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Coup d'État de Primo de Rivera

Le coup d'État de Primo de Rivera est un coup d'État ou un pronunciamiento[1] - [2] - [3] - [4] - [5] menĂ© entre le 13 et le 15 septembre 1923 en Espagne par le capitaine gĂ©nĂ©ral de Catalogne, Miguel Primo de Rivera, Ă  l'issue duquel le monarque Alphonse XIII confia le pouvoir Ă  ce dernier, marquant la chute du gouvernement libĂ©ral prĂ©sidĂ© par Manuel GarcĂ­a Prieto, la fin du rĂ©gime constitutionnel de la Restauration et le dĂ©but de la dictature de Primo de Rivera.

La conspiration

Barcelone

Selon l’historien Shlomo Ben-Ami, « c’est en Catalogne qu’il faut chercher les origines immĂ©diates du coup de Primo de Rivera. C’est lĂ  que la bourgeoisie crĂ©a l’atmosphĂšre hystĂ©rique qui entoura Primo de Rivera de l’aurĂ©ole de « sauveur » et plaça sa rĂ©bellion, comme le fit remarquer un observateur contemporain, dans le contexte gĂ©nĂ©ral de la rĂ©action antibolchĂ©vique qui avait Ă©galement atteint d’autres pays europĂ©ens. CambĂł, authentique reprĂ©sentant de la haute bourgeoisie catalane, « le thĂ©oricien de la dictature espagnole », comme l'appela MaurĂ­n, exposa crĂ»ment les aspirations et la responsabilitĂ© de sa classe dans la dictature : [
] « Une sociĂ©tĂ© dans laquelle l'avalanche dĂ©magogique [syndicaliste] met en grave pĂ©ril les idĂ©aux et intĂ©rĂȘts se rĂ©signera Ă  tout Ă  condition de se sentir protĂ©gĂ©e [
] » Cela ne signifie pas, pour autant, qu’il y eĂ»t un rĂ©el danger de rĂ©volution sociale Ă  la veille du coup de Primo de Rivera »[6].

Le 14 mars 1922, le gĂ©nĂ©ral Primo de Rivera fut nommĂ© capitaine gĂ©nĂ©ral de Catalogne, dĂ©cision qui fut bien accueillie par la bourgeoisie catalane en raison de la rĂ©putation qui le prĂ©cĂ©dait d’ĂȘtre un dĂ©fenseur de l’« ordre ». Selon ce que Primo de Rivera expliqua lui-mĂȘme plus tard, c’est au cours de sa pĂ©riode au poste de capitaine gĂ©nĂ©ral de Valence en 1920 qu’il fut « terrorisĂ© » par le radicalisme de la classe ouvriĂšre (« de tendance communiste rĂ©volutionnaire ») et qu’il prit conscience de la « nĂ©cessitĂ© d’intervenir dans la politique espagnole par des procĂ©dĂ©s diffĂ©rents des habituels »[7]. Un des premiers exemples de sa politique d’ordre fut le soutien qu’il prĂȘta aux protestations des organisations patronales catalanes Ă  cause de la dĂ©cision du gouvernement de JosĂ© SĂĄnchez Guerra de destituer en octobre 1922 le gouverneur civil de Barcelone, le gĂ©nĂ©ral Severiano MartĂ­nez Anido, qui s’était distinguĂ© par sa bienveillance envers le pistolĂ©risme patronal et par l’application de mesures brutales pour tenter de mettre fin aux conflits avec les ouvriers et Ă  la violence anarcho-syndicaliste qui faisaient des ravages Ă  Barcelone et son aire industrielle depuis la grĂšve de la Canadenca de 1919[8].

Manuel García Prieto, président du gouvernement depuis décembre 1922.

L’idĂ©e du patronat catalan du Fomento del Trabajo Nacional (es) selon laquelle la destitution de MartĂ­nez Anido Ă©tait une erreur se vit confirmĂ©e par l’augmentation du pistolĂ©risme anarchiste dans les premiers mois de 1923 — on passa d’une centaine d’attentats en 1922 Ă  800 entre janvier et septembre 1923 ; Ă  Barcelone il y eut 34 morts et 76 blessĂ©s, dont la majoritĂ© eurent lieu pendant la grĂšve des transports de mai-juin [9] — et des conflits avec les ouvriers. Primo de Rivera sut rĂ©pondre Ă  ces inquiĂ©tudes avec sa dĂ©fense de la « loi et l’ordre » face Ă  ce qui apparaissait comme une faiblesse du nouveau gouvernement de GarcĂ­a Prieto, qui avait succĂ©dĂ© Ă  celui de SĂĄnchez Guerra dĂ©but dĂ©cembre 1922, dĂ©noncĂ©e par la presse conservatrice barcelonaise, notamment La Veu de Catalunya, organe de presse de la Lliga Regionalista de Francesc CambĂł[10].

La popularitĂ© de Primo de Rivera parmi les classes moyennes et la haute bourgeoisie catalanes atteignit son zĂ©nith lors de son intervention dans la grĂšve gĂ©nĂ©rale des transports de Barcelone de mai et juin 1923, qui avait commencĂ© Ă  cause du refus du patronat de respecter le jour fĂ©riĂ© du premier mai, et que Primo de Rivera avait qualifiĂ© de « clairement rĂ©volutionnaire »[11]. L’alignement de ce dernier avec la bourgeoisie catalane se confirma le 6 juin, durant l’enterrement du sous-caporal du SomatĂ©n JosĂ© Franquesa, assassinĂ© quelques heures auparavant, au cours duquel Primo de Rivera fut acclamĂ© comme le sauveur de la Catalogne tandis que le gouverneur civil Ă©tait insultĂ© et accusĂ© de reprĂ©senter de la CNT. DĂšs lors, « il semblait Ă©vident qu’un secteur de la bourgeoisie barcelonaise avait dĂ©jĂ  pris parti contre la lĂ©galitĂ© constitutionnelle, et dĂ©signait son candidat favori pour mener le coup d’État »[12]. Plus tard, se rappelant ces Ă©vĂšnements, Primo de Rivera Ă©crivit[11] : « Que dire de l’état d’ñme de tous, qui avaient mis leur confiance en moi seul, et m’incitaient Ă  faire quelque chose, n'importe quoi, pourvu que cela libĂšre la Catalogne de l’hĂ©catombe qui la menaçait de façon si Ă©vidente ? ».

Ce mĂȘme mois de juin, Primo de Rivera, avec le gouverneur civil de Barcelone, fut appelĂ© Ă  Madrid par le prĂ©sident du gouvernement GarcĂ­a Prieto pour lui demander de cesser de contrarier sa politique en Catalogne. Primo de Rivera rĂ©pondit en exigeant les pleins pouvoirs pour une dĂ©claration de l’état de guerre et mettre ainsi fin Ă  la grĂšve des transports, au terrorisme et aux manifestations « sĂ©paratistes ». Selon Eduardo GonzĂĄlez Calleja, « Dans un geste qu’il voulut salomonique, GarcĂ­a Prieto pensa destituer les deux reprĂ©sentants du pouvoir de l’État, mais le roi refusa de signer le dĂ©cret de renvoi du capitaine gĂ©nĂ©ral. Primo reçut un accueil triomphal lors de son retour Ă  Barcelone [le 23 juin], et contourna le refus du Gouvernement Ă  dĂ©clarer l’état de guerre en ordonnant la fermeture de Solidaridad Obrera [journal anarcho-syndicaliste] et la dĂ©tention d’Ángel Pestaña et d’autres dirigeants modĂ©rĂ©s de la CNT ». AprĂšs l’échec des Ă©changes avec le gouvernement, il apparut que seul un renversement par la force de ce dernier pourrait mettre fin Ă  la politique contestĂ©e qu’il menait dans la gestion des conflits ouvriers[13].

La promesse de Primo de Rivera de protĂ©ger l’industrie catalane en instaurant une hausse des frais de douane scella son alliance avec la haute bourgeoisie de la rĂ©gion. Une telle mesure s’opposait Ă  la politique de libre Ă©change menĂ©e par le gouvernement Ă  la suite de nĂ©gociations avec plusieurs pays dont le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et les États-Unis, visant Ă  permettre une baisse des prix intĂ©rieurs et Ă  favoriser les exportations, notamment agricoles, mesures qui avaient provoquĂ© les vives protestations de la Chambre du commerce et de l’industrie de Catalogne. Peu aprĂšs le coup d’État, Primo de Rivera dĂ©clara que les baisses de taxes douaniĂšres accordĂ©es par le gouvernement de GarcĂ­a Prieto avaient Ă©tĂ© une dĂ©cision « criminelle »[14].

Madrid

Abd el-Krim avec l’entrepreneur espagnol Horacio Echevarrieta, mandatĂ© par le gouvernement espagnol pour nĂ©gocier la libĂ©ration des militaires prisonniers aprĂšs la bataille d'Anoual.

Au dĂ©but de 1923, l’indignation d’une grande partie de l’armĂ©e contre le gouvernement libĂ©ral de GarcĂ­a Prieto au motif de sa gestion politique jugĂ©e chancelante au Protectorat espagnol du Maroc Ă©tait Ă©vidente. Les critiques s’exacerbĂšrent Ă  partir du 27 janvier, date oĂč le ministre d’État Santiago Alba annonça que les nĂ©gociations avec Abd el-Krim pour la libĂ©ration des officiers et soldats faits prisonniers par les Rifains lors de la bataille d’Anoual — le « dĂ©sastre d’Anoual » — avaient abouti. 326 militaires — ou 357 selon les sources —[15], emprisonnĂ©s depuis plus de 18 mois dans des conditions inhumaines, allaient ĂȘtre libĂ©rĂ©s en Ă©change de 4 millions de pesetas, une somme considĂ©rable Ă  cette Ă©poque[16].

Chefs et officiers espagnols aprĂšs leur libĂ©ration Ă  la suite des nĂ©gociations tenues entre le gouvernement et Abd el-Krim, qu’un secteur de l’armĂ©e espagnole qualifia d’« indignes ».

