse Charlotte de Montmorency reçoit d'Anne d'Autriche le château de Chantilly, ancienne propriété de la maison de Montmorency confisquée en 1632 lors de l'exécution d'Henri de Montmorency, frère de Charlotte. Ce château restera propriété des Condé jusqu'à leur extinction en 1830.
Le prince de Condé meurt en . Son oraison funèbre est prononcée par Cosme Roger, prêtre et moine feuillant. Elle est imprimée à Bourges en 1653[16].
Armoiries
Le prince portait D'azur, à trois fleurs de lys d'or, au bâton de gueules péri en bande[17]
Généalogie
Ascendance
Henri II était l'unique fils de Henri Ier de Bourbon, prince de Condé (1552-1588) et de Charlotte (1568-1629), demoiselle d'honneur de Catherine de Médicis (1581 à 1585), fille de Louis III de La Trémoille (1521-1577), duc de Thouars.
Mariage et descendance
- Il épouse, le à Paris, Charlotte Marguerite de Montmorency (Pézenas, - Châtillon-sur-Loing, ), duchesse de Montmorency et pair de France, dame de Saint-Liébault (en partie), dame d'Arvilliers, dame de L'Isle-Adam. Ensemble, ils ont :
- Anne Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville (1619-1679) mariée à Henri II d'Orléans (1595-1663) ;
- Louis II de Condé (1621-1686), dit le Grand Condé, vainqueur à Rocroi, marié à la nièce du cardinal Richelieu, Claire-Clémence de Maillé (1628-1694) ;
- Armand de Bourbon-Conti (1629-1666), prince de Conti qui fonde la branche des Bourbon-Conti, Grand Maître de France, marié à Anne Marie Martinozzi (1637-1672), nièce du cardinal Mazarin.
RĂ©sidences
- Château de Condé, en Champagne (Condé-en-Brie), siège de la principauté de Condé ;
- Hôtel de Condé, résidence parisienne (1612-1770) des Condé ;
- Château d'Arnay-le-Duc (Bourgogne, acquis en 1634) ;
- Château de Chantilly, qu'il tient des Montmorency (1643). Le domaine constitue la principale propriété des Condé ;
- Château de L'Isle-Adam, qu'il tient des Montmorency ;
- Château de Laperrière, qu'il tient de Roger II de Saint-Lary ;
- Château de Montrond, acheté en 1621 à Maximilien de Béthune, duc de Sully ;
- En 1631, il acquiert[18] la seigneurie de Montluel (achetée à Roger II de Saint-Lary). Il y fera alors construire l'Hôtel de Condé, hôtel particulier dans lequel il ne séjournera jamais[18].
- Château de Dormans, en Champagne, acheté en 1642.
- Château de Châteaubriant, en Bretagne, siège d'une baronnie, acquis en 1633.
Notes et références
Notes
- Jean IV de la Roche, seigneur de Saint-MĂŞme et baron de La Rochebeaucourt.
Références
- Lettre d'Henri du 10 mars 1588, citée dans (Aumale 1889, Henri de Bourbon).
- Aumale 1889, Henri de Bourbon, p. 180.
- Aumale 1889, Henri de Bourbon, p. 182.
- Aumale 1889, Henri de Bourbon, p. 181.
- Aumale 1889, Henri II de Bourbon, p. 223.
- Aumale 1889, Henri II de Bourbon, p. 228-229.
- Aumale 1889, Henri II de Bourbon, p. 231.
- Aumale 1889, Henri II de Bourbon, p. 234.
- Aumale 1889, Henri II de Bourbon, p. 229-230.
- Aumale 1889, Henri II de Bourbon, p. 241.
- Jean-Pierre Babelon, Henri IV, Paris, Fayard, 1982, p. 647 (le roi n'hésite pas à laisser planer le doute sur la bâtardise de petit prince de Condé ; notamment à des fins politiques : obtenir son démariage d'avec la reine Marguerite). Sur l'antipathie du roi pour son cousin Soissons (Babelon, p. 406), et ses relations avec ses cousins (Babelon, p. 647, 710), la méfiance à l'égard du cardinal de Vendôme qui intrigue contre lui (Babelon, p. 505). Voir également les biographies sur Catherine de Bourbon dont le roi empêcha le mariage avec Soissons. Sur la rivalité avec Henri Ier de Condé, voir ↑ Arlette Jouanna (dir.), Histoire et dictionnaire des guerres de religion, 1559–1598, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1998, p. 814-816, 1011-1012.
- Alain Hugon, Au service du roi catholique : Honorables ambassadeurs et divins espions : représentation diplomatique et service secret dans les relations hispano-françaises de 1598 à 1635, Casa de Velázquez, , 700 p. (ISBN 978-84-95555-59-5, présentation en ligne).
- Jean-Christophe Petitfils, L'assassinat d'Henri IV : mystères d'un crime, Paris, Ed. Perrin, , 330 p. (ISBN 978-2-262-03914-1)Les sections du livre allant de la page 58 à la page 100 sont intitulées "L'enlèvement de la Belle Hélène" puis "La guerre de Troie aura-t-elle lieu?"
- Jean-Christian Petitfils, L'assassinat d'Henri IV : mystères d'un crime, Paris, Ed. Perrin, , 330 p. (ISBN 978-2-262-03914-1), pages 233 à 279
- Publié à Bourges, J. Coppin, 1624.
- Jean François, Bibliothèque générale des écrivains de l'ordre de Saint-Benoît, 1777, tome II, p. 512. Son nom y est orthographié Rougier
- Popoff 1996, p. 25.
- Notice explicative apposée sur le monument, consulté le 24 septembre 2011.
Annexes
Articles connexes
- Abbaye de Cîteaux ;
- Chronologie de la France sous Louis XIII ;
- Palais des ducs de Bourgogne ;
- Compagnie de Rouen (Nouvelle-France) ;
- Devise de la Franche-Comté ;
- Gouvernement de Bourgogne ;
- Histoire d'Arles sous l'Ancien RĂ©gime ;
- Histoire de la Franche-Comté ;
- Musée Condé ;
- Antoine Rossignol ;
- Rue de Condé ;
- RĂ©volte des Cascaveous ;
- Vive Henri IV, vive l'amour ;
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- « Henri II de Bourbon-Condé », sur roglo.eu (consulté le ) ;
Bibliographie
- Caroline Bitsch, Vie et carrière d'Henri II de Bourbon, prince de Condé (1588-1646) : exemple de comportement et d'idées politiques au début du XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque d'histoire moderne et contemporaine » (no 27), , 541 p. (ISBN 978-2-7453-1620-2, présentation en ligne).
- François Brizay, Touristes du Grand Siècle. Le voyage d'Italie au XVIIe siècle, Paris, Belin, 2006.
- Henri d'Orléans duc d'Aumale, Histoire des princes de Condé pendant les XVIe et XVIIe siècles, Paris, Calmann Levy frères, .
- Michel Popoff (préf. Hervé Pinoteau), Armorial de l'Ordre du Saint-Esprit : d'après l'œuvre du père Anselme et ses continuateurs, Paris, Le Léopard d'or, , 204 p. (ISBN 2-86377-140-X).
- Henri, duc d' Aumale, Histoire des Princes de Condé durant les XIVe et XVIIe siècles, vol. 2, Paris, Calmann-Lévy, (lire en ligne)