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Destitution de Dilma Rousseff

En 2016, le Parlement brésilien lance une procédure de destitution de Dilma Rousseff, présidente de la république fédérative du Brésil. Cette procédure d’impeachment résulte de pratiques visant à dissimuler l'importance des déficits publics brésiliens dans un contexte de crise économique importante. Elle intervient dans le cadre du scandale Petrobras et à la suite d'importantes manifestations réclamant la démission de la présidente.

Au terme de cette procédure de destitution controversée, le , Dilma Rousseff, est destituée par un vote du Sénat. Son vice-président, Michel Temer, lui succède comme président.

Contexte

Dilma Rousseff s'exprimant devant le Congrès national, le .
Manifestation contre Dilma Rousseff Ă  SĂŁo Paulo, le .

Impopularité de Dilma Rousseff

Dilma Rousseff, soutenue par le Parti des travailleurs (PT), est réélue à l'issue de l'élection présidentielle brésilienne de 2014, avec 51,64 % des voix au second tour de scrutin. Elle apparaît affaiblie dès le début de son second mandat, principalement à cause des crises économiques et politiques, qui l'ont conduite à tomber sous les 10 % d'opinions favorables[1] - [2] - [3] - [4] (la plus faible popularité de l'histoire pour un chef de l'État brésilien depuis la fin de la dictature militaire[5]).

À partir du , plusieurs manifestations au Brésil rassemblent des millions de personnes à travers le pays pour demander, entre autres exigences, la destitution ou la démission de la présidente[6] - [7]. Les enquêtes d'opinion indiquent que 60 à 70 % des Brésiliens souhaitent sa destitution[8] - [9] - [10] - [11].

Crise Ă©conomique

Le Brésil connaît l'une des plus graves crises économiques de son histoire, avec une récession et un taux de chômage en hausse continue[12] - [13] - [14] - [15] - [16] - [17]. Dilma Rousseff est ainsi contrainte de revenir sur certaines de ses promesses électorales et de mener une politique de rigueur en coupant dans les dépenses publiques, notamment dans le programme « Bolsa Família »[18]. Sa politique contribue à sa baisse de popularité au sein des classes populaires et laisse sceptiques les créanciers du Brésil et les agences de notation financière[19] - [20] - [21] - [22].

Scandale Petrobras

Dans le cadre du scandale Petrobras, de nombreuses personnalités politiques sont accusées de corruption. Le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, soupçonné d'avoir reçu des pots-de-vin et d'avoir des comptes cachés en Suisse, est suspendu de ses fonctions le pour obstruction à la justice[23] - [24]. Lula da Silva, le prédécesseur de Dilma Rousseff, est de son côté accusé de corruption et de blanchiment d'argent[25] ; sa nomination par Dilma Rousseff à la tête de son cabinet suscite d'importantes indignations et est suspendue par la justice[26]. Le , le Tribunal suprême fédéral autorise une enquête pour entrave à la justice visant Dilma Rousseff[27].

Dilma Rousseff, qui présidait le conseil d'administration de la société Petrobras entre 2003 et 2010, est également citée dans le scandale[28]. L'ancien sénateur du Parti des travailleurs Delcídio do Amaral affirme notamment que des pots-de-vin ont profité à Dilma Rousseff, qui selon lui « savait tout » du réseau de corruption, ce qui relance une enquête judiciaire sur sa campagne présidentielle de 2014[29]. Otávio Azevedo (pt), ancien PDG d'Andrade Gutierrez (pt), la deuxième société de BTP au Brésil, fait des déclarations aux enquêteurs allant dans le même sens[30].

Motifs invoqués

Dilma Rousseff a eu recours au « pĂ©dalage budgĂ©taire » (pedalada fiscal), une manĹ“uvre comptable du gouvernement visant Ă  faire supporter Ă  des banques publiques environ 40 milliards de rĂ©aux de dĂ©penses incombant au gouvernement[31]. Dilma Rousseff a signĂ© des dĂ©crets en ce sens en 2014, annĂ©e de sa rĂ©Ă©lection, et 2015[32] - [33]. Par ailleurs, elle est accusĂ©e d'avoir pris des dĂ©crets engageant des dĂ©penses supplĂ©mentaires non inscrites Ă  la loi de finances sans demander l'autorisation du Parlement[34]. Selon l'opposition, la prĂ©sidente a commis « un crime de responsabilitĂ© » administrative en violant la loi des finances, l'un des motifs de destitution prĂ©vus par l'article 85 de la Constitution brĂ©silienne[34].

Dilma Rousseff évoque un « coup d'État constitutionnel »[35] et refuse de démissionner[36].