Selon Julio Gil PecharromĂĄn, « la libĂ©ration des prisonniers en Ă©change d’argent [fut] reçue par beaucoup de militaires comme une gifle, une preuve de la mĂ©fiance du gouvernement libĂ©ral envers la capacitĂ© opĂ©rative des forces armĂ©es, surtout lorsque la presse de gauche la prĂ©senta comme une dĂ©monstration de l’échec du militarisme et de la bureaucratie qui dominaient dans l’armĂ©e d'Afrique »[17]. Un manifeste demandant des sanctions contre ceux qui attentaient contre l’honneur de l'ArmĂ©e commença Ă  circuler dans les casernes. Le 6 fĂ©vrier, le capitaine gĂ©nĂ©ral de Madrid, aprĂšs avoir tenu une rĂ©union avec les gĂ©nĂ©raux et chefs de la garnison, se prĂ©senta devant le ministre de la Guerre Niceto AlcalĂĄ-Zamora pour lui faire part du fait que l’ArmĂ©e se trouvait « dĂ©primĂ©e et vexĂ©e face aux campagnes tendancieuses qui mettent en doute [son] honneur », tout en affirmant son dĂ©sir de rester fidĂšles aux « pouvoirs constituĂ©s ». Le mĂȘme jour, Primo de Rivera rĂ©unit les gĂ©nĂ©raux de sa rĂ©gion militaire (es) et envoya un long tĂ©lĂ©gramme au ministre dans lequel il demandait des sanctions contre les Rifains. Pour sa part, le commandant gĂ©nĂ©ral de Melilla communiqua au ministre que les chefs et officiers sous son commandement « avec l’ñme amĂšre en raison des injustes attaques endurĂ©es, caressaient les plus tĂ©mĂ©raires et peut-ĂȘtre illĂ©gales entreprises », s’il ne rĂ©alisait pas « une action Ă©nergique et immĂ©diate, en faisant taire la presse anti-espagnole et anti-patriotique » et en mettant en marche une opĂ©ration contre Al HoceĂŻma. Le gouvernement reçut Ă©galement des nouvelles selon lesquelles les protestations rencontraient la sympathie du roi Alphonse XIII. En rĂ©ponse, le ministre AlcalĂĄ-Zamora rappela aux militaires que c’était le gouvernement qui dĂ©terminait la politique sur le Maroc, dans un tĂ©lĂ©gramme envoyĂ© aux capitaines gĂ©nĂ©raux qui leur ordonnait de freiner « toute tendance collective ou actes extĂ©rieurs qui causeraient de graves dommages aux intĂ©rĂȘts du pays et de l’ArmĂ©e, qui sont identiques et que rien ne peut mettre en conflit »[18][19].

C’est dans ce contexte que surgit Ă  Madrid un noyau conspirateur formĂ© par quatre gĂ©nĂ©raux — JosĂ© Cavalcanti, Federico Berenguer, Leopoldo Saro MarĂ­n et Antonio DabĂĄn Vallejo —, qui fut dĂ©signĂ© comme le QuadrilatĂšre (es) et dont l’objectif Ă©tait de changer la politique gouvernementale au Maroc par la formation d’un gouvernement civil ou militaire qui, avec l’appui du roi, nommerait un gĂ©nĂ©ral « Ă©nergique » Ă  la tĂȘte du Protectorat. En dĂ©pit de l’hostilitĂ© des militaires envers le gouvernement, ceux-ci se montrĂšrent dans l’ensemble peu disposĂ©s Ă  s'impliquer dans une conspiration pour le renverser, si bien qu'il reçut un appui limitĂ©[20].

Les gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre pensĂšrent alors que la seule possibilitĂ© qui leur restait Ă©tait de convaincre un gĂ©nĂ©ral jouissant d’un grand prestige au sein de l’armĂ©e pour qu’il dirige le mouvement et que le roi le nomme prĂ©sident du gouvernement. Le gĂ©nĂ©ral le plus ancien et le plus haut gradĂ© Ă©tait alors Valeriano Weyler, ĂągĂ© de 83 ans, mais les conspirateurs choisirent d’éviter de le consulter en raison de son Ăąge avancĂ© et du tempĂ©rament indĂ©pendant qu’on lui connaissait. Le militaire immĂ©diatement infĂ©rieur dans la hiĂ©rarchie Ă©tait le gĂ©nĂ©ral Francisco Aguilera y Egea, prĂ©sident du Conseil suprĂȘme de Guerre et de Marine et sĂ©nateur Ă  vie, qui fut contactĂ© par les conspirateurs, en dĂ©pit du fait qu’il s’était montrĂ© partisan d’une enquĂȘte sur les responsabilitĂ©s des chefs militaires et gĂ©nĂ©raux dans le dĂ©sastre militaire d’Anoual — une initiative trĂšs impopulaire parmi les officiers —. Aguilera fut nĂ©anmoins finalement Ă©cartĂ© Ă  la suite d’un incident survenu dans les couloirs du SĂ©nat le 30 juin, au cours desquels il reçut une gifle du ministre SĂĄnchez Guerra qu’il avait accusĂ© d’avoir menti au sujet d’un supposĂ© retard dans la dĂ©livrance de la documentation concernant le gĂ©nĂ©ral DĂĄmaso Berenguer pour faire au SĂ©nat la demande permettant de le juger — selon GonzĂĄlez Calleja, grĂące Ă  ce geste, SĂĄnchez Guerra devint « dĂšs lors et jusqu’à la fin de la Dictature le symbole de la dignitĂ© du pouvoir civil » —[21]. « Le discrĂ©dit d’Aguilera fut immĂ©diat. Les militaires qui avaient confiance en lui pour mettre au pas les politiciens, n’acceptĂšrent pas qu’il se laissĂąt gifler impunĂ©ment par l’un d’entre eux. SĂĄnchez Guerra enfonça le clou, en traitant Aguilera de putschiste [golpista], jusqu’à ce que le gĂ©nĂ©ral, acculĂ©, dĂ©savouĂąt publiquement tout plan d’intervention militaire dans la politique. Le QuadrilatĂšre se trouva de nouveau sans candidat
 »[22]. Selon l’historien Javier Tusell, cet « incident, presque d’opĂ©rette » plaça Aguilera au centre de l’attention et illustra son « manque radical d’habilitĂ©, lui qui se consacrait Ă  agresser verbalement les politiciens, sans chercher de soutien dans les casernes », qui Ă©taient l’endroit naturellement appropriĂ© pour ourdir un coup d’État[23]. De plus, il avait maintenu une relation assez froide avec le roi, ce qui ne le prĂ©disposait pas Ă  devenir le meneur du coup militaire en gestation[24].

Le gĂ©mĂ©ral DĂĄmaso Berenguer, l’un des militaires inculpĂ©s dans le rapport Picasso sur le « dĂ©sastre d'Anoual », et dont le frĂšre, le gĂ©nĂ©ral Federico Berenguer, faisait partie du QuadrilatĂšre qui dirigeait la conspiration Ă  Madrid.

Rapidement nĂ©anmoins, le QuadrilatĂšre trouva une figure pour remplacer Aguilera : le gĂ©nĂ©ral Primo de Rivera, qui vers cette pĂ©riode se trouvait Ă  Madrid, Ă  l'appel du gouvernement qui souhaitait l’éloigner de la Catalogne, oĂč il Ă©tait en train d’acquĂ©rir un ascendant sur les civils difficilement tolĂ©rable par l’exĂ©cutif. À Madrid, celui-ci rĂ©digea un texte dans lequel il critiquait le gouvernement, mais il n’en fit finalement pas usage car, selon Javier Tusell, « il aurait alors rompu une tradition qui s’était maintenue tout au long de la Restauration : l’ArmĂ©e exerçait toujours des pressions dans certains problĂšmes dĂ©terminĂ©s, mais n’assumait pas le rĂŽle central direct ». Durant son sĂ©jour dans la capitale, Primo de Rivera entra en contact personnellement avec le gĂ©nĂ©ral Aguilera — avec qui il avait maintenu depuis le mois de mais une « relation Ă©pistolaire tendue »[25] — mais sans avancĂ©e car celui-ci lui reprocha son identification avec le patronat dans les conflits ouvriers en Catalogne. Il s’entretint Ă©galement avec le roi, Ă  qui il exprima son inquiĂ©tude relative Ă  la situation politique — on envisagea de le nommer chef de la Maison militaire du roi (es) —. D’une bien plus grande importance se rĂ©vĂ©la la rĂ©union qu’il tint avec les gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre, qui virent en lui le substitut naturel Ă  Aguilera pour mener le « coup de force » qu’ils dĂ©fendaient, et dont ils firent part au monarque. NĂ©anmoins, dĂ©but juillet, le procĂšs contre le gĂ©nĂ©ral Cavalcanti pour sa gestion du conflit au Maroc ainsi que la nomination de Manuel Portela Valladares au poste de gouverneur civil de Barcelone, qui rĂ©tablit le pouvoir civil dans la capitale catalane, constitua un sĂ©rieux contretemps pour les plans des conjurĂ©s[26].

Casino militaire de Madrid.

Le choix de Primo de Rivera pouvait se rĂ©vĂ©ler surprenant, car il avait manifestĂ© Ă  diverses occasions une posture de renoncement par rapport au Maroc. Toutedois, aprĂšs avoir dĂ©cidĂ© de s’impliquer dans la conspiration, Primo de Rivera fit preuve d’une grande habiletĂ© en modĂ©rant sa position affichĂ©e sur le Maroc, de la mĂȘme maniĂšre qu’il avait su modĂ©rer son esprit centraliste lorsqu’il s’était alliĂ© avec la bourgeoisie catalaniste. Sur la question des responsabilitĂ©s du dĂ©sastre d’Anoual, il rejoignait la position de ses compagnons d'armes, se montrant rĂ©solu Ă  mettre fin aux campagnes hostiles qu’ils devaient essuyer et Ă  restaurer leur honneur, baffouĂ© par les membres de ce qu’il avait pris lui-mĂȘme l’habitude d’appeler « la caste »[19].

Les preuves de l’agitation dominante parmi les militaires se poursuivirent. Au dĂ©but du mois d’aoĂ»t, un groupe de gĂ©nĂ©raux, parmi lesquels se trouvait Primo de Rivera, se rĂ©unit au casino militaire de Madrid pour protester contre l’inactivitĂ© du gouvernement au protectorat du Maroc et pour appuyer un plan offensif du gĂ©nĂ©ral Severiano MartĂ­nez Anido. Ils avertirent le gouvernement que « l’armĂ©e ne tolĂšrerait pas plus longtems d’ĂȘtre un jouet aux mains de politiciens opportunistes »[27].

