Fosse des Mariannes
La fosse des Mariannes est la fosse océanique la plus profonde connue à ce jour, c'est en conséquence l'endroit le plus profond de la croûte terrestre. Elle est située dans la partie ouest-nord-ouest de l'océan Pacifique, environ 200 km à l'est des îles Mariannes, aux coordonnées 11° 19′ 48″ N, 142° 11′ 57″ E (coordonnées de l'endroit le plus profond[1]), à proximité de l'île de Guam. Horizontalement, l'ensemble de la fosse a une forme de croissant orientée nord-sud, mesurant environ 2 550 km de long et 70 km de large. Le point le plus bas connu, baptisé Challenger Deep, a une profondeur, selon les derniers relevés en 2010, de 10 984 ± 25 m[1] ; géographiquement, Challenger Deep se trouve dans la partie sud de l'ensemble. Des organismes dits « piézophiles » y vivent[2], malgré des pressions gigantesques atteignant l'équivalent de 1 100 at (pression environ mille soixante-six fois plus forte que la pression atmosphérique au niveau de la mer[alpha 1]).
Le Suisse Jacques Piccard et l'Américain Don Walsh sont les premiers hommes a être descendus à de telles profondeurs en 1960 (à quelques dizaines de mètres près en ce qui concerne la profondeur — 10 916 m — et dans Challenger Deep), grâce au bathyscaphe Trieste, engin déjà détenteur de records de plongée et qui avait été conçu une dizaine d'années plus tôt par Auguste Piccard, le père de Jacques, que ce dernier avait aidé dans la tâche de construction.
Origine et contexte tectonique
La fosse se situe sur une frontière de plaques tectoniques, dans une zone de subduction où la plaque pacifique passe sous la plaque philippine. Il s'agit d'une fosse engendrée par subduction spontanée en domaine océanique : la subduction océan-océan est couplée à un bassin arrière-arc en extension.
Elle se poursuit au nord sous le nom de fosse d'Izu-Ogasawara le long de l'archipel Nanpō, soit l'archipel d'Izu et l'archipel Ogasawara (aussi appelé « îles Bonin »), avec laquelle elle forme l'arc Izu-Bonin-Mariannes (en).
Mesures
La fosse des Mariannes a été découverte en 1875, durant l'expédition du Challenger, qui a été la première campagne océanographique, menée à bord du navire de la Royal Navy le HMS Challenger (cinquième du nom)[3]. Cette expédition a permis de constituer la toute première carte mondiale des fonds marins. Pendant quatre ans, le challenger sillonne les océans, 120 000 km ont été parcourus. Tous les 220 km, les navigateurs utilisent au total 420 km de corde, qui était à l'époque le seul moyen de calculer la profondeur des fonds marins. Des profondeurs de plus de 8 000 m[4] furent alors enregistrées.
La fosse a été étudiée pour la première fois lors d'une expédition dirigée par Thomas Frohock Gaskell, dans son intégralité en 1951 par le HMS Challenger (7e du nom), qui a donné son nom au point le plus bas de la fosse, Challenger Deep. Sa profondeur a été mesurée par écho sondage, qui a donné comme résultat 10 900 m aux coordonnées 11° 19′ N, 142° 15′ E. En raison de l'extrême profondeur et des différentes thermoclines traversées par le signal sonore, perturbant ainsi la précision du relevé, les responsables de la Royal Navy ont préféré être prudents lors de leur communiqué officiel, en déclarant la profondeur de 11 km.
En 1957, le vaisseau de l'Union soviétique Vitiaz annonce que la profondeur maximale de la fosse est de 11 034 m. Ce nouveau fond, surnommé Mariana Hollow, n'a jamais pu être détecté à nouveau et ne peut donc être considéré comme exact. En 1962, le Spencer F. Baird enregistre 10 915 m comme profondeur maximale, suivi en 1984 par des Japonais à bord du Takuyo, qui relèvent une profondeur de 10 924 m. Le , la sonde sous-marine japonaise Kaikō relève une profondeur de 10 911 m. Le , le ROV Nereus atteint une profondeur d’environ 10 902 m. La même année, le sondeur bathymétrique multifaisceau monté sur le navire Kilo Moana enregistre une profondeur de 10 971 m[5].
En 2014, une méta-analyse retient la profondeur maximale de 10 984 ± 25 m[6].
Explorations
Le , à bord du bathyscaphe Trieste, le Suisse Jacques Piccard, fils d'Auguste Piccard (inventeur du bathyscaphe) et le lieutenant de l'US Navy Don Walsh, atteignent le fond de la fosse à 13 h 6, après une descente de 4 h 30. Les instruments de bord indiquent une profondeur de 11 521 m, valeur qui est par la suite revue à la baisse à 10 916 m. À cette profondeur, où la pression est extrême, les deux hommes sont surpris de découvrir, au milieu du disque de lumière dessiné par leurs projecteurs, plusieurs organismes vivants (dont un poisson abyssal ressemblant à une sole d'environ 45 cm)[7].
En ce qui concerne la pression exercée par la masse d'eau au-dessus, les instruments relèvent 1 086 bar, soit plus de mille fois la pression existante au niveau de la mer.
En 2010, une plongée en véhicule habité dans la fosse vaut au copilote Don Walsh la médaille Hubbard, le plus grand honneur décerné par la National Geographic Society dans le domaine de la recherche et de la découverte.
