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HPG80

hPG80 dĂ©signe la version extracellulaire et oncogĂ©nique de la progastrine. Ce nom apparaĂźt pour la premiĂšre fois en janvier 2020 dans une publication scientifique[1]. Jusqu’à cette date, les publications scientifiques font rĂ©fĂ©rence Ă  la seule dĂ©signation de “progastrine”, sans nĂ©cessairement prĂ©ciser explicitement s’il est question de progastrine intracellulaire (dans le cadre de la digestion) ou extracellulaire (circulante et dĂ©tectable dans le plasma) dans le cadre pathologique tumoral.

Pour plus de clarté, la suite de cet article utilise exclusivement le nom hPG80 pour désigner la progastrine extracellulaire.

Le lien entre cette protĂ©ine et le cancer est connu depuis plus de 30 ans. hPG80 est impliquĂ©e dans la plupart des fonctions biologiques assurant l’existence de la tumeur[2]. Le peptide est sĂ©crĂ©tĂ©e par les cellules tumorales et se retrouve dans le plasma de patients atteints d’un cancer dĂšs les stades prĂ©coces[1]. Il possĂšde alors des fonctions indĂ©pendantes de la digestion et totalement diffĂ©rentes de la progastrine et de son seul rĂŽle de prĂ©curseur intracellulaire de la gastrine.

Terminologie

Dans le nom hPG80, le "h" décrit l'espÚce humaine : human ; "PG" est une écriture commune pour la protéine progastrine et le nombre 80 correspond à la taille de la protéine: 80 acides aminés.

Le nom hPG80 a donc Ă©tĂ© introduit dans la publication issue des travaux du Professeur BenoĂźt You, Dominique Joubert et Alexandre Prieur afin de lever les ambiguĂŻtĂ©s entre la version intracellulaire de la protĂ©ine (dans la fonction de la digestion) et sa version extracellulaire de la protĂ©ine (cas des patients cancĂ©reux) qui n'est plus, malgrĂ© son nom, le prĂ©curseur de la gastrine[1].  

De plus, l’existence d’un peptide phonĂ©tiquement identique, le Pro-Gastrin Releasing Peptide (proGRP), accentuait les confusions possibles autour du nom progastrine et le besoin d’un nom spĂ©cifique. Il est Ă  noter qu’à ce jour, plus de la moitiĂ© des rĂ©sultats dĂ©coulant de la recherche du mot progastrine sur les moteurs de recherche concernent la proGRP et non la molĂ©cule de 80 acides aminĂ©s Ă  laquelle font rĂ©fĂ©rence les noms progastrine et hPG80.

Chronologie des découvertes scientifiques sur hPG80

Figure 1: Frise chronologique décrivant les grands points de la découverte du lien entre hPG80 et le cancer

Historique

  • 1990 : hPG80 est sĂ©crĂ©tĂ©e par les cellules cancĂ©reuses du pancrĂ©as[3]
  • 1993 – 1994 : hPG80 est sĂ©crĂ©tĂ©e par les cellules cancĂ©reuses de l’ovaire et du cĂŽlon[4] - [5].
  • 1996 – 1997 : hPG80 est identifiĂ©e comme Ă©tant nĂ©cessaire pour la prolifĂ©ration et la tumorigenĂšse des cellules cancĂ©reuses du cĂŽlon[6].
  • 2000 – 2001 : Le gĂšne GAST est une cible de la voie ß-catĂ©nine/Tcf4[7]. La prĂ©sence de hPG80 est mise en Ă©vidence dans le plasma de patients atteints de cancer colorectal[8].
  • 2003 : hPG80 est impliquĂ©e dans la rĂ©gulation de la dissociation des jonctions adhĂ©rentes et serrĂ©es[2]. Src est le mĂ©diateur des effets de hPG80 sur la croissance cellulaire[9].
  • 2005 : Les voies Ras et ß-catĂ©nine/Tcf4 induisent une activation synergique du gĂšne GAST en contribuant Ă  une Ă©ventuelle progression nĂ©oplasique[10].
  • 2007 : L’inhibition de l’expression de hPG80 inhibe la voie Wnt/ß-catĂ©nine induisant une diminution de la croissance et une diffĂ©renciation tumorale dans des modĂšles de tumeurs intestinales[11].
  • 2012 : La mutation du gĂšne p53 augmente la prolifĂ©ration colique hPG80-dĂ©pendante et la formation du cancer[12].
  • 2014 : hPG80 est identifiĂ©e comme nouveau facteur pro-angiogĂ©nique[13].
  • 2016 : La sĂ©crĂ©tion autocrine de hPG80 favorise la survie et l'auto-renouvellement des cellules souches dans le cancer du cĂŽlon[14].
  • 2017 : L’utilisation d’anticorps dirigĂ©s contre hPG80 pour cibler la voie Wnt et les cellules souches cancĂ©reuses reprĂ©sente une nouvelle piste thĂ©rapeutique du cancer[15].
  • 2020 : hPG80 est detĂ©ctĂ©e dans le plasma de patients atteints de 11 diffĂ©rents types de cancers. DĂ©monstration d’une association entre les variations longitudinales des taux de hPG80 et l'efficacitĂ© des traitements anticancĂ©reux[1].

