Controverses sur le gaz de schiste
Une controverse sur l'impact environnemental et sanitaire induits par la fracturation hydraulique pour l'extraction du gaz de schiste est apparue en 2010, notamment par le biais de l'EPA qui - à la demande du CongrÚs américain - a décidé une étude « sur les eaux potables et la santé publique », et la publication d'une premiÚre synthÚse[1] par la revue American Scientist.
AprĂšs trois annĂ©es d'utilisation, il y a eu plusieurs constats de « fuites » importantes de gaz dans l'environnement aux Ătats-Unis[2], et de contamination de nappes phrĂ©atiques superficielles par du gaz et des fluides de fracturation, selon lâexpert StĂ©phane Sainson[3] et l'Institut Français du PĂ©trole en raison d'un dĂ©faut de cimentation de la partie supĂ©rieure du forage[4].
Le congrÚs américain a réservé en 2010 un budget pour ces questions et l'EPA a confié à son Bureau de recherche et développement (Office of Research and Development ou ORD[5]) une étude scientifique à lancer en 2011, aprÚs des ateliers de travail et consultations d'experts (de juillet à septembre 2010) et appel public à expertise[6] concernant les effets possibles de la fracturation hydraulique sur les ressources en eau potable. L'EPA prévoit une évaluation de l'étude par des pairs.
Des manifestations de citoyens et d'associations ont eu lieu dans divers pays en opposition Ă ce mode d'extraction ainsi qu'Ă l'usage continu d'Ă©nergies fossiles quand ils militent pour un passage aux Ă©nergies renouvelables. Un film, Gasland, lui-mĂȘme au cĆur d'une controverse technique[7] a contribuĂ© Ă alerter les populations Ă ce sujet.
Les arguments du débat
Le bilan énergétique global
Les caractĂ©ristiques physico-chimiques du gaz de schiste sont les mĂȘmes que celles du gaz naturel, donc proches de celles du mĂ©thane. En consĂ©quence, sa combustion engendre du CO2, et son rejet accidentel dans l'atmosphĂšre accroĂźt les Ă©missions de gaz Ă effet de serre ; le mĂ©thane a un potentiel de rĂ©chauffement global 25 Ă 70 fois plus Ă©levĂ© que le CO2. Une Ă©tude prĂ©liminaire de l'universitĂ© de Cornwell semble indiquer que l'effet de serre engendrĂ© serait jusqu'Ă deux fois supĂ©rieur Ă celui de l'utilisation du charbon, notamment Ă cause des importantes fuites de mĂ©thane pendant l'exploitation[8]. Aussi le dĂ©ploiement Ă grande Ă©chelle de l'exploitation du gaz de schiste pourrait conduire Ă une augmentation drastique de l'effet de serre ces prochaines annĂ©es.
Les techniques d'extraction
Les opposants au gaz de schiste avancent plusieurs types d'impacts engendrés par les techniques d'exploitation du gaz de schiste.
Impacts sur le site
Les grandes quantitĂ©s d'eau rĂ©cupĂ©rĂ©es en surface, si elles ne sont pas traitĂ©es convenablement avant d'ĂȘtre rejetĂ©es dans l'environnement, peuvent engendrer des pollutions conduisant Ă un problĂšme sanitaire. Des volumes importants d'eau peuvent ĂȘtre contaminĂ©s par les produits chimiques injectĂ©s, mais aussi par les sels dissous lors du processus (mĂ©taux lourds, arsenic, sulfates, carbonates et Ă©ventuels radionuclĂ©ides provenant notamment du radon et de l'uranium naturellement prĂ©sents dans le sous-sol). Selon l'IFP, l'eau utilisĂ©e comme fluide de fracturation dans la houille ou les schistes bitumineux est gĂ©nĂ©ralement ensuite conservĂ©e dans des bassins de surface avant d'ĂȘtre transportĂ©e par camion-citerne ou rĂ©injectĂ©e dans le sol. Une partie de l'eau remontĂ©e est traitĂ©e sur place (dĂ©cantation, floculation, Ă©lectrocoagulation) et rĂ©injectĂ©e[4].
