Francisco PĂ©rez Bayer
Francisco Pérez Bayer y Benicassim (Valence, 1711 – ibidem, 1794) est un philologue orientaliste, archéologue, numismate, juriste et ecclésiastique espagnol, l’une des personnalités les plus influentes de l’Espagne de la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
Nom de naissance | Francisco PĂ©rez Bayer y Benicassim |
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Naissance |
Valence |
Décès |
Valence |
Nationalité | Espagne |
Profession |
Professeur d’université (langues orientales) |
Activité principale |
Enseignement (universités de Valence et de Salamanque ; précepteur royal) |
Autres activités |
Numismate ; archiviste ; bibliothécaire royal ; archéologue |
Formation |
Théologie, philosophie, droit |
Fils d’artisans, issu d’une famille possĂ©dant de nombreuses terres dans le Levant, il suivit une formation de thĂ©ologie et de philosophie Ă Valence, puis de droit Ă Salamanque. Ă€ l’instigation de son mentor Gregorio Mayans, il Ă©tudia les langues classiques, tout en s’adonnant Ă la numismatique. Il fit un sĂ©jour Ă Avignon pour y apprendre l’hĂ©breu directement d’un rabbin, ce qui lui valut d’être nommĂ© ensuite professeur de langue hĂ©braĂŻque Ă Valence, puis Ă Salamanque. Ă€ partir de la dĂ©cennie 1750, ayant su s’acquĂ©rir la sympathie du monarque et de plusieurs personnages influents (notamment Roda, son ami de longue date, nommĂ© ministre en 1765, et Campomanes), PĂ©rez Bayer se hissa aux plus hautes responsabilitĂ©s politiques, culturelles et ecclĂ©siastiques, et exerça une influence dĂ©cisive sur la politique culturelle et Ă©ducative du pays (notamment en faisant attribuer aux personnes de son propre cercle de pensĂ©e les principales charges culturelles de l’État, et aussi par son statut de prĂ©cepteur des princes royaux). Il faisait dĂ©sormais figure de chef de file des manteĂstas, c’est-Ă -dire du groupe d’intellectuels anti-jĂ©suite prĂ´nant une rĂ©forme radicale des institutions universitaires jugĂ©es obsolètes, et esquissa un plan de rĂ©forme de l’enseignement, en adĂ©quation avec le rĂ©formisme bourbonien Ă©clairĂ©. En particulier, il imposa ses conceptions novatrices dans le nouveau plan d’études de l’universitĂ© de Valence, plan qu’il chargea son ami Blasco d’élaborer et dont il plaida la mise en Ĺ“uvre auprès du gouvernement de Madrid. Au soir de sa vie, il occupa le poste de bibliothĂ©caire royal.
Biographie
Jeunes années et formation
Fils d’artisans, PĂ©rez Bayer vint au monde le au n°6 de la Calle Palomar Ă Valence et fut baptisĂ© deux jours plus tard en l’église des Saints Jeans de la mĂŞme ville. Son père Ă©tait originaire de SaldĂłn, dans la province de Teruel, et sa mère, Josefa MarĂa Bayer, de CastellĂłn de la Plana, de mĂŞme que ses grands-parents maternels, Pedro Bayer et MarĂa Nos Cominges. La famille possĂ©dait de nombreuses terres dans la zone qui allait prendre plus tard le nom de BenicĂ ssim. Devenu orphelin de père dès sa première enfance, il fit ses Ă©tudes de grammaire Ă CastellĂłn, localitĂ© d’origine de sa mère, puis suivit Ă partir de 1725 une formation de thĂ©ologie et de philosophie Ă l’universitĂ© de sa ville natale, se faisant l’adepte de l’école thomiste. Comme son père avait appartenu Ă la corporation des tisserands, PĂ©rez Bayer fut gratifiĂ© en 1731 d’un bĂ©nĂ©fice ecclĂ©siastique dans la paroisse Saint-AndrĂ© (Sant Andreu) de Valence, et reçut les ordres sacrĂ©s. Après avoir obtenu un baccalaurĂ©at en droit canon Ă Gandia, mais se sentant toujours attirĂ© par le droit, il se rendit Ă Salamanque pour y complĂ©ter sa formation en Ă©tudiant pendant six ans les deux droits (canon et civil), et devint membre de l’AcadĂ©mie juridique de Salamanque.
