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Dina Alma de Paradeda

Alfred P., né en 1871 à Rio de Janeiro au Brésil et mort le à Breslau dans l'Empire allemand, est une personnalité mondaine homosexuelle brésilienne. Il est célèbre pour la longue durée de son travestissement sous le nom de Dina Alma de Paradeda et pour les circonstances de son suicide par empoisonnement.

Dina Alma de Paradeda
Alma de Paradeda avant 1906.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Alfred P.
Surnom
Dina Alma de Paradeda
Die männliche Braut (« la Fiancée mâle »)
Pseudonyme
Dina Alma de Paradeda
Nationalité
Activité

Quittant le BrĂ©sil et s'installant Ă  Berlin en 1899, il devient connu sous le nom de Dina Alma de Paradeda. La prĂ©tendue comtesse dĂ©mĂ©nage Ă  Paris, oĂą elle est très en vue. Durant l'Ă©tĂ© 1906, elle tombe amoureuse d'un instituteur de Breslau. Sans le mettre au courant de son sexe, ils se fiancent ensemble et Paradeda s'installe dans un appartement Ă  Breslau. Les amis de l'instituteur dĂ©couvrent qu'il est un homme par son beau-père, un mĂ©decin de Berlin. L'instituteur rompt les fiançailles et un mĂ©decin vient pratiquer un examen de Paradeda. Celle-ci feint d'accepter et ingère secrètement du poison avant qu'on ait le temps de l'ausculter. Face Ă  la dĂ©couverte de son identitĂ© masculine, la presse allemande de l'Ă©poque la surnomme die männliche Braut (« la FiancĂ©e mâle Â»).

Le médecin et sexologue Magnus Hirschfeld, qui a plusieurs fois rencontré et côtoyé Paradeda, assure que ce n'est pas un cas de transidentité, mais un homme travesti.

Biographie

Jeunesse au Brésil

Né en 1871 à Rio de Janeiro au Brésil, Alfred P. est le fils d'une Brésilienne et d'un médecin allemand, et avait au moins un frère. Devenue veuve, sa mère épouse un autre médecin allemand, puis meurt à Rio avant 1925, dans un hôpital psychiatrique où son autre fils était toujours interné[1].

À Paris, la Paradeda disait que son père était un comte et consul originaire de Rio[2]. Selon l'Österreichische Illustrierte Zeitung (de), Paradeda aurait prétendu être la fille d'un consul de France à Rio[3].

Berlin et Paris

Très riche, Paradeda réside à Berlin à partir de 1899, attirant l'attention par ses toilettes luxueuses, éveillant des doutes sur son identité de genre[2]. Paradeda devient rapidement célèbre dans les bals populaires homosexuels[4], se présentant comme un marquis brésilien ou une marquise de Paris[2]. La mystification est telle que Paradeda reçoit une permission de travestissement en homme de la police de Berlin[5]. Le riche héritier s'installe dans la capitale française, se faisant connaître comme « comtesse » de Paradeda. On remarque ses nombreux et magnifiques vêtements, ses cosmétiques onéreux et son entretien d'une importante maisonnée[1].

Sa haute stature et sa voix, fluctuant entre le grave et l'aigu, font douter quelques personnes de son identitĂ©, mais son tour de taille fin (52 cm) et ses petits pieds Ă©taient vus comme trop fĂ©minins pour ĂŞtre ceux d’un homme. Par sa conversation charmante, la « comtesse » donne des dĂ©tails de la vie brĂ©silienne et de la haute sociĂ©tĂ© parisienne, oĂą elle Ă©tait très apprĂ©ciĂ©e et les soupçons sur son identitĂ© s'Ă©teignent[1].

Breslau

Photo en noir et blanc d'une femme brune en robe Ă  traine
Alma de Paradeda avant 1906, lors d'un voyage Ă  Naples.

En 1906, Paradeda tombe sous le charme d'un dénommé Meyer[6], un modeste instituteur de Breslau, installé à Paris pour apprendre le français. Ils se fiancent, mais Meyer n'est pas au courant du travestissement de la Paradeda[7]. Il retourne chez lui après ses études et Paradeda le suit le . La « comtesse » loge dans une élégante pension de famille de Breslau en attendant de régler les papiers du mariage ; la fille de sa logeuse l’appelle affectueusement « tante Didi ». Paradeda voit régulièrement son fiancé, leurs rencontres sont très cordiales et affectives. L'instituteur se rend compte que sa fiancée est d'une jalousie maladive envers ses amis, et plusieurs ont des doutes sur sa féminité. Dans leurs recherches, ils retrouvent le beau-père de Paradeda à Berlin, qui leur dit avoir un beau-fils appelé Alfred mais aucune belle-fille appelée Alma[1].