RĂŽle dans le cancer

Par le biais de divers mĂ©canismes qui sont tous cruciaux pour la croissance et la survie des tumeurs, les recherches ont dĂ©montrĂ© le rĂŽle majeur exercĂ© par hPG80 sur l’initiation et la progression tumorale en prenant gĂ©nĂ©ralement le cancer colorectal comme modĂšle. Bardram a Ă©tĂ© le premier Ă  Ă©mettre l’hypothĂšse de la prĂ©sence de hPG80 dans les stades prĂ©coces de la maladie[3]. Il a Ă©valuĂ© la prĂ©sence de hPG80 et de ses produits de maturation dans le sĂ©rum de patients atteints du syndrome de Zollinger-Ellison. Ces travaux ont montrĂ© que la mesure du taux de hPG80 reflĂ©tait de maniĂšre plus fidĂšle la production tumorale de gastrine que la mesure conventionnelle de la gastrine amidĂ©e. En effet, hPG80 est plus de 700 fois plus abondante que la gastrine amidĂ©e dans les tumeurs colorectales[16].

Dans le dĂ©but des annĂ©es 1990, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que hPG80 n’était pas complĂštement maturĂ©e dans des lignĂ©es cellulaires humaines de cancer du cĂŽlon et, plus important encore, qu’elle Ă©tait secrĂ©tĂ©e par ces cellules cultivĂ©es in vitro[5]. Ces observations ont menĂ© Ă  Ă©tudier la fonction autocrine et paracrine de hPG80 dans les cellules tumorales[17]. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que hPG80 ne mature pas correctement dans les cellules cancĂ©reuses, et tout particuliĂšrement dans le cancer colorectal, car les enzymes de maturation sont soit absentes, soit non fonctionnelles[4] - [5] - [18] - [19] - [20] - [16] - [21].

DĂšs 1996, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que l’expression du gĂšne GAST est requise pour la tumorigenĂšse cellulaire du cancer du cĂŽlon humain[6]. 60 Ă  80% des cancers du cĂŽlon expriment le gĂšne GAST.

À travers des configurations expĂ©rimentales diffĂ©rentes, l’altĂ©ration du gĂšne GAST ou la neutralisation de hPG80 entrainait chez des souris prĂ©sentant une prĂ©disposition tumorale (mutation sur le gĂšne APC) une diminution du nombre de tumeurs. Inversement, il a Ă©tĂ© observĂ© une augmentation significative de la formation tumorale chez des souris surexprimant la progastrine et traitĂ©es avec de l’azoxymĂ©thane (AOM), un carcinogĂšne chimique[7] - [11] - [15] - [22] - [23].

Facteur pro-angiogénique

Lors du dĂ©veloppement d’une tumeur, son besoin en oxygĂšne et en nutriments provoque la crĂ©ation de nouveaux vaisseaux sanguins. Ce processus est appelĂ© nĂ©o-angiogenĂšse. En 2015, hPG80 s’est avĂ©rĂ©e ĂȘtre un facteur pro-angiogĂ©nique[13]. hPG80 stimule la prolifĂ©ration et la migration des cellules endothĂ©liales et accroit leur capacitĂ© Ă  former in vitro des structures similaires Ă  des capillaires. Le blocage de la production de hPG80 (par shRNA) dans des cellules xĂ©nogreffĂ©es chez des souris nude, rĂ©duit la nĂ©ovascularisation tumorale.

