Fayçal ben Abdelaziz Al Saoud
Fayçal ben Abdelaziz Al Saoud (en arabe : ÙÙŰ”Ù ŰšÙ ŰčۚۯۧÙŰčŰČÙŰČ ŰąÙ ŰłŰčÙŰŻ), nĂ© le Ă Riyad (Ămirat de Riyad ) et mort le dans cette mĂȘme ville est un diplomate et homme d'Ătat saoudien, roi d'Arabie saoudite de 1964 jusqu'Ă son assassinat en 1975. Avant son accession au trĂŽne, il sert comme prince hĂ©ritier de 1953 Ă 1964 et comme rĂ©gent de son demi-frĂšre, le roi Saoud, pendant une brĂšve pĂ©riode en 1964. Il est le troisiĂšme des fils du roi Abdelaziz, le fondateur de l'Arabie saoudite contemporaine, et le deuxiĂšme Ă ĂȘtre roi.
Fayçal ben Abdelaziz Al Saoud | |
Portrait du roi Fayçal. | |
Titre | |
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Roi d'Arabie saoudite | |
â (10 ans, 4 mois et 23 jours) |
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Prédécesseur | Saoud ben Abdelaziz Al Saoud |
Successeur | Khaled ben Abdelaziz Al Saoud |
Premier ministre d'Arabie saoudite | |
â (12 ans, 4 mois et 22 jours) |
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Monarque | Saoud ben Abdelaziz Al Saoud Lui-mĂȘme |
Prédécesseur | Saoud ben Abdelaziz Al Saoud |
Successeur | Khaled ben Abdelaziz Al Saoud |
â (6 ans, 4 mois et 5 jours) |
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Monarque | Saoud ben Abdelaziz Al Saoud |
Prédécesseur | Saoud ben Abdelaziz Al Saoud |
Successeur | Saoud ben Abdelaziz Al Saoud |
Biographie | |
Dynastie | Dynastie saoudienne |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Riyad (Nejd) |
Date de décÚs | |
Lieu de décÚs | Riyad (Arabie saoudite) |
Nature du décÚs | assassinat |
Nationalité | saoudienne |
PĂšre | Abdelaziz |
MĂšre | Tarfah (en) |
Conjoint | Iffat bint Mohammad Al Thunayan |
Religion | islam sunnite |
RĂ©sidence | palais d'Al-Yamamah |
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Monarques d'Arabie saoudite Premiers ministres d'Arabie saoudite |
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Fayçal est le fils d'Abdelaziz et de Tarfah bint Abdallah (en) de la lignée des Al ach-Cheikh, qui fournit traditionnellement au royaume ses savants (ouléma) wahhabites les plus influents. Sous le rÚgne de son pÚre, Fayçal devient une personnalité politique de premier plan, accédant à la vice-royauté du Hedjaz en 1926, à la direction du Conseil consultatif en 1927 et à celle du ministÚre des Affaires étrangÚres (en) en 1930. En 1954, il est nommé Premier ministre et utilise cette position pour abolir l'esclavage en Arabie saoudite (en) en 1962. En 1964, épaulé par d'autres membres de la famille royale et le grand moufti Mohammed ben Ibrahim Ali Al ach-Cheikh, il parvient à convaincre son demi-frÚre Saoud d'abdiquer en sa faveur.
Une fois roi, il lance une politique de modernisation et de rĂ©forme. Les principaux thĂšmes de sa politique Ă©trangĂšre sont le panislamisme, l'anticommunisme et la dĂ©fense de la cause palestinienne, qu'il place au cĆur de la rhĂ©torique saoudienne avec Ibrahim ben Mohammed Al ach-Cheikh[1] - [2] - [3]. Critiquant le soutien apportĂ© par les pays occidentaux Ă IsraĂ«l, il dirige l'embargo Ă l'origine de la crise pĂ©troliĂšre de 1973. Cette dĂ©cision, qui renforce l'Ă©conomie et le prestige de l'Arabie saoudite[4], ainsi que ses nombreuses rĂ©formes bureaucratiques et fiscales contribuent Ă en faire l'un des dirigeants saoudiens les plus populaires[5].