Un film documentaire intitulé Gasland[2] (2010), de Josh Fox, traite des impacts (sur l'eau et la santé notamment) de la fracturation hydraulique. On y voit notamment un exemple de dégazage de méthane dissous dans l'eau potable, assez important pour produire une flamme quand on présente un briquet devant le robinet au moment de son ouverture[2]. Le documentariste y met fortement en doute les affirmations des industriels sur la sécurité du procédé. Il y critique aussi l'exemption des dispositions du Safe Drinking Water Act (loi visant à sécuriser les ressources en eau potable et à en préserver la qualité) dont bénéficie cette industrie nouvelle, grùce au Energy Policy Act (Loi sur la politique énergétique) votée le 29 juillet 2005. Cette loi exempte les liquides utilisés dans le processus d'extraction du gaz par fracturation hydraulique des dispositifs de protection mis en place par le Clean Air Act, le Clean Water Act, le Safe Drinking Water Act, et le CERCLA[note 1]. Par un vide juridique elle libÚre les compagnies de l'obligation de publier la liste des produits chimiques employés dans les opérations de fracturation.
En Pennsylvanie, dĂ©but 2011, 71 000 forages d'exploitation de gaz de schiste sont actifs. Ils produisent une grande quantitĂ© dâeaux usĂ©es rejetĂ©es dans la riviĂšre Monongahela, qui alimente plus de 800 000 personnes notamment dans la ville de Pittsburgh. Ces eaux usĂ©es sont radioactives Ă des taux qui peuvent atteindre 1 000 fois les limites autorisĂ©es pour lâeau de boisson. Des niveaux un peu moins Ă©levĂ©s de radioactivitĂ© ont Ă©tĂ© observĂ©s dans la riviĂšre Delaware, qui alimente plus de 15 millions de personnes, dans la rĂ©gion de Philadelphie[9].
Enfin, l'exploitation du gaz de schiste est accusĂ©e d'abimer le paysage. Le rĂ©seau de gazoducs locaux doit s'adapter Ă la configuration changeante dans le temps du champ d'exploitation. Il faut terrasser, construire des routes et pistes pour l'accĂšs aux engins, enfouir un rĂ©seau de tuyaux (gazoduc), ce qui est source d'impacts Ă©copaysagers importants[10]. Ensuite, lâexploitation de cette ressource entraĂźnerait un impact considĂ©rable sur les paysages.
Impact sur les nappes phréatiques
L'exploitation de gaz de schiste est accusée de polluer les nappes phréatiques. Les multiples puits forés sont rarement cimentés sur toute leur longueur ; ce point dépend essentiellement de la législation du pays concerné. Le Texas par exemple exige une cimentation sur la profondeur concernée par la nappe phréatique et les nappes qui lui sont reliées, pas au-delà [11] ; en conséquence, on peut constater une migration des fluides en jeu d'une façon non souhaitée ; ce problÚme est typique de tous les forages (pétroliers, gaziers ou autres), et connu de longue date[12].
Les partisans du gaz de schiste avancent qu'on sait trÚs bien forer en profondeur (le gaz de schiste est plus bas que les nappes phréatiques) et traverser sans les altérer les nappes phréatiques.
Selon des Ă©tudes rĂ©centes [13], les techniques de forage nĂ©cessitent lâutilisation prĂšs de 600 produits chimiques[14] dont 90% sont toxiques, certains Ă©tant classĂ©s cancĂ©rigĂšnes, mutagĂšnes et reprotoxiques[15]. « On utilise dans les techniques de forage des centaines de produits chimiques qui sont pour la plupart toxiques, voire cancĂ©rigĂšnes. Ces polluants peuvent sâinfiltrer dans les nappes phrĂ©atiques, contaminer lâeau que nous consommons et donc avoir des effets sur notre santĂ©. Ă cela sâajoute la question du retraitement des eaux usĂ©es qui remontent Ă la surface et que nous ne savons pas traiter⊠» expliquait le Dr Pierre Souvet, PrĂ©sident de lâASEF dans un communiquĂ© de presse[16]. LâASEF sâest mobilisĂ©e pour lutter contre lâexploitation de ce gaz en France et a dĂ©noncĂ© ses dangers sur la santĂ©. Dans une dĂ©pĂȘche AFP datĂ©e du 28 aoĂ»t 2012, l'ASEF dĂ©nonçait les dangers de l'exploitation des gaz de schiste sur la santĂ©[17]. Trois jours plus tard, l'Amicale des foreurs et des mĂ©tiers du pĂ©trole (AFMP) s'insurgeait contre ces dĂ©clarations[18].