Les deux semaines précédant le coup

Des incidents survenus Ă  Malaga Ă  la fin du mois aoĂ»t, oĂč les troupes refusĂšrent d’embarquer Ă  destination du protectorat marocain, ravivĂšrent la conjuration militaire et convainquirent Primo de Rivera qu’il Ă©tait le moment d'agir. Le caporal Barroso, principal instigateur de la mutinerie, fut jugĂ© mais le gouvernement le grĂącia, ce que de nombreux militaires interprĂ©tĂšrent comme une preuve des doutes entretenus par le gouvernement au sujet du futur du Maroc espagnol, dont ils attribuĂšrent la plus grande part de responsabilitĂ© au ministre d’État du gouvernement de GarcĂ­a Prieto, Santiago Alba Bonifaz[28]. Primo de Rivera affirma plus tard que sa « patriotique dĂ©cision » de s’emparer du pouvoir avait Ă©tĂ© encouragĂ©e par les Ă©vĂšnements de Malaga : « L’absolution de Barroso me fit comprendre lÂŽhorrible abĂźme dans lequel l'Espagne avait Ă©tĂ© jetĂ©e », dĂ©clara-t-il. « Les militaires ne virent pas dans la mutinerie de Malaga un simple acte d’insubordination, mais le reflet de l'effondrement de la loi comme Ă©lĂ©ment dissuasif et d’une atmosphĂšre de dĂ©faitisme, cultivĂ©e par des sĂ©paratistes, des communistes et des syndicalistes. Ainsi, alors que les tribunaux militaires devaient punir les mutins, la justice militaire devait agir Ă©galement contre les autres, c’est-Ă -dire, les civils antipatriotiques. Le rĂŽle en revenait Ă  l’armĂ©e d’éduquer la communautĂ© civile et de lui inculquer un systĂšme espagnol de valeurs. [
] Pour exaspĂ©rer davantage encore les militaires, qui redoutaient que les mutins n’infectent d'autres unitĂ©s de l’ArmĂ©e. Le journal ABC — dont l’hystĂ©rique campagne contre la dĂ©sintĂ©gration de l’État aidait Ă  crĂ©er le climat appropriĂ© pour le putsch — publia une photographie de Barroso en train de fraterniser avec deux officiers »[29].

Rafael Gasset, ministre de Fomento qui démissionna en septembre 1923 à cause de son désaccord avec la « réactivation » de la politique sur le Protectorat espagnol au Maroc et fut remplacé par Manuel Portela Valladares.

Entre le 4 et le 9 septembre, Primo de Rivera sĂ©journa Ă  Madrid, oĂč il s’entretint de nouveau avec les gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre, qui le reconnurent comme meneur de la conspiration. Le gĂ©nĂ©ral Saro informa le roi que l’armĂ©e s’apprĂȘtait Ă  abattre le gouvernement et le monarque quitta par prudence la capitale pour se rendre Ă  sa rĂ©sidence d’étĂ© de Saint-SĂ©bastien[30]. Durant la prĂ©sence de Primo de Rivera Ă  Madrid, on apprit que l’État major central de l’ArmĂ©e avait recommandĂ© au gouvernement un dĂ©barquement Ă  Al HoceĂŻma, au centre du Protectorat, pour mettre fin Ă  la rĂ©bellion d’Abd el-Krim, ce qui provoqua la dĂ©mission de trois ministres du gouvernement opposĂ©s Ă  la proposition — Miguel Villanueva, JoaquĂ­n Chapaprieta et Rafael Gasset Chinchilla —. L’un des hommes politiques qui les remplaça Ă©tait Manuel Portela Valladares, le gouverneur civil de Barcelone, ce qui fut une grave erreur, Ă©tant donnĂ© que son dĂ©placement Ă  Madrid facilita les opĂ©rations prĂ©paratives du coup qui allait avoir pour Ă©picentre la capitale catalane[31]. Pour leur part, les cercles militaires louĂšrent cette fois le gouvernement qui levait les obstacles au projet de l’armĂ©e et le journal militaire El EjĂ©rcito Español, qui jusque lĂ  n’avait eu de cesse d’attaquer l'exĂ©cutif, accueillit la dĂ©mission des ministres comme une victoire des « intĂ©rĂȘts supĂ©rieurs du pays ». Le journal conservateur ABC jugea que la crise de gouvernement Ă©tait un « spectacle dĂ©primant » qui reflĂ©tait la « dĂ©sorientation politique » caractĂ©ristique du systĂšme[32].

Le 7 septembre, sur le chemin du retour de Madrid, Primo de Rivera s’arrĂȘta Ă  Saragosse oĂč il se rĂ©unit avec le gouverneur militaire, le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Sanjurjo, pour finaliser les derniers dĂ©tails du coup, auquel Sanjurjo avait dĂ©jĂ  souscrit lors d’une visite antĂ©rieure. DĂšs qu’il arriva Ă  Barcelone, Primo de Rivera rĂ©ussit Ă  rallier le soutien des gĂ©nĂ©raux qui dirigeaient des troupes en Catalogne — parmi lesquels Barrera, LĂłpez Ochoa et Mercader —. Toutefois, en dehors de ceux-ci, de Sanjurjo Ă  Saragosse et des gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre Ă  Madrid, il ne parvint Ă  obtenir l’implication d’aucun autre gĂ©nĂ©ral, bien que nombreux soient ceux qui manifestĂšrent leur assentiment Ă  l’idĂ©e d’instaurer un rĂ©gime militaire[33]. D’autre part, Primo de Rivera informa les ambassadeurs espagnols des principales capitales europĂ©ennes de ses intentions[34].

Statue de Rafael Casanova (es) sur la Ronda de Sant Pere (en) de Barcelone, autour de laquelle se produisirent les incidents de lors de la fĂȘte nationale de la Catalogne du 11 septembre 1923.

Les incidents qui eurent lieu lors de la fĂȘte nationale de la Catalogne du 11 septembre, au cours de laquelle de jeunes nationalistes catalans radicaux huĂšrent le drapeau espagnol et lancĂšrent des cris de « Mort Ă  l’Espagne ! », « Vive la RĂ©publique du Rif ! » — en soutien au soulĂšvement des Rifains —, ou encore « Mort Ă  l’État oppresseur ! » et « Mort Ă  l'ArmĂ©e ! », prĂ©cipitĂšrent le coup militaire, initialement prĂ©vu le 15 du mĂȘme mois. Il informa par courrier les conspirateurs de Madrid de sa dĂ©cision de se soulever, affirmant prendre en exemple les gĂ©nĂ©raux Juan Prim et Leopoldo O'Donnell, auteurs de multiples pronunciamientos au cours du siĂšcle prĂ©cĂ©dent[35][36].

Le 12 septembre, les prĂ©paratifs s’accĂ©lĂ©rĂšrent. À Barcelone, Ă  9 h 30 du matin, Primo de Rivera se rĂ©unit dans son bureau avec les gĂ©nĂ©raux et chefs engagĂ©s dans la conjuration — 6 gĂ©nĂ©raux, parmi lesquels le gouverneur militaire CĂ©sar Aguado Guerra, son chef d’État major Juan Gil y Gil, le commandant du SomatĂ©n, PlĂĄcido Foreira Morante, et le gĂ©nĂ©ral Eduardo LĂłpez Ochoa, ainsi qu’onze colonels et un lieutenant-colonel — et leur transmit les derniĂšres instructions[37]. À Saragosse, l’arrivĂ©e du commandant JosĂ© Cruz-Conde Fustegueras, lien entre les conspirateurs et le gouverneur militaire, le gĂ©nĂ©ral Sanjurjo, permit Ă©galement la finalisation des plans, devant la passivitĂ© du capitaine gĂ©nĂ©ral. À Madrid, les gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre obtinrent le soutien du gouverneur militaire, le gĂ©nĂ©ral Juan O'Donnell, duc de TĂ©touan, mais pas du capitaine gĂ©nĂ©ral Muñoz Cobos (es), bien que celui-ci ne rĂ©agĂźt pas en dĂ©fense du gouvernement. Ces prĂ©paratifs furent connus du gouvernement, qui dĂ©cida de mandater Ă  Barcelone le ministre Portela Valladares. Le ministre de la Guerre, le gĂ©nĂ©ral Aizpuru (es), envoya un tĂ©lĂ©gramme Ă  Primo de Rivera le questionnant Ă  propos de son implication dans la conjuration. Ce dernier ne rĂ©pondit pas et dĂ©cida de lancer le coup aussi tĂŽt que possible[38]. Selon SegĂșn Ben-Ami, « Aizpuru, ami intime du gĂ©nĂ©ral rebelle, ne fit aucun effort Ă©nergique pour empĂȘcher les activitĂ©s du gĂ©nĂ©ral. Plus encore, il semble avoir dĂ©libĂ©rĂ©ment donnĂ© aux conspirateurs les arguments contre le gouvernement, en recommandant l’aministie du caporal Barroso »[34].

DĂ©roulement

Jeudi 13 de septembre : triomphe du coup en Catalogne, Ă  Saragosse et Ă  Huesca

Palais de la capitainerie générale de Barcelone.

Le 12 septembre 1923 Ă  minuit, Primo de Rivera proclama l’état de guerre Ă  Barcelone. Il fit sortir les militaires dans la rue, qui prirent les bĂątiments clĂ©s de la ville, et fit de mĂȘme dans les autres capitales de province catalanes. À deux heures du matin, il rĂ©unit la presse catalane et lui communiqua son Manifiesto al PaĂ­s y al EjĂ©rcito español (« Manifeste au Pays et Ă  l’ArmĂ©e espagnole »), dans lequel il justifiait la rĂ©bellion qu’il venait de mener et annonçait la formation d’un Directoire inspecteur militaire (Directorio Inspector Militar) qui prendrait le pouvoir avec l'approbation du roi[39]. Le manifeste reflĂ©tait la rhĂ©torique classique des pronunciamientos, mais Ă  la diffĂ©rence de ceux qui avaient Ă©tĂ© pratiquĂ©s assidĂ»ment au cours du siĂšcle prĂ©cĂ©dent, il prĂ©tendait gouverner sans les partis (il affirmait qu’il allait sauver le pays aux mains des « professionnels de la politique ») et « Ă©tablir un nouveau rĂ©gime » ainsi qu'un nouveau type de parlement « vĂ©ritablement reprĂ©sentatif de la volontĂ© nationale »[4].