Naissance
Fayçal né à Riyad est le troisiÚme fils du fondateur de l'Arabie saoudite, Ibn Saoud. Sa mÚre, Tarfah bint Abdallah Al ach-Cheikh (en), est la sixiÚme épouse d'Ibn Saoud, qui l'a épousée en 1902 aprÚs la capture de Riyad[6], et la fille d'un des principaux conseillers et enseignants de la famille des Saoud[7].
AprÚs la mort de sa mÚre, cinq mois aprÚs sa naissance, Fayçal est élevé par sa grand-mÚre maternelle et son mari le cheikh Abdallah ben Abdel Latif Al ach-Cheikh (en). Il passera son enfance dans un vieux palais de Riyad avec ses deux frÚres aßnés, Turki et Saoud. Son pÚre étant absorbé par ses activités politiques et militaires, ce sont ses deux frÚres qui le forment au maniement des armes et à l'équitation. Son grand-pÚre lui apprend quant à lui le Coran et la poésie.
Jeunesse
Ătant l'un des aĂźnĂ©s d'Ibn Saoud, Fayçal fut chargĂ© de nombreuses responsabilitĂ©s durant la quĂȘte du roi pour la consolidation de son pouvoir. DĂšs 1919, il reprĂ©sente son pĂšre, alors wali du Nejd, aux nĂ©gociations qui aboutiront au traitĂ© de Versailles. ĂgĂ© de treize ans, il est assistĂ© dans son voyage par l'un de ses cousins, Ahmad Al Thunaiyan, qui avait dĂ©jĂ une expĂ©rience politique[8]. Sa tournĂ©e europĂ©enne dĂ©bute Ă Plymouth le , il s'agit alors de sa premiĂšre apparition sur la scĂšne internationale. Ă Londres, il est reçu avec sa suite comme « DĂ©lĂ©gation de l'Arabie centrale » ; quant Ă lui, on lui reconnaĂźt le titre de prince et le rang d'Altesse royale.
Son voyage en Europe a plusieurs objectifs. Il doit d'abord mettre fin Ă l'animositĂ© existant entre sa famille et celle du ChĂ©rif Hussein, tracer une frontiĂšre dĂ©finitive entre le Hedjaz et le Nejd et enfin trouver un accord politique avec les Britanniques pour que ceux-ci ne s'opposent plus Ă la domination de la dynastie sur la pĂ©ninsule. Ă Paris, les Britanniques tentent d'organiser une rencontre entre lui et Fayçal ibn Hussein. Il ne participera pas directement Ă cette entrevue, puisqu'il sera reprĂ©sentĂ© par son cousin Thunaiyan. Les pourparlers seront de courte durĂ©e, la dĂ©lĂ©gation husseinite n'Ă©tant pas prĂ©venue de la venue des gardes du corps des Saoud â les Ikhwans â, il refuse de discuter avec eux, provoquant un incident diplomatique et la fin des nĂ©gociations[8].
De retour en Arabie, son pĂšre le place Ă la tĂȘte d'expĂ©ditions militaires. Il fait ses premiĂšres armes avec le gĂ©nĂ©ral Khalid ibn LuwaĂŻ, avec qui il devra notamment faire reconnaĂźtre aux Idrissides de l'Asir la suzerainetĂ© des Saoud sur Abha, TaĂŻma et le Nord de l'Asir (1921 et 1924). En 1925, Fayçal, Ă la tĂȘte d'une armĂ©e de loyalistes saoudiens, remporte une victoire dĂ©cisive au Hedjaz, dont il est nommĂ© vice-roi un an plus tard[3]. Neuf ans plus tard, les relations se tendent entre les Saoud et le YĂ©men gouvernĂ© par l'imam Yahia, entraĂźnant un conflit militaire ouvert entre les deux pays.
Crise du YĂ©men
En 1934, la crise entre le YĂ©men de l'imam Yahia et le roi Ibn Saoud Ă©clate. Un diffĂ©rend rĂ©gional oppose les deux hommes, chacun revendiquant la souverainetĂ© sur la province de l'Asir. Devant lâincursion rĂ©pĂ©tĂ©e des YĂ©mĂ©nites dans cette province, le roi Saoud dĂ©cide de lancer une grande campagne militaire contre le YĂ©men.