Décès

Meyer confronte la « comtesse », qui n'avoue rien et menace de se suicider si son fiancé rompt sa promesse de mariage. Il le fait malgré tout et signale Paradeda à la police. Le , un inspecteur de police se rend à son appartement, mais ne trouve aucune raison d'intervenir contre elle. Cette intervention affole cependant Paradeda, qui demande son médecin de confiance, qui l'avait déjà auscultée pour une « oppression thoracique ». Celui-ci étant indisposé, il envoie son assistant, qui trouve la Paradeda entièrement désespérée en raison de sa rupture[1].

La « comtesse » refuse qu'il lui fasse un examen physique. Comme l'assistant insiste, Paradeda demande à se préparer dans une pièce voisine, où elle s'empoisonne. Revenue rapidement, elle dit : « Voilà, docteur ! » Soudainement, elle vomit, convulse et meurt dans les bras de l'assistant, désemparé[1]. On découvre à l'autopsie que la « comtesse » est de sexe mâle, que ses seins et ses hanches sont factices, et que sa longue chevelure est une perruque. Selon l’Albuquerque Evening Citizen, à sa mort en décembre 1906, cela faisait vingt ans que Paradeda se travestissait. La découverte du sexe de sa fiancée est un tel choc pour Meyer qu'il en tombe malade[6].

Postérité

Les journaux germanophones s'emparent rapidement de l'affaire, Paradeda est surnommée die männliche Braut (« la fiancée mâle »)[1]. La mort de Paradeda est aussi relayée par des journaux étrangers[8] - [6].

S'inspirant de l'affaire, Walter Homann écrit et publie Tagebuch einer männlichen Braut (« Journal d'une fiancée mâle ») en 1907[9] ; le roman est un succès d'édition[10].

Identité de genre

Le médecin et sexologue Magnus Hirschfeld a rencontré Paradeda à plusieurs reprises à Paris, ce qui lui a permis de donner plusieurs détails sur sa vie et d'aborder son cas dans ses œuvres. Hirschfeld est formel sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une femme transgenre, mais bien d'un homme homosexuel et travesti[11] - [12]. Suivant l'opinion des médecins de son temps, il considérait Parededa comme un malade mental, et il soutient son opinion en s'appuyant sur l'internement de la mère et du frère de la « comtesse »[1].

D'après ce que lui dit son confrère Hirschfeld, Franz Ludwig von Neugebauer voit Paradeda comme un homosexuel efféminé et fétichiste des vêtements féminins[2].

En 2022, Ace Lehner estime que Paradeda serait considéré, au XXIe siècle, comme une personne non binaire, en non conformité de genre ou comme une femme trans[13].

Notes et références

  1. Hirschfeld 1925, p. 189-192.
  2. Neugebauer, p. 647-648.
  3. (de) « Österreichische Illustrierte Zeitung », sur anno.onb.ac.at (consulté le ).
  4. (de) « Tagebuch einer männlichen Braut », sur Schwules Museum (consulté le ).
  5. (de) Magnus Hirschfeld, Die Transvestiten, Leipzig, (lire en ligne), p. 189-192
  6. (en) « The reverse of the Arizona de Raylan Incident », Albuquerque Evening Citizen,‎ , p. 2 (lire en ligne [PDF])
  7. Hirschfeld 1914, p. 707.
  8. « La Démocratie algérienne », sur Gallica, (consulté le ).
  9. (en) Robert Beachy, Gay Berlin: Birthplace of a Modern Identity, Knopf Doubleday Publishing Group, (ISBN 978-0-385-35307-6, lire en ligne), p. 192
  10. (de) « TAGEBUCH EINER MÄNNLICHEN BRAUT von WALTER HOMANN », sur buchladen-erlkoenig.de (consulté le ).
  11. Hirschfeld 1914, p. 167-168.
  12. (de) Harald Neckelmann, Die Geschichte von Lili Elbe: Ein Mensch wechselt sein Geschlecht, be.bra verlag, (ISBN 978-3-8393-0140-1, lire en ligne), p. 10
  13. (en) Ace Lehner, « The Future Is More than Female: Post-Feminist Trans/Feminism in Contemporary Art », dans Expanding the Parameters of Feminist Artivism, Springer International Publishing, (ISBN 978-3-031-09377-7, DOI 10.1007/978-3-031-09378-4_15, lire en ligne), p. 287–307

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : Tout ou une partie de cet ouvrage a servi comme source à l'article.

  • (de) Franz Ludwig von Neugebauer, Hermaphroditismus beim Menschen, Leipzig, Werner Klinkhardt, , 764 p. (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (de) Magnus Hirschfeld, Die Homosexualität des Mannes und des Weibes, Berlin, , 1067 p. (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (de) Magnus Hirschfeld, Die Transvestiten, Leipzig, , 572 p. (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article

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