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Coup de bélier

Le coup de bĂ©lier est un phĂ©nomĂšne de surpression qui apparaĂźt au moment de la variation brusque de la vitesse d'un liquide, par suite d’une fermeture/ouverture rapide d’une vanne, d'un robinet ou du dĂ©marrage/arrĂȘt d’une pompe.

Cette surpression peut ĂȘtre importante, elle se traduit souvent par un bruit caractĂ©ristique, et peut entraĂźner la rupture de la conduite dans les grosses installations, du fait de la quantitĂ© de fluide en mouvement. Ce problĂšme peut ĂȘtre rĂ©solu avec la mise en place d'un antibĂ©lier.

Joint de dilatation d'une conduite de vapeur détruit par un coup de bélier.

En utilisant le phĂ©nomĂšne du coup de bĂ©lier, il est possible de concevoir un dispositif permettant de pomper un fluide Ă  une certaine hauteur sans autre Ă©nergie que la force du mĂȘme fluide : c'est le bĂ©lier hydraulique.

Causes et conséquences

Lorsqu'une tuyauterie est brutalement fermĂ©e, la masse de liquide avant la fermeture est toujours en mouvement avec une certaine vitesse, gĂ©nĂ©rant une pression Ă©levĂ©e ainsi qu'une onde de choc. Dans une plomberie courante, cela se manifeste par un bruit sourd, rappelant le son d'un coup de marteau. Les coups de bĂ©lier peuvent provoquer la rupture d'une tuyauterie si la pression atteinte devient trop Ă©levĂ©e. Des accumulateurs hydrauliques peuvent ĂȘtre ajoutĂ©s sur le rĂ©seau de tuyauteries afin d'obtenir un effet amortisseur, protĂ©geant le systĂšme.

Dans le cas d'une centrale hydroĂ©lectrique, l'eau circulant dans les tuyauteries ou tunnels peut ĂȘtre isolĂ©e de la turbine gĂ©nĂ©ratrice au moyen d'une vanne. Toutefois, si par exemple, le tunnel acheminant l'eau est un tube long de 14 km, de 7,7 m de diamĂštre et rempli d'eau circulant Ă  3,75 m/s, cela reprĂ©sente une trĂšs grande quantitĂ© d'Ă©nergie cinĂ©tique qui doit ĂȘtre dissipĂ©e instantanĂ©ment. Pour cela, une chambre d’équilibre, ouverte en son sommet, peut ĂȘtre utilisĂ©e.

Dans une installation domestique, des coups de bélier peuvent se produire lorsqu'une machine à laver ou lave-vaisselle coupe son alimentation en eau. Cela se traduit généralement par un bang assez fort dans la tuyauterie.

D'autres causes des coups de bélier peuvent découler des défaillances d'une pompe ou encore la fermeture d'un clapet anti-retour.

Moyens de prévention

Les coups de bĂ©lier peuvent ĂȘtre Ă  l'origine d'accidents, mais le plus souvent, cela se limite Ă  une rupture de tuyauteries ou du matĂ©riel qui y est raccordĂ©. Les lignes transportant des fluides dangereux bĂ©nĂ©ficient d'une attention toute particuliĂšre lors de la conception, de la construction et de l'exploitation.

Les éléments suivants permettent de diminuer ou supprimer les coups de bélier:

  • RĂ©duire la pression de l'alimentation en eau, par l'installation d'un rĂ©gulateur de pression.
  • RĂ©duire la vitesse du fluide dans la tuyauterie. Afin de rĂ©duire l'importance du coup de bĂ©lier, certains guides de dimensionnement recommandent une vitesse Ă©gale ou infĂ©rieure Ă  1,5 m/s.
  • Installer des robinets avec une vitesse de fermeture lente.
  • Utiliser des procĂ©dures d'ouverture et de fermeture sur une installation.
  • L'installation d'une bouteille anti-coup de bĂ©lier, Ă©galement appelĂ©e bouteille anti-pulsatoire ou antibĂ©lier.
  • Mettre en place une chambre d’équilibre.
  • RĂ©duire les longueurs de tuyauterie droite par des coudes ou des lyres de dilatation, les coudes rĂ©duisant l'influence des ondes de pression.
  • Employer des Ă©lĂ©ments de tuyauterie conçus pour des pressions Ă©levĂ©es (solution coĂ»teuse).
  • Installer un volant d'inertie sur la pompe pour Ă©viter un arrĂȘt brusque de cette derniĂšre.
  • Installer un bypass (ligne de recirculation) au niveau de la pompe.
  • Utiliser une vanne automatique de pompage pour les pompes.