L'armĂ©e est alors divisĂ©e en trois corps, le premier est commandĂ© par Fayçal[9], il aura pour objectif de s'emparer des villes d'Haradh et d'al-HodeĂŻda, le plus grand port du pays. Le second est commandĂ© par le roi, qui se chargera de prendre Najran. Quant au troisiĂšme c'est un Ikwan qui est Ă sa tĂȘte, Khalid ibn-Mohammed. Celui-ci devra prendre Sanaa, la capitale du pays.
Devant cette invasion, les Anglais et les Italiens envoient leurs navires de guerre, et ouvrent dans le mĂȘme temps des nĂ©gociations avec le roi. Fayçal prend en main les nĂ©gociations, et parvient Ă trouver une sortie Ă cette crise. Il obtient que lâAsir soit rattachĂ© au domaine de la famille Saoud, que le YĂ©men offre dâimportantes compensations financiĂšres, et qu'enfin le royaume d'Arabie saoudite soit reconnu.
Ce succĂšs diplomatique inespĂ©rĂ© permet non seulement au royaume dâĂȘtre reconnu par les EuropĂ©ens, mais Ă©galement de sortir le pays de la dĂ©route financiĂšre dans lequel il se trouvait[10]. En reconnaissance de ses bons et loyaux services, Fayçal devient le premier ministre des Affaires Ă©trangĂšres de l'Ătat saoudien nouvellement crĂ©Ă©, poste qu'il conservera jusqu'Ă sa mort[11].
Ministre des Affaires Ă©trangĂšres
Devenu ministre, c'est sous son influence que le roi Ibn SĂ©oud accepte lâinvitation du prĂ©sident amĂ©ricain Roosevelt sur le croiseur USS Quincy[8]. Le pacte du Quincy permet aux Saoudiens de se placer dans l'orbite Ă©conomique et militaire amĂ©ricaine. Ils cĂšdent l'exploitation de leurs ressources pĂ©troliĂšres aux Ătats-Unis contre la protection de leur royaume. Cet accord stratĂ©gique a permis Ă Fayçal de mettre en pratique sa politique de rapprochement arabo-amĂ©ricaine qu'il prĂŽnait depuis plusieurs annĂ©es.
Lors de la fondation de l'ONU en 1945, il salue Ă nouveau le rĂŽle des Ătats-Unis au Moyen-Orient. Ă la tribune de l'AssemblĂ©e, il rend hommage Ă l'opposition amĂ©ricaine Ă toutes les formes de colonisation et fait part de sa pleine et entiĂšre confiance en la politique des Ătats-Unis. Câest une nouvelle occasion pour lui de faire l'Ă©loge de la solide amitiĂ© amĂ©ricano-saoudienne[8].
Partage de la Palestine
En 1947, Ă la suite des nombreux conflits opposant nationalistes, sionistes et Arabes palestiniens, les Britanniques dĂ©cident dâabandonner leur mandat en Palestine. L'abandon du mandat entraĂźne une profonde inquiĂ©tude chez les Arabes. Ils craignent en effet que les sionistes profitent du dĂ©part des Britanniques pour proclamer leur Ătat.
Fayçal est choisi par les dĂ©lĂ©gations arabes Ă l'ONU pour les reprĂ©senter. Il tente de rassurer les diplomates trĂšs inquiets d'un soutien des puissances occidentales aux sionistes. Il leur assure que les AmĂ©ricains ne reconnaĂźtront aucun « Ătat dâIsraĂ«l », il en veut pour preuve ses nombreux contacts avec la diplomatie amĂ©ricaine et notamment avec l'ambassadeur et conseiller pour les affaires du Proche-Orient de la dĂ©lĂ©gation amĂ©ricaine Ă l'ONU George Wadsworth (en). Il va jusqu'Ă s'en porter garant devant les diplomates arabes[8].
MalgrĂ© les garanties amĂ©ricaines, le prĂ©sident Truman se prononce pour le partage et reconnaĂźt l'Ătat d'IsraĂ«l quinze minutes aprĂšs sa proclamation. Pour Fayçal, c'est un vĂ©ritable camouflet. Il perd tout crĂ©dit devant les dĂ©lĂ©gations arabes, qui dĂ©noncent son « inexplicable naĂŻvetĂ© ». Il rĂ©alise pour la premiĂšre fois que sa politique d'amitiĂ© arabo-amĂ©ricaine a ses limites, et il en aura une nouvelle preuve avec le soutien amĂ©ricain aux rĂ©publicains yĂ©mĂ©nites.
