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Edmond Boissonnet

Edmond Boissonnet (1906 - 1995) est un artiste plasticien français de la Seconde École de Paris, nĂ© Ă  Bordeaux comme Odilon Redon (1840-1916), Albert Marquet (1875-1947) et son ami de toujours, AndrĂ© Lhote (1885-1962). L’art de Boissonnet couvre ainsi la quasi-totalitĂ© du XXe siècle. Il est le reflet des courants artistiques de ce siècle tout en Ă©tant indĂ©pendant de ceux-ci. Pour cela, il utilise diffĂ©rents moyens matĂ©riels : dessins, peintures sur toile, papier, bois, collages, mosaĂŻques Ă  partir de matĂ©riaux bruts, tapisseries de laines multicolores et pour mĂ©moire, sculptures sur bois. Pour illustrer le dĂ©fi qu’il se lance Ă  lui-mĂŞme sur le plan de l’art, il utilise souvent la mĂ©taphore du « Combat avec l’Ange Â»[note 1]. Enfin, l’art de Boissonnet, s’étalant sur près de soixante dix ans, connaĂ®t quatre grandes pĂ©riodes illustrĂ©es par des expositions significatives. Boissonnet expose pratiquement tous les ans dans diffĂ©rentes institutions artistiques.

Edmond Boissonnet
Edmond Boissonnet Ă  Beaubourg en 1984.
Naissance
Décès
Nom de naissance
Edmond Oscar Antoine Boissonnet[1]
Nationalité
Activité
Formation
Maître
Mouvement

Les années de jeunesse : 1906 - 1928

Edmond Boissonnet est nĂ© le Ă  Bordeaux au 11 rue Leo Saignat[note 2]. Il est le troisième garçon de Jean Boissonnet (1871-1951) et de Marie-ThĂ©rèse Broqua (1872-1956). Les origines sociales de sa famille sont modestes. Son père est steward Ă  bord des paquebots qui relient Bordeaux Ă  l’AmĂ©rique. Sa mère, orpheline, a Ă©tĂ© prise en charge, par sa tante qui lui a fait faire ses Ă©tudes Ă  Paris, avec sa propre fille, Marie Bounet. L’institution choisie est gĂ©rĂ©e par les Chanoinesses de Notre-Dame. Elle est bien connue comme Ă©tant « le Couvent des Oiseaux Â» de la rue de Sèvres, spĂ©cialisĂ© dans l’éducation des filles de l’aristocratie et de la grande bourgeoisie[note 3]. Plus tard, Marie Bounet, appartiendra au monde du spectacle et de la politique. Boissonnet s’est toujours souvenu de l’arrivĂ©e de ce personnage hors normes venant Ă  Bordeaux, en « grand Ă©quipage Â» pour visiter sa cousine. C’était alors l’effervescence dans le quartier de ses parents. Il faut dire qu’elle Ă©tait l’égĂ©rie de l’avocat franc-maçon, RenĂ© Viviani, (1863-1925), dĂ©putĂ© socialiste de Paris, ami de Jaurès et prĂ©sident du Conseil en 1914[note 4]. C’est lui qui recevra de la main de l’ambassadeur d'Allemagne, la dĂ©claration de cette guerre qui fit 9 millions de morts et 20 millions de blessĂ©s.

Son père est mobilisĂ© et sa mère doit travailler Ă  domicile comme couturière. Boissonnet, Ă©lève studieux, ne peut pas continuer ses Ă©tudes au lycĂ©e, il doit choisir dès maintenant un mĂ©tier. Le hasard fait qu’il rencontre en 1917 un Ă©migrĂ© russe, sculpteur sur bois[note 5]. Le jeune garçon passe de longues heures, prises dans ses moments de libertĂ©, pour observer l’artisan Ă©tranger et lui poser plein de questions, car il est captivĂ© par sa dextĂ©ritĂ©. C’est dĂ©cidĂ©, lui aussi sera sculpteur sur bois. La famille est d’accord. Il entre donc en apprentissage chez un patron, ancien curĂ©, qui lui permet de suivre les cours de l’École des Beaux Arts…le soir[note 6]. LĂ , il se fait remarquer par son talent et le soin qu’il apporte Ă  son travail. Des « Prix Â» de fin d’annĂ©e rĂ©compensent la qualitĂ© de ses Ĺ“uvres[note 7]. Il a en 1922, en sculpture dĂ©corative, deux prix et en 1923, un prix pour une Ă©tude d’après le plâtre. Curieuse coĂŻncidence, le peintre cubiste AndrĂ© Lhote qui deviendra son ami plus tard avait, lui aussi, exercĂ© le mĂŞme mĂ©tier dans la mĂŞme ville, en 1898[note 8]. Après son apprentissage, il entre dans une entreprise de dĂ©coration et le jeune sculpteur sur bois commence Ă  s’intĂ©resser Ă  la peinture jusqu’à son service militaire dans l’aĂ©ronautique de 1926 Ă  1928[note 9]. C’est alors que le commandant de la base, (profitant de l’opportunitĂ© d’avoir un artiste sous la main), lui confie la dĂ©coration du mess des officiers. L’œuvre a malheureusement disparu, mais elle est, en quelque sorte, sa première commande publique… Ă  l’âge de 20 ans.

De ses annĂ©es de jeunesse, Boissonnet conserve un souvenir contrastĂ©. Tout d’abord, une immense affection pour ses parents et surtout pour sa mère avec le sentiment que leur situation sociale Ă©tait immĂ©ritĂ©e. D’oĂą son dĂ©sir constant de s’élever par ses propres moyens selon la philosophie bien connue de l’École de Jules Ferry. Alors, il continue Ă  se former, intellectuellement et artistiquement. Philosophiquement, il sait Ă©galement qu’il faut savoir ĂŞtre « indĂ©pendant Â» dans une activitĂ© artistique, afin d'Ă©merger. Mais, pour cela, il faut le « vouloir Â»[note 10]. Il en discute alors avec d’anciens camarades ou amis comme Pierre Molinier (1900-1976) qui s’apprĂŞtent Ă  fonder une association artistique.

La pĂ©riode « rĂ©aliste Â» (1929-1945)

Le bol de café, 1933.

Boissonnet, comme d’autres artistes Ă©volue beaucoup tout au long de sa carrière de 1929 Ă  1995 et il revendique cette Ă©volution face Ă  des artistes qui se rigidifient dans le mĂŞme mode opĂ©ratoire commercial. Il est donc naturel de parler de « pĂ©riodes Â» qui durent entre 15 et 20 ans. La première est qualifiĂ©e de rĂ©aliste, car, Ă  partir de sa vision de la rĂ©alitĂ©, il peint beaucoup de scènes intĂ©rieures et s’inspire dĂ©jĂ  de nombreux paysages avec personnages. Durant cette pĂ©riode qui s’inscrit dans la crise Ă©conomique commencĂ©e Ă  Wall Street en 1929[note 11], l’art de Boissonnet s’enrichit des nombreuses rencontres avec les artistes modernes. LicenciĂ© de son travail pour raison Ă©conomique, il effectue de nombreux voyages Ă  l’étranger. Enfin, il connaĂ®t les camps de la « drĂ´le de guerre Â» et en rapporte un tĂ©moignage saisissant.

Le sociétaire des A.I.B.

Les A.I.B. sont « Les Artistes IndĂ©pendants Bordelais Â», une association artistique dont les statuts ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s le 4 octobre 1929 et dont le but est de « grouper tous les artistes dĂ©cidĂ©s Ă  dĂ©fendre un art sans contrainte, ni restriction et d’établir entre eux des relations de sympathie et d’intĂ©rĂŞt Â»[note 12]. Il y a un Salon annuel sans jury. En fait, cette sociĂ©tĂ© s’oppose Ă  l’art acadĂ©mique et au mauvais goĂ»t bourgeois. Boissonnet souscrit tout de suite Ă  cette orientation et devient l’un des premiers sociĂ©taires[note 13]. C’est dans cette sociĂ©tĂ© qu’il rencontre sa future Ă©pouse, Paule CĂ©cile Jude, elle-mĂŞme artiste d’une grande sensibilitĂ©. Mais, pour l’instant, il n’est pas question de mariage, car la crise Ă©conomique commence Ă  sĂ©vir. L’entreprise dans laquelle il travaille est vendue Ă  un homme d’affaires qui licencie tout le personnel. Boissonnet se retrouve au chĂ´mage et il connaĂ®t une pĂ©riode de prĂ©caritĂ© durant cinq ans. Il en profite pour voyager.

Les voyages

Place MĂ©riadeck, 1931.

En 1930, il visite l’Espagne et effectue un grand périple à la rencontre d’El Greco, de Velasquez, de Goya dont on connaît les attaches avec Bordeaux[note 14] et de bien d’autres… En 1932, il part en Italie malgré la conjoncture politique peu propice. Milan, Florence, Rome, etc. lui révèlent les trésors de l’art italien. De retour en France, il consacre un temps de plus en plus important à la peinture et se marie en 1935 avec cette jeune artiste, rencontrée aux A.I.B., qui lui donne un enfant[2].

Un certain « populisme Â» triste

Il n’est pas Ă©tonnant que le climat sociopolitique influence son art, sachant que sa sympathie pour les gens de gauche date de cette Ă©poque. En effet, ses peintures expriment un certain « populisme Â» triste dans ses portraits, mais aussi dans ses natures mortes et mĂŞme dans ses paysages. Les scènes d’intĂ©rieur, les personnages, essentiellement fĂ©minins ou enfantins pris dans leur intimitĂ©, ne sont pas très joyeux, mais il s’en dĂ©gage une sobriĂ©tĂ© et une lumière intĂ©rieure qui ne laissent pas indiffĂ©rents les visiteurs du Salon des A.I.B ou de certaines galeries.Le portrait de sa mère (1932) est typique de ce moment.

Les rencontres avec les artistes « parisiens Â»

Ma mère, 1932.
Marie, 1938.

Les A.I.B., société très ouverte sur l’art contemporain avait pour habitude d’inviter des artistes parisiens comme Picasso, Matisse, Gromaire, Tal-Coat, Friesz, Kisling, Van Dongen, Utrillo et André Lhote[note 15]. Au cours de ses conversations avec ces artistes, il perçoit l’absolue nécessité d’approfondir son art pictural. En 1937, il fait un séjour à Paris pour visiter l’Exposition Universelle. À partir de cette date, on constate alors une certaine évolution de son art qui devient moins sombre[note 16]. C’est qu’à Paris, il a différentes entrevues qui déterminent son avenir.

Le peintre André Lhote en 1925.
Kontrolle, 1940.

L’entrevue avec Bonnard

Boissonnet reste plusieurs semaines Ă  Paris et dans la rĂ©gion parisienne. Il profite de l’occasion pour rendre visite Ă  quelques artistes et leur montrer des Ĺ“uvres qu’il a amenĂ©es avec lui. C’est un encouragement gĂ©nĂ©ral[note 17]. L’un d’eux lui suggère de voir Bonnard. Celui-ci a soixante dix ans et cinquante ans de carrière, Boissonnet a, Ă  peine, trente ans et dix ans d’exercice de la peinture entre deux sculptures. Le dĂ©calage est immense. Le dĂ©butant se prĂ©sente cependant chez le grand artiste en pensant que sa dĂ©marche est vaine. L’accueil est chaleureux. Avec angoisse, il voit Bonnard regarder attentivement les Ĺ“uvres qu’il a amenĂ©es. Après un long moment qui semble une Ă©ternitĂ© pour Boissonnet, la sentence du MaĂ®tre tombe : "vos couleurs font l’amour !"[note 18] Le sort en est jetĂ©, il abandonne la sculpture sur bois pour se consacrer entièrement Ă  la peinture et au dessin.