Consommation d'eau pour l'hydrofracturation
La technique s'appuie sur une trĂšs grande quantitĂ© de puits forĂ©s, chacun exigeant de grandes quantitĂ©s d'eau pour l'hydrofracturation, ce qui peut poser problĂšme dans les rĂ©gions oĂč l'eau de surface est rare. Une densitĂ© de plusieurs puits par kmÂČ est atteinte aux Ătats-Unis sur les sites exploitĂ©s de 2007 Ă 2010[4].
Tremblements de terre lors de la fracturation
En Grande-Bretagne, à Blackpool, deux tremblements de terre de magnitude 2,3 en avril 2011 et 1,5 en juin 2011 ont été détectés, d'aprÚs les sismologues, il y aurait un lien avec la technique de fracturation du schiste[19]
Le mardi 21 juin 2011, l'Arkansas Oil and Gas Commission (Commission du pétrole et du gaz de l'Arkansas), fait passer un moratoire, interdisant temporairement l'exploitation par fracturation, en raison de 1220 tremblements de terre recensés provenant de cette technique depuis le début de l'année et notablement un de magnitude 4,7 sur l'échelle de Richter[20].
Controverse et rĂ©glementation aux Ătats-Unis
Face à l'inquiétude croissante d'associations de consommateurs et à certains indices jugés préoccupants par les autorités américaines, et faute de données publiées par les opérateurs, l'EPA (Agence américaine de Protection de l'Environnement), missionnée par le congrÚs américain[21], a dû en septembre 2010 demander par courrier aux neuf plus grands opérateurs du secteur de lui envoyer (volontairement, et dans un délai d'un mois maximum, des informations « opportunes et complÚtes », dont une liste des additifs qui composent leur fluide hydrosiliceux de fracturation du sous-sol[4]. L'EPA rappelle dans son courrier que les industriels peuvent demander la confidentialité d'une partie des informations qui relÚveraient du secret commercial « Confidential Business Information »(CBI)[22] et qu'elles seront alors traitées comme telles.
LâEPA a demandĂ© par Ă©crit (lettre publique[23]) Ă chacune de ces entreprises de dĂ©crire et prĂ©ciser :
- la formulation des fluides de fracturation hydraulique (ou mélange) distribués ou utilisés par elles dans les cinq derniÚres années, avec pour chaque formulation ou mélange, et pour chaque composant du fluide (dont produits chimiques, biocide, matiÚres radioactives ou tout autre composant) les renseignements suivants : Nom chimique dans la nomenclature IUPAC (exemple : benzÚne) ; Formule chimique (exemple :C6H6) ; nombre CAS (Chemical Abstract System (exemple : 71-43-2) ; Fiche signalétique ; Concentration (par exemple : ng ou g/L) pour chaque constituant de chaque produit présent dans le fluide hydraulique de fracturation ;
- une liste des noms et coordonnées des fabricants et vendeurs de ces produits à la société ;
- si la concentration a été calculée ou déterminée analytiquement, la concentration du produit à la livraison sur le site, la méthode d'analyse (exemple : SW-846 Méthode 8260, à l'interne SOP) et de préparation de cette analyse (exemple : SW-846 Méthode 5035) utilisable pour déterminer la concentration ;
- les fonctions et usages de chaque constituant dans chaque produit utilisé dans les fluides de fracturation hydraulique (par exemple agent solvant, gélifiant, transporteur, etc.) ;
- les agents utilisĂ©s comme « proppants » (agent de soutĂšnement) et pour leur fabrication, en prĂ©cisant si ces proppants sont, ou non, enrobĂ©s de rĂ©sine (et si oui, en listant les produits utilisĂ©s dans le revĂȘtement de rĂ©sine) ;
- les quantités, qualités et spécifications de l'eau nécessaire pour répondre aux exigences du site, et la justification des exigences ;