Amplitude de l'impulsion

Une des premiÚres personnes à avoir étudié en détail le problÚme des coups de bélier est l'ingénieur italien Lorenzo Allievi.

Les coups de bĂ©lier peuvent ĂȘtre analysĂ©s par deux approches diffĂ©rentes, une thĂ©orie supposant le fluide incompressible et la conduite indĂ©formable, ou une Ă©tude complĂšte prenant en compte les diffĂ©rentes Ă©lasticitĂ©s. Lorsque la durĂ©e de fermeture d'un robinet est grande comparĂ©e au temps mis par l'onde de pression pour se propager sur la longueur de la tuyauterie, la thĂ©orie ne prenant pas en compte la compressibilitĂ© du fluide et l'Ă©lasticitĂ© de la conduite est considĂ©rĂ©e comme valable, sinon il peut ĂȘtre nĂ©cessaire d’effectuer une analyse complĂšte.

Expression de la surpression liée au coup de bélier

À la fermeture d'une vanne prĂ©alablement traversĂ©e par un dĂ©bit volumique Q, une surpression ÎŽP apparaĂźt au droit de la vanne, dont la valeur est donnĂ©e par la formule de Joukovski :

  • ÎŽP est la surpression, exprimĂ©e en Pa ;
  • Q est le dĂ©bit volumique, exprimĂ© en m3/s ;
  • Zh est l'impĂ©dance hydraulique, exprimĂ©e en kg/m4/s.

L'impĂ©dance hydraulique Zh de la conduite hydraulique dĂ©termine l'importance du coup de bĂ©lier. Elle est elle-mĂȘme dĂ©finie par :

avec :

  • ρ la masse volumique du liquide, exprimĂ©e en kg/m3 ;
  • A la section de la conduite, en m2 ;
  • Beff le module de compressibilitĂ© effectif du liquide dans la conduite, exprimĂ© en Pa.

Ce dernier résulte de la mise en série de plusieurs raideurs hydrauliques :

  • la compressibilitĂ© propre du liquide, dĂ©finie par son module de compressibilitĂ© adiabatique Bl, rĂ©sultant de l'Ă©quation d'Ă©tat du liquide gĂ©nĂ©ralement disponible sous forme de tables thermodynamiques ;
  • l'Ă©lasticitĂ© des parois de la conduite, qui dĂ©finit un module de compressibilitĂ© Ă©quivalent Beq. Dans le cas d'une conduite de section circulaire dont l'Ă©paisseur des parois e est petite devant le diamĂštre D, le module de compressibilitĂ© Ă©quivalent est donnĂ© par , E Ă©tant le module d'Young (exprimĂ© en Pa) du matĂ©riau constitutif de la conduite ;
  • Ă©ventuellement la compressibilitĂ© Bg du gaz non dissous dans le liquide, dĂ©finie par , Îł Ă©tant le rapport des chaleurs spĂ©cifiques du gaz, α le taux d'aĂ©ration (la fraction volumique de gaz non dissous), et P la pression (en Pa).

Ainsi, le module de compressibilité effectif vérifie :

Par suite, on voit que l'on peut atténuer le coup de bélier en :

  • augmentant le diamĂštre de la conduite Ă  dĂ©bit constant, ce qui diminue l'inertie de la colonne de liquide Ă  arrĂȘter ;
  • choisissant pour la conduite un matĂ©riau ayant un module d'Young plus faible ;
  • introduisant un dispositif qui augmente la souplesse d'ensemble du circuit hydraulique, par exemple un accumulateur hydraulique ;
  • Ă©ventuellement, lorsque cela est possible, en augmentant le pourcentage d'air non dissous dans le liquide.