L’entretien avec Dufy

EncouragĂ© par son entrevue avec Bonnard, il cherche Ă  rendre visite Ă  Dufy Ă  un moment particulier qui est celui de La FĂ©e ÉlectricitĂ©. Non sans mal, il arrive Ă  ses fins. Dufy confirme le jugement de Bonnard. De plus, l’artiste cĂ©lèbre lui recommande un procĂ©dĂ© pictural : le mĂ©dium Maroger[3]. Ce procĂ©dĂ© donne aux couleurs une transparence et une luminositĂ© durable. De retour Ă  Bordeaux, Boissonnet se remet au travail avec acharnement en utilisant pendant quelque temps ce procĂ©dĂ©.

La rencontre avec Lhote

En 1938, les A.I.B. dont Boissonnet est le chef de file, publient un ouvrage de poèmes illustrĂ©s et demandent Ă  AndrĂ© Lhote d’en Ă©crire la prĂ©face[note 19]. C’est la première fois que Boissonnet rencontre Lhote, son aĂ®nĂ© de vingt et un ans. Les origines sociales, artistiques : la sculpture sur bois, sont semblables. Une grande amitiĂ© respectueuse naĂ®t Ă  cette Ă©poque. Elle ne se dĂ©mentira pas jusqu’à la mort de Lhote survenue en 1962. La mĂŞme dĂ©testation de l’art pompier, de la peinture acadĂ©mique chère aux Bordelais, le mĂŞme amour pour le Bassin d’Arcachon, cĂ´tĂ© Cap Ferret, frĂ©quentĂ© par des Ă©crivains comme Cocteau, Radiguet…[note 20] et des artistes comme Marquet au Pyla[note 21], enfin, le mĂŞme combat pour la reconnaissance de l’art moderne issu en partie de CĂ©zanne, les unissent. Ce n’est pas par hasard si Boissonnet fait construire une maison-atelier sur ses plans, du cĂ´tĂ© de Lège Cap Ferret en Gironde, oĂą il va exĂ©cuter de nombreuses Ĺ“uvres.

La « drĂ´le de guerre Â»

Boissonnet est mobilisĂ© le . Le 3 septembre, c’est la guerre. Il est envoyĂ© dans l’Est de la France, sur la Ligne Maginot en tant que pionnier du 618e rĂ©giment de pionniers. Durant les moments d’inaction il exĂ©cute des dessins sans complaisance de la « drĂ´le de guerre Â»[note 22]. Puis, c’est la dĂ©bâcle. Il est capturĂ© dans les Vosges avec ce qui reste de son rĂ©giment. Après un regroupement Ă  Strasbourg, il arrive Ă  Nuremberg, en Bavière, le 19 juillet 1940. Il est conduit dans un stalag rural[note 23] près de Thanstein en forĂŞt de Bohème. Après une première tentative d’évasion, il contracte une sciatique et il est envoyĂ© dans un hĂ´pital militaire Ă  Ratisbonne (Regensburg). Pendant tout ce temps, il continue Ă  dessiner et Ă  peindre des gouaches au vu et au su des Allemands. Mais, la Bavière n’est pas la Prusse. Ă€ l’hĂ´pital le mĂ©decin-commandant francophile est un descendant de Lucas Cranach, le peintre de la Renaissance. Il le libère pour « raisons de santĂ© Â» en 1942[note 24]. Aujourd’hui, ces Ĺ“uvres sont un tĂ©moignage exceptionnel de ces annĂ©es sombres. Elles expriment l’absurditĂ© de la guerre et « nous Ă©lèvent aux plus hauts sommets de la sauvegarde de la LibertĂ©", comme l’écrit l’artiste qui rĂ©dige les lĂ©gendes de ses Ĺ“uvres. La grande majoritĂ© de celles-ci, numĂ©risĂ©es, se trouvent au MusĂ©e d’Aquitaine de Bordeaux[note 25].

Après l’épreuve de la guerre et de la captivitĂ©, c’est la LibĂ©ration, moment tant attendu oĂą Boissonnet est Ă  la veille de grandes dĂ©cisions. La pĂ©riode « rĂ©aliste Â» dont la connaissance est fondamentale pour comprendre le parcours artistique de cet artiste, va prendre fin et il envisage d’être davantage prĂ©sent Ă  Paris. C’est alors qu’il s’intĂ©resse Ă  la crĂ©ation du Salon de Mai[note 26] dans le cadre de ce qui sera une deuxième pĂ©riode encore marquĂ©e par le mouvement du cubisme qui survit chez certains artistes[note 27].

La pĂ©riode « cubiste Â» (1946-1962)

Poissons et citron, 1948.
Synthèse de formes, 1951.
Le Filet, 1951.

Boissonnet arrive Ă  Paris avec un projet d’installation. Il est accueilli chaleureusement par des amis comme AndrĂ© Lhote, le dessinateur Yvan Le Louarn, dit Chaval[4], le sculpteur Joseph Rivière[5], etc. Ceux-ci l’aident Ă  rencontrer artistes et notabilitĂ©s de l’art contemporain. Il prend alors contact avec Gaston Diehl, le fondateur avec diffĂ©rents peintres du Salon de Mai en 1943. D’après Bernard Dorival, Conservateur du MusĂ©e d’Art Moderne : « la jeunesse a en lui son Salon… un Salon jeune, ouvert Ă  la jeunesse, accueillant Ă  ses inquiĂ©tudes, Ă  ses recherches, Ă  ses coups d'essai… Â»[6]. Diehl l’encourage Ă  prĂ©senter sa candidature au Prix Drouant-David de la Jeune peinture. Il y montre « Poissons et citron 1948 Â». Il obtient un 2e prix et le critique Pierre Descargues Ă©crit dans Arts du 28 avril 1948 : « le choix de Boissonnet, peintre plus tendre, plus dĂ©licat, demeure dans la ligne de conduite du jury Â» oĂą se trouvent Jacques Lassaigne et AndrĂ© Lhote. Ce prix est dĂ©terminant pour la suite de la carrière de Boissonnet, car, il entre au Salon de Mai oĂą il va rencontrer des artistes de sa gĂ©nĂ©ration qui font les mĂŞmes recherches. Sans appartenir Ă  tel ou tel courant, prĂ©servant sa libertĂ© crĂ©atrice et son indĂ©pendance, il crĂ©e son propre style inspirĂ© par une certaine forme de cubisme Ă  la limite de l’abstraction. Cela dure pendant trois Ă  quatre ans dont le meilleur exemple se trouve aujourd’hui au musĂ©e des Beaux Arts de Bordeaux. Il porte le titre de « Synthèse de Formes Â», 1951. Mais, ce style n’inspire pas son instinct, comme il dit, il revient alors Ă  un cubisme plus figuratif. C’est une pĂ©riode Ă©blouissante oĂą sa crĂ©ativitĂ© Ă©tonnante s’exerce dans de nombreux domaines : dessins[7], peintures, vitraux, dĂ©corations murales.

Les premières expositions parisiennes

Comme on vient de le voir, le prix de la Jeune Peinture lui ouvre les portes du Salon de Mai. Du coup, il entretient des relations amicales et correspond avec Pignon[8], Bores[9], Lanskoy[10], Sarthou[11], etc. qui exposent comme lui dans ce Salon d’avant-garde, précurseur des manifestations contemporaines d’aujourd’hui. Du côté des grands aînés, il éprouve respect et admiration pour Braque et Lhote. Il rencontre aussi Bissière dans sa maison de Boissièrette dans le Lot[12]. Ceux-ci l’encouragent à exposer rapidement dans une galerie, d’autant plus que ses œuvres avaient été très remarquées à Turin au niveau des Peintres d’aujourd’hui France Italie en 1951[13] et à Menton où il obtient la Médaille d’Or en 1955[14]. Son choix, encouragé par André Lhote et le journaliste critique d’art, Jacques Lassaigne[15], se porte sur la galerie Saint Placide[16], organisatrice par ailleurs du Prix de la Critique.
En 1956, il prĂ©sente, avec succès, seize peintures dont les cĂ©lèbres « Poissons et Citron Â», aujourd’hui, au musĂ©e des Beaux Arts de Bordeaux, ainsi que dix dessins pour gravure. Certaines de ces Ĺ“uvres sont Ă  la limite du cubisme abstrait et c’est leur originalitĂ©.
Un an plus tard, il se tourne vers la galerie de l’ÉlysĂ©e, rue du Faubourg-Saint-HonorĂ©[17] et y prĂ©sente seize peintures dont « Village de pĂŞcheurs Â» achetĂ© par le MusĂ©e de Soulac[18]. Au vernissage, il retrouve de nombreux artistes du Salon de Mai. Ils saluent l’art très personnel de Boissonnet et Jacques Lassaigne Ă©crit Ă  cette occasion ; « art d’effusion venu du cĹ“ur, guidĂ© par une raison claire, dans lequel s’affirme la permanence des plus hautes prĂ©occupations de matière, d’espace et de lumière[19]. Â». Pour le public concernĂ© par l’art pictural, c’est une rĂ©vĂ©lation. De son cĂ´tĂ©, Raymond Cogniat, critique d’art, parle : « d’un art sain, rayonnant, (qui) appelle l’adhĂ©sion.»[20]

L’exposition à la maison de la pensée française en 1961

Le Port no 1, 1960
.

L’atelier parisien de Boissonnet se trouve maintenant à Paris dans le 14e arrondissement. Il y reçoit une invitation à exposer à la Maison de la pensée française. Cet établissement, rue du Faubourg-Saint-Honoré était la vitrine culturelle du Parti communiste français à la fois, librairie, lieu d’exposition, lieu de commémoration. Elle exposa Picasso en 1949 et 1954, Marquet en 1953, Bonnard en 1954, Lhote en 1961 etc. Le choix de ce lieu pour Boissonnet vient de la qualité de son art et de l’importance de l’exposition en nombre d’œuvres. Boissonnet présente, en effet, quatre-vingts peintures, gouaches et dessins récents[21]. Le vernissage a lieu le 4 octobre 1961 en présence de J. Chaban-Delmas, président de l’Assemblée nationale, de Léon Moussinac, directeur honoraire de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, de journalistes critiques d’art comme J. Lassaigne, J. Bouret, W. George, P. Cabanne, de nombreux conservateurs de musées, tous ses amis et une foule immense. La dimension picturale de cette exposition est donnée par J. Lassaigne dans le catalogue : « […] tout un ballet de formes envolées se déroule entre les horizontales fluides de l’eau et des nuages, dirigé par la baguette savante d’un homme épris de lyrisme d’ordre et de liberté[22]. » Dans le journal Arts[23], le critique et auteur Pierre Cabanne qu’on retrouvera plus tard, fait chorus : « […] il ouvre les portes d’un monde éclatant de lumière où son style structural s’épanouit avec une extraordinaire liberté. »

Il est évident qu’avec cette exposition, Boissonnet est arrivé à une totale maîtrise de son art reconnue par tous et avec le Salon de mai, il expose au Japon en 1962[24]. Cette année, est aussi l’occasion pour la Maison de la pensée française de faire un bilan et d’organiser une grande exposition de certaines œuvres des artistes qu’elle a exposées depuis la Libération. Ce jour-là, comme un symbole, Boissonnet se trouve entre Marquet, Bonnard et Lhote[25]. Cette réussite lui permet d’accéder aux commandes publiques.

Les commandes publiques

Vitraux pour une chapelle.