- les quantités totales de tous les composants utilisés dans la fracturation hydraulique, et la quantité d'eau liée dans laquelle des produits chimiques ont été mélangés pour créer les fluides de fracturation, avec calcul et/ou mesures de la composition et des propriétés de ces fluides ;
- les propriétés chimiques et physiques de tous les produits chimiques utilisés, dont les coefficients de la loi de Henry, coefficients de partage (par exemple, Kow KOC, Kd), la solubilité aqueuse, produits de dégradation et les constantes et autres données utiles ;
- les données et études en sa possession, relatives à la santé humaine, à l'environnement et/ou aux effets des produits ou mélanges utilisés (pour tous les produits et composants identifiés dans la premiÚre partie du questionnaire, et pour toutes les opérations de fracturation hydraulique nécessaires à l'extraction du gaz naturel), ainsi qu'une description du processus utilisé, dont :
- les politiques, pratiques et procĂ©dures employĂ©es, normalisĂ©es ou non, concernant les sites fracturation hydrauliques, dont - mais sans s'y limiter : les forages destinĂ©s Ă la fracturation hydraulique, en incluant les calculs ou autres indications pour le choix et la composition des fluides ou boues de forage, les caractĂ©ristiques de qualitĂ© de l'eau nĂ©cessaire Ă la prĂ©paration fluide de fracturation ; les relations entre la profondeur, la pression, la tempĂ©rature, la couche et formation gĂ©ologique, la gĂ©ophysique, la chimie et la composition du fluide de fracturation et son volume prĂ©vu, la dĂ©termination des volumes estimĂ©s de reflux et des eaux produites, les procĂ©dures de gestion des eaux produites et de reflux ; les procĂ©dures prĂ©vues pour tenir compte de circonstances imprĂ©vues, dont perte de fluide ou de boue de forage, dĂ©versements, fuites ou toute situation d'urgence (par exemple blowout[note 2]) ; la modĂ©lisation et le choix faits des conditions de fracturation (pressions, tempĂ©ratures, et choix des produits de fracturation) ; la dĂ©termination des proportions exactes des constituants des formulations ou mĂ©langes utilisĂ©s dans les fluides hydrauliques, et la dĂ©termination des taux de dilution dans lâeau ;
- la modification du fluide de fracturation (et de sa composition) au fur et Ă mesure du processus dâinjection ;
- une liste des lieux oĂč la sociĂ©tĂ© ou nâimporte lequel de ses membres a fourni des services ou prestations de fracturation hydraulique lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente, ainsi que ceux oĂč cela serait prĂ©vu dans les 12 mois Ă venir⊠en dĂ©crivant pour chaque site les services fournis ou Ă fournir, avec l'identitĂ© de tout entrepreneur que la sociĂ©tĂ© a engagĂ© ou engagera pour ces actions.
Le , l'EPA a annoncé[24] que huit des neuf entreprises de fracturation hydrosiliceuse étaient convenues de fournir des informations pour aider l'Agence mener son étude d'impact, mais que la neuviÚme entreprise, Halliburton (déjà mis en cause dans l'explosion d'une plate forme pétroliÚre) avait omis d'envoyer ces informations. L'EPA a donc (le 9 novembre 2010) enjoint au groupe Halliburton de lui répondre (procédure de Subpoena, introduite dans le cadre du contrÎle de l'utilisation de substances toxiques et de respect de la loi (Clean Water Act)[25]. PrÚs d'un mois plus tard (3 décembre 2010), Halliburton répondait qu'il se conformerait aux demandes l'Agence, acceptant de fournir des informations, de maniÚre continue jusqu'au 31 janvier 2011. L'EPA se félicite de cet accord, en précisant que le subpoena reste en place en cas de non-application de cet accord.