Processus au Congrès national

Tractations

Progressivement, les dirigeants des partis centristes (PMDB, PP, PRB, PSD) de la coalition parlementaire de Dilma Rousseff donnent pour consigne de voter en faveur de sa destitution[37] - [38] - [39]. Face à ces défections, Dilma Rousseff annonce qu'elle est prête à former un gouvernement d'union nationale si elle reste au pouvoir, tandis que Lula promet à des parlementaires de leur accorder des postes ministériels pour obtenir un vote contre la procédure de destitution[40].

À la Chambre des députés

Vote à la Chambre des députés, le .

37 demandes de mise en accusation sont dĂ©posĂ©es Ă  la Chambre des dĂ©putĂ©s jusqu'en .

Le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, hésite à lancer une procédure d’impeachment contre la présidente[41]. Il le fait finalement le , sur les conseils des juristes Miguel Reale et Hélio Bicudo, l’un des fondateurs du Parti des travailleurs[42]. Des médias soulignent le fait qu'une destitution de Dilma Rousseff permettrait à Eduardo Cunha de devenir vice-président du Brésil et de se mettre à l'abri de procédures judiciaires alors qu'il est mis en examen pour corruption passive et blanchiment d'argent[42].

La commission parlementaire chargĂ©e d'analyser la possibilitĂ© d'une destitution donne un avis positif Ă  la poursuite de la procĂ©dure le , par 38 votes contre 27[43]. Cette dĂ©cision intervient Ă  la suite de dĂ©bats houleux, interrompus Ă  de très nombreuses reprises par des partisans en faveur ou contre la destitution, qui criaient des slogans en brandissant des pancartes[44].

L'action en justice intentée par l'avocat général du gouvernement pour faire annuler la procédure de destitution échoue le [45].

Le , après trois jours de session exceptionnelle, la Chambre des dĂ©putĂ©s, rĂ©unie en sĂ©ance plĂ©nière, vote le processus de mise en accusation de Dilma Rousseff avec 367 votes en faveur, 137 contre, sept abstentions et deux votes nuls[46] - [47]. La majoritĂ© des deux tiers exigĂ©e (342 voix) est ainsi dĂ©passĂ©e[48].

Au SĂ©nat

Dilma Rousseff réagissant à sa destitution, le 31 août 2016.

Le , une commission du SĂ©nat brĂ©silien vote par 15 voix contre cinq un rapport prĂ©conisant l’ouverture formelle du procès en destitution[49].

Pour que la procédure de destitution puisse se poursuivre, le Sénat doit voter ce rapport en assemblée plénière, à la majorité simple, le 11 mai. Dans ce cas, Dilma Rousseff serait suspendue de ses fonctions de présidente pour une durée maximale de six mois, le temps de la préparation de son procès, tandis que son vice-président, Michel Temer, assurerait l'intérim[50]. Le 9 mai, le président par intérim de la Chambre des députés, Waldir Maranhão, annule le vote des députés, au motif notamment que des députés ont fait connaître leur avis avant le vote[51], avant de revenir le lendemain sur cette décision, permettant à la procédure de se poursuivre[52]. Le , peu avant le vote du Sénat, le Tribunal suprême fédéral rejette un recours formé par les avocats de Dilma Rousseff visant à annuler la procédure de destitution[53] - [54].

Dilma Rousseff est provisoirement suspendue de ses fonctions le par le SĂ©nat, par 55 voix contre 22[55]. Le vote des sĂ©nateurs sur sa destitution doit se tenir en septembre, avec une majoritĂ© exigĂ©e des deux tiers. Dilma Rousseff continue de dĂ©noncer un coup d'État et appelle ses partisans Ă  poursuivre le « combat pour la dĂ©mocratie »[56]. En , elle propose un rĂ©fĂ©rendum sur son maintien au pouvoir, au cas oĂą elle ne serait pas destituĂ©e[57].

Le , un rapport de trois experts du Sénat disculpe la présidente des accusations de manœuvres fiscales portées à son encontre par l'opposition. Il s'agit pourtant de l'une des principales charges retenues contre elle dans la procédure de destitution dont elle est la cible[58]. Mais début août, un rapport conclut au fait que la présidente s'est rendue coupable de violation de la Constitution en manipulant les comptes publics[59].

Le 4 aoĂ»t, la commission du SĂ©nat vote en faveur de la destitution[60]. Le SĂ©nat vote pour l'ouverture de son procès, avec 59 voix pour et 21 contre, le 10 aoĂ»t[61].

Alors qu'elle continue de clamer son innocence à travers une lettre ouverte, le procès de Dilma Rousseff est fixé pour se tenir à partir du et durerait cinq jours[62].