RĂ©volution en Ăgypte et guerre civile du YĂ©men du Nord
Contrairement Ă son frĂšre Saoud â qui deviendra roi d'Arabie saoudite en 1953 â, Fayçal voit tout dâabord la rĂ©volte des officiers libres d'un bon Ćil[8]. Dâabord cordiales, les relations entre Nasser et lui vont se dĂ©tĂ©riorer rapidement. Fayçal ne comprend pas pourquoi Nasser se montre si opposĂ© aux Ătats-Unis et surtout, il s'oppose vigoureusement au rapprochement entre l'Ăgypte et Moscou, le soutien aux « rĂ©publiques progressistes » face aux « monarchies traditionalistes ». Le soutien quâapportera Nasser Ă la rĂ©volution irakienne, ses discours de plus en plus anti-monarchistes, et sa volontĂ© d'hĂ©gĂ©monie sur le monde arabe vont sĂ©rieusement Ă©branler les relations entre les deux pays. Mais lâantagonisme entre l'Ăgypte et lâArabie saoudite culmine lors du soutien de Nasser Ă la rĂ©volution au YĂ©men.
GouvernĂ© depuis plusieurs dizaines d'annĂ©es par un monarque, le YĂ©men de lâimam Yahia est devenu un alliĂ© de poids de lâArabie saoudite. SuccĂ©dant Ă son pĂšre en 1948, Ahmad bin Yahya est victime dâun coup dâĂtat en . Sur le modĂšle Ă©gyptien, le coup est menĂ© par un jeune officier inconnu du grand public, Abdellah Sallal . Il proclame la RĂ©publique et sâattribue le grade de marĂ©chal.
LâArabie voit dâun trĂšs mauvais Ćil la proclamation dâune RĂ©publique Ă sa frontiĂšre. Fayçal, qui Ă©tait alors aux Ătats-Unis, rencontre Ă cette occasion le prĂ©sident Kennedy Ă qui il fait part de ses inquiĂ©tudes. Il essaye de le persuader que le coup nâest pas le rĂ©sultat dâune volontĂ© populaire, mais quâil sâagit dâun nouveau stratagĂšme de Nasser et des SoviĂ©tiques visant Ă dĂ©stabiliser le royaume saoudien. MalgrĂ© toutes ses suppliques, Kennedy reconnaĂźt la rĂ©publique du YĂ©men pour ne pas laisser le champ libre aux SoviĂ©tiques.
De retour Ă Riyad, Fayçal tente dâorganiser la rĂ©sistance. Quelques semaines aprĂšs le coup dâĂtat, il apprend que lâimam Badr nâest pas mort. Il a rĂ©ussi Ă sâenfuir et Ă gagner les montagnes oĂč il appelle les Saoudiens Ă le soutenir. RĂ©pondant Ă cet appel, Fayçal envoie aux hommes de lâImam toute lâaide possible, vivres, armes, nourritures, mĂ©dicaments, tandis que dans le mĂȘme temps, les Ăgyptiens envoient leurs soldats dans le pays, 20 000 hommes d'abord et prĂšs de 100 000 hommes au total quelques semaines plus tard.
Ă la suite des bombardements des routes de ravitaillement par les Ăgyptiens, Fayçal ordonne la mobilisation gĂ©nĂ©rale et suspend toutes les relations diplomatiques avec Le Caire. La tension qui monte inquiĂšte les Ătats-Unis qui craignent quâun conflit ouvert Ă©clate entre l'Ăgypte et lâArabie saoudite. Pour empĂȘcher que cela ne se produise, Fayçal obtient des AmĂ©ricains que lâONU intervienne au YĂ©men pour mettre fin au conflit. Cependant, lâONU ne parvient pas Ă contrĂŽler les frontiĂšres et Ă faire cesser le trafic dâarmes et les combats entre les deux camps se poursuivent.
