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ForĂȘt de Brotonne

La forĂȘt de Brotonne, en France, est situĂ©e Ă  l'ouest de Rouen dans un vaste mĂ©andre de la Seine, accessible par le pont de Brotonne. Elle fait partie du parc naturel rĂ©gional des Boucles de la Seine normande qui a permis la sauvegarde et la mise en valeur d'un grand espace naturel s'Ă©tendant de la banlieue de Rouen jusqu'au marais Vernier. C'est un reste de la vaste forĂȘt primaire qui recouvrait une partie de la rĂ©gion.

Pont de Brotonne reliant Caudebec-en-Caux Ă  la forĂȘt de Brotonne.
ForĂȘt de Brotonne
Image illustrative de l’article ForĂȘt de Brotonne
HĂȘtraie en forĂȘt de Brotonne
Localisation
CoordonnĂ©es 49° 26â€Č 22″ nord, 0° 42â€Č 32″ est[1]
Pays Drapeau de la France France
RĂ©gion Normandie
DĂ©partement Seine-Maritime
GĂ©ographie
Superficie 7 200 ha
Compléments
Statut ForĂȘt domaniale
GĂ©olocalisation sur la carte : France
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ForĂȘt de Brotonne
GĂ©olocalisation sur la carte : Seine-Maritime
(Voir situation sur carte : Seine-Maritime)
ForĂȘt de Brotonne
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(Voir situation sur carte : Normandie)
ForĂȘt de Brotonne

Elle s'Ă©tend, aujourd'hui, sur 12 km de long et 10 km de large, et elle est quadrillĂ©e de multiples chemins forestiers. PlantĂ©e de chĂȘnes (notamment le cĂ©lĂšbre chĂȘne cuve) et de hĂȘtres, elle compte plus de quatre-vingt-dix espĂšces d'arbres. La partie domaniale couvre plus de 6 700 hectares (dans un ensemble de 7 200 ha). Cette forĂȘt est l'une des plus grandes hĂȘtraies de France, 62 % de sa surface est couverte de hĂȘtres. Mais on y trouve aussi pins sylvestres, charmes et chĂȘnes.

Elle abrite deux bĂątiments remarquables : le moulin-tour de Hauville et le four Ă  pain communal de La Haye-de-Routot. Son flanc sud est longĂ© par l'autoroute A131. Les 50 mares de la forĂȘt ont presque toutes Ă©tĂ© pavĂ©es ou tapissĂ©es d'un lit empierrĂ© Ă  l'Ă©poque gallo-romaine.

Toponymie

L'ancienne dĂ©nomination de la forĂȘt est attestĂ© dans des chartes mĂ©rovingiennes et carolingiennes sous les formes Arelao en 604 ; Arlauno avant 811 ; Arelaunum Arelaunensi dĂ©but IXe siĂšcle ; [De] Arlauno [silva], [de] Arlauno [foreste], [forestem] Arlaunum ; Anelauna avant 830 ; In Arlon [silva], [In] Arlonis [silva] en 849[2].

Le nom actuel de la forĂȘt est attestĂ© sous les formes Silva Brotunh en 1040-1043 ; Brothonii, Brotonii, Brotoni 1032-1047[3] ; Broctona, Brothona en 1142 ; Brotonia en 1154 ; Broctona en 1155-1157 ; Brotona en 1163 et vers 1080 ; Brotonne en 1172-1178 ; Brotunna fin XIIe siĂšcle ; Brotona vers 1140 (Orderic Vital IV, 456, 457) ; Broctona en 1155-1157 ; Brocthon en 1203 ; Brotonie en 1208 ; Brotun en 1214 ; forĂȘt de Brotonne en 1406 ; forest de Broutonne en 1449[4].

Selon une lĂ©gende, Brotonne serait une altĂ©ration de Bretonne, or cette Ă©tymologie s'oppose Ă  la nature des formes anciennes qui devraient ĂȘtre du type *Britoni ou *Britani. En outre, elle serait qualifiĂ©e de forĂȘt Brotonne ou de la Brotonne.

Louis Guinet a exclu de la sĂ©rie des toponymes saxons en -tĆ«n « lieu clos, ferme », le nom de Brotonne en prĂ©cisant que les formes latinisĂ©es au gĂ©nitif Ă©taient incompatibles avec cette explication. Il prĂ©fĂšre proposer un hypothĂ©tique anthroponyme *Brotonius, peut-ĂȘtre celtique (gaulois). Ensuite, il considĂšre que l'Ă©volution du sens de « ferme » Ă  « forĂȘt » ne va pas de soi[5], alors que François de Beaurepaire, au contraire, l'inclut dans la liste des toponymes contenant l'Ă©lĂ©ment -tĆ«n qu'il considĂšre comme anglo-saxon et qu'il compare aux Broughton anglais, par exemple : Broughton (Worcester, Broctun 972) ou Broughton (Oxford, Brohtune, Domesday Book)[6].