Facteur anti-apoptotique

Le traitement de cellules Ă©pithĂ©liales intestinales par hPG80 entraine une perte significative de l’activation des caspases 9 et 3, ainsi qu’une diminution de la fragmentation de l’ADN. Par consĂ©quent, l’effet de hPG80 sur la survie cellulaire rĂ©sulte Ă  la fois d’une augmentation de la prolifĂ©ration et d’une diminution de l’apoptose[24].

RĂ©gulation des jonctions cellulaires

La migration des cellules repose sur leur capacitĂ© Ă  devenir indĂ©pendante des cellules adjacentes. L'intĂ©gritĂ© des contacts intercellulaires est essentielle pour la rĂ©gulation de l'absorption des Ă©lectrolytes ainsi que pour la prĂ©vention des mĂ©tastases tumorales. En 2003, il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que le blocage de la sĂ©crĂ©tion de hPG80 par une construction antisens dirigĂ© contre l’ARNm de la progastrine permet le rĂ©tablissement de la localisation membranaire des protĂ©ines des jonctions constitutives des jonctions adhĂ©rentes et serrĂ©es dans une lignĂ©e cellulaire de carcinome colorectal humain DLD-1[2]. hPG80 joue donc un rĂŽle sur l’intĂ©gritĂ© des contacts cellulaires.

RÎle dans les cellules souches cancéreuses

Les cellules souches cancĂ©reuses (CSCs) reprĂ©sentent une faible proportion, comprise gĂ©nĂ©ralement entre 1 et 5%, de la tumeur. Mais elles sont essentielles Ă  la survie de la tumeur car elles jouent le rĂŽle de « rĂ©acteur ». Giraud et al. ont dĂ©montrĂ© le rĂŽle majeur jouĂ© par hPG80 dans les CSCs. Ces auteurs ont montrĂ© que l’expression de hPG80 est fortement accrue dans des cellules cancĂ©reuses colorectales cultivĂ©es dans des conditions oĂč les CSCs sont enrichies[14]. Ils ont ensuite montrĂ© que hPG80 Ă©tait capable de rĂ©guler la frĂ©quence des CSCs (survie et auto-renouvellement) in vitro et in vivo. Par la suite, Prieur et al. ont dĂ©montrĂ© que lorqu’un anticorps neutralisant est ajoutĂ© Ă  une culture cellulaire ou lorsque des souris greffĂ©es avec des cellules cancĂ©reuses colorectales humaines sont traitĂ©es in vivo avec un tel anticorps, la frĂ©quence des CSCs est diminuĂ©e dans les mĂȘmes proportions[15]. Ces deux articles scientifiques montrent clairement que hPG80 est un facteur de survie des CSCs. De plus, l’inhibition de hPG80 induirait la diffĂ©renciation des CSCs, ouvrant la possibilitĂ© d’une thĂ©rapie de diffĂ©renciation plutĂŽt qu’une thĂ©rapie anti-prolifĂ©rative classique. Elle a pour principale fonction d’aider les CSCs Ă  survivre et Ă  se propager pour former des mĂ©tastases, ce qui explique probablement pourquoi ce peptide peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un marqueur prĂ©dictif potentiel de la prĂ©sence de mĂ©tastase hĂ©patique dans le cancer colorectal[25].

Le lien entre hPG80 et les voies de signalisation oncogéniques

Wnt et K-Ras

Figure 2: RÎle de hPG80, pierre angulaire des voies oncogéniques

Le premier Ă©vĂšnement conduisant au cancer du cĂŽlon est dans 80 Ă  90% des cas l’activation constitutive de la voie oncogĂ©nique Wnt/ß-catĂ©nine induite par les mutations du gĂšne codant APC (Adenomatous polyposis coli) ou du gĂšne codant la ß-catĂ©nine. L’introduction de ces mutations dans des cellules souches normales de l’intestin sont suffisantes pour dĂ©clencher la tumorigenĂšse[26]. Le gĂšne GAST codant hPG80 est activĂ© par la voie oncogĂ©nique Wnt. C’est une cible en aval de la voie de signalisation ß-catĂ©nine/Tcf-4[7].