En 1964, Sallal tente dâinternationaliser le conflit en cherchant du soutien chez les SoviĂ©tiques et les Chinois ; au grand dĂ©sarroi de Fayçal, qui obtient toujours la mĂȘme rĂ©ponse des AmĂ©ricains : ne pas laisser le champ libre aux Russes.
Devant cet Ă©chec, Fayçal quitte le devant de la scĂšne, et laisse plus de libertĂ© au roi Saoud pour rĂ©gler le conflit. Lâadministration du pays par le roi entraĂźnera une vague de mĂ©contentement qui le mĂšneront Ă sa perte.
Premier ministre
Lâadministration du pays par le roi Saoud a toujours Ă©tĂ© contestĂ©e au sein mĂȘme de la sociĂ©tĂ© saoudienne. On lâaccuse de gouverner le pays de façon trop personnelle, puisant dans les fonds publics pour se construire des palais fastueux, plus intĂ©ressĂ© par la chasse au faucon et les promenades Ă cheval que par les affaires du pays. En quelques annĂ©es, il vide les caisses de lâĂtat, le riyal nâest plus acceptĂ© sur les places Ă©trangĂšres, et la signature de lâĂtat nâest plus honorĂ©e.
En 1958, Fayçal est nommĂ© Premier ministre afin de redresser lâĂ©conomie du royaume. Les dĂ©saccords avec Saoud le forcent Ă dĂ©missionner en 1960, mais Saoud le rappelle en 1962[12].
En matiĂšre de politique Ă©trangĂšre, on critique le manque de sens politique de Saoud. Sa tentative dâassassinat de Nasser, sa volontĂ© de rompre tout lien diplomatique avec les Ătats-Unis pendant la crise du YĂ©men et son opposition Ă laisser son frĂšre gouverner le pays en son absence finissent de lui faire perdre ses derniers partisans. Devant cet Ă©tat de fait, les princes se concertent durant tout le mois dâ, et le ils se rassemblent au bureau du vice-Premier ministre, Khaled ben Adbelaziz. AprĂšs des heures de dĂ©bats, ils dĂ©cident de transfĂ©rer le pouvoir temporel Ă Fayçal. Quatre jours plus tard, les oulĂ©mas se rassemblent chez le Grand Mufti et lui confient le pouvoir spirituel. Le roi Saoud, qui ignorait ce qui se passait en coulisse, est contraint de renoncer Ă son trĂŽne. Il quitte lâArabie en direction du Caire, puis dâAthĂšnes, oĂč il sâĂ©teint en 1969.
Roi dâArabie saoudite
Fayçal est fait roi dâArabie saoudite le . Il quitte Djeddah pour prendre ses quartiers Ă Riyad.
RĂ©formes sociales
Ă son arrivĂ©e au pouvoir, l'Arabie saoudite Ă©tait largement considĂ©rĂ©e comme un « empire patriarcal »[8]. Encore au stade fĂ©odal, les affaires se traitaient entre chefs de tribus. Câest sous son rĂšgne que lâArabie est passĂ©e dâune condition de mosaĂŻque de tribus Ă celle dâun Ătat fort et centralisĂ©.
Fayçal entreprend de moderniser la sociĂ©tĂ© saoudienne en sâattelant tout dâabord Ă la rĂ©forme du gouvernement. Il modifie en profondeur le fonctionnement de lâadministration, dĂ©finit les devoirs et les attributions de chaque ministĂšre, rend les ministres responsables de leur bilan. Il sâentoure de « princes-managers » formĂ©s dans des Ă©coles amĂ©ricaines et britanniques. Politiques, technocrates, mĂ©decins, professeurs ou hauts fonctionnaires, ces princes constitueront la colonne vertĂ©brale du nouvel Ătat saoudien.
Il rĂ©forme Ă©galement lâarmĂ©e, dissout lâIkhwan et la remplace par une armĂ©e rĂ©guliĂšre et la Garde nationale. S'agissant ensuite de lâagriculture, il lance un vaste plan de « fertilisation du dĂ©sert » qui devait permettre Ă lâArabie dâatteindre lâautosuffisance alimentaire. Ainsi, le budget du ministĂšre de lâAgriculture passe de 21 millions de riyals en 1960 Ă 382 millions dix ans plus tard[8]. Cette politique sâaccompagne de la sĂ©dentarisation des populations nomades travaillant dĂ©sormais dans lâagriculture.