Secrétaire de l’archevêque de Valence et professeur d’hébreu
En 1738, Pérez Bayer retourna à Valence, où il exerça comme secrétaire de l’archevêque Mayoral. Pendant cette période, en plus de faire montre d’une grande habileté pour la musique, il entreprit avec dévouement de cataloguer les chartes de la cathédrale et entra en relation épistolaire avec Gregorio Mayans. Pour compléter sa formation humaniste, et suivant les conseils de Mayans, il étudia avec ardeur les langues classiques, plus particulièrement le grec, tout en manifestant un intérêt croissant pour la numismatique.
À l’issue d’un séjour à Avignon, où il avait appris la langue hébraïque directement d’un rabbin, il obtint d’occuper le poste de professeur titulaire en langue sacrée à l’université de Valence d’abord (en 1745), puis, l’année suivante, à l’université de Salamanque. Pendant ces années, il composa à l’usage de ses étudiants une grammaire de l’hébreu.
En 1749, Pérez Bayer alla siéger, aux côtés du jésuite Andrés Marcos Burriel, au sein de la Commission des archives, auquel titre tous deux s’employèrent à mettre de l’ordre dans les archives de Tolède et de l’Escurial. Selon un témoignage de Burriel, qui entretenait une correspondance personnelle avec Mayans, Pérez Bayer était peu ardent dans l’accomplissement de ses tâches, mais étudia au contraire avec la plus grande attention les temples juifs de Tolède et s’appliqua à en décrire les inscriptions lapidaires hébraïques.
Le gouvernement récompensa Bayer par un canonicat à la cathédrale de Barcelone, ville où il fit paraître son premier ouvrage.
SĂ©jour en Italie
Après le changement de gouvernement survenu sous le règne de Ferdinand VI, et l’expulsion des jésuites hors de ce gouvernement, Pérez Bayer sut gagner la faveur du nouveau cabinet ministériel présidé par Ricardo Wall, et celle de personnages importants tels que Campomanes. C’est à cette époque que, bénéficiant d’une bourse, il fut envoyé par le gouvernement faire un séjour en Italie, afin d’y parfaire ses connaissances en langues orientales et d’y collecter des monnaies à l’intention des musées royaux. Il noua une amitié sincère et durable avec Manuel de Roda, pour lors ambassadeur d’Espagne auprès du Saint-Siège. En plus de la possibilité de s’adonner à sa passion pour l’archéologie antique, il lui fut donné de faire personnellement la connaissance du grand hébraïste Biagio Ugolino et, lors de sa visite à Naples en 1758, du futur monarque Charles III, de qui il sut gagner la bienveillance par son habileté à lire et à interpréter quelques inscriptions grecques récemment découvertes sur des sites de fouilles archéologiques.
Précepteur à la cour de Madrid et réforme de l’enseignement
Ă€ son retour en Espagne, PĂ©rez Bayer fut nommĂ© chanoine trĂ©sorier de la cathĂ©drale de Tolède. La visite de Charles III Ă ladite cathĂ©drale allait lui servir de tremplin et lui permettre de faire figure dĂ©sormais de chef de file des manteĂstas, c’est-Ă -dire du groupe d’intellectuels anti-jĂ©suite prĂ´nant une rĂ©forme radicale des institutions universitaires jugĂ©es par eux obsolètes (le mot dĂ©signait Ă l’origine un Ă©tudiant universitaire non noble et boursier, par opposition Ă golilla). Cependant, Ricardo Wall Ă©choua dans sa tentative de le faire nommer bibliothĂ©caire en chef de la Bibliothèque royale, se heurtant en effet Ă l’obstination de Juan de Santander, qui prĂ©fĂ©ra en 1762 dĂ©cliner sa promotion comme Ă©vĂŞque. PĂ©rez Bayer fut chargĂ© de composer le catalogue des manuscrits de la Bibliothèque royale du monastère de l’Escorial.