La dĂ©monstration du lien entre hPG80 et une voie oncogĂ©nique a Ă©tĂ© dĂ©crite pour K-Ras. En effet, les lignĂ©es cellulaires et les tissus cancĂ©reux du cĂŽlon prĂ©sentant des mutations K-Ras avaient tous des taux d’ARNm du gĂšne GAST significativement plus Ă©levĂ©s que ceux de type K-Ras sauvage[27]. Les effets de K-Ras sur l’expression du gĂšne GAST sont produits par l’activation de la voie de transduction du signal Raf-MEK-ERK, la derniĂšre Ă©tape Ă©tant une activation du promoteur du gĂšne GAST.

Sachant que K-Ras et la voie Wnt induisent tous deux l’expression du gĂšne GAST, l’hypothĂšse d’une Ă©ventuelle coopĂ©ration entre ces deux voies pour la rĂ©gulation de l’expression de hPG80 a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e[10]. Chakladar et al. ont trouvĂ© une importante stimulation synergique du promoteur du gĂšne GAST (par un facteur 25 Ă  40) par une combinaison de ß-catĂ©nine oncogĂ©nique et une surexpression de K-Ras. L’activation du promoteur du gĂšne GAST a Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e ĂȘtre dĂ©pendante d’autres signaux de signalisation : renforcĂ©e ou supprimĂ©e par la co-expression de SMAD4 sauvage ou par un mutant dominant nĂ©gatif de SMAD4, respectivement, et abrogĂ©e par l’inhibition de la PI3K. Ainsi, l’activation constitutive de la voie Wnt, considĂ©rĂ©e comme Ă©tant au dĂ©but de la tumorigenĂšse du cĂŽlon, et l’oncogĂšne K-Ras, prĂ©sents dans 50 % des tumeurs colorectales humaines, stimulent de maniĂšre synergique la production de hPG80, un promoteur de la tumorigenĂšse. La tumorigenĂšse induite par l’activation de la voie Wnt dĂ©pend en partie de hPG80.

SRC, PI3K/Akt, NF-kB et Jak/Stat

L‘oncogĂšne pp60 (c-Src) est activĂ© dans les cellules cancĂ©reuses du cĂŽlon et entraĂźne une augmentation des quantitĂ©s de hPG80[9]. Ceci signifie que la production de hPG80, qui intervient lors de la tumorigenĂšse prĂ©coce, pourrait jouer un rĂŽle dans cette activation, qui est connue comme un Ă©vĂ©nement prĂ©coce de tumorigenĂšse du cĂŽlon[11] - [28] - [29]. La voie PI3K/Akt, particuliĂšrement impliquĂ©e dans la prolifĂ©ration, est Ă©galement activĂ©e par hPG80[11] - [30]. Le NF-kappaB est un autre messager de signalisation important rĂ©gulĂ© par hPG80. Son implication dans les mĂ©canismes responsables de l’effet anti-apoptotique de hPG80 a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e dans les cellules cancĂ©reuses pancrĂ©atiques in vitro et in vivo chez les souris surexprimant le gĂšne GAST[31] - [32]. L’augmentation de JAK2 (Janus-activated kinase 2), STAT3 et de kinases rĂ©gulĂ©es par des signaux extracellulaires a Ă©galement Ă©tĂ© observĂ©e dans la muqueuse du cĂŽlon de souris hGAS[30].

NOTCH

Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que les cellules tumorales du cĂŽlon qui n’expriment pas hPG80 retournent Ă  un Ă©tat « normal ». Cela est dĂ» au fait que lorsque la voie Wnt est inactivĂ©e, le gĂšne JAG1 est rĂ©primĂ©, induisant l’inactivation de la voie Notch qui joue un rĂŽle majeur dans l’acquisition d’un phĂ©notype de cellule diffĂ©renciĂ©e[33].

p-53

En 2012, il a été démontré que la mutation génique p53 augmentait la prolifération des cellules du cÎlon dépendante de hPG80 et la formation du cancer du cÎlon chez la souris[12].