RĂ©formes Ă©conomiques
Les dix premiĂšres annĂ©es de son rĂšgne sont marquĂ©es par lâassainissement des finances du royaume. DĂšs son arrivĂ©e dans la capitale, il sâattelle Ă rĂ©duire le dĂ©ficit de lâĂtat en menant une sĂ©rie de rĂ©formes. Câest ainsi quâen trois ans il Ă©tablit une distinction entre le budget de lâĂtat et la liste civile du monarque, ainsi qu'entre les dĂ©penses publiques et les subventions privĂ©es. AprĂšs avoir rĂ©tabli la balance commerciale, il rend sa valeur au riyal, met fin aux gaspillages des fonds publics, lutte contre la corruption, le favoritisme et le trafic dâinfluence[8]. Il rĂ©duit Ă©galement le train de vie de la famille royale et renforce ses pouvoirs et celui du gouvernement.
Cette politique porte rapidement ses fruits et les finances du royaume sont largement assainies. L'importante manne financiĂšre est particuliĂšrement utile en matiĂšre de politique Ă©trangĂšre et permet Ă lâArabie saoudite de revenir sur le devant de la scĂšne Ă lâoccasion de la guerre des Six Jours.
Guerre des Six Jours
La guerre des Six Jours dĂ©clenchĂ©e en par IsraĂ«l contre lâĂgypte, la Syrie, la Jordanie et lâIrak est une vĂ©ritable dĂ©bĂącle pour les armĂ©es arabes. LâĂgypte est dĂ©bordĂ©e par lâarmĂ©e israĂ©lienne qui est parvenue Ă prendre le SinaĂŻ et le canal de Suez. La puissance militaire Ă©gyptienne est anĂ©antie et l'Ă©conomie nationale ruinĂ©e. Cette situation conduit Nasser Ă demander lâaide de lâArabie saoudite, seul pays de la rĂ©gion Ă pouvoir renflouer les caisses de lâĂtat. Une confĂ©rence est alors convoquĂ©e Ă Khartoum en 1967 pour sceller la rĂ©conciliation inter-arabe et dĂ©cider d'une stratĂ©gie pour faire face Ă IsraĂ«l. Fayçal, en position de force, accepte de prendre Ă sa charge 37 % des pertes rĂ©sultant de lâobstruction du canal (il sera suivi par les KoweĂŻtiens et les Libyens) et de verser chaque mois une somme Ă©quivalente Ă plus du tiers de celle qu'aurait rapportĂ©e Ă l'Ăgypte lâexploitation de la voie dâeau, jusquâĂ sa remise en Ă©tat dĂ©finitive[8].
Par la force des choses, Nasser est contraint de mettre fin Ă ses attaques rĂ©pĂ©tĂ©es contre les monarchies du Golfe et cesse de soutenir les rĂ©publicains yĂ©mĂ©nites. La dĂ©bĂącle Ă©gyptienne et sa dĂ©pendance vis-Ă -vis de lâArabie saoudite permettent Ă Fayçal de prendre la tĂȘte du monde arabe.
Amitié américano-saoudienne
En matiĂšre de politique Ă©trangĂšre, la grande ambition de Fayçal a Ă©tĂ© de faire basculer le monde arabe dans le « camp amĂ©ricain »[8]. Ă la fin de lâannĂ©e 1973, il expose clairement sa politique aux diplomates saoudiens : ne jamais lĂ©ser les intĂ©rĂȘts amĂ©ricains ou porter atteinte Ă leur amour-propre, lutter contre lâinfluence communiste ou prosoviĂ©tique au Moyen-Orient, et faire comprendre aux Arabes que leur salut ne viendra pas de Moscou mais de Washington. En contrepartie, il sâengage Ă avoir une attitude intransigeante vis-Ă -vis dâIsraĂ«l, de toujours soutenir le peuple palestinien et dâuser de son influence sur les cercles dirigeants amĂ©ricains en faveur de la cause palestinienne. Il rĂ©sume sa politique en cette phrase : « Mon pĂšre a voulu ĂȘtre le garant des AmĂ©ricains Ă lâĂ©gard des Arabes. Moi, je veux ĂȘtre le porte-parole des Arabes auprĂšs des AmĂ©ricains »[8].