Le , Ricardo Lewandowski, président du Tribunal suprême fédéral, ouvre le procès[63]. Le , les témoins de la défense sont auditionnés[64].

Le , Dilma Rousseff est auditionnĂ©e[65]. Le , elle est destituĂ©e par 61 voix pour et 20 contre[66]. Cependant, elle ne perd finalement pas ses droits civiques par 42 pour, 30 contre et 3 abstentions[67] - [68]. Ceci lui permettrait de concourir aux prochaines Ă©lections[69] et notamment Ă  la prĂ©sidentielle de 2018[70], ou aux lĂ©gislatives et aux sĂ©natoriales, le cas Ă©chĂ©ant[71]. Michel Temer lui succède jusqu'Ă  la fin de son mandat, prĂ©vue le . Le lendemain , elle fait appel de la dĂ©cision auprès de la Cour suprĂŞme[69].

RĂ©actions

Nationales

Lors du festival de Cannes 2016, le réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho et plusieurs acteurs de son film Aquarius brandissent des pancartes pour protester contre ce qu'ils appellent un « coup d’État »[72].

Le , le Parti des travailleurs appelle Ă  des manifestations[73].

Internationales

En , un « Tribunal international pour la démocratie », convoqué à l’initiative de syndicats et politiques de gauche et constitué de spécialistes et de personnalités internationales réunis à Rio de Janeiro, conclut symboliquement à l'absence de crime de responsabilité dont est accusée Rousseff[74].

Le , le Venezuela gèle ses relations diplomatiques avec le pays[75]. Le gouvernement brésilien rappelle ses ambassadeurs du Venezuela, de l'Équateur et de la Bolivie[76].

Pour le vice-président américain Joe Biden, le renversement de Dilma Rousseff constitue « l'un des plus grands changements politiques qu’a connu la région ces derniers temps »[77].

Suites

Le 17 septembre 2019, dans un entretien accordĂ© Ă  TV Cultura, Michel Temer affirme que la destitution de Roussef et sa prise de pouvoir Ă©taient un « putsch Â»[78] - [79]. Il dit Ă©galement s'en dĂ©solidariser[78] - [79].

Notes et références

  1. 9 % selon une enquête Ibope tenue en juillet de la même année.
  2. .
  3. AFP, « Brésil: Rousseff aux Etats-Unis pour normaliser les relations », La Croix,‎ (lire en ligne).
  4. ats, « Brésil – Destitution de Dilma Rousseff: les règles redéfinies », 24 heures,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. « Brésil : Dilma Rousseff, présidente la plus impopulaire depuis trente ans », (consulté le ).
  6. « Plus de 3 millions de manifestants pour rĂ©clamer le dĂ©part de Dilma Rousseff » (consultĂ© le ).
  7. Nicolas Bourcier (Rio de Janeiro correspondant), « Raz de marée au Brésil contre Dilma Rousseff », lemonde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  8. .
  9. « Brésil : la présidente Dilma Rousseff vers la sortie » (consulté le ).
  10. « Brésil: Rousseff, menacée par une destitution, dénonce un "coup d’Etat" », L'Express,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  11. « Brésil : les députés votent en faveur d'une destitution de Dilma Rousseff », sur nouvelobs.com, L'Obs, (consulté le ).
  12. .
  13. Le Monde avec AFP, « Le Brésil entre en récession », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  14. Clément Brault, « Le Brésil s’enfonce dans la récession », La Croix,‎ (lire en ligne).
  15. « Les signes concrets de la récession au Brésil », Les Échos,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  16. « La récession se poursuit au Brésil après une année noire », Les Échos,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. RFI, « La récession s'installe au Brésil », sur rfi.fr, (consulté le ).
  18. Anne Cheyvialle, « Le Brésil, géant économique au bord de la récession », Le Figaro, 28 mars 2015.
  19. « Dilma Rousseff, une destitution programmée », sur itele.fr (consulté le ).
  20. « Une deuxième agence de notation relègue le Brésil en catégorie spéculative », sur www.romandie.com (consulté le ).
  21. « Le Brésil sous le feu des agences de notations » (consulté le ).
  22. « Fitch dégrade la note du Brésil », sur lefigaro.fr (consulté le ).
  23. « Eduardo Cunha aurait des comptes en Suisse », sur www.20min.ch (consulté le ).
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  25. Claire Gatinois (Sao Paulo correspondante), « Au Brésil, l’ancien président Lula tente d’éviter la prison », lemonde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
  26. « Brésil : un juge du tribunal suprême suspend la nomination de Lula comme ministre », lemonde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le ).
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Voir aussi

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