Le manifeste comportait une Parte dispositiva (« Partie dispositive ») qui annonçait une sĂ©rie de mesures, parmi lesquelles : la dĂ©claration de l’état de guerre dans toutes les rĂ©gions, la destitution de tous les gouverneurs civils et leur remplacement par les capitaines gĂ©nĂ©raux, les gouverneurs militaires et les commandants militaires, la rĂ©quisition de tous les moyens de communication, l’interdiction expresse de toute autoritĂ© (en dehors des autoritĂ©s familiales et commerciales) qui ne soient pas au service du nouveau rĂ©gime, l’occupation de sites comme les prisons, les gares, les banques, les centrales Ă©lectriques, les dĂ©pĂŽts d’eau ainsi que des « centres de caractĂšre communiste ou rĂ©volutionnaire » et la dĂ©tention de « tous les Ă©lĂ©ments suspects ou peu frĂ©quentables ». Dans le manifeste, Primo de Rivera prĂ©tendait ne pas avoir « conspirĂ© » mais avoir seulement « recueilli en pleine lumiĂšre » les aspirations populaires et leur avoir donnĂ© la forme d’une organisation[40].

À cinq heures du matin, le gĂ©nĂ©ral Losada occupait le bĂątiment du gouvernement civil de Barcelone. Il en fut de mĂȘme Ă  Saragosse et Huesca, oĂč d’autres lieux stratĂ©giques furent pris par les militaires, comme annoncĂ© dans le manifeste — des banques, prisons, centrales tĂ©lĂ©phoniques et tĂ©lĂ©graphiques , etc. —, grĂące Ă  quoi Sanjurjo parvint Ă  convaincre le capitaine gĂ©nĂ©ral d’Aragon de s’abstenir d’intervenir[37].

Au cours de cette matinée, le général Aizpuru, ministre de la Guerre, eut une conversation télégraphique avec Primo de Rivera, au cours de laquelle ce dernier lui exposa les raisons de ses actes et coupa délibérément la communication à un moment donné, ce qui constituait une déclaration ouverte de rébellion[38].

Primo de Rivera se mit en contact tĂ©lĂ©graphique avec les autres capitaines gĂ©nĂ©raux, Ă  l'exception de celui de Madrid. Le seul qui manifesta son opposition au coup d’État Ă©tait celui de Valence, le gĂ©nĂ©ral Zabalza, non en soutien au gouvernement mais parce qu’il pensait que le retour des pronunciamientos pouvait s’avĂ©rer dangereux pour la Couronne[38].

Portrai du roi Alphonse XIII en tenue de hussard (1927).

Le roi se trouvait dans sa rĂ©sidence d’étĂ© de Saint-SĂ©bastien, accompagnĂ© du ministre d’État (chargĂ© des affaires Ă©trangĂšres) Santiago Alba. Celui-ci, aprĂšs avoir demandĂ© la destitution de Primo de Rivera et essuyĂ© un refus du monarque, lui prĂ©senta sa dĂ©mission[41]. Dans le texte dans lequel il expliquait sa dĂ©cision, Alba affirmait que les conspirateurs faisaient erreur et assurait qu’en dĂ©missionnant il mettait le gouvernement dans de meilleures conditions pour nĂ©gocier, mais ne faisait aucun appel Ă  la rĂ©sistance. Le roi, pour sa part, ordonna au chef de sa Maison militaire, le gĂ©nĂ©ral JoaquĂ­n Milans del Bosch, d’évaluer l’état d’esprit dans les garnisons du pays. Celles-ci rĂ©pondirent qu’elles feraient ce que le roi leur ordonnerait. C’est ce que certains historiens appelĂšrent le « pronunciamiento nĂ©gatif », qui s’avĂ©ra finalement dĂ©cisif. Le seul contact entre le roi et Primo de Rivera ce jour-lĂ  fut un tĂ©lĂ©gramme que le premier envoya depuis Saint-SĂ©bastien, demandant au gĂ©nĂ©ral d’assurer le maintien de l’ordre Ă  Barcelone[42].

Tout au long de la journĂ©e du 13 septembre, Primo de Rivera donna la consigne Ă  ses subordonnĂ©s d’« attendre et rĂ©sister » et rĂ©alisa diverses dĂ©clarations rassurantes Ă  la presse, Ă©ludant toutes les questions embarrassantes et attaquant les « politiques »[43]. De plus, il se comporta « comme s’il Ă©tait l’incarnation du gouvernement lĂ©gal et non un militaire insurgĂ© [et] inaugura une exposition de meubles Ă  Barcelone, au milieu des acclamations d’un public euphorique, devant lequel il rendit un hommage dĂ©monstratif Ă  la langue catalane »[41]. NĂ©anmoins, Primo de Rivera ne pouvait ignorer la prĂ©caritĂ© de sa situation, Ă©tant donnĂ© qu’aucun gĂ©nĂ©ral ne lui avait manifestĂ© son appui en dehors de la Catalogne et de l’Aragon[44]. De fait, dans la journĂ©e plusieurs gouverneurs militaires communiquĂšrent au ministre de l’IntĂ©rieur leur loyautĂ© envers le gouvernement constitutionnel, certains en arrivant mĂȘme Ă  prendre des mesures pour que toutes les unitĂ©s militaires restent dans leurs garnisons respectives. La Garde civile ne participait pas Ă  la rĂ©bellion, mĂȘme en Catalogne — « nos contingents se maintiendront Ă  la marge » dĂ©clara le commandant de la Garde civile de Barcelone —[45]. Plus tard, un journaliste relata l’« impression affligeante » qu’il avait eue en visitant le siĂšge de la capitainerie gĂ©nĂ©rale le 13 septembre: « Le gĂ©nĂ©ral Primo de Rivera se trouvait pratiquement seul, seulement entourĂ© de ses assistants et six ou sept officiers d’État major. [
] Notre impression Ă  ce moment Ă©tait que si le gouvernement avait eu le courage suffisant pour envoyer une compagnie de la Garde civile, le coup d’État se serait tranformĂ© en Ă©chec »[41] .

Le gouvernement se montra divisĂ©. Seules deux ministres manifestĂšrent leur opposition frontale Ă  l’insurrection — l’amiral Aznar, au portefeuille de la Marine, et Portela, du Fomento (Équipement) —, les autres membres du gouvernement se montrant hĂ©sitants. Les nouvelles en provenance des capitaineries gĂ©nĂ©rales n’étaient pas apaisantes, car seuls les capitaines gĂ©nĂ©raux de Valence et SĂ©ville — les gĂ©nĂ©raux Zabalza et Charles de Bourbon, beau-frĂšre du roi — s’étaient clairement opposĂ©s Ă  Primo de Rivera, bien qu’ils ne se soient pas proposĂ©s au gouvernement pour dĂ©fendre la lĂ©galitĂ© constitutionnelle. De plus au Pays valencien, les gouverneurs militaires de CastellĂłn et de la capitale et le colonel du rĂ©giment de TĂ©touan avaient pris le contrĂŽle de la rĂ©gion, neutralisant son capitaine gĂ©nĂ©ral. D’autre part, la presse ne se manifesta pas contre le coup militaire, certains mĂ©dias l'appuyant mĂȘme ouvertement en incluant des entretiens avec les gĂ©nĂ©raux impliquĂ©s dans la conspiration, « sans que personne ne le dĂ©nonce ou ne l’empĂȘche »[43].

Le seul soutien marquĂ© dont bĂ©nĂ©ficia le gouvernement fut celui du gĂ©nĂ©ral vĂ©tĂ©ran Weyler, si bien que le gouvernement mut Ă  sa disposition un navire de guerre pour le transporter de Majorque Ă  Barcelone. Sa mission Ă©tait toutefois vouĂ©e Ă  l’échec Ă  partir du moment oĂč l’amiral Aznar, ministre de la Marine, s’opposa Ă  ce que la flotte procĂšde au bombardement des insurgĂ©s Ă  Barcelone[46].

Le gouvernement prit Ă©galement la dĂ©cision de mandater le capitaine gĂ©nĂ©ral de Madrid, le gĂ©nĂ©ral Muñoz Cobos, afin qu’il procĂšde Ă  l’arrestation des quatre gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre, mais celui-ci exigea que l’ordre fĂ»t signĂ© par le roi. Selon l’historien Shlomo Ben-Ami, « en rĂ©alitĂ©, Muñoz Cobos agit en pratique comme s’il Ă©tait membre de la conspiration. Il se sentit rĂ©ticent, dit-il, Ă  lutter contre les insurgĂ©s par crainte de diviser l’armĂ©e et de provoquer un autre Alcolea »[47].

Vendredi 14 septembre: le roi Ă  Madrid

Comme le publia en une le journal RegiĂłn (es) d’Oviedo : « À prĂ©sent tout dĂ©pend du roi »[48]. Le roi arriva Ă  Madrid dans la matinĂ©e du 14, aprĂšs un voyage — probablement dĂ©libĂ©rĂ©ment — long. Dans leur majoritĂ©, les garnisons Ă©taient restĂ©es fidĂšles au gouvernement, mais semblaient en attente d’instructions du monarque. De plus, le gouvernement n’avait reçu aucun soutien actif, dans les rangs des civils comme des militaires. Ainsi, lorsqu’il eut un entretien au palais royal avec le prĂ©sident du gouvernement GarcĂ­a Prieto, il rejeta sa proposition de convoquer les Cortes pour le 17 septembre[48]. Lorsque GarcĂ­a Prieto lui proposa la destitution des commandements militaires rebelles, le monarque rĂ©pondit qu’il devait y rĂ©flĂ©chir. Dans un rĂ©gime comme celui de la Restauration, oĂč le roi nommait et destituait librement ministres et prĂ©sidents du gouvernement, cela revenait Ă  suggĂ©rer au chef de l’exĂ©cutif de dĂ©missionner, ce que fit ce dernier[49]. Dans ses mĂ©moires, Niceto AlcalĂĄ-Zamora Ă©crivit que lorsqu’il rendit visite Ă  GarcĂ­a Prieto il le trouva rĂ©signĂ© et dĂ©primĂ©[50].