RĂ©cepteur de hPG80

L’identification du rĂ©cepteur de hPG80 a fait l’objet de plusieurs Ă©tudes ces derniĂšres annĂ©es. Cependant, l’identitĂ© de ce dernier demeure une vĂ©ritable question au sein de la communautĂ© scientifique. Le rĂ©cepteur peut activer un certain nombre de voies de signalisation, directement ou indirectement, ce qui est plutĂŽt inhabituel pour un rĂ©cepteur. Cela pourrait indiquer une particularitĂ© de ce rĂ©cepteur et la raison pour laquelle il est difficile de l’identifier. Le rĂ©cepteur non identifiĂ© de hPG80 transduit un signal de la progastrine via divers intermĂ©diaires intracellulaires connus pour leur implication dans la tumorigenĂšse.

Des sites de liaison Ă  haute affinitĂ© ont Ă©tĂ© dĂ©crits pour la premiĂšre fois dans des cellules Ă©pithĂ©liales intestinales en utilisant de la progastrine humaine recombinante iodĂ©e[34]. L’affinitĂ© Ă©tait de l’ordre de 0,5-1 nM, ce qui est compatible avec un rĂ©cepteur. Lorsque la liaison de progastrine biotinylĂ©e a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e par cytomĂ©trie de flux, une liaison forte et spĂ©cifique de la progastrine Ă  certaines lignĂ©es cellulaires (IEC-6, IEC-18, HT-29, COLO320) a Ă©galement Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e[35]. La spĂ©cificitĂ© de la liaison a Ă©tĂ© confirmĂ©e par compĂ©tition avec de la hPG80 froide, non marquĂ©e, mais pas avec la gastrine possĂ©dant une glycine carboxy-terminale ou avec de la gastrine-17 amidĂ©e. La liaison n’a pas Ă©tĂ© influencĂ©e par la prĂ©sence du rĂ©cepteur CCK-2 classique. Il ressort clairement de ces deux Ă©tudes qu’il existe un site/rĂ©cepteur de liaison de hPG80, distinct de la liaison Ă  la gastrine-17 amidĂ©e et Ă  la gastrine 17 possĂ©dant une glycine carboxy-terminale (G17-Gly). La sĂ©quence de hPG80 interagissant avec ce rĂ©cepteur est probablement situĂ©e dans les 26 derniers rĂ©sidus acides aminĂ©s de l’extrĂ©mitĂ© carboxy-terminale de hPG80, qui se sont rĂ©vĂ©lĂ©s suffisants pour sa fonction[36]. Toutefois, l’identitĂ© de ce rĂ©cepteur putatif inconnue.

Un candidat est l’Annexine A2, identifiĂ©e comme Ă©tant capable de lier la progastrine et les peptides dĂ©rivĂ©s[37]. L’annexine A2 est un mĂ©diateur partiel de l’effet de la progastrine/gastrines. En particulier, l’Annexine A2 sert de mĂ©diateur dans la rĂ©gulation Ă  la hausse de NF-kappaB et de ß-catĂ©nine en rĂ©ponse Ă  la progastrine chez la souris et les cellules HEK-293[38]. En outre, l’annexine A2 pourrait ĂȘtre impliquĂ©e dans l’endocytose clathrine dĂ©pendante de la progastrine. Cependant, l’affinitĂ© de la progastrine pour l’Annexine A2 n’est pas celle qui serait attendue pour un rĂ©cepteur spĂ©cifique. Et, bien que l’Annexine A2 joue un rĂŽle dans les fonctions de la progastrine, ce ne sont pas celles d’un rĂ©cepteur.

Un autre candidat est le rĂ©cepteur 56 couplĂ© aux protĂ©ines G (GPCR56), exprimĂ© Ă  la fois sur les cellules souches du cĂŽlon et les cellules cancĂ©reuses[39]. En effet, alors que la hPG80 humaine recombinante favorise la croissance et la survie in vitro des organoĂŻdes de cĂŽlon isssus de souris sauvages, ceux issus de souris dĂ©ficientes pour le GPCR56 (GPCR56-/-) sont rĂ©sistants Ă  hPG80. Toutefois, bien qu’il ait Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que hPG80 se lie aux cellules exprimant le GPCR56, les auteurs n’ont pas fourni la preuve directe d’une liaison de hPG80 avec le GPCR56 lui-mĂȘme. Le GPCR56 est un bon candidat, mais la preuve que ce soit le rĂ©cepteur de hPG80 n’est pas encore Ă©tablie.