Un pour cent du coĂ»t des constructions de bâtiments publics peut ĂŞtre consacrĂ© Ă  des travaux artistiques. C’est ainsi qu’en 1955, Lhote reçoit la commande d’une grande peinture murale Ă  la FacultĂ© de mĂ©decine de Bordeaux[26]. Boissonnet surveille le bon dĂ©roulement du marouflage. Lui-mĂŞme se voit attribuer en 1958 la dĂ©coration du restaurant universitaire de Bordeaux, sous forme de dĂ©coration murale intitulĂ©e « Jeunesse Â»[27]. Puis, dans le mĂŞme temps, il reçoit la commande de vitraux abstraits pour la grande chapelle de l’Institution des Sourdes et Muettes, dans la banlieue de Bordeaux[28]. Boissonnet, n’est plus seulement un artiste peintre, mais commence Ă  devenir un artiste plasticien. De cette pĂ©riode, on retiendra les maĂ®tres mots qui caractĂ©risent l’art de Boissonnet : crĂ©ation de lignes et de couleurs, libertĂ©, sincĂ©ritĂ©, Ă©volution, indĂ©pendance, refus du compromis artistique. Mais c’est alors vraiment la fin du cubisme.

La véritable fin du cubisme

AndrĂ© Lhote disparaĂ®t le 25 janvier 1962 suivi de peu par Georges Braque, le 31 aoĂ»t 1963. Les tout derniers grands cubistes disparaissent peu Ă  peu, seul Picasso rĂ©siste encore. La seconde École de Paris est en train de mourir. En 1964, l’amĂ©ricain Rauschenberg[29] reçoit le premier prix Ă  la biennale de Venise, Ă  la place de Roger Bissière. Il s’agit clairement d’une manĹ“uvre politico-artistique anti-française. Il ouvre la voie au new-dada et au pop art. Le mouvement de dĂ©construction de l’art de Paris, d’après la LibĂ©ration, continue de plus belle dans le cadre de la libertĂ© d’expression chère aux AmĂ©ricains. L’immensitĂ© du marchĂ© amĂ©ricain accentue le mouvement : Paris est supplantĂ© par New York. Heureusement pour Boissonnet, sa grande capacitĂ© d’adaptation et d’évolution lui permet d’évoluer par rapport Ă  la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente et de devenir progressivement expressionniste et plasticien.

La pĂ©riode « expressionniste Â» (1963-1978)

Edmond Boissonnet - Le petit homme (1969).
MosaĂŻque (maquette, 1968).

Les États-Unis imposent donc au monde occidental un art pictural triomphant, provocateur, dĂ©nonciateur et spĂ©culateur qui s’appuie sur la puissance financière de Wall Street et sur des facilitĂ©s fiscales[30]. Au pays du libĂ©ralisme, la culture est donc subventionnĂ©e… C’est alors que le pop art, entre autres, permet Ă  New York d’évincer Paris. D’oĂą une Ă©volution radicale de l’art de Boissonnet qui se serait faite de toute façon, mĂŞme sans « l’affaire Â» Michelson.

L’ Â« affaire Â» Michelson

De quoi s’agit-il ? Charles Michelson est bien connu des historiens des mĂ©dias radiophoniques. C’est un homme d’affaires, de confession juive, nĂ© en 1900 en Roumanie et dĂ©cĂ©dĂ© aux États-Unis Ă  Los Angeles en 1970. Avant la Seconde Guerre mondiale c’est dĂ©jĂ  un prĂ©curseur dans le domaine des radios privĂ©es avec Radio Tanger. Mais, inquiĂ©tĂ© par le Gouvernement de Vichy, il s’évade et rejoint les États-Unis. Ă€ la LibĂ©ration, de retour en France, il reprend ses projets. C’est ainsi qu’il lance en 1954 la chaine TĂ©lĂ© Monte Carlo et devient le conseiller en communication du prince Rainier III de Monaco. Puis, en 1955, il fonde Europe no 1. avec Louis Merlin de Radio Luxembourg. Mais, devant les dĂ©buts incertains d’Europe no 1, Charles Michelson est obligĂ© par l’État Français de passer la main Ă  Sylvain Floirat (future Sofirad) et de vendre sa part estimĂ©e Ă  245 millions de francs. Pensant avoir Ă©tĂ© grugĂ©, il en appelle aux tribunaux pour une rĂ©Ă©valuation. L’affaire fait grand bruit et remonte Ă  l’ÉlysĂ©e qui menace la PrincipautĂ© de blocus et, en 1962, fait mettre sous sĂ©questre les biens de Charles Michelson au motif de non-paiement de ses impĂ´ts en France. Mais, en quoi cette « affaire Â» concerne-t-elle Boissonnet ? Tout simplement, parce que Charles Michelson, ce qu’en gĂ©nĂ©ral on ignore, avait un grand projet de crĂ©er une importante Galerie d’art moderne et Boissonnet qu’il rencontre dans son atelier du bassin d’Arcachon, fait partie de ce projet comme AndrĂ© Lhote et bien d’autres. La mise sous sĂ©questre des biens de Charles Michelson entraine donc, de facto, la saisie des Ĺ“uvres de Boissonnet se trouvant encore chez ce futur galeriste après l’exposition Ă  la PensĂ©e Française, fin 1961. Incroyable mais vrai, Boissonnet pour rentrer en possession de ses Ĺ“uvres doit se battre sur deux fronts et autant de procès, d’abord contre le magnat des ondes privĂ©es pour non-respect de ses obligations, ensuite contre l’Administration française pour mise sous sĂ©questre abusive de ses Ĺ“uvres. Ce double procès va durer près de dix ans. Il permet Ă  Boissonnet de recouvrer son bien. MalgrĂ© le tort considĂ©rable crĂ©Ă© par cette malfaisance doublĂ©e de frais judiciaires exorbitants, Boissonnet n’a jamais arrĂŞtĂ© de travailler, bien au contraire elle dĂ©cuple son Ă©nergie. Cette pĂ©riode est, en effet, d’une grande richesse crĂ©ative tous azimuts. Il trouve d’autres matĂ©riels et traduit son indignation et sa colère en « calligraphie tumultueuse Â» comme dira Pierre Cabanne en 1971, lors de l’exposition Ă  la Galerie de Paris.

Une Ă©volution radicale

Boissonnet constate la dĂ©construction amĂ©ricaine avec un peu d’inquiĂ©tude mais avec courage. Dans une lettre Ă  LĂ©on Moussinac, ancien directeur des Arts DĂ©co, datĂ©e du 6 dĂ©cembre 1961, il exprime dĂ©jĂ  ce passage d’un monde ancien Ă  un monde nouveau : « je suis un peu inquiet sur ma peinture qui me parait Ă©voluer vers des touches plus larges et un dĂ©sir encore plus grand d’amour. Ce dĂ©sir me rassure sur cette nouvelle Ă©volution, mais elle me hante, me tracasse, tout au moins pour l’instant[31]. Â».

Mais comme pour Boissonnet, vivre, c’est évoluer[32], il accepte cette évolution. En effet, pour lui, le peintre n’est pas un spectateur passif devant le monde, il est dans le monde, comme le démontrera l’exposition parisienne de 1971.

Son style évolue donc vers des rythmes tumultueux, mystérieux et même violents. Comme plasticien, il exprime ainsi les turbulences du monde dans une sorte d’expressionnisme, très personnel, souvent abstrait, aussi bien dans ses peintures, ses gouaches, ses tapisseries ou ses mosaïques proches de l’art brut[33].

Les mosaĂŻques

Éclosion (1967).

La rencontre avec Jacques Dupuy, maĂ®tre verrier bordelais, lors de l’exĂ©cution de vitraux, l’amène Ă  recourir Ă  une nouvelle forme d’expression : la mosaĂŻque Ă  partir de matĂ©riaux bruts. Inventif, il utilise, en effet, des dĂ©chets de cĂ©ramique, des schistes ou minĂ©raux divers, des tessons etc. Le ciment sert Ă  lier l’ensemble comme le plomb dans les vitraux. Auparavant, il commence Ă  Ă©tablir une maquette Ă  la gouache[34], inversĂ©e, et l’artisan n’a plus qu’à suivre les indications pour placer les matĂ©riaux et couler un lit de ciment afin de les lier. Il rĂ©alise ainsi une bonne centaine de maquettes expressionnistes ou abstraites. Il n’existe pas d’équivalent dans le monde artistique qui opère selon le mode habituel Ă  l’inverse de la mĂ©thode Boissonnet. Il appartient donc au mouvement de l’art brut et connaĂ®t bien Dubuffet[35]. Il travaille dans le domaine de la mosaĂŻque de 1963 Ă  1973 et reçoit de nombreuses commandes publiques[36]. Son intĂ©rĂŞt pour ce mouvement ne l’empĂŞche pas de travailler activement dans le domaine des papiers collĂ©s, de la gouache et de la peinture sur toile, car il a, en projet, une grande exposition Ă  Paris.

L’exposition de 1971

Edmond Boissonnet - Anges et Diablotins (1970).

En 1970, Boissonnet montre au critique d’art et auteur, Pierre Cabanne[37], sa « production Â» des annĂ©es soixante, dites les sixties. Ils se connaissent dĂ©jĂ , car Cabanne avait « couvert Â» l’exposition de 1961 dans ARTS[38]. Il est alors stupĂ©fait par ces Ĺ“uvres nouvelles, très diffĂ©rentes de celles des fifties, mais, bien du mĂŞme peintre qui vient d’opĂ©rer un virage important dans son art. Il encourage Boissonnet Ă  exposer au plus vite ces Ĺ“uvres un peu Ă©nigmatiques pour un public non averti.

C’est la renommĂ©e Galerie de Paris[39], dirigĂ©e par la fille du peintre Manguin, qui est choisie. Le 30 mars 1971, Boissonnet prĂ©sente donc 25 peintures et 10 gouaches[40]. Le public comme les critiques peuvent constater le talent anticonformiste de cet artiste. Pierre Cabanne qui a rĂ©digĂ© la prĂ©face du Catalogue[41] fait une bonne synthèse de l’art de Boissonnet Ă  cette Ă©poque : « une calligraphie tumultueuse, enveloppante ou brisĂ©e, les traces d’un combat sans merci, la singularitĂ© d’un ĂŞtre profond…un tableau de Boissonnet est un vertige organique, organisĂ©, cohĂ©rent, le microcosme de la terre dans son enfantement. Le peintre n’est pas devant le monde, il est au milieu, c’est pourquoi les paysages de Boissonnet ne se reconnaissent pas, ils sont connaissance et sensation. Â» Jacques Lassaigne, tout heureux de retrouver un Boissonnet sorti du piège « Michelson Â», fait un point d’une grande vĂ©ritĂ© : « Il a gardĂ© toute la verve jaillissante de son inspiration. C’est comme une gerbe, une fusĂ©e d’élĂ©ments d’une beautĂ© pure et naturelle. Nature vraie recrĂ©Ă©e avec ses propres Ă©lĂ©ments, restituĂ©e par l’artiste dans ses rythmes essentiels[42]. Â». En fait, Boissonnet est pour Lassaigne toujours le mĂŞme artiste. Pour un autre critique, RenĂ© Barotte qui Ă©tait aussi Ă  l’exposition de 1961, Boissonnet est le fils spirituel de CĂ©zanne[43]. Ce critique en profite pour rapporter dans cet article, les propres paroles d’AndrĂ© Lhote Ă©tant sur nature avec Boissonnet : « C’est merveilleux, comment faites-vous donc pour vous libĂ©rer ainsi, tout en conservant Ă  la nature, cette fidĂ©litĂ© que nous lui devons.» DĂ©sormais, Boissonnet fait partie des peintres de la Galerie de Paris comme Oudot, Ciry, Chastel, Rohner, Despierre, Cathelin, etc. C’est alors que Boissonnet est Ă  la veille d’une dĂ©cision importante. Tout en gardant son atelier parisien du 14e, il dĂ©cide d’habiter, dès 1972, Ă  plein temps, son atelier en face d’Arcachon. Il y installe un mĂ©tier Ă  tisser et commence une sĂ©rie de tapisseries.

