Dissidents des FARC
Les dissidents des FARC (espagnol : Disidencias de las Farc) font rĂ©fĂ©rence Ă des groupes composĂ©s d'anciens membres des Forces armĂ©es rĂ©volutionnaires de Colombie (FARC) qui ont refusĂ© de dĂ©poser les armes aprĂšs le traitĂ© de paix de 2016 entre les FARC et le gouvernement ou qui ont repris le combat aprĂšs sâĂȘtre momentanĂ©ment dĂ©mobilisĂ©s[1].
Dissidents des forces armées révolutionnaires de Colombie | |
Idéologie | Communisme Marxisme Bolivarisme Guévarisme |
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Statut | Actif |
Fondation | |
Date de formation | 2016 |
Pays d'origine | Colombie |
Actions | |
Mode opératoire | Guérilla |
Zone d'opération | Colombie, Pérou |
Période d'activité | Depuis 2016 |
Organisation | |
Financement | Trafic de drogue, rançons de prise d'otages, taxes sur les activités économiques |
Conflit armé colombien | |
Les dissidents sont d'abord peu nombreux (300 Ă 500, alors que 14 000 guĂ©rilleros prennent part au processus de paix) et dirigĂ©s par des commandants ayant un rang intermĂ©diaire au sein des FARC. Aucun des membres du SecrĂ©tariat (l'instance la plus Ă©levĂ©e du commandement des FARC, composĂ©e de neuf membres), ne se joignant Ă eux. En 2019, une deuxiĂšme faction dissidente apparait, Segunda Marquetalia, fondĂ©e par des guĂ©rilleros qui avaient d'abord soutenu le processus de paix avant de considĂ©rer que lâĂtat avait reniĂ© ses promesses.
Les dissidences se composent aujourd'hui de deux structures principales et rivales : la premiÚre initialement commandée par Gentil Duarte (tué le 4 mai 2022), parfois appelée par les médias Bloc sud-oriental, et l'autre menée par Ivån Mårquez, dite Segunda Marquetalia.
En 2018, les dissidences comptaient 1 200 membres[2]. En 2021, elles en comptaient 5 200 selon un rapport de lâInstitut dâĂ©tudes pour le dĂ©veloppement et la paix (Indepaz). La majoritĂ© d'entre eux sont de nouvelles recrues n'ayant pas appartenu aux FARC[3].
ĂvĂ©nements
Le « Bloc sud-oriental » est principalement prĂ©sent dans la forĂȘt amazonienne et sur la frontiĂšre vĂ©nĂ©zuĂ©lienne. Il se compose d'une trentaine de groupes, alliĂ©s les uns aux autres et rĂ©pondant Ă un haut commandement commun, mais conservant leur autonomie et leur propre dynamique locale. Certains sont ainsi des groupes criminels dĂ©diĂ©s au trafic de drogue, alors que d'autres ont des objectifs politiques. Leur attitude vis-Ă -vis de la guĂ©rilla de l'ArmĂ©e de libĂ©ration nationale (ELN) ou des narcotrafiquants issus du paramilitarisme est Ă©galement variable[4]'.
Ces groupes ont constituĂ© une forme d'Ătat parallĂšle dans les rĂ©gions rurales trĂšs pauvres et historiquement marquĂ©s par lâabsence de lâĂtat qu'ils contrĂŽlent. Ils y gĂšrent des litiges de toutes sortes, comme les divorce ou les vols, organisent les travaux publics, et imposent une taxe sur les activitĂ©s Ă©conomiques[4].
Le 15 juillet 2018, les gouvernements colombien et pĂ©ruvien ont lancĂ© une opĂ©ration militaire conjoint connu sous le nom d'opĂ©ration Armageddon pour combattre les dissidents des FARC. Le PĂ©rou a dĂ©crĂ©tĂ© un Ă©tat d'urgence de 60 jours dans la province de Putumayo, une rĂ©gion frontaliĂšre de la Colombie et de l'Ăquateur. Le premier jour, plus de 50 personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es dans le cadre de l'opĂ©ration, la majoritĂ© Ă©tant des ressortissants colombiens, tandis que quatre laboratoires de cocaĂŻne ont Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©s[5].
Les membres dĂ©mobilisĂ©s des FARC subissent la pression des groupes paramilitaires â plusieurs centaines de dĂ©mobilisĂ©s ont Ă©tĂ© assassinĂ©s â et des institutions de lâĂtat, notamment la menace de se voir extradĂ©s vers les Ătats-Unis pour des faits relevant du trafic de cocaĂŻne. Lâarrestation en 2018 de l'un des commandants emblĂ©matiques de la guĂ©rilla, Jesus Santrich, victime d'un montage judiciaire visant Ă lâinculper pour narcotrafic, suscita une vive inquiĂ©tude et fut Ă lâorigine de la disparition de plusieurs cadres de la guĂ©rilla qui retournĂšrent dans la clandestinitĂ©[3]. La Commission de vĂ©ritĂ© et de rĂ©conciliation confirmera en 2022 que Jesus Santrich et IvĂĄn MĂĄrquez ont fait l'objet d'un complot de la DEA et du procureur gĂ©nĂ©ral colombien NĂ©stor Humberto MartĂnez pour mettre en pĂ©ril le processus de paix et inciter les FARC Ă reprendre les armes[6].
