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Pacte du Quincy

Le pacte du Quincy est le surnom donné à la rencontre du sur le croiseur USS Quincy (CA-71) entre le roi ibn Saoud, fondateur du royaume d'Arabie saoudite, et le président des États-Unis Franklin Roosevelt, de retour de la conférence de Yalta, en Crimée.

Le président Franklin Roosevelt en compagnie du roi Abdelaziz Al Saoud, du colonel William A. Eddy (en) (qui sert d'interprète, un genou au sol) et de l'amiral William Leahy (debout, à gauche) sur l'USS Quincy.

Discussions

Début 1945, à l'insu des Britanniques, le président américain propose à ibn Saoud de le rencontrer, ainsi que l'empereur d'Éthiopie Haïlé Sélassié Ier et le roi Farouk d'Égypte[1], à l'occasion de son retour de la conférence de Yalta. Roosevelt rencontre les trois chefs d'État le même jour, alors que son croiseur mouille dans le lac Amer (en plein canal de Suez, ainsi protégé de toute attaque par un sous-marin), en Égypte.

Roosevelt et ibn Saoud débattent d'égal à égal d'abord de la colonisation juive en Palestine, Roosevelt tentant d’obtenir l’appui du roi pour la création d’un foyer national juif en Palestine, chose qui lui fut catégoriquement refusée[2] - [3]. La discussion passe ensuite à la Syrie et au Liban, concernant le départ des Français et l'indépendance de ces deux pays.

Notion de « pacte »

Selon plusieurs publications, les deux chefs d'État auraient abordé le sujet de l'avenir de la dynastie saoudienne et du pétrole arabe. Un pacte aurait été signé, garantissant à la monarchie saoudienne une protection militaire en échange d'un accès au pétrole[4] - [5]. Il s’articule sur quatre points :

  • la stabilitĂ© de l’Arabie saoudite fait partie des « intĂ©rĂŞts vitaux » des États-Unis qui assurent, en contrepartie, la protection inconditionnelle de la famille Saoud et accessoirement celle du Royaume contre toute menace extĂ©rieure Ă©ventuelle ;
  • par extension, la stabilitĂ© de la pĂ©ninsule arabique et le leadership rĂ©gional de l’Arabie saoudite font aussi partie des « intĂ©rĂŞts vitaux » des États-Unis ;
  • en contrepartie, le Royaume garantit l’essentiel de l’approvisionnement Ă©nergĂ©tique amĂ©ricain, la dynastie saoudienne n’aliĂ©nant aucune parcelle de son territoire, les compagnies concessionnaires ne seraient que locataires des terrains. Aramco bĂ©nĂ©ficie d'un monopole d'exploitation de tous les gisements pĂ©troliers du royaume pour une durĂ©e d'au moins soixante ans ;
  • les autres points portent sur le partenariat Ă©conomique, commercial et financier saoudo-amĂ©ricain ainsi que sur la non-ingĂ©rence amĂ©ricaine dans les questions de politique intĂ©rieure saoudienne.

Pas de pacte

Cependant pour l'historien Henry Laurens ; « Le pacte du Quincy est une légende urbaine qui résume à une seule entrevue plusieurs décennies de relations arabo-saoudiennes, bien plus complexes qu’on ne le pense de l’extérieur », en réalité le président Roosevelt et le roi Ibn Saoud « n’évoquent pas la question du pétrole (...) l’affaire a déjà été réglée »[6]. Le contenu des discussions à bord du USS Quincy a été partiellement publié dès 1948[7], puis intégralement en 1954[8] et 1969[9] : il n'y est pas question de pétrole. Quant à la rencontre de 2005, elle s'est limitée à un communiqué commun[10].

Le roi saoudien a bien signĂ© un accord, mais avec la Standard Oil of California (Socal) dès 1933 pour une concession de 60 ans dans l'est de l'Arabie saoudite, concession partagĂ©e avec la Texas Oil Company (Texaco) Ă  partir de 1936, puis l'accord est Ă©tendu en superficie en 1938, intĂ©grant en 1948 la Standard Oil of New Jersey (Esso) et la Standard Oil of New York (Socony) au sein de l'Arabian American Oil Company (Aramco)[11]. Le pĂ©trole d'Arabie saoudite est destinĂ© Ă  l'approvisionnement des forces armĂ©es, notamment l'US Navy, pas au marchĂ© amĂ©ricain qui est alors encore largement couvert par les gisements exploitĂ©s aux États-Unis.

Postérité

Les promesses verbales de Roosevelt concernant la Palestine, renouvelées par écrit dans une lettre datée du [12] ne sont pas respectées par le président suivant, Truman, qui va laisser faire la fondation d'Israël.

Liée aux États-Unis pendant toute la guerre froide, l'Arabie saoudite prend ses distances au début des années 2010, en réponse à la non-intervention militaire du pays pendant la guerre civile syrienne et au rapprochement irano-américain qui fait suite à l'élection d'Hassan Rohani à la présidence de la République islamique d'Iran. En conséquence, l'Arabie saoudite refuse son siège obtenu par l'élection du Conseil de sécurité des Nations unies de 2013[13]. Selon l'anthropologue marocain Faouzi Skali, en garantissant la protection de l’Arabie saoudite, le pacte de Quincy permet au wahhabisme de s’étendre, y compris en Afrique et de concurrencer d'autres écoles islamiques[14].

Notes et références

  1. Le jour où Roosevelt et Ibn Saoud ont scellé le pacte du Quincy...
  2. La relation entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite
  3. Le nouvel « âge d'or » des fonds souverains au Moyen-Orient
  4. André Larané, « Le « pacte du Quincy », une alliance contre nature », herodote.net, (consulté le ).
  5. Gilles Paris, « La saga des Saoud », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. Henry Laurens, « De quoi parlaient le président américain et le roi saoudien en février 1945 ? », sur http://orientxxi.info/, .
  7. (en) Robert Emmet Sherwood, Roosevelt and Hopkins, an intimate History, New York, Harper and Brothers, , 979 p. (LCCN 48008936), p. 871-872.
  8. (en) William Alfred Eddy, F.D.R. Meets Ibn Saud, New York, American Friends of the Middle East, , 45 p. (LCCN 54004710), p. 33-37.
  9. (en) Foreign Relations of United States 1945, t. VIII, Washington, US Department of State, (LCCN 80643949), p. 2-3.
  10. (en) « Joint Statement by President Bush and Saudi Crown Prince Abdullah », sur https://2001-2009.state.gov/, .
  11. Vincent Capdepuy, « Le « pacte du Quincy » », sur https://aggiornamento.hypotheses.org/, .
  12. (en) « Letter From President Roosevelt to King Ibn Saud, April 5, 1945 », sur http://www.crethiplethi.com/, .
  13. Georges Malbrunot, « L'Arabie saoudite de plus en plus irritée par son allié américain », in Le Figaro, 23 octobre 2013, page 7.
  14. Ghalia Kadiri, « Pourquoi les djihadistes s’attaquent aux musulmans soufis », lemonde.fr, (consulté le )

Voir aussi

Liens externes

Articles connexes

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