Les tapisseries

Tapisserie de 1973 : La Peur de la Nuit.

Il construit alors un métier à tisser très simple et, avec son épouse, il réalise des tapisseries, d’une extrême originalité sans passer par des intermédiaires. C’est le pendant en laines multicolores des mosaïques en matériaux, eux aussi multicolores. De même qu’il est très proche de l’art brut pour les mosaïques, de même, il est très proche de la Nouvelle Tapisserie[44] pour ces nouvelles œuvres. Boissonnet, le plasticien, fait ainsi preuve d’une grande créativité et fait bien partie de son siècle en tant qu’artiste contemporain. Il réalise ainsi, avec son épouse, 16 tapisseries expressionnistes et fantasmatiques qui n’ont pas d’équivalent dans le monde artistique. Le temps du Bol à café[45] est bien loin. Huit tapisseries appartiennent aujourd’hui aux collections publiques ainsi que le métier à tisser[46].

Au cours de cette pĂ©riode bien couverte par les mĂ©dias, Boissonnet commence une carrière internationale avec l’exposition de Munich (R.F.A.) en 1971[47]. En France, il expose pratiquement tous les ans Ă  Paris ou Ă  Bordeaux. C’est ainsi qu’il participe Ă  l’inauguration du Centre national Jean-Moulin de Bordeaux, consacrĂ© Ă  la RĂ©sistance, en y exposant ses dessins de guerre[48]. Ceux-ci font l’objet d’une Donation au MusĂ©e en 2008[49]. Dans les dernières expositions de la pĂ©riode, il commence Ă  prĂ©senter des paysages irrĂ©els. En effet, au tournant des seventies, son art Ă©volue Ă  nouveau vers des crĂ©ations abstraites, ou non, directement issues de son imaginaire Ă  partir du monde terrestre mais aussi de certaines activitĂ©s de ses contemporains. Il entre alors dans la quatrième pĂ©riode dite « fantasmatique Â».

La pĂ©riode « fantasmatique Â» (1979-1995)

Edmond Boissonnet en 1981.
Edmond Boissonnet - Dans le mystère de la Forêt (1979).
Edmond Boissonnet - La Proie (1982).

Une nouvelle Ă©volution Ă©tait dans l’air Ă  la fin des seventies. Boissonnet a 73 ans. Il va moins Ă  Paris ou Ă  Bordeaux, sauf pour les grandes manifestations le concernant. Il vit avec son Ă©pouse dans cette maison-atelier du Bassin d’Arcachon avec ses fantasmes, comme il dit. Qu’est-ce qu’il entend par lĂ  ? Ici, il ne s’agit pas seulement des fantasmes sexuels qui n’ont jamais Ă©tĂ© vĂ©ritablement un moteur pour son art. C’est plus gĂ©nĂ©ral. D’après Carlos Maffi,  psychanalyste, professeur Ă  Paris VII, le fantasme peut se dĂ©finir comme une production imaginaire qui reprĂ©sente le sujet dans un scĂ©nario dĂ©terminĂ©, Ă  la manière d’un rĂŞve, et figure, d’une manière plus ou moins voilĂ©e, un dĂ©sir[50]. Ici, pour Boissonnet, ses fantasmes remontent Ă  ses « annĂ©es de jeunesse Â» et Ă  travers son imagination expriment ses dĂ©sirs de dĂ©passement de soi, d’élĂ©vation, d’évasion dans son art. D’oĂą son choix du monde des sports, de la danse et de ses paysages imaginaires. L’originalitĂ© de cette dĂ©marche intĂ©resse galeries et pouvoirs publics qui organisent trois grandes rĂ©trospectives en 1992, 1996 et 2006. Enfin, cette pĂ©riode voit le moment oĂą s’arrĂŞte cette carrière atypique.

Imagination et symbolisme

L’une des fonctions du fantasme est de faire Ĺ“uvre crĂ©atrice en sollicitant l’imagination du sujet, ici celle d’un artiste. Chez Boissonnet, il est clair qu’il faut rechercher l’origine de certains de ses fantasmes dans une enfance oĂą les privations subies par sa famille le choquent durant la première guerre mondiale et donc, de son dĂ©sir d’y Ă©chapper grâce Ă  l’art. Évasion, dĂ©passement de soi, Ă©lĂ©vation sont des objectifs qu’il se donne et l’art qui n’est pas, pour lui, une activitĂ© futile doit lui permettre de les atteindre. D’oĂą cette capacitĂ© d’évoluer quand il le faut. Le poème de Baudelaire qu’il admirait rĂ©sume assez bien son Ă©tat d’esprit : "Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides, Va te purifier dans l’air supĂ©rieur"[51].  DĂ©goĂ»t de la sociĂ©tĂ© c’est peut-ĂŞtre exagĂ©rĂ©, mais sans doute, dĂ©sir d’évasion : ses paysages imaginaires sont bien significatifs de ce besoin. Enfin, recherche d’un IdĂ©al de perfection qui doit rendre l’être meilleur et plus heureux, oui, certainement. Ainsi, est-il est proche d’un certain symbolisme en rĂ©action contre un monde trop matĂ©rialiste.

La Nature est un temple oĂą de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers[52]

Il existe, en effet, chez Boissonnet un certain romantisme, non pas rĂ©actionnaire mais rĂ©volutionnaire. Il fait sienne une dĂ©finition de Baudelaire disant que pour lui, le romantisme, « c’est dans la manière de sentir[53]». Cette conception de l’art l’amène donc Ă  s’intĂ©resser aux sportifs et aux danseurs.

Les sports et la danse

Edmond Boissonnet - Le 100 m (1981).
Edmond Boissonnet - Le Combat dans l'arène (1982).

Ă€ la fin des annĂ©es soixante-dix, la tĂ©lĂ©vision diffuse de plus en plus de spectacles sportifs : matchs de rugby, de foot-ball, de basket, de tennis, etc. L’athlĂ©tisme avec les Jeux olympiques de 1980 et 1984 est aussi Ă  l’honneur. Les sportifs fascinent Boissonnet par leur beautĂ©, leur force, leur rapiditĂ©, leur goĂ»t de l’effort. Ils rĂ©veillent dans le conscient de cet artiste le fantasme du dĂ©passement de soi. Depuis des dĂ©cennies qu’il met en Ĺ“uvre pour lui ces forces mentales lui permettant de surmonter ses propres limites d’origine physiques et culturelles, ces spectacles l’amènent Ă  crĂ©er des Ĺ“uvres dont le thème est un sport dĂ©terminĂ©. L’exemple le plus typique est une grande peinture intitulĂ©e « Le Combat dans l’Arène Â» de 1982 qui suggère un match de rugby et qui se trouve aujourd’hui au MusĂ©e des Beaux Arts de Bordeaux. En outre, avec le dĂ©veloppement du phĂ©nomène des supporters bariolĂ©s aux couleurs des Ă©quipes, les manifestations sportives deviennent des fĂŞtes populaires colorĂ©es qui sollicitent fortement son imagination, comme, dans un autre domaine, les chorĂ©graphies des danseurs. La pure beautĂ© des ensembles de danseurs, toujours dans le cadre du dĂ©passement de soi, qui se meuvent selon un rythme dĂ©terminĂ©, la grâce et la lĂ©gèretĂ© des « Ă©toiles Â» captivent Boissonnet qui reconstruit des ballets imaginaires. L’exemple typique est la peinture « Rythme Â» de 1983. Mais, il n’abandonne pas, pour autant le paysage qui gère les fantasmes de l’évasion et de l’élĂ©vation.

Les paysages imaginaires

Edmond Boissonnet - Paysage no 4 (1987).

Il ne s’agit pas de paysages peints sur nature[54], car ces paysages sont imaginaires, mĂŞme si Boissonnet a toujours plus ou moins besoin de s’attacher Ă  une certaine rĂ©alitĂ©, quitte ensuite, Ă  la suggĂ©rer. Les paysages sont de deux sortes : les maritimes et les terrestres. La matrice des paysages maritimes se trouve près de chez lui. Depuis plus de trente ans, et mĂŞme davantage, il connaĂ®t ces paysages, peu modifiĂ©s au fil des annĂ©es. Il ne s’agit pas de reproduire ce qui est dĂ©jĂ  crĂ©Ă©, mais de demander Ă  ces paysages d’être l’expression de son fantasme d’évasion. C’est alors qu’il recrĂ©e l’eau, l’air, la terre, parfois Ă  partir des « chantiers Â» des travailleurs de la mer, parfois Ă  partir d’une « impression Â». Ces travailleurs sont en fait des ostrĂ©iculteurs, pour la plupart indĂ©pendants, qui travaillent en famille. Leurs horaires sont essentiellement rĂ©gulĂ©s par la nature, les marĂ©es qui dĂ©couvrent les parcs Ă  huitres et ne sont donc jamais les mĂŞmes. Boissonnet connaĂ®t bien ces hommes et ces femmes et, en les respectant, a une relation courtoise avec eux. Leurs chantiers sont les endroits oĂą ils dĂ©posent leurs matĂ©riels et leurs outils. L’artiste reconstruit, alors, ces sites et parfois y figure un astre qui fait penser Ă  Monet. Boissonnet se disait sensible Ă  la lune, car il est nĂ© sous le signe du Cancer qui est un signe lunaire. Celui-ci se prĂ©sente comme le symbole de l’eau originelle ce qui expliquerait ses très nombreuses Ĺ“uvres suggĂ©rant une Ă©tendue d’eau. Enfin, sur le plan psychologique, le Cancer signifie retrait sur soi, sensibilitĂ©, timiditĂ© et tĂ©nacitĂ© ce qui correspond assez bien au profil de cet artiste.

Edmond Boissonnet - Moncassin (1986).

Avec les paysages terrestres de cette Ă©poque, nous sommes dans une autre logique art/symbole. Tout en Ă©tant bien imaginaires, ils ont au dĂ©part un lien avec la rĂ©alitĂ© et expriment un autre fantasme de cet artiste. Ces paysages sont reconstruits Ă  partir de certaines collines arrondies du sud ouest de la France dont l’une est proche du village de Moncassin en Lot-et-Garonne. Le « mons cassin Â», c’est la montagne aux chĂŞnes. Ce n’est pas sans rappeler le « Monte Cassino Â» italien, archĂ©type de ces collines que Boissonnet reconstruit, en plusieurs exemplaires, près d’une trentaine, un peu comme CĂ©zanne et la montagne Sainte Victoire. Moncassin, pour lui, est bien une colline « inspirĂ©e, un de ces lieux oĂą souffle l’esprit[55]», permettant au fantasme de l’élĂ©vation associĂ© Ă  celui de la crĂ©ation de s’exprimer. Souvent, il y a aussi une « lune Â» qui confirme celle des paysages maritimes en y ajoutant le symbole du renouvellement et de la pĂ©riodicitĂ©.
Du cĂ´tĂ© des tapisseries de cette pĂ©riode, certaines sont Ă©galement lunaires et parmi elles, il faut citer CrĂ©puscule de 1980 qui suggère remarquablement ce qui prĂ©cède. Il y a aussi « sans titre Â», en fait, Moncassin de 1986 dont Madame Françoise de Loisy du MusĂ©e de la Tapisserie d’Angers qui s’intĂ©ressa beaucoup Ă  ces tapisseries et Ă  leur signification, disait : « ici les couleurs tissĂ©es apparaissent comme des glacis Ă©vanescents traduits en laine par les merveilleux mĂ©langes et passages de couleurs de Paule Boissonnet, (Ă©pouse de l’artiste).»[56].
Le Musée des Beaux Arts de Bordeaux en possède huit.