Le mĂȘme matin, Primo de Rivera envoya un tĂ©lĂ©gramme au roi dans lequel il le pressait de prendre une dĂ©cision et insistait sur le fait que cette « rĂ©volution », encore modĂ©rĂ©e, pourrait dĂ©gĂ©nĂ©rer en un bain de sang[48]. Le roi contacta plusieurs figures importantes de la politique comme Antonio Maura ou JosĂ© SĂĄnchez Guerra, et tous les conseillĂšrent de donner le pouvoir aux militaires. Il s’entretint Ă©galement avec le capitaine gĂ©nĂ©ral de Madrid, le gĂ©nĂ©ral Muñoz Cobos, ainsi que les gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre. Alphonse XIII dĂ©cida finalement de faire appeler Primo de Rivera Ă  Madrid. Il lui octroya le pouvoir Ă  13 h 15. Dans la foulĂ©e, le capitaine gĂ©nĂ©ral Muñoz Cobos dĂ©clara l’état de guerre Ă  Madrid[51].

Samedi 15 septembre: le roi nomme Primo de Rivera chef du gouvernement et président du Directoire militaire

Alphonse XIII et Primo de Rivera, aprÚs la nomination de ce dernier comme chef du gouvernement et président du Directoire militaire.

Une foule enthousiaste accompagna Primo de Rivera au train qui l’amĂšnerait Ă  Madrid. Selon le journal conservateur La Vanguardia, jamais on n’avait vu un « phĂ©nomĂšne similaire ». Un tĂ©moin militant de la CNT rapporta que sur les quais se rĂ©unit « la crĂšme de la rĂ©action barcelonaise, tous les monarchistes, l’évĂȘque, les traditionalistes [les carlistes] et aussi une bonne reprĂ©sentation de la Lliga Regionalista. Bien en vue, une reprĂ©sentation du patronat »[52].

Dans la matinĂ©e du 15 septembre, Primo de Rivera arriva Ă  Madrid. Il s’entretint tout d’abord avec les gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre, rĂ©union Ă  laquelle participa Ă©galement le capitaine gĂ©nĂ©ral de Madrid, Muñoz Cobos, Ă  qui il indiqua qu’il avait dĂ©cidĂ© de devenir un dictateur militaire autocrate, plutĂŽt que de former un gouvernement civil sous tutelle militaire. Muñoz fit part au roi des intentions de Primo de Rivera, qui Ă©taient contraires Ă  la Constitution de 1876[49].

Lors de la rĂ©union entre Primo de Rivera et le roi au palais royal ce mĂȘme matin, ils se mirent d’accord sur une formule intermĂ©diaire qui garde les apparences de la lĂ©galitĂ© constitutionnelle. Le gĂ©nĂ©ral serait nommĂ© « chef du gouvernement » et « ministre unique », assistĂ© par un Directoire militaire, formĂ© de 8 gĂ©nĂ©raux et d’un contre-amiral. De plus, il fut Ă©tabli que Primo de Rivera prĂȘterait serment selon le protocole Ă©tabli, devant le ministre de la Justice du gouvernement antĂ©rieur[49]. Selon certaines sources, au cours de leur conversation, le roi dit au gĂ©nĂ©ral : « Dieu veuille que tu rĂ©ussisses. Je vais te donner le pouvoir »[53].

La Gaceta de Madrid du jour suivant publia le dĂ©cret royal, signĂ© par le roi et visĂ© par le ministre de la GrĂące et de la Justice, Antonio LĂłpez Muñoz, qui dĂ©clarĂ© Primo de Rivera « Chef du Gouvernement »[54] ; le mĂȘme numĂ©ro de la Gaceta incluait le premier dĂ©cret royal que le nouveau chef de l’exĂ©cutif eĂ»t prĂ©sentĂ© au roi, par lequel Ă©tait crĂ©Ă© un Directoire militaire, prĂ©sidĂ© par lui-mĂȘme et qui aurait « toutes les facultĂ©s, initiatives et responsabilitĂ©s inhĂ©rentes Ă  un Gouvernement entier, mais avec une signature unique » et qui se proposait de « construire une brĂšve parenthĂšse dans la marche constitutionnelle de l’Espagne »[55]. En pratique, cela se traduisit par l’octroi de pouvoirs exceptionnels Ă  Primo de Rivera, qui a la facultĂ© de publier Ă  volontĂ© des dĂ©crets « avec force de loi », Ă  la seule condition qu’ils soient ratifiĂ©s par le monarque. Les postes de prĂ©sident du Conseil des ministres, ceux de ministres et de sous-secrĂ©taires, Ă  l’exception des sous-secrĂ©taires d’État et de la Guerre, Ă©taient supprimĂ©s[54] - [56] - [55]

Le 17 septembre, la Gaceta de Madrid publia la dissolution du CongrĂšs des dĂ©putĂ©s et de la partie Ă©lective du SĂ©nat, facultĂ© dont disposait le roi en vertu de l’article 32 de la Constitution, mais avec l’obligation de convoquer de nouvelles Ă©lections dans les trois mois. Une fois le dĂ©lai Ă©coulĂ© le 12 novembre, les prĂ©sidents des deux chambres du Parlement, MelquĂ­ades Álvarez et le comte de Romanones respectivement, se prĂ©sentĂšrent devant le roi afin de lui demander de rĂ©unir les Cortes, lui rappelant que c’était son devoir de monarque constitutionnel. Tous deux furent immĂ©diatement destituĂ©s. Primo de Rivera le justifia avec ces mots : « Le pays ne se laisse plus impressionner avec des films d’essences libĂ©rales et dĂ©mocratiques ; il veut de l’ordre, du travail et de l’économie »[57].

Dans un entretien publiĂ© le 24 janvier 1924 par le quotidien britannique Daily Mail, le roi Alphonse XIII justifia sa dĂ©cision ainsi : « J’ai acceptĂ© la Dictature Militaire car l’Espagne et l’ArmĂ©e l'avaient voulu pour mettre fin Ă  l’anarchie, aux dĂ©bordements parlementaires et Ă  la faiblesse chancelante des hommes politiques. Je l’ai acceptĂ©e comme l’Italie dut recourir au fascisme parce que le communisme Ă©tait sa menace immĂ©diate. Et parce qu’il fallait employer une thĂ©rapeutique Ă©nergique sur les tumeurs malignes dont nous souffrions dans la PĂ©ninsule et en Afrique »[58].

Le socialiste Indalecio Prieto, dans un article Ă©crit peu aprĂšs le coup militaire de Primo de Rivera, dĂ©signait le monarque lui-mĂȘme comme son instigateur, afin d’empĂȘcher que la commission chargĂ©e d’enquĂȘter sur les reponsabilitĂ©s du dĂ©sastre d'Anoual puisse formuler des accusations[59][60].

RĂ©actions

De gauche Ă  droite (en gras les gĂ©nĂ©raux membres du Directoire et entre parenthĂšses le numĂ©ro de la rĂ©gion militaire (es) qu’ils reprĂ©sentaient ; en italique les quatre gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre) : le gĂ©nĂ©ral Primo de Rivera, le roi Alphonse XIII, et le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Cavalcanti de Alburquerque, au premier rang; le gĂ©nĂ©ral Antonio MayandĂ­a GĂłmez (5), le gĂ©nĂ©ral Federico Berenguer FustĂ© et le gĂ©nĂ©ral Leopoldo Saro MarĂ­n, au second rang ; le gĂ©nĂ©ral Antonio DabĂĄn Vallejo, le gĂ©nĂ©ral Francisco Ruiz del Portal (7e) et le gĂ©nĂ©ral Luis Navarro y Alonso de Celada (3.ÂȘ), au troisiĂšme rang ; le gĂ©nĂ©ral Luis Hermosa y Kith (2e), le gĂ©nĂ©ral Dalmio RodrĂ­guez PedrĂ© (4e), le gĂ©nĂ©ral Adolfo Vallespinosa Vior (1re), le gĂ©nĂ©ral Francisco GĂłmez-Jordana Sousa (6e), et le gĂ©nĂ©ral Mario Muslera y Planes (8e), au dernier rang.

La rĂ©action publique au coup d’État est dĂ©battue. Elle fut « dans l'ensemble favorable » selon l’historien Shlomo Ben-Ami, d’autres la qualifient de plutĂŽt passive ou de bienveillance indiffĂ©rente[61], ou encore d’un « mĂ©lange de prudence, satisfaction et impuissance »[62], ce qui s’explique du fait que le systĂšme que Primo de Rivera venait de renverser ne jouissait pas du soutien populaire. La rĂ©cupĂ©ration dans le discours du dictateur de la rhĂ©torique rĂ©gĂ©nĂ©rationniste nourrit dans l’esprit de beaucoup de gens l’espoir qu'il mettrait au rĂ©gime caciquiste dĂ©criĂ© depuis bien longtemps, mais de façon exacerbĂ©e depuis le dĂ©but du siĂšcle. Ainsi, le journal libĂ©ral El Sol Ă©luda la question du coup militaire et, dans son Ă©ditorial, souhaita la bienvenue Ă  « une Espagne plus noble et fertile que celle la vieille et dĂ©labrĂ©e dans laquelle nous sommes nĂ©s », bien que prĂ©cisant plus loin qu’une fois « terminĂ©e l’Ɠuvre de dĂ©raciner le vieux rĂ©gime et d’assainir intĂ©rieurement l'organisme de l'État », le Directoire devrait cĂ©der le pouvoir Ă  un gouvernement civil libĂ©ral — de fait, lorsqu’on constata peu de temps aprĂšs que l’intention de Primo de Rivera Ă©tait de se perpĂ©tuer au pouvoir, il lui retira son appui —. Plus tard, le juriste socialiste Luis JimĂ©nez de AsĂșa Ă©crivit : « Les gens voyaient dans le gĂ©nĂ©ral insoumis la salvation de la partie »[63] - [64].