En revanche, Louis Guinet soutient qu'Hautonne situĂ© Ă  quelques kilomĂštres appartient bien Ă  cette sĂ©rie des toponymes en -tĆ«n[Note 1]. Pour lui, le fĂ©minin en -tonne ne fait pas difficultĂ©, car Ć« [u:] a Ă©tĂ© entendu et traitĂ© comme u bref [u], d'oĂč les formes en -ton, -tun (exemple : Cottun, Calvados, c. Bayeux, Coltun 1035-1037). De lĂ  proviennent, avec maintien de l'articulation de [n], les formes en -tonne prĂ©sentĂ©es par quelques noms qui prirent naturellement le genre fĂ©minin. À l'appui de cette thĂšse, il cite les exemples d'Étotone (Somme, h. Morvillers-Saint-Saturnin, c. Poix, Stotuna XIIe siĂšcle), Hantone (Manche, h. Rauville-la-Bigot, c. Bricquebec) et Hautonne dĂ©jĂ  mentionnĂ©[5]. Il ne cite pas Martonne Ă  Éturqueraye (Ă  km de la Ferme de Brotonne), Ă©galement dans le Roumois, ni la Briquetonne Ă  Ajou (Eure).

Il remarque cependant qu'il existe un bois de la Petite-Brotonne (Calvados, bois prĂšs du Mesnil-Simon, c. Lisieux) et un Brotonne (Seine-Maritime, ancien lieu-dit Ă  Saint-Pierre-en-Port, c. Valmont) dĂ©signĂ© Brotone au XIIIe siĂšcle. Or, un nom de lieu celtique devrait se retrouver ailleurs qu'en Normandie, ensuite ce bois de La Petite-Brotonne est plus vraisemblablement un transfert relativement rĂ©cent du nom comme il arrive souvent dans la toponymie. De la mĂȘme maniĂšre, on peut considĂ©rer le nom de la ForĂȘt de Brotonne, comme Ă©tant originellement celui de la Ferme de Brotonne et du Petit-Brotonne situĂ©s Ă  l'orĂ©e du massif forestier, bien que Brotonne, chĂąteau et chapelle, ne soient pas mentionnĂ©s avant 1715[7]. En tout cas, ce nom ne peut pas ĂȘtre le nom celtique originel de la forĂȘt puisqu'elle est dĂ©signĂ©e Arelaunum jusqu'Ă  l'Ă©poque carolingienne. D'un point de vue phonĂ©tique, *Brotonius, nom jamais attestĂ©, fait difficultĂ© car il aurait dĂ» aboutir Ă  *Brotoine (cf. Antonius > Antoine) et *Brotonia aurait dĂ» donner *Brotogne (cf. Guasconia, Wasconia > Gascogne). En outre, aucun spĂ©cialiste du celtique n'Ă©voque l'existence d'un possible anthroponyme *Brotonius. Ces raisons incitent sans doute François de Beaurepaire a l'inclure dans la sĂ©rie des noms en -tĆ«n[8], avec cependant une rĂ©serve en ce qui concerne le glissement du sens primitif d' « enclos » vers « bois clos », « rĂ©serve de bois », puis « forĂȘt ».

L'hypothĂšse d'un nom de lieu anglo-saxon ou scandinave (vieux norrois tĂșn) semblable aux autres noms du Roumois en -tonne reste donc la plus forte. La forme ancienne Brotunh du XIe siĂšcle va d'ailleurs dans ce sens. Il convient prĂ©alablement de rejeter les formes Brothonii, Brotonii, Brotoni de 1032-1047 comme des latinisations fautives, les clercs n'ayant souvent pas su comment transcrire des noms qui leur semblaient obscurs.

L'identification du premier Ă©lĂ©ment Bro- dans la perspective d'un toponyme en -tĆ«n, est tout aussi complexe. Le nom de personne scandinave Brokkr, surnom signifiant « blaireau » ou brokkr l'animal lui-mĂȘme[9], ainsi que l'anglo-saxon qui offre une autre possibilitĂ©, ne seraient ce que brƍc « ruisseau » (anglais brook)[8], mais Ă©galement broc(c) « blaireau », ou l'anthroponyme Broc qui en a Ă©tĂ© tirĂ©, et par lequel le mĂȘme François de Beaurepaire explique entre autres Brosville dans l’Eure (Broovilla ~1190) et le hameau homonyme Ă  Saint-Étienne-sous-Bailleul (Brochvilla ou Brothvilla 1025). En outre, un certain Goiffredus Broc est mentionnĂ© dans la rĂ©gion de Bernay en 1025[10].