Edmond Boissonnet - Le Couple (1984).

Cinq grands évènements

Durant cette pĂ©riode, cinq grands Ă©vènements ont lieu. 1) En 1983, Jean-Pierre Mitrecey rĂ©alise un court mĂ©trage intitulĂ© « L’aventurier de l’absolu Â», selon l’expression de Pierre Cabanne et consacrĂ© Ă  la vie et Ă  l’art de Boissonnet[57].  Ce film est prĂ©sentĂ© Ă  Beaubourg devant un public important, en 1984. CoĂŻncidence, au Centre Pompidou, il y a aussi une exposition Bonnard. Boissonnet la visite avec Ă©motion. 2) Dans la foulĂ©e, une première rĂ©trospective est organisĂ©e dans une galerie parisienne Ă  cĂ´tĂ© de Beaubourg, sous le titre : « Hommage Ă  Boissonnet Â», qui voit une grande affluence pour ce qui sera la dernière exposition de Boissonnet Ă  Paris. 3) En 1986, la Galerie du Troisième Ĺ’il implantĂ©e Ă  Paris et Ă  Bordeaux organise une exposition bordelaise d’une vingtaine d’œuvres de cette pĂ©riode avec une prĂ©sentation de Robert Coustet, professeur d’art contemporain Ă  Bordeaux III : « Il a appris de ses aĂ®nĂ©s, Lhote et Bissière qui furent ses amis et qui encouragèrent ses dĂ©buts, que la libertĂ© nait de l’ascèse et que la plĂ©nitude est fille du renoncement[58].» Cette exposition est une rĂ©ussite qui permet Ă  Boissonnet d’être plus indulgent Ă  l’égard de la mĂ©tropole bordelaise. 4) En 1992, une sociĂ©tĂ© de mĂ©cĂ©nat et le Conseil RĂ©gional d’Aquitaine organisent dans l’immense espace du hall du Conseil, une grande rĂ©trospective d’une soixantaine d’œuvres. Parmi lesquelles se trouvent certaines de ses grandes peintures comme : Le Rideau Noir 1983, Devant l’ÉternitĂ© 1985, Un Ange Passe1984, Rapt 1985, Le Couple 1984, rares peintures qui pourraient exprimer des fantasmes sexuels. La critique d’art, Dominique Godfrey Ă©crit Ă  cette occasion : « On peut constater l’évolution du style, parfois influencĂ© par l’époque. Pourtant, on a toujours l’impression de rester avec la mĂŞme personne. Il en ressort une impression d’harmonie sobre sans ĂŞtre ennuyeuse, de maĂ®trise sans froideur et de sensibilitĂ© sans faiblesse[59]». Un an plus tard, une galerie bordelaise fait une reprise de certaines de ces Ĺ“uvres. C’est la dernière exposition de Boissonnet de son vivant. 5) RĂ©trospective au Domaine Lescombes (Mairie d’Eysines 33320) oĂą une trentaine d’œuvres sont prĂ©sentĂ©es en 1996.

Les dernières années

Paulette et Edmond en 1984.

En 1988, un drame tragique frappe le couple Boissonnet marié depuis 53 ans et se connaissant depuis 60 ans. Pour ce couple qui s’est tant aimé, qui avait en commun la même passion pour l’art, c’est un déchirement terrible que d’entendre le diagnostic sans appel : Paule, l’épouse de l’artiste, 83 ans, est frappée par la maladie d’Alzheimer. Dans un premier temps Boissonnet, également 83 ans, essaie de gérer la situation dans un pays isolé. Mais très vite, il appelle à l’aide. Or, la seule famille pouvant l’aider se trouve à Paris. La décision est prise de faire venir à Paris le couple en désarroi ainsi que l’atelier et tout son environnement. Installé dans son nouveau domaine, à Maulette, près de Houdan, dans les Yvelines, il continue à peindre et à tisser jusqu’au dernier moment qui arrive le 28 décembre 1995. Il est inhumé ainsi que son épouse (décédée en 2000), au cimetière des Jacquets à Lège Cap-Ferret, 33950, en face d’Arcachon, c’est-à-dire au cœur de ce pays qu’il a tant aimé. Mais, son œuvre lui survit à travers différentes expositions qui ont lieu après sa mort comme l’exceptionnelle rétrospective organisée en 2006 et 2007, sur trois niveaux, par le Musée des Beaux Arts de Bordeaux grâce à son directeur, Olivier Le Bihan. Certaines œuvres sont aussi présentées à La Vieille Église Saint Vincent de Mérignac, Libération du 03/01/1996.

L’aventurier de l’absolu (1906-1995)

Edmond Boissonnet - La toile blanche no 2 (1985).
Edmond Boissonnet - Le Coteau (1961).
Edmond Boissonnet - L'Église Romane (1983).

Boissonnet fait partie de ces artistes discrets que l’on dĂ©couvre ou redĂ©couvre selon son âge. Cette discrĂ©tion est l’expression d’une libertĂ© absolue de crĂ©ation vis-Ă -vis des clans et autres amitiĂ©s intĂ©ressĂ©es, des tendances, de la tyrannie des galeristes et du marchĂ©. En gĂ©nĂ©ral, ces artistes ne sont pas des chefs d’entreprise ayant une stratĂ©gie commerciale. Ils prĂ©fèrent le qualitatif au quantitatif et ne cherchent pas Ă  rentabiliser leur talent. N’étant pas assujettis Ă  une galerie et Ă  ses exigences en exclusivitĂ©, ils vivent leur vie en toute indĂ©pendance et ne cherchent pas Ă  faire fortune. Leurs ventes auprès de certains amateurs ou en ligne suffisent Ă  les faire vivre. Comme l’écrivait un critique d’art en parlant de Boissonnet en 1961 : « Un indĂ©pendant qui fait la peinture qui lui plait[60] Â». En fait, Boissonnet est recherche en permanence un absolu par rapport Ă  lui-mĂŞme, sans se soucier des commĂ©rages du monde des arts. « L’aventurier de l’absolu Â», c'est-Ă -dire, quelqu’un qui va vers son destin pour atteindre la perfection, est une qualification de Pierre Cabanne, en 1971. Grâce Ă  la magnifique rĂ©trospective en 2006 et 2007 au MusĂ©e des Beaux-arts de Bordeaux et Ă  MĂ©rignac, nous avons, dĂ©sormais, la possibilitĂ© de comprendre le rĂ©fĂ©rentiel de la philosophie artistique de ce tĂ©moin du XXe siècle. Ce rĂ©fĂ©rentiel comporte quatre orientations principales : l’évolution crĂ©atrice, « Le Combat avec l’Ange Â», la crĂ©ation humanisĂ©e, la matière et l’esprit.

L’évolution créatrice

En 1978, au cours d’un entretien avec un critique d’art, Boissonnet s’exprime ainsi : « l’évolution est l’expression d’une vie en accord avec son temps. Celui qui la refuse, piĂ©tine, stagne, se dessèche et meurt[61]». L’artiste a alors 72 ans et une longue carrière de cinquante ans derrière lui. Il n’est pas tout Ă  fait en accord avec Picasso[62] que la notion d’évolution hĂ©risse. En revanche, il adhère Ă  la thĂ©orie de Bergson, un philosophe de sa jeunesse. En effet, dans « L’évolution crĂ©atrice Â» de 1907, celui-ci Ă©crit en prenant l’exemple d’un artiste-peintre : « Chacun est une espèce de crĂ©ation. Et de mĂŞme que le talent du peintre, se forme, se dĂ©forme, en tout cas se modifie, sous l’influence mĂŞme des Ĺ“uvres qu’il produit, ainsi chacun de nos Ă©tats en mĂŞme temps qu’il sort de nous, modifie notre personne, Ă©tant la forme nouvelle que nous venons de nous donner…Pour un ĂŞtre conscient, exister consiste Ă  changer, changer Ă  se mĂ»rir et Ă  se crĂ©er indĂ©finiment soi-mĂŞme[63]». Boissonnet trouve Ă©galement dans l’œuvre du philosophe l’idĂ©e de transition : celle-ci fait la rĂ©alitĂ© du changement dont elle en est l’essence. Pour un ancien sculpteur sur bois qui connaĂ®t le dĂ©roulement des Ă©poques artistiques avec de nombreuses pĂ©riodes de transition, cette idĂ©e est Ă©vidente. Mais, la transition, pour lui, n’est pas vraiment une rupture, seulement un simple palier dans son parcours artistique. « J’ai essayĂ© de rester le mĂŞme homme… Â» Les quatre pĂ©riodes de ce parcours durent en moyenne 16,5 ans avec 3 transitions : 1944/1946, 1962/1964, 1978/1980, soit des durĂ©es de 3 Ă  4 ans. Pendant chaque transition, c’est un nouveau combat que l’artiste engage contre la routine, la facilitĂ© qui engendre l’habiletĂ©, « la mĂ©canisation de la main Â». Dans son langage, il appelle cela, le Combat avec l’Ange.

« Le Combat avec l’Ange Â»

Delacroix - Le Combat avec l'Ange (1861).

L’expression, « Combat avec l’Ange Â», est une expression choisie par Boissonnet pour expliquer son mode de fonctionnement artistique fondĂ© sur le dĂ©passement de soi afin d’atteindre l’absolu. Quelques mois après sa grande exposition Ă  la Galerie de Paris en 1971, Boissonnet accepte un entretien avec le docteur Rager, professeur Ă  l’École SupĂ©rieure de Sophrologie et de MĂ©decine Psychosomatique[64]. Ă€ la question : que pensez-vous des expĂ©riences intellectuelles de notre temps ? L’artiste rĂ©pond : « Toute forme qui ne tĂ©moigne pas de l’essence m’est indiffĂ©rente. La dĂ©lectation : une suffisance personnelle qui engendre fatalement une fabrication. Elle se consomme rapidement, elle Ă©cĹ“ure aussi vite parce qu’elle est indigeste Â». Par cette critique explicite d’un certain art de son Ă©poque, on comprend sa position envers quelques galeries qu’il connaĂ®t bien. Et pour que le message soit bien clair, il ajoute : « Il faut se mĂ©fier de la mĂ©canisation de la main, car elle engendre la mĂ©canisation de l’esprit qui de ce fait se vide de sa magie.». Le docteur Rager pose alors une autre question : « Comment les artistes pourront-ils Ă©chapper Ă  cette mĂ©canisation ? Â». La rĂ©ponse est immĂ©diate : « Certains cas douĂ©s de tares bĂ©nĂ©fiques Ă  l’expression spontanĂ©e, parce que dirigĂ©s par un Ă©tat second dĂ» Ă  l’alcool, la naĂŻvetĂ©, Ă  la folie, y Ă©chappent tout naturellement. Celui de la cause mentale se doit, dans ce combat Ă©pique avec l’Ange, de perdre pour gagner une aventure de volontĂ© oĂą tout est Ă  considĂ©rer.» Boissonnet utilisait souvent cette mĂ©taphore tirĂ©e de la Bible (Genèse 32) oĂą Jacob se bat avec un Ange inconnu qui n’est autre que Dieu. C’est le symbole des combats spirituels sur soi-mĂŞme magnifiquement illustrĂ© par Delacroix, Ĺ“uvre de 1861, pour l’église de Saint Sulpice de Paris que connaissait bien Boissonnet dont l’atelier Ă©tait proche. Le Combat avec l’Ange est une orientation majeure du rĂ©fĂ©rentiel de cet artiste. C’est la raison pour laquelle, le MusĂ©e des Beaux Arts de Bordeaux a choisi cette mĂ©taphore pour qualifier l’itinĂ©raire de cet artiste en quĂŞte d’absolu et titrer l’ouvrage accompagnant la rĂ©trospective de 2006 Ă  2007. Mais, ce combat doit se dĂ©rouler par rapport Ă  une crĂ©ation humanisĂ©e.