Pour ce qui est des forces ouvriĂšres, les anarchosyndicalistes furent pris par surprise par le coup d’État et, selon Shlomo Ben-Ami, beaucoup de militants de la CNT « se limitĂšrent Ă  attendre passivement que les autoritĂ©s viennent fermer leurs locaux. La CNT Ă©tait Ă©puisĂ©e par des annĂ©es de rĂ©pression brutale et elle Ă©tait dĂ©jĂ  quasiment inutile comme instrument de combat »[65]. MalgrĂ© cela, la CNT forma un ComitĂ© d’action contre la guerre et la dictature, qui convoqua une grĂšve gĂ©nĂ©rale Ă  Madrid et Bilbao, appuyĂ©e par les communistes mais qui n’eut qu’un faible Ă©cho[66]. Ils invitĂšrent les socialistes Ă  s’unir au ComitĂ© mais ces derniers choisirent de rester dans l’expectative et les directions du PSOE et de l’UGT demandĂšrent Ă  leurs membres de n’intervenir dans aucune tentative rĂ©volutionnaire hasardeuse, qui ne ferait que servir de « prĂ©texte Ă  des rĂ©pressions [
] au bĂ©nĂ©fice de la rĂ©action »[67].

Parmi les intellectuels Ă©galement, peu nombreux furent ceux qui s’opposĂšrent au coup d’État, « seulement Miguel de Unamuno, Manuel Azaña et RamĂłn PĂ©rez de Ayala se montrĂšrent de façon inĂ©quivoque contre le dictateur »[68].

La haute bourgeoisie reçut le nouveau rĂ©gime avec euphorie, spĂ©cialement en Catalogne. La Chambre de commerce et de l’industrie de Catalogne salua le dictateur « avec le plus grand enthousiasme », espĂ©rant qu’il mette fin Ă  une situation qui Ă©tait jugĂ©e intolĂ©rable. Les autres organisations patronales firent de mĂȘme, comme l’Institut agricole de Sant Isidre (es) qui souhaitait qu’il mĂźt fin aux « courants qui dĂ©vastaient le droit de propriĂ©tĂ© ». Ce fut Ă©galement le cas des partis politiques conservateurs comme la Lliga Regionalista et l’Union monarchique nationale. Cette derniĂšre se considĂ©rait comme faisant partie du « mouvement de rĂ©gĂ©nĂ©ration » basĂ© sur les principes de « patrie, monarchie et ordre social ». Hors de la Catalogne, les classes aisĂ©es firent preuve du mĂȘme enthousiasme et diverses organisations patronales se proposĂšrent de collaborer avec la dictature pour « dĂ©truire une bonne fois pour toutes la pourriture qui, contre toute justice et contre toute morale, conduit le pays, lentement mais inexorablement, au plus insondable prĂ©cipice », comme le proclama la ConfĂ©dĂ©ration patronale espagnole[69]. Comme le remarque l’historienne Ángeles Barrio, « l’attitude des bourgeoisies espagnoles ne fut pas diffĂ©rente de celle d’autres bourgeoisies [
] europĂ©ennes qui, face au danger du bolchĂ©visme, ne firent rien pour dĂ©fendre le maintien d’un ordre libĂ©ral disposĂ© Ă  se dĂ©mocratiser avec lequel elles ne s’identifiaient pas, et dans lequel elles pressentaient que leurs intĂ©rĂȘts n’étaient pas suffisamment garantis »[61].

L’Église catholique espagnole appuya Ă©galement la nouvelle dictature. Le cardinal de Tarragone, Vidal y Barraquer loua le « noble effort » de l’« honorable » gĂ©nĂ©ral Primo de Rivera. La ConfĂ©dĂ©ration nationale catholique-agraire (es) lui souhaita la bienvenue et lui offrit son soutien pour « renforcer l’autoritĂ©, la discipline sociale et la rĂ©cupĂ©ration de la morale ». Le journal catholique El Debate espĂ©rait que le dictateur ordonnerait une campagne d’« assainissement moral, en s’attaquant au jeu, Ă  la pornographie, Ă  l’alcoolisme et d’autres plaies sociales ». Un journal catholique de Cordoue en arriva Ă  augurer que si Primo de Rivera Ă©chouait, cela ouvrirait le chemin au « torrent dĂ©bordant du bolchĂ©visme ». Le Parti social populaire, parti catholique rĂ©cemment fondĂ©, Ă  la notable exception d’Ángel Ossorio y Gallardo, accueillit avec enthousiasme ce qu’elle qualifia de nouveau « mouvement national », ainsi que les mauristes qui considĂ©raient la Dictature, « quelles que soient les anomalies de son origine », comme le dĂ©but d’un « resurgissement de l'Espagne ». MĂȘme les carlistes lui donnĂšrent leur soutien car, comme le manifesta le prĂ©tendant Jacques de Bourbon, il reprĂ©sentait « un rapprochement avec nos doctrines » et « l’expression de l’esprit nettement traditionnaliste »[70]. Au sein du carlisme, ceux qui se montrĂšrent les plus enthousiastes furent les membres du Parti catholique traditionnaliste (es), comme VĂ­ctor Pradera ou Salvador MinguijĂłn. Juan VĂĄzquez de Mella lui-mĂȘme, le fondateur du parti, invita le Directoire Ă  « rester un long temps au pouvoir », pour lutter contre « le pĂ©ril musulman uni au pĂ©ril rouge, tous deux unis au pĂ©ril juif, le vĂ©ritable directeur spirituel de la RĂ©volution » et choisir la « dictature de l’ordre » plutĂŽt que la « dictature rouge du bolchĂ©visme », comme « devront choisir bientĂŽt les peuples d’Europe et d’AmĂ©rique »[71].

En ce qui concerne les deux partis du turno, selon Ben-Ami « ils semblĂšrent soulagĂ©s par la dĂ©cision de Primo de Rivera d’anesthĂ©sier temporairement la politique espagnole » ; « bien que certains d’entre eux [de ses membres] soient clairement disposĂ©s Ă  dĂ©mocratiser le systĂšme, aucun ne se sentait prĂȘt Ă  dĂ©fier l’indisputable position du roi comme crĂ©ateur et destructeur [derribador] de gouvernements ». Certaines figures politiques du systĂšme eurent une vision erronĂ©e du coup d'État qui avait eu lieu : ils pensĂšrent qu’il s’agissait simplement d’une crise gouvernementale comme il y en avait eu de nombreuses au cours de la Restauration et restĂšrent dans l’attente qu’on les sollicite pour la rĂ©soudre dans le cadre lĂ©gal Ă©tabli[72].

Le rĂŽle du roi

Le roi Alfonse XIII, au centre et de dos, converse avec le gĂ©nĂ©ral Antonio DabĂĄn Vallejo, membre du QuadrilatĂšre ; Ă  droite, regardant l’objectif et avec un casque dans la main, le gĂ©nĂ©ral Francisco GĂłmez-Jordana Sousa, membre du Directoire militaire, en reprĂ©sentation de la 4e rĂ©gion militaire (es) ; au centre au second plan, le Federico Berenguer FustĂ©, membre du QuadrilatĂšre et frĂšre du gĂ©nĂ©ral DĂĄmaso Berenguer, inculpĂ© dans le rapport Picasso ; le gĂ©nĂ©ral Primo de Rivera apparaĂźt Ă  droite au second plan, conversant avec le gĂ©nĂ©ral JosĂ© Cavalcanti de Alburquerque, fondateur du QuadrilatĂšre ; Ă  gauche, en train d’observer la conversation entre le roi et le gĂ©nĂ©ral DabĂĄn, le gĂ©nĂ©ral Leopoldo Saro MarĂ­n, membre du QuadrilatĂšre.

TĂŽt dans la matinĂ©e du 20 novembre 1931, l’assemblĂ©e constituante de la Seconde RĂ©publique issue des Ă©lections gĂ©nĂ©rales du 28 juin de la mĂȘme annĂ©e dĂ©clarĂšrent coupable de « haute trahison » « celui qui fut roi d’Espagne », « qui, en exerçant les pouvoirs de sa magistrature contre la Constitution de l’État, a commis la plus criminelle violation de l’ordre juridique de son pays, et, en consĂ©quence, le Tribunal souverain de la Nation dĂ©clare solennellement hors la Loi D. Alphonse de Bourbon et Habsbourg-Lorainne. PrivĂ© de la paix juridique, tout citoyen espagnol pourra apprĂ©hender sa personne s’il pĂ©nĂ©trait dans le territoire national. Don Alfonso de BorbĂłn sera privĂ© de toutes ses dignitĂ©s, droits et titres, qu'il ne pourra utiliser ni en Espagne ni hors d'Espagne, et dont le peuple espagnol, par la voix de ses reprĂ©sentants Ă©lus pour voter les nouvelles normes de l'État espagnol, le dĂ©clare dĂ©chu, sans possibilitĂ© de les revendiquer Ă  l'avenir, pour lui comme pour ses successeurs. Tous les biens, droits et actions dont il est propriĂ©taire qui se trouvent sur le territoire national seront saisis par l’État, en son propre bĂ©nĂ©fice, qui disposera de l’usage convenable qu’il devra leur donner »[73]. Le prĂ©sident du gouvernement provisoire de la Seconde RĂ©publique (es), Manuel Azaña, dĂ©clara devant les dĂ©putĂ©s : « avec ce vote est rĂ©alisĂ©e la proclamation de la RĂ©publique en Espagne ». Selon l’historien Eduardo GonzĂĄlez Calleja : « en effet, avec cet acte de justice, trĂšs discutable du point de vue du formalisme lĂ©gal comme de son utilitĂ© politique dans ces moments, Ă©tait consommĂ©e la rupture lĂ©gale et symbolique avec le rĂ©gime existant jusqu’au 14 avril »[74].