Applications cliniques

hPG80 par le biais de divers mĂ©canismes qui sont tous cruciaux pour la croissance et la survie des tumeurs, peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un promoteur majeur de la tumorigenĂšse. hPG80 se trouve dans le plasma de patients cancĂ©reux et sa neutralisation induit une rĂ©version tumorale.

Biomarqueur universel

Le cancer colorectal n’est pas l’unique type de cancer Ă  exprimer hPG80. Son expression a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ©e Ă©galement dans les cancers ovariens, dans les tumeurs hĂ©patiques mais aussi dans les tumeurs pancrĂ©atiques[4] - [40] - [41]. Ainsi, plusieurs types de tumeurs expriment le peptide non maturĂ©.

hPG80 peut ĂȘtre dĂ©tectĂ©e et quantifiĂ©e dans le sang des patients atteints de cancers. Une premiĂšre dĂ©monstration a Ă©tĂ© faite dans le cancer colorectal mettant en Ă©vidence une augmentation des taux plasmatiques de hPG80 et de gastrine non amidĂ©e chez ces patients par rapport Ă  une sĂ©rie tĂ©moin[8]. De plus, il a Ă©tĂ© observĂ© une augmentation de hPG80 chez des patients atteints de polypes adĂ©nomateux[15]. hPG80 est donc exprimĂ©e Ă  tous les stades par la tumeur, des stades prĂ©coces aux mĂ©tastases.

DĂ©tection multi-cancer

hPG80 est retrouvĂ©e dans diffĂ©rents types de tumeurs et sĂ©crĂ©tĂ©e in vitro par certaines cellules cancĂ©reuses. Une Ă©tude a dĂ©montrĂ© sa prĂ©sence dans le sang de patients atteints de 11 types diffĂ©rents de cancers: cancer du sein, cancer colorectal, cancer de l’estomac/Ɠsophage, cancer du rein, cancer du foie, cancer du poumon non Ă  petites cellules, mĂ©lanome de la peau, cancer de l’ovaire, cancer du pancrĂ©as, cancer de la prostate, cancer de l’utĂ©rus (endomĂ©trial/cervical)[1].

hPG80 dans la surveillance de la maladie résiduelle et la réponse aux traitements

Des dosages de hPG80 dans le plasma de patients atteints de cancers colorectaux avant et aprÚs intervention chirurgicale montrent que la présence de hPG80 reflÚte la production tumorale[42].

Il a été observé que les concentrations de hPG80 sont augmentées chez les patients susceptibles de développer un carcinome colorectal[43]. De plus, il a été observé une augmentation de hPG80 dans les polypes hyperplastiques qui ont évolué vers un cancer[44] - [45].

hPG80 pourrait Ă©galement ĂȘtre un biomarqueur de la mĂ©tastase hĂ©patique dans le cancer colorectal[25].

En outre, You et al. ont observé une diminution de hPG80 aprÚs chirurgie dans une cohorte de patients souffrant de cancers gastro-intestinaux avec une atteinte péritonéale, traités par une chimiothérapie péri-opératoire et par une chirurgie cytoréductive[1].

Figure 3: Variations longitudinales des taux de hPG80 et d’AFP durant la prise en charge (inclusion ; rĂ©mission ; progression) d’un carcinome hĂ©patocellulaire chez un patient reprĂ©sentatif[1]

De plus, la dĂ©tection plus prĂ©coce de petites lĂ©sions et le suivi de la rĂ©cidive peuvent ĂȘtre amĂ©liorĂ©es par la mesure des taux de hPG80, en tant que biomarqueur sanguin complĂ©mentaire dans une cohorte de patients atteints de carcinome hĂ©patocellulaire, traitĂ©s par des traitements locaux ou systĂ©miques (Fig. 3)[1]. L’intĂ©rĂȘt de mesurer hPG80 prend son sens chez les patients pour lesquels l’alpha-foetoprotĂ©ine (AFP) est en dessous du seuil Ă©tabli en pratique clinique Ă  20ng/ml[46]. Suivant la prise en charge de la maladie, les patients en rĂ©mission prĂ©sentent des taux de hPG80 plus faibles que ceux pour lesquels le cancer est toujours actif.