La création humanisée

Edmond Boissonnet - Maternité.

La crĂ©ation humanisĂ©e, c’est pour Boissonnet, le mariage du cĹ“ur et de l’esprit. C’est le thème d’un ouvrage d’AndrĂ© Lhote publiĂ© en 1933, rĂ©Ă©ditĂ© en 1950 au moment oĂą les Ĺ“uvres abstraites sont omniprĂ©sentes au Salon de Mai. Dans sa prĂ©face il Ă©crit : « Il n’est pas de travail durable sans le secours de l’intelligence, pas plus qu’il n’est de spĂ©culation intellectuelle sans prĂ©alable soumission de l’individu Ă  l’objet, sans prĂ©alable sommation de l’instinct…la vĂ©ritĂ© est au centre[65]». Bissière, un autre ami de Boissonnet, proclame haut et fort au dĂ©but des annĂ©es cinquante : « Je n’ai cessĂ© de rĂ©pĂ©ter que si j’étais non figuratif, je me refusais absolument Ă  ĂŞtre abstrait. Pour moi, un tableau n’est valable que s’il a une valeur humaine, s’il suggère quelque chose, et, s’il reflète le monde dans lequel je vis.[66] Boissonnet Ă©coute attentivement ces deux grands aĂ®nĂ©s et il fait progressivement la synthèse des deux approches de ses amis avec une lĂ©gère prĂ©fĂ©rence pour celle de Lhote. Après un bref passage par le non-figuratif au dĂ©but des annĂ©es 1950, il revient au sujet, comme il l’explique : «  Je suis revenu au sujet qui inspirait mon instinct, avec plus d’efficacitĂ© et de mystère que procure le combat, en essayant de suggĂ©rer[67]». Pour terminer sur ce thème, il est aussi en adĂ©quation avec un autre artiste, ami, qui, lui, est de sa gĂ©nĂ©ration, Edouard Pignon. Le mĂŞme âge, des origines sociales modestes aussi bien pour l’un comme pour l’autre, les mĂŞmes difficultĂ©s liĂ©es au chĂ´mage des annĂ©es trente, la mĂŞme sensibilitĂ© politique, crĂ©ent un très fort courant de sympathie amicale entre les deux artistes. Un bon exemple de « crĂ©ation humanisĂ©e Â» nous est fourni par ce peintre. En effet, Edouard Pignon, entre autres recherches, travaille sur le thème de la maternitĂ©, en 1939. Il s’en explique : « Mes maternitĂ©s sont parties d’une toute petite toile de Lucas Signerolli, qui Ă©tait la Naissance de la Vierge. J’ai aussitĂ´t entrepris toute une recherche sur le thème de la maternitĂ©. Â»[68]. Pure coĂŻncidence, mais pas fait du hasard, Boissonnet, une vingtaine d’annĂ©es plus tard, travaille aussi sur le mĂŞme thème. Enfin, dans le domaine de la crĂ©ation, Boissonnet avait l’habitude de dire : « Il faut donc beaucoup apprendre, pour comprendre qu’il n’y a rien Ă  apprendre, si ce n’est de le comprendre. Â». Cet aphorisme nous conduit Ă  la quatrième orientation du rĂ©fĂ©rentiel : la matière et l’esprit.

Matière et esprit

Boissonnet est un lecteur enthousiaste de l’Histoire de l’Art et surtout de l’Esprit des Formes, ouvrages Ă©crits par Elie Faure, en cette première moitiĂ© du XXe siècle[69]. C’est ainsi que pour faire comprendre son art, Boissonnet, en vĂ©ritable pĂ©dagogue, utilise certaines citations de l’écrivain, comme celle de la matière et de son Ă©corce : « Il ne faut pas confondre la matière et son Ă©corce, l’aspect premier des choses avec leur vie intime qui se transmet par l’alchimie subtile de la grâce[70] Â». Hegel avait dĂ©jĂ  notĂ© que l’apparence s’oppose Ă  l’essence tout en admettant que la rĂ©alitĂ© sensible n’était pas illusoire. Ici, Elie Faure va plus loin en donnant Ă  la matière un rĂ´le fondamental. En effet, il ajoute : Â« la matière en peinture est toute la peinture Â». Il faut se souvenir qu’Elie Faure aborde ce thème Ă  propos de Soutine dont la matière « est parmi les plus charnelles que la peinture ait exprimĂ©e Â». Boissonnet se souviendra de ce texte ainsi que ce constat d’Hegel : « L’absolu se dĂ©place de l’objectivitĂ© de l’art vers l’intĂ©rioritĂ© du sujet. Â»[71].  L’indissoluble union de la matière et de l’esprit se trouve ainsi renforcĂ©e.

Boissonnet fait sienne cette dĂ©claration d’Elie Faure : « L’art qui est notre raison d’être, ne pĂ©rira qu’avec nous. C’est lui qui nourrit et maintient notre Ă©nergie spirituelle[72]».

Notes et références

Notes

  1. catalogue de l'exposition édité par Le Festin réédition 2013
  2. Archives de la Mairie de Bordeaux, État Civil 1906.
  3. "Archives Boissonnet" : toutes les indications biographiques des "Années de Jeunesse" et suivantes sont issues des archives de la Famille Boissonnet
  4. Viviani eut une carrière politique très dense. Il reste dans l’histoire du féminisme comme l’auteur de la loi de 1900 permettant aux femmes de devenir avocates.
  5. Lors de la révolution de 1917, de nombreux Russes émigrent en France.
  6. Archives Boissonnet. L’École des Beaux Arts dispense des cours du soir pour les jeunes travailleurs.
  7. Archives Boissonnet 2
  8. André Lhote a 21 ans de plus que Boissonnet. Lui aussi a suivi les cours de sculpture décorative de l’École des Beaux Arts de Bordeaux, en 1898, après l’École Primaire.
  9. Livret Militaire de Boissonnet.
  10. F. Nietzsche, « Ainsi parlait Zarathoustra Â»: « Vois, m’a-t-elle dit, (la vie) je suis ce qui est contraint de se surmonter soi-mĂŞme Ă  l’infini. Â» Flammarion 2006 page ?
  11. Krach boursier de Wall Street du 24 octobre 1929, début de la Grande Dépression. Elle arrive en France plus tard. Boissonnet est licencié en 1930, son entreprise arrêtant ses activités.
  12. Statuts de la Société des Artistes Indépendants Bordelais du 4 octobre 1929.
  13. Dominique Cante, MĂ©moire de maĂ®trise prĂ©sentĂ© Ă  l’UniversitĂ© de Bordeaux III en juin 1981 : Les peintres de la sociĂ©tĂ© des artistes indĂ©pendants bordelais 1927.1938. page ?
  14. Rose Marie et Rainer Hagen : Francisco Goya 1746.1828 Taschen 2005 pzge ?. En 1924, Goya s’est rĂ©fugiĂ© Ă  Bordeaux oĂą se trouvaient des libĂ©raux Ă©migrĂ©s espagnols jusqu’à sa mort en 1828.
  15. Archives Boissonnet b 3 : la plupart de ces artistes font le voyage de Bordeaux, comme Utrillo ou Van Dongen. D’autres passent par leur galerie. Quant Ă  Lhote, il vient pratiquement tous les ans chez sa sĹ“ur.
  16. « La Petite Gironde Â» du 25.5.1938 : « les portraits, notamment ont une profondeur Ă©mouvante et leur simplicitĂ© de lignes et de touches en fait comme une traduction d’état d’âme. Â»
  17. Il rend visite aux artistes venus Ă  Bordeaux pour les salons des A.I.B.
  18. Archives Boissonnet b4 : cette parole d’encouragement servira de marque distinctive pour cet artiste tout au long des dĂ©cennies Ă  venir.
  19. La prĂ©face est fĂ©roce : « Ainsi, me trouvai-je isolĂ© dans cette capitale du mauvais goĂ»t… Â». Mais il fait confiance Ă  la jeunesse (des A.I.B.) : « ces hĂ©ros savent qu’on ne conquiert pas la vĂ©ritĂ© en demeurant blotti contre une de ses frontières, mais en arpentant inlassablement l’espace compris entre ces limites, en conciliant, en un mot, les effusions du cĹ“ur avec les exigences de l’esprit. Â».Archives Boissonnet.
  20. Lhote connaissait bien cette région et, un an avant sa mort, reçu chez Boissonnet, il travaillait encore sur nature au Piquey en face d’Arcachon avec son hôte. Archives Boissonnet.
  21. Marquet s’est aussi intéressé au plan d’eau d’Arcachon, voir son œuvre intitulée Jardin au Pyla 1935, Musée des Beaux Arts de Bordeaux.
  22. Ces dessins se trouvent par Donation au Musée d’Aquitaine de Bordeaux. Centre national Jean-Moulin de Bordeaux (Musée de la Résistance)
  23. Il travaille avec d’autres prisonniers pour un paysan bavarois dont un fils sera tué lors de l’invasion allemande en URSS et l’autre handicapé. Archives Boissonnet.
  24. Il le libère après lui avoir demandé son portrait en pied et grand uniforme. Pour le remercier, il lui offre un livre d’art sur Lucas Cranach de 1927 qui sont toujours dans les Archives Boissonnet.
  25. Avec les dessins se trouvent des gouaches
  26. Le Salon de mai de Paris est créé en octobre 1943 par Gaston Diehl, critique d’art et de nombreux peintres et sculpteurs en opposition à l’idéologie nazie. Boissonnet venu à Paris, en 1943, pour le Salon des Provinces Françaises, où il expose, apprend cette création et prend contact avec Gaston Diehl.
  27. S’il est indéniable que le mouvement cubiste fut fondé avant la première guerre mondiale, il ne disparaitra pas immédiatement après. Même, chez Picasso, on trouve des réminiscences cubistes. Quant à André Lhote, il continue à travailler dans ce sens, jusqu’à sa mort, en 1962.