Histoire

À l'Ă©poque romaine, les restes de la forĂȘt primaire (probablement dĂ©jĂ  bien entamĂ©e au milieu du NĂ©olithique) furent dĂ©frichĂ©s pour construire de vastes domaines, comportant de nombreuses fermes, reliĂ©s aux villes nouvelles qui s'Ă©difient sur les bords de Seine et mĂȘme un vaste palais — le palais d'Arelaune. Certaines villas mesuraient jusqu'Ă  150 mĂštres de long et 80 mĂštres de large et Ă©taient magnifiquement dĂ©corĂ©es et desservies par des voies romaines empierrĂ©es. Ainsi, une mosaĂŻque reprĂ©sentant OrphĂ©e a Ă©tĂ© trouvĂ©e en 1838 dans une de ces villas. Cette mosaĂŻque est conservĂ©e au MusĂ©e des AntiquitĂ©s de Rouen[11].

À sa porte, de l'autre cĂŽtĂ© de la Seine, fut construite, Ă  l'Ă©poque du roi Clovis II (635-657), l'abbaye de Saint-Wandrille, qui fut le point de dĂ©part de l'Ă©vangĂ©lisation de la rĂ©gion. Plus tard, Ă  l'Ă©poque du roi Thierry III (657-691), le saint ermite breton CondĂšde s'installa sur l'Ăźle de Belcinac, y bĂątissant le monastĂšre de Belcinac[12] oĂč il vĂ©cut quinze annĂ©es, attirant Ă  lui de nombreux pĂšlerins qui continuĂšrent aprĂšs sa mort Ă  venir se recueillir sur sa tombe. En 675, le roi des francs ChildĂ©ric II meurt assassinĂ© avec son Ă©pouse et ses amis Ingobert et Amalbert lors d'une chasse par un certain Bodilon, un noble franc que le roi avait fait battre Ă  un poteau.

Au haut Moyen Âge, GrĂ©goire de Tours rapporte[13] que « (en 537) Childebert et Thibert mirent sur pied une armĂ©e, et se disposĂšrent Ă  marcher contre Clotaire ; celui-ci l’ayant appris, et jugeant qu’il n’était pas de force Ă  se dĂ©fendre contre eux, s’enfuit dans une forĂȘt et y fit de grands abattis, plaçant toutes ses espĂ©rances en la misĂ©ricorde de Dieu. », s'agissait-il de la forĂȘt de Brotonne ? FrĂ©dĂ©gaire (auteur des Gestes des Francs), dans son chap. 24, est le premier Ă  Ă©voquer cette forĂȘt sous le nom d’Arelao (variante Arelaum) en 604, c'est l'ancien nom celtique de Brotonne.

Une bataille navale entre les Vikings et les vaisseaux de Charlemagne se termina avec la victoire du scandinave Godefrid (dit également Godfred ) et la mise à sac de la région par les troupes du norvégien Rollon.

PropriĂ©tĂ© des ducs de Normandie, la forĂȘt revint dans le domaine royal sous le rĂšgne de Charles VIII qui venait y chasser. Son statut de forĂȘt royale la protĂšge des dĂ©frichements du Roumois.

En 1540, le roi François Ier se fit construire une rĂ©sidence de chasse Ă  Vatteville-la-Rue. Il y travaillait aussi ; de nombreuses ordonnances royales ont Ă©tĂ© signĂ©es Ă  Vatteville. Les autres rois de France abandonnĂšrent ensuite le domaine. La forĂȘt devint une forĂȘt de production.

État Ă©cologique

La naturalité du massif a été affectée par son histoire et ses modes de gestion et il est trÚs fragmenté et localement trÚs fréquenté.
Son isolement gĂ©ographique est pour partie naturel (boucles de la Seine) et pour partie artificiel (autoroute de Normandie au sud et clĂŽture Ă©lectrique ceinturant la forĂȘt pour limiter les dĂ©gĂąts du gibier sur les cultures) et il est un facteur d'insularisation Ă©cologique qui a Ă©tĂ© source d'appauvrissement gĂ©nĂ©tique des cervidĂ©s[14]. Les cerfs, introduits pour des motifs cynĂ©gĂ©tiques, y sont porteurs de la tuberculose bovine[14] (52,5 % des cerfs tuĂ©s Ă  la chasse vers 2007, la zoonose ayant Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©e en 2001), probablement apportĂ©e par des bovins. Les sangliers peuvent Ă©galement la vĂ©hiculer, notamment aprĂšs avoir mangĂ© des restes d'abats Ă  la suite de la chasse ou des animaux morts. Un plan de chasse prĂ©voit d'Ă©radiquer les cerfs (envoyĂ©s Ă  l'Ă©quarrissage) de la forĂȘt en 2008 ou 2009[14], et de fortement diminuer la population de sangliers, car la maladie a aussi touchĂ© 3 cheptels bovins Ă©levĂ©s en pĂ©riphĂ©rie de la forĂȘt (en 2006 et 2007). Les chasseurs souhaitent que des corridors biologiques puissent ĂȘtre restaurĂ©s pour permettre aux sous-populations de cerfs d'Ă©changer des gĂšnes afin d'Ă©viter les problĂšmes de consanguinitĂ© et de dĂ©rive gĂ©nĂ©tique qui les fragilisent[15].