Le rĂŽle du roi dans le coup d’État de 1923 et sa conduite durant la dictature ont fait l’objet de dĂ©bats parmi les historiens. Selon Shlomo Ben-Ami, « Alphonse XIII avait montrĂ© depuis des annĂ©es des tendances absolutistes, un fort dĂ©sir de gouverner sans le parlement, une Ă©tiquette courtisane rigide non dĂ©mocratique, et manifestait une admiration maladive pour l'armĂ©e, dont il Ă©tait le principal arbitre des promotions de ses officiers »[75]. Ben Ami et Eduardo GonzĂĄlez Calleja s’accordent sur le fait que la dĂ©saffection du roi pour le systĂšme parlementaire fut renforcĂ©e Ă  l’issue du « dĂ©sastre » militaire de 1921[75] - [76]. Il le manifesta par exemple le 23 mai 1921 dans un discours prononcĂ© Ă  Cordoue, dans lequel il dĂ©clara que « le parlement ne remplit pas son devoir », ajoutant : « ceux qui m’écoutent pourront penser que j’enfreins la Constitution »[77]. Il affirma Ă©galement que « Ă  l’intĂ©rieur et en dehors de la Constitution [
] [le parlement] devrait se sacrifier »[76]. En prĂ©sence des officiers de la garnison de Barcelone, il dĂ©clara le 7 juin 1922 dans un restaurant de Las Planas (GĂ©rone) : « rappelez-vous toujours que vous n’avez d'autre engagement que les Ă©gards accordĂ©s Ă  votre Patrie et Ă  votre Roi ». Dans un discours prononcĂ© Ă  Salamanque un an plus tard, il approuva l’établissement d’une dictature provisoire dans le but de « laisser un passage franc aux Gouvernements qui respectent la volontĂ© populaire ». Selon Eduardo GonzĂĄlez Calleja, Alphonse XIII renonça Ă  cet engagement aprĂšs avoir consultĂ© de plusieurs figures politiques parmi lesquelles le conservateur Antonio Maura, mais « laissa le chemin ouvert aux conspirateurs militaires »[76]. Selon Ben Ami, « ce qui incita le roi Alphonse Ă  coqueter avec une solution extraparlementaire fut la rĂ©surrection du parlementarisme espagnol plutĂŽt qu’avec sa dĂ©gĂ©nĂ©ration. Le dĂ©bat public sur les responsabilitĂ©s et la propagande antialphonsine des socialistes [
] ne pouvait que devenir une gĂȘne insupportable pour le monarque »[77]. Cette position rejoint celle de l’historien britannique Raymond Carr qui affirma, au sujet du coup militaire de Primo de Rivera : « Ce n’était pas la premiĂšre, ni la derniĂšre fois, qu’un gĂ©nĂ©ral assurait achever un corps malade, quand, en rĂ©alitĂ©, il Ă©tranglait un nouveau-nĂ© »[78]

Concernant la participation du roi dans les prĂ©paratifs du coup d’État de Primo de Rivera, Javier Tusell affirme qu’il n’y a aucune preuve qu’il en soit le promoteur, bien qu’il partageĂąt fondamentalement le constat nĂ©gatif des conspirateurs sur la situation politique. « Indiscret et peu prudent, Alphonse XIII parla avec plus d’un au sujet d’un possible gouvernement autoritaire », mais il Ă©carta de diriger lui-mĂȘme une dictature car, comme il le dit Ă  Gabriel Maura Gamazo, fils du leader conservateur Antonio Maura : « si je me dĂ©cidais Ă  exercer la dictature pour mon propre compte, je devrais immĂ©diatement m’affronter Ă  tous ». Plus tard, il admit que certains des conspirateurs s’étaient, tardivement, adressĂ©s Ă  lui. Tusell pense qu’il s’agit probablement d’un ou plusieurs gĂ©nĂ©raux du QuadrilatĂšre, et qu’il est bien possible que le monarque n’en ai pas spĂ©cialement tenu compte, Ă©tant donnĂ© qu’il Ă©tait habituĂ© Ă  ĂȘtre approchĂ© par des militaires « avec des menaces plus ou moins voilĂ©es de se soulever »[79]. Pour sa part, l’historienne GarcĂ­a Queipo de Llano pense que « durant l’étĂ© 1923, le roi pensa Ă  la possibilitĂ© de nommer un gouvernement militaire » corporatif qui aurait pu ĂȘtre acceptĂ© par la classe politique, mais « seulement une parenthĂšse pour revenir ensuite Ă  la normalitĂ© constitutionnelle » ; certains propos de Primo de Rivera semblent nĂ©anmoins Ă©carter la participation du roi : « le Roi fut le premier surpris [par le coup] et cela, qui peut le savoir mieux que moi ? » [80].

Certains historiens considĂšrent significatif le fait que l’une des premiĂšres dĂ©cisions prises par le Directoire militaire fut de s’emparer des archives de la Commission de responsabilitĂ©s (es) du CongrĂšs des dĂ©putĂ©s qui Ă©tait en train de prĂ©parer un rapport, dont la prĂ©sentation Ă©tait prĂ©vue le 2 octobre 1923, basĂ© sur l’enquĂȘte menĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Picasso (es) sur les responsabilitĂ©s de la dĂ©faite d’Anoual qui, selon des dĂ©clarations faites par le dĂ©putĂ© socialiste Indalecio Prieto le 17 avril 1923 qui suscitĂšrent un grand nombre de commentaires, allait impliquer le roi[77].

Selon Eduardo GonzĂĄlez Calleja, « le roi eu, quoi qu’il en soit, une claire responsabilitĂ© personnelle dans la dĂ©tĂ©rioration de la situation politique. AprĂšs s’ĂȘtre interposĂ© comme obstacle traditionnel dans les diffĂ©rentes tentatives de dĂ©mocratisation du systĂšme par un usage abusif de la prĂ©rogative royale et l’encouragement du militarisme au dĂ©triment du pouvoir civil, don Alphonse instrumentalisa la menace militaire qui cernait le rĂ©gime parlementaire pour renforcer son propre rĂŽle, passant du rĂŽle d’arbitre Ă  celui d’acteur fondamental du jeu politique »[81].

Pour Shlomo Ben-Ami[82] :

« Alphonse XIII sanctionna avec son autoritĂ© la victoire de la force. [
] En adhĂ©rant Ă  la rĂ©bellion contre la lĂ©galitĂ© constitutionnelle, le roi aida Ă  crĂ©er le mythe selon lequel il Ă©tait « responsable » de la dictature. Dans tous les cas il est difficile d’imaginer que l’armĂ©e se soit soumise Ă  une rĂ©bellion qui n’aurait pas Ă©tĂ© sanctionnĂ©e par le monarque, chef suprĂȘme des forces armĂ©es et personnification de la nation. Un coup contre la volontĂ© du roi aurait Ă©tĂ© « complĂštement impossible ». Les dĂ©fenseurs du souverain allĂ©gaient qu’il s'Ă©tait sacrifiĂ© pour Ă©viter une dangereuse division de l’armĂ©e en deux factions antagonistes, divisions qui, craignait-il, conduirait Ă  une guerre civile. Alphonse se rendait compte qu’il avait violĂ© la constitution, mais il demanda rhĂ©toriquement Ă  un journaliste français du quotidien Le Temps : « Qu’est-ce qui est mieux, maintenir la constitution vivante ou laisser mourir la nation? » Quelle que fĂ»t la vĂ©ritĂ©, le mythe prĂ©valut. Le destin du roi et de son trĂŽne restait inextricablement liĂ©, dĂšs lors, avec celui de la dictature. »

Selon Javier Tusell[49] :

« ce qui survint supposa un changement dĂ©cisif dans la politique espagnole. [
] On fit la promesse que le coup d’État durerait peu et il obtint un soutien gĂ©nĂ©ralisĂ©, mais ses consĂ©quences Ă  moyen terme furent trĂšs graves. Le Roi s’empressa d’expliquer aux ambassadeurs français et britannique qu’il n’avait rien eu Ă  voir avec ce qui Ă©tait arrivĂ©. Mais il viola la Constitution en ne convoquant pas le Parlement et cela lui coĂ»ta le trone. »

D’aprùs Santos Juliá[83] :

« Le coup de Primo de Rivera ferma toute possibilitĂ© de trouver Ă  l’intĂ©rieur de la monarchie constitutionnelle la solution au problĂšme constituant que les diffĂ©rents mouvements, ouvrier, rĂ©publicain, rĂ©formiste, catalaniste, militaire, et des figures trĂšs reprĂ©sentatives des Ă©lites intellectuelles, avaient situĂ© au premier plan du dĂ©bat et de l’action politique depuis 1917. »