Références

  1. https://deces.matchid.io/id/b7AJnvzHvxX8
  2. Paule Cécile Jude (1906-2000), fille de Paul Jude, cadre supérieur dans une entreprise de spiritueux et d’Anne Peychès, sans profession, est une artiste douée, déjà sociétaire des A.I.B.
  3. Le médium Maroger est une émulsion composée de vernis, de gomme et d’eau. Il est commercialisé en tube. Il donne une transparence et une luminosité durable, une onctuosité qui permet de travailler à frais pendant plusieurs heures et donne une certaine fixité de la touche. Archives Boissonnet.
  4. Chaval, pseudonyme d’Yvan Le Louarn, 1915-1968, né à Bordeaux, est un dessinateur célèbre avec ses dessins remplis de dérision. C’est aussi un grand ami de Boissonnet qui est très affecté par sa mort tragique. Un certain nombre des dessins de Chaval fut cédé au profit du Musée des Beaux Arts de Bordeaux.
  5. Joseph Rivière 1912-1961, sculpteur figuratif, a suivi les cours de l’École des Beaux Arts de Bordeaux. Charles Despiau s’intéresse à lui. Dans la décennie 50, il eut une grande notoriété sanctionnée par la Légion d’Honneur et les Arts et Lettres. C’est un grand ami de Boissonnet. Cette amitié dépasse les clivages artistiques. Sa mort, à l’issue d’une longue maladie, affecte beaucoup Boissonnet.
  6. Catalogue du Salon de Mai de 1950 - B. Dorival (1914 - 2003)
  7. Au cours de cette période, il est créé à Bordeaux une sorte d’Académie du dessin sans prétention pédagogique où viennent poser des modèles nus. Boissonnet exécute alors une centaine de dessins de nus dont certains ont fait l’objet d’une Donation au Musée des Beaux Arts de Bordeaux.
  8. Edouard Pignon (1905-1993) est l’un des meilleurs amis de Boissonnet par son art inclassable, ses origines sociales presque identiques et son engagement politique.
  9. Francisco Borès (1898-1972) bien que n’étant pas de la même génération, Boissonnet rencontra Bores lors de la sortie de ses lithographies pour les Œuvres Compètes de Camus en 1961.
  10. André Lanskoy (1902-1976). Lanskoy étant devenu abstrait avant la guerre, ses conversations avec Boissonnet portaient sur cette grande rupture et sur la qualité de ses œuvres qu’il appréciait.
  11. Maurice-Elie Sarthou (1911-1999) Originaire de Bayonne, Sarthou participe aux expositions des A.I.B (1948) et du Salon de Mai (1954). Ami de Boissonnet, tout en n’étant pas toujours d’accord avec lui sur la finalité de l’art. Catalogue du Salon 1948 des A.I.B. et du salon de Mai de 1954. Musées de Bordeaux et d’art moderne de Paris.
  12. Roger Bissière (1886-1964) habite dans le Lot et Boissonnet lui rend souvent visite. Ils s’écrivent aussi. Le 19 dĂ©cembre 1950, Bissière Ă©crit Ă  Boissonnet : « Il y a dans tous vos travaux un dĂ©sir de recrĂ©er le monde, une acuitĂ© et surtout une poĂ©sie latente qui pour moi est en dernière analyse la plus haute justification de la peinture et peut-ĂŞtre la seule. Â» Après celles de Lhote et Braque, la mort de Bissière le 2.12.1964 affecte beaucoup Boissonnet. Archives Boissonnet.
  13. Catalogue : Peintres d’aujourd’hui France Italie, Turin 1951, Ĺ“uvres prĂ©sentĂ©es : Le filet et le nuage reçoivent l’ombre, La nasse aux crabes, Rythmes spontanĂ©s. Archives Boissonnet.
  14. Catalogue de la IIIe Biennale de Menton, aoĂ»t septembre 1955 : l’œuvre exposĂ©e est : Les filets. Archives Boissonnet.
  15. Jacques Lassaigne (1911-1983) critique d’art, journaliste au Figaro en 1932, engagé dans les F.F.L. en 1941. Participe aux Éditions Skira et à diverses revues artistiques. Conservateur en chef au musée d’art moderne de la ville de Paris en 1971. Il joue un rôle important dans le déroulement de la carrière artistique de Boissonnet
  16. Cette galerie existe toujours de nom.
  17. Cette galerie existe toujours de nom, mais pas Ă  la mĂŞme adresse. En plus des seize peintures, il y a quinze gouaches.
  18. Soulac 33780 a un musĂ©e depuis 1976 grâce au dynamisme du maire de l’époque : Jean-François Pintat.
  19. Catalogue de l’exposition. Archives Boissonnet.
  20. Le Figaro 20.6.1957.
  21. Catalogue de l’exposition 1961, Archives Boissonnet et B.N.F.
  22. Catalogue de l’exposition 1961.
  23. Arts, 4 octobre 1961.
  24. Dans le cadre du Salon de mai.
  25. Affiche de l’exposition. Archives Boissonnet.
  26. Titre de cette Ĺ“uvre : « La Gloire de Bordeaux Â».
  27. Cet immeuble est devenu une résidence pour étudiants et l’œuvre a été restaurée en 2012.
  28. Institution des Jeunes Sourds de Gradignan 33170
  29. Robert Milton Ernest Rauschenberg, artiste américain néo dada, précurseur du pop art. (1925 - 2008)
  30. Il est prévu des exonérations fiscales lors des donations en nature ou en argent. Les biens culturels sont exempts de TVA et les institutions culturelles reçoivent des subventions.
  31. Boissonnet fit la connaissance de Léon Moussinac, (1890-1964) écrivain, journaliste, historien, critique de cinéma et directeur de l’ENSAD (Arts Déco) de 1946 à 1959), à l’occasion de cette exposition. De cette rencontre, naquit une vive amitié trop vite rompue par le décès de Moussinac en 1964. Archives Boissonnet.
  32. Voir Bergson, L’Évolution CrĂ©atrice §1 : « Ainsi notre personnalitĂ© pousse, grandit, murĂ®t sans cesse. Â»
  33. Concept englobant les formes non récupérées de l’art naïf et de l’art dit populaire ainsi que les productions spontanées d’artistes marginaux et malades mentaux.
  34. Une cinquantaine de maquettes sur papier de mosaïques ont fait l’objet d’une Donation au Musée des Beaux Arts de Bordeaux.
  35. Voir Catalogue « L’Art Brut Â» 1967 MusĂ©e des Arts DĂ©coratifs, «Ce qu’on attend de l’art n’est pas, Ă  coup sĂ»r, qu’il soit normal. Â» Jean Dubuffet.
  36. Essentiellement des établissements scolaires, scientifiques, de gendarmerie, des immeubles de collectivités locales, etc.
  37. Pierre Cabanne (1921-2007) journaliste, écrivain, historien de l’art, s’est déplacé en 1969 dans l’atelier de Boissonnet qu’il connaissait depuis 1961.
  38. ARTS du 4 octobre 1961.
  39. La galerie, de nom, existe toujours.
  40. Catalogue de l’exposition, Archives Boissonnet.
  41. Pierre Cabanne était un spécialiste de l’art contemporain.
  42. Lettres Françaises du 14.4.1971
  43. La Galerie mai 1971
  44. La Tapisserie, art du XXe siècle, Madeleine Jarry, Office du livre 1974.
  45. PĂ©riode « rĂ©aliste Â».
  46. Donation de 2009 au Musée des beaux-arts de Bordeaux.
  47. Galerie Seifert-Binder MĂĽnchen. R.F.A.
  48. Ă€ l’occasion de l’inauguration de ce musĂ©e, Boissonnet fait Donation d’une peinture intitulĂ©e : "« Le Vol des Corbeaux Â»".
  49. Boissonnet avait fait un prêt à durée indéterminée transformé en donation en 2008. Ce musée fait partie aujourd'hui du Musée d’Aquitaine.
  50. Carlos Maffi, article « fantasme Â» Encyclopedia Universalis.
  51. Baudelaire « Ă‰lĂ©vation Â» Ĺ’uvres PlĂ©iade. 1954
  52. Baudelaire « Correspondances Â»
  53. Baudelaire « Salon de 1846 Â»
  54. Boissonnet ne peint plus sur nature depuis les années soixante. Il utilise parfois une documentation photographique.
  55. Boissonnet n’est pas pour autant un sympathisant de Barrès, auteur de « Colline InspirĂ©e Â» 1913.
  56. Le Combat avec l’Ange - Éditions Le Festin
  57. Film tourné en 1983 sous le titre : "L'Aventurier de l'Absolu"
  58. Archives Boissonnet
  59. Journal Sud-Ouest du 16.02.1992.
  60. M.C Lacoste, Journal Le Monde 10/1961
  61. P.Paret, Journal Sud-Ouest 5/1978 
  62. P. Picasso, The Art 25/5/1923.
  63. H. Bergson « L’Évolution crĂ©atrice Â» 1907, § 1 De l’évolution de la vie. MĂ©canisme et finalitĂ©.
  64. Docteur G.R. Rager : Hypnose Sophrologie et MĂ©decine, Fayard 1973, p. 532
  65. A. Lhote : « La Peinture, le CĹ“ur et l’Esprit, suivi de Parlons Peinture, DenoĂ«l, 1933
  66. Bissière, Textes de Serge Lemoine, Walter Lewino et Jean François Jaeger, Ides et Calendes p. 47
  67. Document manuscrit. Archives Boissonnet.
  68. Exposition au Musée Mandet de Riom (63200) d’une rétrospective Pignon, la même année, 2007, que celle de Boissonnet à Bordeaux. Catalogue de l’exposition.
  69. Elie Faure, Histoire de l’Art, L’Esprit des Formes, Éditions G. Crès et Cie 1933
  70. Elie Faure « Ombres Solides Â», Essais d’EsthĂ©tique Concrète S.F.E.L.T. 1934, p. 126
  71. Hegel « Leçons sur l’esthĂ©tique. Â» 1820
  72. Elie Faure, L’Esprit des Formes, Introduction