L’avènement de Roda au secrĂ©tariat d’État Ă la Grâce et Ă la Justice en 1765 mit PĂ©rez Bayer en position d’exercer une influence dĂ©cisive sur la politique culturelle et Ă©ducative espagnole. Au lendemain de l’expulsion des jĂ©suites en 1767, il fut dĂ©signĂ© prĂ©cepteur des princes royaux, et se mit en devoir de dĂ©montrer les dĂ©faillances pĂ©dagogiques de ses prĂ©dĂ©cesseurs jĂ©suites. C’est dans cette fonction de prĂ©cepteur royal, et fort de l’affection du roi, qui l’honora de la Grande Croix de Charles III, et de l’amitiĂ© de Roda, qu’il put mettre en Ĺ“uvre les projets Ă©ducatifs envisagĂ©s par les mantĂ©istes et marquer de son empreinte la politique culturelle du gouvernement, en particulier pour ce qui touche Ă la rĂ©forme de l’universitĂ© et des Collèges majeurs, PĂ©rez Bayer ayant soin en effet de faire attribuer aux personnes de son propre cercle de pensĂ©e les principales charges culturelles, notamment celles au sein du Collège impĂ©rial de Madrid, la place de Chroniqueur des Indes, ou encore le rectorat de l’universitĂ© de Valence. Durant ces annĂ©es, il rĂ©digea Por la libertad de la literatura española. Memorial (1769), pamphlet fĂ©roce contre les Collèges majeurs, qu’il accusait d’avoir dĂ©gradĂ© l’enseignement universitaire par leur monopole sur les chaires professorales et de constituer un État dans l'État par le biais de leur mainmise sur les institutions judiciaires (audiencias, chancelleries et conseils). C’est lui qui esquissa le plan de rĂ©forme de l’enseignement, qui en rĂ©digea les dĂ©crets d’exĂ©cution, et qui sut amener le monarque, le gouvernement (Roda, Aranda et Campomanes) et jusqu’au confesseur royal JoaquĂn de Eleta Ă soutenir ladite rĂ©forme.
Ainsi imposa-t-il ses points de vue dans le nouveau plan d’études de l’université de Valence. En dépit de l’étendue de ses pouvoirs, Pérez Bayer dut, pour réaliser ce projet, affronter des oppositions, notamment celle de Juan Antonio Mayans, frère cadet et disciple de Gregorio Mayans, et personnalité de grand prestige. Étant donné que les statuts de cette université prescrivaient que le recteur devait être un chanoine, il s’ingéra dans la sélection des candidats au chapitre de chanoines de la cathédrale de Valence et obtint que son ami Vicente Blasco, qu’il avait déjà choisi auparavant pour son collaborateur dans la formation des princes royaux, fût nommé chanoine d’abord, recteur à vie de l’université ensuite. Une fois élaboré le plan d’études de Blasco en 1787, Pérez Bayer plaida auprès du gouvernement de Madrid en faveur de cette réforme en profondeur.
La bibliothèque personnelle de Pérez Bayer était d’une grande richesse en manuscrits, incunables, bibles polyglottes, mémoires d’académies étrangères, et aussi d’œuvres d’auteurs anciens et modernes, espagnols aussi bien qu’étrangers, orthodoxes ou interdits par l’Inquisition. La donation de sa bibliothèque à l’université de Valence en 1785 achèvera de faire de Pérez Bayer l’un des personnages ayant le plus pesé sur la transformation pédagogique inspirée des Lumières dans cette université.