Notes et références

  1. Carr 2003, p. 504-505.
  2. Fuentes 2020, p. 28.
  3. MartĂ­nez Vasseur 2002, loc 1865.
  4. Ben-Ami 2012, p. 63-65.
  5. Le qualificatif de « coup d'État » est celui dominant dans l’historiographie ; nĂ©anmoins plusieurs auteurs insistent pour le qualifier de « pronunciamiento », notamment Pilar MartĂ­nez Vasseur, qui parle de « pronunciamiento classique », et Juan F. Fuentes qui parle de « pronunciamiento de libro » (comprendre « pronunciamiento comme on en trouve dans les livres [d’histoire] ») ; pour sa part l’historien Shlomo Ben-Ami remarque qu'il a la forme et adopte la rhĂ©torique des pronunciamientos classiques, mais s’en diffĂ©rencie du fait que son meneur prĂ©tendait gouverner en Ă©cartant les partis et la classe politiques.
  6. Ben-Ami 2012, p. 45.
  7. Ben-Ami 2012, p. 58.
  8. Ben-Ami 2012, p. 49, 58.
  9. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 24.
  10. Ben-Ami 2012, p. 50-51.
  11. Ben-Ami 2012, p. 59.
  12. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 25.
  13. Ben-Ami 2012, p. 59-60.
  14. Ben-Ami 2012, p. 55-56.
  15. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 32.
  16. Gil PecharromĂĄn 2005, p. 138-139.
  17. Ce point de vue de la presse de gauche rejoint en grande partie celui de l’historiographie ; par exemple, le politologue et historien britannique Samuel Finer dresse le tableau suivant de l'armĂ©e espagnole de la Restauration « il ne s’agit pas d’une force opĂ©rationnelle mais d’une machine bureaucratique, elle ne recherche pas l’expansion ou la puissance extĂ©rieure mais l’unitĂ© et l’ordre. Son idĂ©al [
] est celui d’une Espagne hors du temps, centralisĂ©e, castillane et catholique ; mais il pourrait ĂȘtre aussi dĂ©fini partiellement Ă  partir de ce qu'elle haĂŻt : le syndicalisme, le socialisme le sĂ©paratisme catalan et basque et mĂȘme
 l’intelligence. Par ailleurs, moyen traditionnel de mobilitĂ© sociale dans une sociĂ©tĂ© rigidement stratifiĂ©e, elle attire les hommes mĂ©diocres qui cherchent Ă  faire carriĂšre ; quand ils n’y rĂ©ussissent pas, ils ont recours Ă  des moyens exceptionnels. Traditionnellement aussi, l’armĂ©e — au moins depuis la Restauration — est la force de police de l’oligarchie dominante. Ainsi la neutralitĂ© militaire mĂ©lange brutalement le nationalisme (la Hispanidad), la haine de classe et le carriĂ©risme individuel. » (Finer 1976, p. 53, citĂ© dans MartĂ­nez Vasseur 2002, loc 1761-1771).
  18. Gil PecharromĂĄn 2005, p. 139-141.
  19. Ben-Ami 2012, p. 57-58.
  20. Cardona 2003a, p. 20.
  21. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 41.
  22. Cardona 2003b, p. 22.
  23. Tusell 2003, p. 18.
  24. Ben-Ami 2012, p. 57.
  25. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 40.
  26. Tusell 2003, p. 16-19.
  27. Ben-Ami 2012, p. 43.
  28. Tusell 2003, p. 19-20.
  29. Ben-Ami 2012, p. 42.
  30. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 42.
  31. Tusell 2003, p. 20-22.
  32. Ben-Ami 2012, p. 43-44.
  33. Ben-Ami 2012, p. 61.
  34. Ben-Ami 2012, p. 62.
  35. Tusell 2003, p. 22-23.
  36. Ben-Ami 2012, p. 44; 62.
  37. Ben-Ami 2012, p. 63.
  38. Tusell 2003, p. 23.
  39. Tusell 2003, p. 16; 24.
  40. Publié dans ABC le 14 septembre 1923 (page 8) :
    « PARTE DISPOSITIVA
    Al declararse en cada región el estado de guerra, el capitån general, o quien haga sus veces, destituirå a todos los gobernadores civiles y encomendarå a los gobernadores y comandantes militares sus funciones. Se incautarån de todas las centrales y medios de comunicación, y no permitirån, aparte las familiares y comerciales, las de ninguna otra autoridad que no sirva el nuevo régimen.
    De todas las novedades importantes que vayan ocurriendo darån conocimiento duplicado a los capitanes generales de Madrid y Barcelona, resolviendo por sí pronta y enérgicamente las dificultades.
    Se ocuparĂĄn los sitios mĂĄs indicados, tales como Centros de carĂĄcter comunista o revolucionario, estaciones, cĂĄrceles, Bancos, centrales de luz y depĂłsitos de agua, y se procederĂĄ a la detenciĂłn de los elementos sospechosos y de mala nota. En todo lo demĂĄs se procurarĂĄ dar la sensaciĂłn de una vida normal y tranquila.
    Mientras el orden no estĂ© asegurado y el rĂ©gimen naciente triunfante, serĂĄn preferente atenciĂłn de los militares en todos sus grados y clases los servicios de organizaciĂłn, vigilancia y orden pĂșblico, debiĂ©ndose suspender toda instrucciĂłn o acto que entorpezca estos fines, sin que ello signifique entregar las tropas a la molicie ni abandonar la misiĂłn profesional.
    Por encima de toda advertencia estĂĄn las medidas que el patriotismo, inteligencia y entusiasmo por la causa sugiera a cada uno en momentos que no son los de vacilar, sino de jugarse el todo por el todo; es decir, la vida por la Patria.
    Unas palabras mĂĄs solamente. No hemos conspirado; hemos recogido a plena luz y ambiente el ansia popular, y la hemos dado algo de organizaciĂłn, para encauzarla a un fin patriĂłtico exento de ambiciones. Creemos, pues, que nadie se atreverĂĄ con nosotros y por eso hemos omitido solicitar uno a uno el concurso de nuestros compañeros y subordinados. En esta santa empresa quedan asociados en primer lugar el pueblo trabajador y honrado en todas sus clases; el EjĂ©rcito y nuestra gloriosa Marina, ambos aĂșn en sus mĂĄs modestas categorĂ­as, que no habĂ­amos de haber consultado previamente sin relajar lazos de disciplina; pero que, bien conocida su fidelidad al Mando y su sensibilidad a los anhelos patriĂłticos, nos aseguran su valioso y eficaz concurso.
    Aunque nazcamos de una indisciplina formularia, representamos la verdadera disciplina, la debida a nuestro dogma y amor patrio, y asĂ­ la hemos de entender, practicar y exigir, no olvidando que, como no nos estimula la ambiciĂłn, sino, por el contrario, el espĂ­ritu de sacrificio, tenemos la mĂĄxima autoridad.
    Y ahora, nuevamente, ¥Viva España y viva el Rey!, y recibid todos el cordial saludo de un viejo soldado que os pide disciplina y unión fraternal, en nombre de los días que compartió con vosotros la vida militar en paz y en guerra, y que pide al pueblo español confianza y orden en nombre de los desvelos a su prosperidad dedicados, especialmente de éste en que lo ofrece y lo aventura todo por servirle. Miguel Primo de Rivera, capitån general de la cuarta región.
    Barcelona, 12 de septiembre de 1923.
    »
  41. Ben-Ami 2012, p. 67.
  42. Tusell 2003, p. 23-24.
  43. Tusell 2003, p. 24.
  44. Ben-Ami 2012, p. 65-66.
  45. Ben-Ami 2012, p. 66-67.
  46. Ben-Ami 2012, p. 66.
  47. Ben-Ami 2012, p. 68.
  48. Ben-Ami 2012, p. 69.
  49. Tusell 2003, p. 25.
  50. Gil PecharromĂĄn 2005, p. 156.
  51. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 46.
  52. Ben-Ami 2012, p. 87.
  53. Tusell 2003, p. 16.
  54. « Gaceta de Madrid, 16 de septiembre de 1923 »
  55. Morodo 1973, p. 31.
  56. Sous le titre Un decreto histĂłrico (« un dĂ©cret historique ») fut diffusĂ© dans la presse l’article suivant :
    « EXPOSICIÓN
    Señor: Nombrado por Vuestra Majestad con el encargo de formar Gobierno en momentos difĂ­ciles para el paĂ­s, que yo he contribuido a provocar inspirĂĄndome en los mĂĄs altos sentimientos patrios, serĂ­a cobarde deserciĂłn vacilar en la aceptaciĂłn del puesto que lleva consigo tantas responsabilidades y obliga a tan fatigoso e incesante trabajo. Pero Vuestra Majestad sabe bien que ni yo, ni las personas que conmigo han propagado y proclamado el nuevo rĂ©gimen, nos creemos capacitados para el desempeño concreto de las carteras ministeriales, y que era y sigue nuestro propĂłsito constituir un breve parĂ©ntesis en la marcha constitucional de España, para establecerla tan pronto como ofreciĂ©ndonos el paĂ­s hombres no contagiados de los vicios que a las organizaciones polĂ­ticas imputamos, podamos nosotros ofrecerlos a Vuestra Majestad para que se restablezca pronto la normalidad. Por eso me permito ofrecer a Vuestra Majestad la formaciĂłn de un Directorio militar, presidido por mĂ­, que sin la adjudicaciĂłn de carteras ni categorĂ­as de ministros, tenga todas las facultades, iniciativas y responsabilidades inherentes a un Gobierno en conjunto, pero con una firma Ășnica, que yo someterĂ© a Vuestra Majestad; por lo cual debo ser el Ășnico que ante Vuestra Majestad y el notario mayor del Reino, y con toda unciĂłn y patriotismo que el solemne acto requiere, hinque la rodilla en tierra ante los Santos Evangelios, jurando lealtad a la Patria y al Rey y al propĂłsito de restablecer el imperio de la ConstituciĂłn tan pronto Vuestra Majestad acepte el Gobierno que le proponga. Bajo este aspecto, Seños, nos ha recibido el paĂ­s con clamorosa acogida y confortable esperanza; y creemos un deber elemental modificar la esencia de nuestra actuaciĂłn, que no puede tener ante la Historia y la Patria otra justificaciĂłn que el desinterĂ©s y el patriotismo. Madrid, 15 de septiembre de 1923.
    Señor: A.L.R.P. de V.M. Miguel Primo de Rivera.
    »
  57. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 46-47.
  58. Cabrera 2021, p. 411.
  59. L’article terminait ainsi : « ÂżQuĂ© interĂ©s podĂ­a tener la Corona en facilitar el triunfo del movimiento militar? Iban a abrirse las Cortes, a plantearse de nuevo ante ellas el problema de las responsabilidades por la hecatombe de Melilla que ya habĂ­a dado al traste con el anterior Parlamento, en el debate acaso con inculpaciones mutuas se destrozasen los partidos del rĂ©gimen y asomaran de nuevo altas responsabilidades personales
 QuizĂĄ este espectĂĄculo demoledor hiciera surgir el motĂ­n en las calles. La sediciĂłn militar, amparada y tutelada desde arriba podrĂ­a frustrarlo. Y surgiĂł la extraña sublevaciĂłn, una sublevaciĂłn de Real orden. ».
  60. Recio GarcĂ­a 2018, p. 74.
  61. Barrio Alonso 2004, p. 72.
  62. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 47.
  63. Ben-Ami 2012, p. 83-85.
  64. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 49.
  65. Ben-Ami 2012, p. 85.
  66. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 50.
  67. Ben-Ami 2012, p. 86.
  68. GarcĂ­a Queipo de Llano 1997, p. 98.
  69. Ben-Ami 2012, p. 86-88.
  70. Ben-Ami 2012, p. 89-90.
  71. Rodríguez Jiménez 1997, p. 88-89.
  72. Ben-Ami 2012, p. 90.
  73. (es) Gaceta de Madrid, 28 novembre 1931
  74. GonzĂĄlez Calleja 2003, p. 411.
  75. Ben-Ami 2012, p. 37.
  76. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 28.
  77. Ben-Ami 2012, p. 38.
  78. CitĂ© dans (es) Mercedes Cabrera (dir.), Con luz y taquĂ­grafos: El Parlamento en la RestauraciĂłn (1913-1923), Madrid, Tarus, , « PrĂłlogo a la Ășltima ediciĂłn »
  79. Tusell 2003, p. 22.
  80. GarcĂ­a Queipo de Llano 1997, p. 94, 98.
  81. GonzĂĄlez Calleja 2005, p. 27.
  82. Ben-Ami 2012, p. 38, 70.
  83. JuliĂĄ 1999, p. 69.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

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