Câest dans cette optique quâil invite le prĂ©sident Sadate Ă rompre les liens avec Moscou, Ă abandonner la politique nassĂ©rienne hostile aux AmĂ©ricains, et Ă rĂ©tablir les relations diplomatiques avec les Ătats-Unis. Lors de la guerre du Kippour, il sâentend avec le raĂŻs Ă©gyptien pour que la guerre ne soit pas totale, mais plutĂŽt un moyen pour lâĂgypte de faire valoir ses droits sur le canal de Suez et le SinaĂŻ. Plus tard, lors des nĂ©gociations pour un cessez-le-feu avec IsraĂ«l, il servira d'intermĂ©diaire entre Kissinger, Sadate et le prĂ©sident syrien, Hafez el-Assad.
Son action politique est globalement un succĂšs, lâĂgypte de Sadate rejoint le camp occidental et la Russie est fortement affaiblie sur la scĂšne arabe. Cependant, les relations diplomatiques entre lâArabie et les Ătats-Unis vont se dĂ©tĂ©riorer avec lâarrivĂ©e de Gerald Ford au pouvoir.
Tension entre les Ătats-Unis et lâArabie saoudite
Nixon, avec qui Fayçal entretenait des relations cordiales, est contraint Ă la dĂ©mission Ă la suite du scandale du Watergate. Il est remplacĂ© par le vice-prĂ©sident Gerald Ford, qui prĂȘte serment le . Ford, qui est connu pour ses positions pro-israĂ©liennes, suscite la dĂ©fiance des Saoud. Le , Fayçal fait savoir son irritation au gouvernement amĂ©ricain, le sommant de changer de politique, sans quoi la politique de son pays vis-Ă -vis de lâAmĂ©rique changera.
Nâayant reçu aucune rĂ©ponse, il met en place une sĂ©rie de sanctions. Le volume dâextraction du pĂ©trole est rĂ©duit de 10 Ă 20 %, puis le , il procĂšde au retrait progressif des rĂ©serves dâor saoudienne entreposĂ©es aux Ătats-Unis[8]. Dans le mĂȘme temps, lâAramco est sur le point dâĂȘtre nationalisĂ©e. Dans un entretien Ă Newsweek, Fayçal rĂ©pĂšte son souhait de voir une inflexion de la politique amĂ©ricaine au Moyen-Orient au profit de la Palestine. Il menace une nouvelle fois dâavoir recours Ă lâarme pĂ©troliĂšre, ce qui lui attire les foudres de Kissinger, qui parle dâun « Ă©tranglement du monde industrialisĂ© » et dâune possible solution militaire pour rĂ©gler ce diffĂ©rend[8].
Le ton monte entre les pays de lâOPEP et les Ătats-Unis, les uns menacent de fermer les puits de pĂ©trole en cas dâinvasion, et les autres dâenvahir les champs pĂ©trolifĂšres dâArabie. Des manĆuvres militaires sont menĂ©es par le commandement amĂ©ricain dans le Golfe et des simulations de dĂ©barquement ont lieu Ă Oman. Pour dĂ©samorcer la crise, Fayçal envoie son ministre de la DĂ©fense, lâĂ©mir Sultan, Ă Washington rencontrer de hauts responsables amĂ©ricains. Sur place, il recrute un millier de conseillers militaires amĂ©ricains, qui formeront Ă la fois la Garde nationale saoudienne, protĂšgeront les puits de pĂ©trole et la famille royale. CâĂ©tait un signe de bonne volontĂ© de Fayçal, qui par ce geste voulait montrer que son sort, et celui de sa famille, dĂ©pendait entiĂšrement des Ătats-Unis. Cependant, le geste n'a pas eu l'effet escomptĂ© sur le gouvernement amĂ©ricain, qui continue de prĂ©parer un plan d'invasion[8].
Assassinat
Le , jour du Mawlid, le roi Fayçal reçoit la visite de son jeune neveu, le prince Fayçal ben MoussaĂŻd, ĂągĂ© de trente ans, qui parvient Ă entrer dans le palais avec son arme. Conduit devant le roi aux cĂŽtĂ©s d'une dĂ©lĂ©gation koweĂŻtienne, il attend d'ĂȘtre assez proche de son oncle pour sortir son revolver et tirer trois balles Ă bout portant, dont une qui le touche Ă la tĂȘte.