Le 29 aoĂ»t 2019, IvĂĄn MĂĄrquez, Jesus Santrich (qui a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© aprĂšs un an de prison par la Cour suprĂȘme) et plusieurs autres anciens commandants annoncent dans une vidĂ©o leur retour Ă la lutte armĂ©e et la constitution d'une nouvelle organisation insurgĂ©e, la Segunda Marquetalia, dont le nom fait rĂ©fĂ©rence Ă la fondation des FARC en 1964[7]. Cette dissidence entend adopter une nouvelle maniĂšre de mener le conflit, notamment en mettant fin aux attaques contre lâarmĂ©e. « Nous aurons un nouveau mode opĂ©ratoire contre lâĂtat. Nous ne rĂ©pondrons quâĂ lâoffensive. Nous ne voulons pas continuer Ă nous entretuer entre frĂšres de classe pendant quâune oligarchie arrogante continue de manipuler notre destin », dĂ©clare Ivan Marquez dans sa vidĂ©o, prĂ©cisant que les attaques ne viseraient plus dĂ©sormais que l'« oligarchie »[8]. AlliĂ©e Ă l'ArmĂ©e de libĂ©ration nationale (ELN), elle est essentiellement Ă©tablie dans le dĂ©partement colombien dâArauca et lâĂtat vĂ©nĂ©zuĂ©lien frontalier dâApure.
Le , il a été confirmé que les dissidents du Clan del Golfo et des FARC étaient dans un conflit armé direct dans le nord d'Antioquia connu sous le nom d'Opération Mil[9]. Le Clan del Golfo, qui a envoyé 1 000 de ses paramilitaires d'Urabå , du sud de Córdoba et du Chocó, souhaite éliminer la dissidence des FARC du nord d'Antioquia et prendre le contrÎle de toute la municipalité d'Ituango[9].
Les rebelles opĂ©rant Ă proximitĂ© de la frontiĂšre avec le Venezuela se rĂ©fugient souvent dans ce pays pour Ă©chapper aux bombardements aĂ©riens de lâarmĂ©e colombienne[4]. Le , les Forces armĂ©es nationales bolivariennes du Venezuela ont lancĂ© une opĂ©ration militaire Ă grande Ă©chelle contre les dissidents des FARC Ă Apure, au Venezuela. Les affrontements d'Apure en 2021 (es) ont entraĂźnĂ© le dĂ©placement de plus de 5 000 civils[10].
Le , des responsables des services de renseignement colombiens et vénézuéliens ont confirmé la mort de Gentil Duarte (es), le chef de file des dissidents des FARC[11]. Le , le ministre de la défense annonce que son successeur en tant que principal chef de la dissidence, Ivan Mordisco, a été tué par l'armée dans le sud-ouest du pays[12]. Il réapparait toutefois en vie par la suite[13].
L'Ă©lection de Gustavo Petro Ă la prĂ©sidence en juin 2022 conduit Ă un nouveau processus de paix. Premier prĂ©sident issu de la gauche de l'histoire rĂ©cente de la Colombie, Petro dĂ©clare souhaiter une « paix totale » et se dĂ©clare prĂȘt Ă nĂ©gocier avec les guĂ©rillas, ce Ă quoi ces derniĂšres rĂ©pondent favorablement. La faction menĂ©e par Ivan Mordisco dĂ©clare dans un communiquĂ© le 31 juillet considĂ©rer le prĂ©sident Petro et sa vice-prĂ©sidente Francia MĂĄrquez comme « de vĂ©ritables reprĂ©sentants des aspirations des classes populaires » et indique sa disposition Ă crĂ©er « un climat propice Ă un accord de cessez-le-feu bilatĂ©ral ». Elle annonce le 23 septembre le dĂ©but du cessez-le-feu[14].
Références
- (en-US) Nicholas Casey et Federico Rios Escobar, « Colombia Struck a Peace Deal With Guerrillas, but Many Return to Arms », The New York Times,â (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consultĂ© le )
- « Disidencias de las Farc contarĂan con 1.200 hombres - ELESPECTADOR.COM »,
- «Les groupes dissidents ne sont pas les FARC», sur Le Courrier, (consulté le )
- « Le retour des FARC? », sur Le Courrier, (consulté le )
- « Peru arrests more than 50 in anti-drug bust at Colombian border », Reuters,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- (es) Alfredo Molano Jimeno, « La DEA, la FiscalĂa y un coronel entramparon el proceso de paz | Cambio Colombia », sur cambiocolombia.com
- « Lâex-numĂ©ro deux des Farc annonce reprendre la lutte armĂ©e », La Croix,â (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consultĂ© le )
- Pascale Mariani, « En Colombie, lâex-guĂ©rilla des Farc est minĂ©e par les divisions », sur Mediapart,
- « Disidencias despliegan "comando antiparamilitar" en el norte de Antioquia »,
- Julie Turkewitz, « 5,000 Flee as Venezuela Launches Largest Military Campaign in Decades », The New York Times,â (lire en ligne)
- (es) « Alias âGentil Duarteâ habrĂa muerto vĂctima de un atentado en Venezuela », Caracol Radio,
- Colombie : le gouvernement annonce la mort de Nestor Vera, principal dirigeant de la dissidence des FARC
- (es) « Disidente âIvĂĄn Mordiscoâ reaparece: no muriĂł en operativo de gobierno Duque », sur El Espectador, (consultĂ© le )
- « Colombie : la principale dissidence des Farc annonce une trĂȘve en vue dâun cessez-le-feu bilatĂ©ral », Sud-Ouest,â (ISSN 1760-6454, lire en ligne, consultĂ© le )