Théorie du coup de bélier et modÚle numérique

NikolaĂŻ Joukovski [1], d’une part, et Lorenzo Allievi, d’autre part, Ă©tablissent les deux Ă©quations aux dĂ©rivĂ©es partielles (EDP) liant la variation de vitesse d’un fluide Ă  sa pression, en considĂ©rant les frottements de l’eau sur la conduite[2]. Ces Ă©quations modĂ©lisent la transformation de l’énergie cinĂ©tique du fluide en mouvement, en Ă©nergie potentielle emmagasinĂ©e dans les dĂ©formations Ă©lastiques de l’eau. À ce jour, c’est encore ce modĂšle qui est utilisĂ© pour dĂ©crire le phĂ©nomĂšne rĂ©el. Ces Ă©quations de Joukovski sont « hyperboliques ». En d’autres termes, elles traduisent le caractĂšre fini de la cĂ©lĂ©ritĂ© de propagation d’une perturbation dans une conduite. En outre, ces deux EDP constituent un couple non linĂ©aire pour lequel il n’existe pas de solutions analytiques. En revanche, des mĂ©thodes de rĂ©solution graphique de ces Ă©quations ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es au dĂ©but du XXe siĂšcle : en France, celle de Bergeron[3] est la plus connue.

À partir des annĂ©es 1950, des solutions numĂ©riques ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es, grĂące Ă  l’avĂšnement de l’informatique. E. Benjamin Wyllie et Victor L. Streeter marquent les annĂ©es 1970 en Ă©tudiant le coup de bĂ©lier (water hammer) dans des systĂšmes complexes composĂ©s de plusieurs conduites Ă  diamĂštre variable, de pompes et de turbines[4]. Ils Ă©largissent le champ d’étude en soulignant notamment l’importance de la maĂźtrise de cet effet dans les chambres de combustion des moteurs diesels. ParallĂšlement, ils appliquent la mĂ©thode dite « des caractĂ©ristiques » au modĂšle analytique afin d’obtenir la rĂ©solution numĂ©rique approchĂ©e des EDP. Cependant, bien que cette derniĂšre mĂ©thode prĂ©dise une valeur fiable du premier pic de pression, elle ne permet pas de restituer correctement l’amortissement du phĂ©nomĂšne oscillatoire, c'est-Ă -dire celui de la dissipation d’énergie par frottement[5]. C’est Hanif Chaudhry qui dĂ©veloppe, plus tard, les mĂ©thodes des diffĂ©rences finies, plus prĂ©cises dans la retranscription[6]. Parmi celles-ci, c’est le schĂ©ma d’intĂ©gration numĂ©rique de R. Maccormack qui concilie le mieux la convergence rapide et la stabilitĂ© de la solution approchĂ©e vers la solution rĂ©elle [7]. En effet, ce schĂ©ma dit « explicite en temps » comporte une phase de prĂ©diction et une phase de correction de l’approximation par diffĂ©rences finies de l’équation.

Aujourd’hui, dans un contexte de fort enjeu sur la gestion de la ressource en eau, nombre de laboratoires se consacrent Ă  l’approfondissement de l’étude du coup de bĂ©lier. Plusieurs pistes d’évolutions et/ou de remise en question se font jour. Par exemple, Flor Lizeth Torres Ortiz montre que l’analyse numĂ©rique du phĂ©nomĂšne permet de dĂ©tecter les fuites et donc de rĂ©duire les pertes d’eau sur les rĂ©seaux d’adduction[8]. En mĂȘme temps, un rĂ©cent colloque international remet en cause les Ă©quations de Joukovski au motif que, dans certaines conditions, celles-ci ne prĂ©disent pas correctement la pression maximale atteinte[9].

BĂ©lier hydraulique

Un bélier hydraulique est un dispositif utilisant le coup de bélier, inventé en 1792 par Joseph-Michel Montgolfier[10], permettant de pomper de l'eau et de l'envoyer à une certaine hauteur grùce à une source d'eau située en amont à une hauteur plus faible. Cet appareil est uniquement mécanique et hydraulique.