Le , le réalisateur James Cameron est devenu le premier homme à explorer seul la fosse des Mariannes, pendant plusieurs heures, à une profondeur de 10 898 m[8]. Âgé de 57 ans, il a plongé seul à bord d'un mini sous-marin de 8 m de long, le Deepsea Challenger, aussi surnommé « la torpille verticale ». L'appareil, qui a nécessité huit années de recherches, a été conçu pour descendre à la vitesse de 150 m/min (soit 9 km/h). Il lui a fallu 2 h et 36 min pour la descente. La remontée, plus rapide que prévu, a pris 70 min. L'expédition a fait l'objet d'un documentaire en 3D, Deepsea Challenge 3D, l'aventure d'une vie, diffusé en salles et sur la chaîne de télévision de National Geographic, publié également dans le magazine et servant de support à des programmes éducatifs.
En , l'entrepreneur américain Victor Vescovo plonge dans la fosse et atteint 10 928 m, battant le record de la plongée la plus profonde[9] en présence de Don Walsh, son précédent détenteur[10].
Le , le submersible Fendouzhe, « combattant » en chinois, est descendu par la Chine jusqu'au fond de la fosse à 10 909 m avec trois scientifiques à son bord. Pour la première fois, des vidéos sont alors retransmises en direct à la télévision centrale de Chine[11]. En plus des images, le but de cette mission consiste à collecter des échantillons biologiques par un bras robotique ainsi que de cartographier par sonar le fond de la fosse.
Bibliographie
- C. Pomerol, Y. Lagabrielle et M. Renard, Éléments de géologie — Structure et dynamique des fonds océaniques, Dunod, Paris, 2005 (ISBN 2-10-048658-6)
- Science et Vie, hors-série Les Grandes expéditions Scientifiques, no 202, mars 1998, p. 67
Filmographie
- 2003 : Fusion de Jon Amiel
- 2018 : En eaux troubles de Jon Turteltaub
- 2020 : Underwater de William Eubank
Notes et références
Notes
- En effet, la pression au niveau de la mer étant environ de 1 atmosphère (1 atm = 1 013,25 mbar = 1 013,25 hPa), de l'ordre de 1 atmosphère technique (at), plus précisément 1,033 227 at, et tous les dix mètres la pression augmentant exactement de 1 at : donc, par rapport au niveau de la mer, la pression double (approximativement) si on descend de dix mètres dans l'océan, triple à vingt mètres, quadruple à trente mètres, quintuple à quarante mètres de profondeur, etc. Par conséquent, à 11 000 mètres de profondeur, la pression est de 1 100 at + 1 atm = 1 101,033 227 at = 1 101,033 / 1,033 atm = 1 065,86 atm = 1 079,96 bar = 1 080 bar. Ce calcul de conversion d'unités montre que la pression au fond de la fosse (1 065,86 atm = 1 080 bar) est environ 1 066 fois supérieure à la pression atmosphérique au niveau de la mer. Ce qui induit évidemment la nécessité de véhicules très fortement renforcés pour y accéder en sécurité, et qu'ils ne se retrouvent pas écrasés au cours de leur descente.
Références
- (en) James V. Gardner, Andrew A. Armstrong, Brian R. Calder et Jonathan Beaudoin, « So, How Deep is the Mariana Trench? », sur tandfonline.com, (consulté le ) : « In 2010, the Mariana Trench was mapped with a Kongsberg Maritime EM122 multibeam echosounder and recorded the deepest sounding of 10,984 ± 25 m (95%) at 11° 19′ 48″ N, 142° 11′ 57″ E. ».
- « Qui vit au fond de la fosse des Mariannes ? » [vidéo], sur youtube.com (consulté le ).
- Frédéric Aitken et Jean-Numa Foulc, Des profondeurs océaniques au laboratoire. 1, Les premières explorations de l'océan profond par le H.M.S. Challenger (1872-1876), Londres, ISTE, , 250 p. (ISBN 978-1-78405-464-9, 1-78405-464-X et 1-78406-464-5, OCLC 1088556348, présentation en ligne, lire en ligne), chap. 4
- « Documentaire // La fosse des Mariannes // Les Profondeurs Abyssales » [vidéo] (consulté le ).
- (en) Alan Jamieson, The Hadal Zone. Life in the Deepest Oceans, Cambridge University Press, (lire en ligne), p. 10.
- (en) James V. Gardner, Andrew A. Armstrong, Brian R. Calder et Jonathan Beaudoin, « So, How Deep Is the Mariana Trench? », Marine Geodesy, vol. 37, no 1,‎ , p. 1–13 (ISSN 0149-0419 et 1521-060X, DOI 10.1080/01490419.2013.837849, lire en ligne, consulté le ).
- (en) « Soundings, Sea-Bottom, and Geophysics - 1960 - Man at the Deepest Depth », National Oceanic and Atmospheric Administration, (consulté le ).
- « James Cameron atteint le fond de la fosse des Mariannes », sur lemonde.fr, .
- France Info avec Reuters, « Des déchets en plastique découverts dans la fosse des Mariannes, à près de 11 kilomètres de profondeur », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).
- (en-GB) « Mariana Trench: Deepest-ever sub dive finds plastic bag », BBC News,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Julie Kern, « Pour la première fois, un submersible retransmet des images en direct depuis les abysses », sur futura-sciences.com (consulté le ) : « Mais la Chine s'intéresse aussi à des métaux indispensables à la fabrication de produits technologiques comme les téléphones portables, les batteries ou les lasers : les terres rares. »
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :