Croisière
Une croisière est un voyage à titre principalement récréatif effectué en bateau. Cette forme de tourisme connaît à compter de la fin du XXe siècle un important développement qui voit les navires de croisière devenir de vastes paquebots.
Par extension, le terme croisière est aussi utilisé pour d'autres moyens de transport comme le chemin de fer (Croisière ferroviaire sur le Transsibérien) ou pour des raids automobiles (croisière jaune, croisière noire et croisière blanche d'André Citroën).
Historique
Historiquement le terme croisière désignait la navigation de surveillance et/ou d'intimidation effectuée par un ou plusieurs navires de guerre, souvent des frégates, le long d'une côte, ou entre deux ports déterminés ou dans un détroit sensible.
Le concept de croisière touristique est inventé en 1844 par P&O, compagnie maritime qui organise le premier voyage d’agrément en bateau avec escales entre l’Angleterre et l’Égypte, transportant 37 passagers de première classe et 16 passagers de seconde classe[1].
Dans les années 1870, des lignes transatlantiques sont mises en place entre l’Europe et les États-Unis. Les paquebots transatlantiques à vapeur s'imposent face aux voiliers et les grandes compagnies (les britanniques P&O et White Star Line, la française Transat, l'américaine Cunard), symbole de luxe et de prestige, deviennent célèbres. À la fin du XIXe siècle, se développent les secondes et troisièmes classes, qui permettent à des gens peu aisés, souvent candidats à l'émigration, de s'offrir la traversée[2].
La croisière maritime moderne naît dans les années 1960, au moment même où le développement du trafic aérien avec ses avions à réaction amorce le déclin, puis la disparition des lignes au long cours, et particulièrement des transatlantiques, dont la plus prestigieuse d’entre elles, celle de New-York. Les armateurs se tournent vers l’activité croisière qui s’avère prometteuse et reconvertissent les paquebots en navires de croisière. C’est notamment le destin du France, paquebot emblématique des débuts de la Ve République, racheté en 1979 par un armateur norvégien qui lui trouve son modèle économique en assurant des croisières en mer des Caraïbes, avec un nombre bien plus important de passagers et un équipage réduit[3].
Industrie mondiale de la croisière
Modèle économique
Le modèle économique repose sur le forfait du billet (généralement l’hébergement, la restauration « de base » et un panel d’activités sportives, ludiques ou culturelles gratuites) qui couvre les charges d'exploitation[4], les compagnies réalisant des bénéfices sur la consommation « hors forfait » des passagers à bord[3]. Ce business model repose sur le concept de « faire du navire une destination en soi, au point de rendre secondaires les escales. D’où l’évolution récente des paquebots eux-mêmes avec la généralisation des cabines avec balcon, la disparition progressive des cabines aveugles (bientôt ouvertes sur un atrium central à l’air libre), le soin apporté à la qualité des espaces et à la décoration, et la diversification de l’offre de restauration[3] ». Il repose aussi sur la multiplication des activités à bord (toboggans aquatiques, mur d’escalade, salles de spectacles, casino, spa, espace de remise en forme)[3]. Ce modèle économique a plusieurs conséquences : les armateurs proposent des prix d'appel attractifs afin de maximiser le taux de remplissage et générer d'importantes économies d'échelle ; les compagnies sont engagées dans une course au gigantisme des navires de croisière (liée également à ces économies d'échelle) et à la concentration (trois se partagent 85 % du marché mondial en 2017 : Carnival Corporation & PLC, Royal Caribbean International et Star Cruises)[5]. D'autres, avec des navires plus petits, diversifient leur offre dans des produits de niche (croisières polaires organisées par le Ponant ou Hurtigruten, croisières culturelles et thématiques, par exemple autour de la musique, de la gastronomie ou de l’œnologie ; croisières destinées aux clientèles professionnelles pour des voyages de travail — séminaires, team building — ou d’affaires — lancements de produits, convention avec des sous-traitants —)[6].
Le naufrage du Costa Concordia le , soulève de nombreuses interrogations sur cette course au gigantisme, notamment en matière de sécurité (problème de l'évacuation, du niveau des assurances et réassurances)[7].
Croissance et crise
L’industrie mondiale de la croisière et le tourisme de masse commencent réellement dans les Caraïbes dans les années 1980. La destination, alors lancée par quelques armateurs, notamment norvégiens (tel que Knut Kloster (de) qui crée la Norwegian Cruise Line)[3], répond aux standards des trois S du tourisme de masse (Sea, Sand and Sun, « Mer, Sable et Soleil »)[8].
Le business des voyages en mer est en forte croissance depuis (en moyenne 8,2 % par an contre 4,1 % pour le secteur du tourisme)[8]. Selon l'Association Internationale des compagnies de Croisières (en) (CLIA) qui a commencé à étudier le nombre de passagers en 1980, l'industrie mondiale de la croisière draine 1,4 million de croisiéristes en 1980, ce marché atteignant 6,3 millions de voyageurs en 1995 et 15 millions en 2010[9] - [10]. D'après la CLIA, 27 millions de voyageurs (dont 6,96 millions d’Européens[11]) sont partis en croisière en 2017. L'Amérique du Nord (essentiellement les Caraïbes) représente le plus grand volume de passagers maritimes en 2017 (49 %) avec un total de plus de 13 millions de passagers par mer, devant l'Europe (26 %, essentiellement la Méditerranée), l'Asie (15 %), l'Australie-Pacifique (5,4 %), l'Amérique centrale et du Sud (3,2 %)[12].
Mais en 2020 la crise sanitaire du Covid-19 porte un coup très dur aux compagnies de croisières, interrompant totalement leurs activités partout dans le monde pendant plusieurs mois, remettant largement en cause leurs programmes de développement et d'investissement, et les obligeant même à se défaire prématurémént des navires les plus anciens : ainsi, le groupe Carnival prévoit de réduire sa flotte de six navires – Costa Croisières annule tout le programme des voyages prévus pour le Costa Victoria, qui est vendu pour être démantelé ; il en est de même pour une filiale de Royal Carribean, Pullmantur qui dépose son bilan en et envoie à la casse deux de ses paquebots, Sovereign et Monarch.
Impact environnemental et sanitaire
Les croisières ont un impact environnemental et sanitaire très important. Un rapport de la fédération France Nature Environnement indique que les émissions des navires de croisière comptent pour 15 % dans le total des émissions de polluants de l’air dans les ports, alors qu’ils ne représentent que 0,4 % du total des navires, marchands ou non, circulant dans le monde en 2011. La plupart des effets sanitaires ont lieu dans les zones et villes portuaires. Parmi les polluants principaux des navires, qu'ils soient de croisière ou de marchandises, on trouve les SOx (oxydes de soufre), les particules fines (PM2,5 et PM10) et les NOx (oxydes d'azote), sources de différentes maladies. Le rapport pointe une réglementation peu ambitieuse[13].
Des mesures effectuées dans la ville de Marseille ont révélé que l'air respiré par les croisiéristes à bord des navires est 70 plus chargé en particules ultra-fines que dans les quartiers de la ville éloignés du port. La raison majeure pour laquelle les navires polluent autant est l’utilisation du fioul lourd comme carburant[14].
Notes et références
- (en) David Howarth, Stephen Howarth, The story of P&O, The Peninsular and Oriental Steam Navigation Company, George Weidenfeld & Nicolson limited, , p. 47.
- Éric Barré, Mers et marins en France d'autrefois, Archives et culture, , p. 116.
- Patrice Duny, « La croisière maritime : un produit touristique spécifique », Act’Urba, no 15,‎ , p. 4 (lire en ligne).
- Grâce à la massification des achats, le coût total des repas est, par exemple à bord du Costa Mediterranea, de 5,50 € par jour, par passager. Cf Benoît Berthelot, « Ce que cachent les croisières "tout inclus" », sur capital.fr, .
- Patrice Duny, « La croisière maritime : un produit touristique spécifique », Act’Urba, no 15,‎ , p. 4 et 5.
- Patrice Duny, « La croisière maritime : un produit touristique spécifique », Act’Urba, no 15,‎ , p. 6 et 9.
- Céline Eymery, « Paquebots géants : trop hauts, trop gros, trop dangereux ? », sur tourmag.com, .
- Nicolas Escach, Géographie des mers et des océans, Dunod, (lire en ligne), p. 346.
- Frédéric Therin, « Les croisières, un succès fou depuis les années 1980 », sur lexpress.fr, .
- [PDF] Perspectives de l’Industrie de la Croisière : une évolution continue de la croisière stimule la croissance de l’industrie
- Florian De Paola, « L’industrie de la croisière dépense toujours plus en Europe », sur lechotouristique.com, .
- « L'industrie de la croisière de près de 27 millions de voyageurs de partout dans le monde », sur tourismeceuta.fr, .
- « La croisière abuse ! », rapport de France Nature Environnement, 23 juillet 2013, lire en ligne
- « L'insoutenable pollution de l'air du transport maritime », France Nature Environnement, 2015, lire en ligne