Patrimoine culturel immatériel

La forĂȘt de Brotonne reflĂšte Ă©galement l'expression d’un riche patrimoine culturel immatĂ©riel, dĂ©montrant la forte relation qu'entretiennent les populations rĂ©sidentes vis-Ă -vis de la forĂȘt. De nombreuses pratiques collectives rythment la vie de ce territoire :

  • chaque 1er mai, la messe inaugurale de la fĂȘte communale de Vatteville-la-Rue se tient dans la petite chapelle Saint-Maur, situĂ©e en pleine forĂȘt ;
  • la vĂ©nĂ©rie.

Ces diverses manifestations semblent dĂ©montrer l’existence d’une certaine sacralitĂ© de la forĂȘt. Certains arbres sont d’ailleurs le support de croyances et de pratiques relevant du culte dit « populaire ». Ainsi le chĂȘne cuve, ĂągĂ© d'environ 400 ans et dont la jonction des cinq bras forme une cuvette remplie d'eau, fait l'objet de nombreuses vĂ©nĂ©rations. Il est pour cela surnommĂ© l'« Arbre roi de la forĂȘt de Brotonne ».

Notes et références

  1. Localisation Ă  la Patte d'Oie Ă  l'aide de GĂ©oportail
  2. Beaurepaire (Charles de) et Laporte (dom Jean), Dictionnaire topographique du département de la Seine-Maritime, Paris, 1982-1984, p. 151. .
  3. Louis Guinet, Contribution Ă  l'Ă©tude des Ă©tablissements saxons en Normandie, Presses universitaires de Caen, 1967, note 66 (lire en ligne)
  4. Beaurepaire (Charles de) et Laporte (dom Jean), op. cit.
  5. Louis Guinet, op. cit.
  6. François de Beaurepaire, « Quelques finales anglo-saxonnes dans la toponymie normande », in Annales de Normandie, 1963, Volume 13, Numéro 13-4, Annexe, p. 235
  7. Carte particuliÚre du diocÚse de Rouen dressée sur les lieux par Mr Frémont de Dieppe sous les yeux et par les ordres de feu Mre Jacques Nicolas Colbert, archevesque de Rouen / gravée par Berey
  8. François de Beaurepaire, op. cit.
  9. Nordic Names : Ă©tymologie de Brokkr (lire en anglais)
  10. François de Beaurepaire (préf. Marcel Baudot), Les Noms des communes et anciennes paroisses de l'Eure, Paris, A. et J. Picard, , 221 p. (ISBN 2-7084-0067-3, OCLC 9675154), p. 79
  11. « L’art normand par Le Chanoine PorĂ©e Correspondant du MinistĂšre de l'Instruction Publique »
  12. Description géographique et historique de la haute Normandie, Volume 1. Michel Toussaint Chrétien Duplessis.
  13. Grégoire de Tours, Histoires, Tome III
  14. GwenaĂ«l Vourc'h et al., Les zoonoses : Ces maladies qui nous lient aux animaux, Éditions QuĂŠ, coll. « EnjeuxScience », (ISBN 978-2-7592-3270-3, lire en ligne), Comment se prĂ©munir des zoonoses et vivre avec, « PrĂ©venir par des actions sur l'environnement et la faune sauvage », p. 136, accĂšs libre.
  15. Article Tuberculose en ForĂȘt de Brotonne, un cas Ă  mĂ©diter, Le saint-Hubert, janvier / fĂ©vrier 2008, p. 30 Ă  33
  1. L'absence de formes anciennes ne permet pas de relier directement Hautonne Ă  Hauville, situĂ© Ă  km, cependant ce genre de couple est frĂ©quent dans la toponymie normande. Hauville est mentionnĂ© sous les formes Halsvilla et Hals villa au XIe siĂšcle, Hals Ă©tant un nom de personne scandinave. Si tel Ă©tait le cas, Hautonne pourrait avoir son strict correspondant en Islande : HalstĂșn

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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