GrĂące Ă  un clapet, l'eau arrivant dans le bĂ©lier hydraulique est arrĂȘtĂ©e brusquement, crĂ©ant une surpression qui permet l'Ă©lĂ©vation du liquide.

Notes et références

  1. (de) Nikolay Joukowsky, « Über den hydraulischen stoss in wasserleitungsröhren », MĂ©moires de l’acadĂ©mie impĂ©riale des sciences de St-PĂ©tersbourg,‎ , p. 1-71 (lire en ligne).
  2. Monsieur Noblemaire, « Extraits de la notice biographique sur Alexandre Surell », Annales des Ponts et ChaussĂ©es, vol. 2002, no 103,‎ , p. 4–13 (ISSN 0152-9668, DOI 10.1016/s0152-9668(02)80029-8, lire en ligne, consultĂ© le )
  3. L. Bergeron, « Étude des variations de rĂ©gime dans les conduites d'eau : solution graphique gĂ©nĂ©rale », Revue gĂ©nĂ©rale de l'hydraulique, no 1,‎ , p. 22
  4. (en) V. L. Streeter et E. B. Wylie, « Two and Three-Dimensional Fluid Transients », Journal of Basic Engineering, vol. 90, no 4,‎ , p. 501 (ISSN 0021-9223, DOI 10.1115/1.3605176, lire en ligne, consultĂ© le )
  5. (en) Lei Yang, Hongyong Yan et Hong Liu, « Optimal implicit staggered-grid finite-difference schemes based on the sampling approximation method for seismic modelling », Geophysical Prospecting, vol. 64, no 3,‎ , p. 595–610 (ISSN 0016-8025, DOI 10.1111/1365-2478.12325, lire en ligne, consultĂ© le )
  6. (en) M. Hanif Chaudhry, Applied Hydraulic Transients, Springer, , 3e Ă©d., 583 p. (ISBN 978-1-4614-8537-7, DOI 10.1007/978-1-4614-8538-4, lire en ligne)
  7. (en) R. Maccormack, « The effect of viscosity in hypervelocity impact cratering », 4th Aerodynamic Testing Conference, American Institute of Aeronautics and Astronautics,‎ (DOI 10.2514/6.1969-354, lire en ligne, consultĂ© le )
  8. Flor Lizeth Torres Ortiz, ModÚles et observateurs pour les systÚmes d'écoulement sous pression : Extension aux systÚmes chaotiques (thÚse de doctorat), Grenoble, Université de Grenoble, (OCLC 758467908, lire en ligne).
  9. (en) Trey W. Walters et Robert A. Leishear, « When the Joukowsky Equation Does Not Predict Maximum Water Hammer Pressures », Volume 4: Fluid-Structure Interaction, American Society of Mechanical Engineers,‎ (ISBN 9780791851654, DOI 10.1115/pvp2018-84050, lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Joseph Mongolfier, De l'utilité du bélier hydraulique, Paris, Imprimerie de Gillé fils, (lire en ligne)

Bibliographie

  • M. Goupil, « Notice sur les principaux travaux concernant le coup de bĂ©lier et spĂ©cialement sur le mĂ©moire et les expĂ©riences du professeur N. Joukovsky (1898) », Annales des ponts et chaussĂ©es, 8e sĂ©rie, t. 25, no 1,‎ , p. 199-221 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • M. Goupil, « Recherches et observations rĂ©centes sur le bĂ©lier hydraulique », Annales des ponts et chaussĂ©es, 8e sĂ©rie, t. 37, no 1,‎ , p. 121-138 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • M. Goupil, « Les nouveaux aperçu de M. Allievi sur la thĂ©orie du coup de bĂ©lier », Annales des ponts et chaussĂ©es,‎ 1913, 1er semestre, p. 571-583 (lire en ligne, consultĂ© le )
  • Denis Eydoux, « Conduites forcĂ©es », Annales des ponts et chaussĂ©es, 9e sĂ©rie, t. 45, no 4,‎ , p. 65-96 (lire en ligne)
  • Jacques Faisandier, MĂ©canismes hydrauliques et pneumatiques, Paris, Dunod, , 8e Ă©d. (ISBN 2100499483)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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