Fonction à la Bibliothèque royale et dernières années
En 1783, à la mort de Juan de Santander, Charles III nomma Pérez Bayer bibliothécaire en chef de la Bibliothèque du palais royal de Madrid (ancêtre de l’actuelle BNE), à la tête de laquelle il restera jusqu’en 1794. Dès son installation, il relança la réédition de la Bibliotheca Hispana de Nicolás Antonio, réédition amorcée à l’instigation du père Rávago de longues années auparavant. En 1788 parut enfin la Bibliotheca Hispana Vetus, augmentée d’ajouts et d’annotations, pour la plupart de Nicolás Antonio lui-même, et doté d’une ample préface et d’une biographie de l’auteur rédigées par Pérez Bayer. Son intérêt marqué pour la philologie orientale se manifesta encore dans les dernières années de sa vie.
Il entra comme sociétaire à la Société royale économique des amis du pays de Valence en 1776. Il fut nommé membre honoraire des universités de Saint-Pétersbourg et de Göttingen, eut une part très active dans les projets de l’Académie royale d'histoire, et en 1782 accomplit, afin de trouver des monnaies susceptibles de confirmer ses thèses, un long périple à travers le Levant, l’Andalousie et le Portugal, dont il laissa un compte rendu manuscrit et au cours duquel il s’attacha, sa grande capacité de travail aidant, à décrire avec minutie les inscriptions lapidaires, les statues, les temples antiques et les vestiges archéologiques, dont il eut soin de faire exécuter des dessins.
Il existe un portrait de lui dans le Paraninfo de l’université de Valence.
La décision de Pérez Bayer de faire construire une église à Benicà ssim coïncide chronologiquement avec la disparition, alors encore récente, du territoire actuellement connu sous la dénomination de Desierto viejo de las Palmas. À ses propres frais, et après obtention de l’autorisation de Sa Majesté, Pérez Bayer ordonna de bâtir une église sur les terrains qu’il possédait en face de sa maison, décision dont on considère qu’elle présida à la fondation définitive de Benicà ssim, attendu que c’est autour de cette église que viendront se regrouper tous les habitants du lieu, jusqu’alors éparpillés en petits foyers de peuplement et en hameaux.
Hommages
Après sa mort en 1794, Pérez Bayer fut inhumé dans la chapelle Saint-Thomas-de-Villanueva de la cathédrale de Valence. L’inscription latine sur son tombeau fut rédigée par son ami Vicente Blasco.
L’organisation culturelle Acció pel Patrimoni Valencià et la municipalité de Benicà ssim proclamèrent l’année 2011 « Año de la Ilustración Valenciana » (Année des Lumières valenciennes), eu égard au fait que cette date correspond au troisième centenaire de la naissance de Pérez Bayer.
Bibliographie
Écrits de Pérez Bayer
Il est l’auteur d’un grand nombre d’ouvrages sur des sujets historiques et littéraires, ou portant sur les langues orientales, comme l’hébreu et le phénicien.
- Catálogo de la Real Biblioteca de El Escorial. Damaiuis et Laurentius Hispani, Rome, 1756.
- Del alfabeto y lengua de los fenicios y sus colonias, 1772.
- Viajes literarios, rééd. de l'Institución Alfonso el Magnánimo, Valence 1998.
- EtimologĂa de la lengua castellana.
- Viaje arqueolĂłgico desde Valencia a AndalucĂa y Portugal.
- De numis Hebraeo-Samaritanis
- De toletano hebraeorum templo
- Instituciones de la lengua hebrea.
- Origen de las voces españolas derivadas de las voces hebreas.
Ouvrages sur PĂ©rez Bayer
- (ca) Pau Ferrando i TĂ rrega, Francesc PĂ©rez Bayer. Fundador de BenicĂ ssim (1711-2011). 300 aniversari, BenicĂ ssim, BeniMedia SL, , 118 p.
- José Segarra Doménech, Francisco Pérez Bayer. 1711-1794, Benicà ssim, Municipalité de Benicà ssim, , 440 p.
Source
- (es) Antonio Mestre Sanchis, « Francisco Pérez Bayer (dans Diccionario Biográfico Español) », Madrid, Real Academia de la Historia, (consulté le )
Liens externes
- Biblioteca Virtual de PolĂgrafos de la Fondation Ignacio Larramendi