CeinturĂ© et assommĂ© par les soldats de garde, le prince est arrĂȘtĂ©, tandis que le roi est Ă©vacuĂ© en urgence vers le King Fayçal Hospital de Riyad. Toujours vivant dans lâambulance malgrĂ© ses blessures, le roi sâĂ©teint sur la table dâopĂ©ration.
Les motivations de l'assassin restent floues. Plusieurs théories ont été émises : celle d'une vengeance familiale (pour venger la mort d'un de ses frÚres abattu par la police lors d'une manifestation), d'un différend financier, ou d'un complot politique (à la suite d'un discours dans lequel le roi appelait les musulmans au « djihad » pour libérer la Palestine[13]).
Déclaré sain d'esprit à la suite de son interrogatoire par des experts et des policiers, le prince Fayçal ben Moussaïd fut condamné à mort puis décapité, conformément à la charia en vigueur dans le pays.
Le prince héritier Khaled ben Abdelaziz succéda à Fayçal en tant que roi, tandis que son demi-frÚre Fahd devint le nouveau prince héritier.
Descendance
Fayçal a eu huit fils et dix filles[14] avec quatre épouses, dont la derniÚre, Iffat bint Mohammad Al Thunayan, dite « reine Iffat » a défendu le droit à l'éducation des femmes en Arabie saoudite, notamment en créant en 1956 la premiÚre école du pays accueillant des jeunes filles[15].
Parmi ses fils, Khaled ben Fayçal (en) est gouverneur de la province de La Mecque de 2007 Ă 2013 et depuis 2015, Saoud ben Fayçal a Ă©tĂ© pendant quarante ans ministre des Affaires Ă©trangĂšres de 1975 Ă 2015, et Turki ben Fayçal a Ă©tĂ© directeur de l'Agence saoudienne de renseignements de 1979 Ă 2001 puis ambassadeur au Royaume-Uni et aux Ătats-Unis.
Notes et références
- (en) Robert L. Jarman (dir.), Political Diaries of the Arab World : Saudi Arabia 1919â1965, vol. 6 : 1941-1965, p. 508
- (en) King Faisal: Oil, Wealth and Power - Time, 7 avril 1975 (abonnement requis)
- (en) « Faisal ibn Abd al Aziz ibn Saud Biography », dans Paula K. Byers et Suzanne Michele Bourgoin, Encyclopedia of World Biography, Gale, 1997 (ISBN 978-0-7876-2221-3) [présentation en ligne].
- (en) « Saudi Arabia: Country profile », Al Jazeera, (consulté le )
- (en) Steffen Hertog, Princes, Brokers, and Bureaucrats: Oil and the State in Saudi Arabia, Cornell University Press, 2011 (ISBN 978-0-8014-7751-5), 312 pages.
- (en) R. Bayly Winder, « FayáčŁal b. ÊżAbd al- ÊżAzÄ«z b. ÊżAbd al- Raáž„man Äl SuÊżĆ«d (ca. 1323â95/ca. 1906â75) », Encyclopaedia of Islam, Ă©ditĂ© par P. Bearman, Th. Bianquis, C.E. Bosworth, E. van Donzel et W.P. Heinrichs, Brill, 2007.
- (en) Bligh, Alexander, « The Saudi religious elite (Ulama) as participant in the political system of the kingdom. », International Journal of Middle East Studies, vol. 17,â , p. 37â50.
- Jacques Benoist-MĂ©chin, Fayçal : Roi d'Arabie, Ăditions Albin Michel, 1975 (ISBN 978-2-2260-0189-4), 302 pages.
- (en) « Monarchs in War », Yunan Labib Rizk, Al-Ahram Weekly Online no 681, 11â17 mars 2004.
- Le trésor saoudien tenait dans une mallette que le ministre des Finances cachait sous son lit.
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Bibliographie
- Jacques Benoist-MĂ©chin, Fayçal : Roi d'Arabie, Ăditions Albin Michel, 1975 (ISBN 978-2-2260-0189-4), 302 pages.