Annexes

Bibliographie

  • 1933 AndrĂ© Lhote, « La Peinture, le CĹ“ur et l’Esprit, suivi de Parlons Peinture Â», DenoĂ«l.
  • 1933 Élie Faure, « Histoire de l’Art. L’Esprit des Formes Â», Ed. G. Crès et Cie.
  • 1933 [25 mai] J.F Dupeyron, Le Reporter. « la manière dĂ©pouillĂ©e d’un grand maĂ®tre :Derain Â».
  • 1933 Nouvel Essor : « Edmond Boissonnet nous a fait une dĂ©monstration de sa maĂ®trise Â»
  • 1934 Elie Faure, « Ombres solides Â», Essais d’esthĂ©tique concrète S.F.E.L.T 
  • 1936 Catalogue du IXe Salon des A.I.B.
  • 1938 [25 mai] J. de Wissant, La Petite Gironde, « l’évolution de cet excellent artiste s’y rĂ©vèle Â».
  • 1938 [2 juin] La LibertĂ©, « une très belle exposition du peintre Boissonnet Â»
  • 1938 [octobre] Catalogue du XIe Salon des A.I.B.
  • 1938 [dĂ©cembre] J. Belaubre, Beaux Arts, «il s’exprime passionnĂ©ment Â».
  • 1942 Le Progrès, « enthousiaste, lyrique et passionnĂ© Â».
  • 1943 Jac Belaubre « Quelques artistes de chez nous Â», [le Sud Ouest Economique.]
  • 1945 Gaston Diehl, « Les problèmes de la peinture, Confluences. 
  • 1946 [5 avril] J.F Reille, Arts, «prix de la Jeune Peinture,  voix en faveur de Boissonnet».
  • 1948 [avril] P. Descargues, Arts, « le choix de Boissonnet, peintre plus tendre, plus dĂ©licat Â».
  • 1948 [avril] F. Elgar, Carrefour, « mieux vaut le courage que l’application Â».
  • 1953 [13 novembre] Armand Got, les Lettres Françaises.
  • 1954 Baudelaire, Ĺ’uvres Ed. Gallimard, La PlĂ©iade.
  • 1956 Chaval, Vive Gutenberg, Ed. R. Laffont.
  • 1956 [28 avril] Jean Bouret, Franc-Tireur, l’exposition de Boissonnet a une sonoritĂ© grave Â»
  • 1956 [3 mai] M.T.M, Arts, « en quelques traits vĂ©hĂ©ments Â».
  • 1957 J. et B. GuĂ©rin, « Des ActivitĂ©s et des Hommes autour d’un demi-siècle. Â» Ed. BEB
  • 1957 [juin] A. Lhote, J. Lassaigne, J. Vauthier, PrĂ©face du Catalogue, Galerie de l’ÉlysĂ©e.
  • 1957 [20 juin] R. Cogniat, Le Figaro, «art convaincant Â».
  • 1957 [5 octobre] A. Rèche, La Vie de Bordeaux, « Boissonnet, peintre de la rĂ©alitĂ© vivante Â».
  • 1958 [4 novembre] A. Lhote, « Boissonnet, peintures, gouaches, dessins Â», Galerie Faure.
  • 1958 [13 novembre] A. Got, La France, « Boissonnet qui a eu, toujours, le sens de l’harmonie Â».
  • 1958 [14 novembre] A. Michot, La France, « de la peinture avant toute chose Â».
  • 1958 [15 novembre] A. Delussay, Courrier Français « et pourtant Boissonnet n’est pas abstrait Â».
  • 1958 Charles Lapicque, «  Essais sur l’espace, l’art, la destinĂ©e Â» Ed. Grasset.
  • 1959 [15 avril] J.D.V (Jean de la Ville), La France, « une fresque riche de rythmes colorĂ©s Â».
  • 1960 [20 fĂ©vrier] A. Rèche, la Vie de Bordeaux, « tout se construit ainsi dans un rythme Â».
  • 1960 [19 mai] C. Giaud, La France, « le mouvement incessant des choses Â».
  • 1961 J. Lassaigne, Catalogue de l’exposition Ă  la Maison de la PensĂ©e Française.
  • 1961 [4 octobre] P. Cabanne, Arts, « je voudrais faire naĂ®tre un rĂŞve Â».
  • 1961 [5 octobre] J. Bouret, Les Lettres Françaises, « une mutation dans l’art actuel Â».
  • 1961 [11 octobre] F. Elgar, Carrefour, « rien n’est stable, immobile, pesant dans ses tableaux Â».
  • 1961 [12 octobre] J. Darle, L’HumanitĂ©, « Boissonnet possède une expĂ©rience et des qualitĂ©s Â».
  • 1961 [19 octobre] R. Cogniat, Le Figaro, « jamais l’artiste ne se laisse entrainer par l’anecdote Â».
  • 1967 Catalogue de l’exposition « L’Art Brut Â», MusĂ©e des Arts DĂ©co, prĂ©face de Dubuffet.
  • 1969 [3 mai] P. Paret, Sud Ouest, « devant cette Ĺ“uvre solidement construite, mĂ»re et aĂ©rĂ©e Â».
  • 1969 [5 juin] C. Giaud, La France, « la profonde originalitĂ© de cette exposition Â».
  • 1971 J.C Lasserre, « Bordeaux, 2000 ans d’Histoire Â», MusĂ©e d’Aquitaine.
  • 1971 [mars] P. Cabanne, Catalogue de l’exposition Ă  la Galerie de Paris.
  • 1971 [6 avril] Le Figaro, « plus riche que plaisante Â».
  • 1971 [12 avril] R. Barotte, Sud Ouest « cette honnĂŞtetĂ© intellectuelle de Boissonnet Â».
  • 1971 [14 avril] J. Lassaigne, Les Lettres Françaises, « Nature vraie recrĂ©Ă©e Â».
  • 1971 [21 avril] Le Monde, « plus d’ampleur et de libertĂ© Â».
  • 1971 [2/3 mai] La Croix, « les formes ne sont qu’allusions…le chaos lui-mĂŞme s’ordonne Â».
  • 1971 [17 mai] C. Giaud, La France, « rien n’est cristallisĂ©, tout est en devenir Â».
  • 1971 [mai] R. Barotte, La Galerie, « chez lui, rien n’est jamais gratuit Â».
  • 1972 J.C Lasserre, Histoire de Bordeaux, tome V
  • 1972 Catalogue de l’exposition Ă  Gelos, PyrĂ©nĂ©es Atlantiques,
  • 1972 [mai] S. Guilbaut, Sud Ouest, « il est immense, ce Boissonnet Â».
  • 1973 Dr G.R. Rager, « Hypnose, Sophrologie et MĂ©decine Â» Ed. Fayard.
  • 1973 Catalogue de l’exposition au M.B.Ă€ Bordeaux et M.A.M Paris, « Les Cubistes Â».
  • 1973 [5 avril] P. Paret, Sud Ouest, «l’engagement a toujours Ă©tĂ© la raison d’être de Boissonnet Â»
  • 1974 [mai] P. Paret, Sud Ouest, « Boissonnet ou la crĂ©ation perpĂ©tuelle Â».
  • 1974 [14 mai] D. Saunier, Le Courrier Français, « les Ă©merveillements de Boissonnet Â».
  • 1975 [juin] Duluc, La Vie de Bordeaux, « aucune mode Â».
  • 1976 [mai] La Vie de Bordeaux, R. Mirande, « paysages de France, j’aime ce titre simple Â».
  • 1976 [juin] Aquitaine, B. Abiet, « peinture tourmentĂ©e Â».
  • 1976 [mai] P. Paret, Sud Ouest, « peintures et tapisseries de Boissonnet Â».
  • 1978 [29 avril] J. Belaubre, La Vie de Bordeaux, « du grand, très grand art Â».
  • 1978 [29 avril] D. Saunier, Le Courrier Français, « la peinture est un jaillissement continu Â».
  • 1978 [mai] P. Paret, Sud ouest, « on retrouve avec plaisir, cet univers colorĂ© Â».
  • 1980 [10 avril] C. Nanquette, Les Nouvelles LittĂ©raires, « une semaine sainte chargĂ©e Â», (vitraux)
  • 1981 D. Cante, « Les peintres de la SociĂ©tĂ© des A.I.B. 1927-1938 Â» MaĂ®trise Ă  Bordeaux III.
  • 1981 [31 janvier] D. Saunier, Courrier Français, « Tapisseries de Boissonnet Â».
  • 1981 [12 fĂ©vrier] C. Giaud, Vie de Bordeaux, « Lyrisme et fiĂ©vreuses reconstructions spatiales Â»
  • 1981 Catalogue Artcurial : AndrĂ© Lhote.
  • 1983 [22 septembre] J.M Faubert, Sud Ouest, « Boissonnet, cinquante ans de peinture Â».
  • 1984 [19 avril] J.M Faubert, Sud Ouest, « le printemps chaleureux de MĂ©cĂ©nart Â».
  • 1984 [15 aoĂ»t] J.M Faubert, Sud Ouest, « le triomphe ocĂ©an d’Edmond Boissonnet Â».
  • 1986 R. Coustet, prĂ©sentation de l’exposition Ă  la Galerie du Troisième Ĺ’il Ă  Bordeaux.
  • 1986 [24 octobre] J.M. Faubert, Sud Ouest. « Boissonnet, demain Â».
  • 1986 [25 octobre] D. Dussol, Sud Ouest, « les beaux silences de Boissonnet Â».
  • 1988 [30 octobre] D. Godfrey, Sud Ouest Dimanche, « la longue marche des IndĂ©pendants Â».
  • 1989 [6 juillet] D. Dussol, Sud Ouest, « un art plus personnel qualifiĂ© de paysagisme abstrait Â».
  • 1990 Catalogue de l’exposition de Cajarc, Bissière, Lettres Ă  Louttre.
  • 1992 Exposition HĂ´tel de RĂ©gion Aquitaine : prĂ©sentation : «Hommage Ă  Boissonnet ».
  • 1992 [11 fĂ©vrier] D. Dussol Sud Ouest, « l’enfance de l’art Â».
  • 1992 [14 fĂ©vrier] B.F, Courrier Français, « l’impulsion crĂ©atrice Â».
  • 1992 [16 fĂ©vrier] D. Godfrey, Sud Ouest, « soixante ans de plĂ©nitude Â».
  • 1993 Lydia Harambourg, « L’École de Paris 1945-1965 : Dictionnaire des peintres Â», Ides et Calendes, Neuchâtel. RĂ©Ă©dition en 2010.
  • 1995 Françoise Taliano des Garets, « La Vie Culturelle Ă  Bordeaux. Â» Ed. PUB
  • 1995 C. Bellan, Catalogue de l’exposition Boissonnet, Ă  Lescombes/Eysines (33327).
  • 1996 [mars] D. Cante, Le Festin no 19, « Edmond Boissonnet, l’indĂ©pendant Â».
  • 1996 [18 septembre] ValĂ©rie de Saint-Do, Sud Ouest, « L’Hommage Ă  Boissonnet Â».
  • 1999 E. BĂ©nĂ©zit, « Dictionnaire des peintres, etc., tome 2. Ed. GrĂĽnd.
  • 2000 Collectif : « Bissière Â», Ides et Calendes.
  • 2002 Hegel, « Leçons d’EsthĂ©tique Â» (1820) Éd. Hatier.
  • 2006 Collectif : « Edmond Boissonnet, Le Combat avec l’Ange Â», Éd. Le Festin.
  • 2006 [1er dĂ©cembre] Sud Ouest,  Â« double rĂ©trospective Boissonnet Â»
  • 2007 [18 janvier] J.Bienvenu, La DĂ©pĂŞche du Midi, «trĂ©sors inĂ©dits de Bordeaux Â».
  • 2007 [5 fĂ©vrier] D. Godfrey, Sud Ouest, « les bonheurs d’un paysagiste Â».
  • 2007 [23 fĂ©vrier] La Gazette de l’HĂ´tel Drouot no 8, « Edmond Boissonnet, le combat avec l’Ange Â» par Lydia Harambourg.
  • 2007 Catalogue de l’exposition : «Le Rugby, c’est un monde Â», MusĂ©e d’Aquitaine. Bordeaux
  • 2007 Henri Bergson, « L’Évolution crĂ©atrice Â» (1907) PUF
  • 2009 T. Saumier et D. Dussol, « L’Art abstrait Ă  Bordeaux, 1940-1970 Â», Éd. Le Festin.
  • 2012 C. Bellan, « Dans la Lumière encore Â», Ed. Le Festin.
  • 2013 Encyclopaedia Universalis.
  • 2013 [26 mars] R. Guitard, prĂ©sentation de l’exposition Boissonnet « Nature et mouvement Â» Ă  la galerie Guyenne Art Gascogne Ă  Bordeaux.
  • 2013 [17 mai] La Gazette de l’HĂ´tel Drouot, Lydia Harambourg : Nature et Mouvement.

Filmographie

En 1983, il est dĂ©cidĂ© de rĂ©aliser un film sur la vie quotidienne de Boissonnet. Le tournage a lieu en aoĂ»t. Le titre est de Pierre Cabanne : « L’Aventurier de l’absolu Â», (Texte de 1971.) La nature est le dĂ©cor de cette vie quotidienne : la mer changeante au grĂ© des marĂ©es, la forĂŞt toute proche, les clairs de lune et les couchers de soleil. Elle est filmĂ©e dans l’optique de la vision subjective du peintre. Viennent alors s’articuler Ă  l’intĂ©rieur de ce rĂ©cit, des Ă©vocations de sa vie de peintre, nourries de documents et de toiles anciennes. Elles crĂ©ent une rupture et un contraste par leur rythme rapide et leur densitĂ©.
RĂ©alisateur : Jean-Pierre Mitrecey.
DurĂ©e : 30 minutes.
Lieu de sa première prĂ©sentation : CinĂ©ma du MusĂ©e national d’art moderne dit « Beaubourg Â», le 24 avril 1984. Ensuite, prĂ©sentation dans diffĂ©rentes institutions.

Liens externes

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