Cible pour combattre le cancer

Thérapie par anticorps

À ce jour, aucun mĂ©dicament n’est capable de cibler les CSCs. L’utilisation d’anticorps anti-hPG80 humanisĂ©s, seuls ou en combinaison avec la chimiothĂ©rapie, semble ĂȘtre une approche prometteuse[15]. L’utilisation d’anticorps anti-hPG80 a Ă©galement Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e dans le cadre d’un traitement potentiel chez des patients atteints d’un cancer colorectal et prĂ©sentant une mutation au niveau du gĂšne KRAS. Le ciblage de hPG80 avec l’anticorps humanisĂ© anti-hPG80 a montrĂ©:

  • une diminution de la capacitĂ© d'auto-renouvellement des CSCs de diverses origines ;
  • une prolongation de la chimiosensibilitĂ© in vitro et in vivo ainsi qu’un retard de rechute aprĂšs traitement des cellules T84 de souris xĂ©nogreffĂ©es ;
  • une diminution de la charge tumorale et une augmentation de la diffĂ©renciation cellulaire dans les tumeurs restantes, chez des souris transgĂ©niques dĂ©veloppant une nĂ©oplasie intestale induite par Wnt.

Ceci a Ă©tĂ© rĂ©cemment confirmĂ© pour les cancers de l’ovaire, du sein, de l’Ɠsophage, du foie et de l’estomac faisant de cet anticorps thĂ©rapeutique un potentiel mĂ©dicament multi-cancer[1].

Sensibilisation à la radiothérapie

Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que hPG80 est un facteur de radiorĂ©sistance qui peut ĂȘtre ciblĂ© pour sensibiliser les cancers du rectum rĂ©sistants aux radiations[47]. La diminution de l'expression de hPG80 augmente la sensibilitĂ© Ă  l’irradiation dans des lignĂ©es de cellules de cancer colorectal entrainant une augmentation des dommages Ă  l’ADN et de l’apoptose radio-induits. Dans la mĂȘme lignĂ©e, le ciblage de hPG80 entraĂźne Ă©galement l'inhibition des voies de survie, Akt et ERK, induites par l'irradiation.

Articles connexes


Notes et références

  1. Benoit You, FrĂ©dĂ©ric Mercier, Eric Assenat, Carole Langlois-Jacques, Olivier Glehen, Julien SoulĂ©, LĂ©a Payen, Vahan Kepenekian, Marie Dupuy, anny Belouin, Eric Morency, VĂ©ronique Saywell, Maud FlaceliĂšre, Philippe Elies, Pierre Liaud, Thibault Mazard, Delphine Maucort-Boulch, Winston Tan, BĂ©rengĂšre Vire, Laurent Villeneuve, Marc Ychou, Manish Kohli, Dominique Joubert et Alexandre Prieur, « The oncogenic and druggable hPG80 (Progastrin) is overexpressed in multiple cancers and detected in the blood of patients », EBioMedicine, vol. 51,‎ , p. 102574 (ISSN 2352-3964, PMID 31877416, PMCID PMC6938867, DOI 10.1016/j.ebiom.2019.11.035, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. (en) FrĂ©dĂ©ric Hollande, Debra J. Lee, Armelle Choquet et Serge Roche, « Adherens junctions and tight junctions are regulated via different pathways by progastrin in epithelial cells », Journal of Cell Science, vol. 116, no 7,‎ , p. 1187–1197 (ISSN 0021-9533 et 1477-9137, PMID 12615962, DOI 10.1242/jcs.00321, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. (en) L. Bardram, L. Hilsted et J. F. Rehfeld, « Progastrin expression in mammalian pancreas », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 87, no 1,‎ , p. 298–302 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 2296587, PMCID PMC53250, DOI 10.1073/pnas.87.1.298, lire en ligne, consultĂ© le )
  4. W. W. van Solinge, L. Odum et J. F. Rehfeld, « Ovarian cancers express and process progastrin », Cancer Research, vol. 53, no 8,‎ , p. 1823–1828 (ISSN 0008-5472, PMID 8467501, lire en ligne, consultĂ© le )
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