Ă la suite de la dĂ©tection de radium-226 dans les cours dâeau drainant le champ gazier de Marcellus Shale, et Ă la suite d'une Ă©tude de l'EPA, le DOE et le DĂ©partement de la SantĂ© de lâĂtat de New-York) et General electric vont dĂ©penser 2 millions de dollars sur 2 ans pour dĂ©contaminer des sols et sĂ©diments polluĂ©s par la radioactivitĂ© libĂ©rĂ©e dans les riviĂšres Ă partir des produits utilisĂ©s ou remontĂ©s par les fluides de forages[26]
Controverse et réglementation au Québec
Pour les mĂȘmes raisons qu'aux Ătats-Unis, de nombreux citoyens du QuĂ©bec, associations et collectivitĂ©s s'inquiĂštent des impacts directs et indirects de l'exploitation par fracturation du sous-sol. De nombreuses manifestations ont eu lieu au QuĂ©bec en 2010 et 2011 pour demander un moratoire[27].
Les Québécois qui s'opposent aux forages demandent au gouvernement du Québec d'au moins imposer des études d'impacts plus complÚtes, et pour chaque exploitation (car la composition chimique des fluides de forage et des fluides de fracturation, ainsi que les risques géologiques et l'incertitude géologique diffÚrent ou varient en gravité selon le contexte géologique et écologique). Ce mode d'exploitation consomme en outre une grande quantité d'eau et semble pouvoir également en polluer des quantités significatives.
Le gouvernement québécois a exclu de l'exploitation gaziÚre l'estuaire du Saint-Laurent en raison de la vulnérabilité de son patrimoine naturel, de son importance écologique et du nombre de personnes qui y habitent.
En thĂ©orie, la loi[28] impose aux activitĂ©s gaziĂšres de respecter les habitats d'espĂšces menacĂ©es ou vulnĂ©rables, mais comme le soulignent certaines municipalitĂ©s[29], pour ĂȘtre appliquĂ©, il faudrait de vĂ©ritables Ă©tudes d'impacts ; au cas par cas, et une transparence des industriels sur les additifs qu'ils utilisent, et sur ce qu'ils deviennent ou deviendront ceux qui sont injectĂ©s et perdus dans le sous-sol avec une partie importante des fluides qui n'est ni remontĂ©e, ni traitĂ©e en profondeur par les exploitants.
DĂ©but 2011, un rapport d'enquĂȘte du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE)[30], un organisme chargĂ© de recueillir les opinions de l'industrie et de la population, rĂ©vĂšle que des Ă©manations « de gaz ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©es dans 11 sites » sur les 31 puits du QuĂ©bec. Ă la suite de cette information, les associations d'usagers ont demandĂ© un moratoire sur l'exploration de ces gaz controversĂ©s[31].
Controverse et réglementation en France
En France, la mobilisation dâopposants Ă lâexploitation des gaz de schiste a Ă©tĂ© remarquablement rapide et a Ă©tĂ© conjointement qualifiĂ©e de « mobilisation fulgurante » [32] ou de « mobilisation Ă©clair » [33] - [34].
Dates clés de la controverse
2010 : Le ministĂšre français chargĂ© de l'Ă©cologie a dĂ©livrĂ© en 2010 les premiers permis d'exploration couvrant dĂ©jĂ plus de 1 % du territoire, Ă Total-GDF-Suez dans le Sud-Est et Ă la firme amĂ©ricaine Schuepbach Energy LLC qui viserait l'exploitation des schistes du bassin sĂ©dimentaire de 4 400 km2 situĂ© sous le plateau du Larzac mais aussi, et surtout, en ArdĂšche. Selon Corinne Lepage, le groupe australien European Gas Limited aurait obtenu un permis d'exploration dans le Nord-Pas-de-Calais et d'autres permis en Lorraine, dans la Loire et les Bouches-du-RhĂŽne. La sociĂ©tĂ© Celtique Energie Petroleum SARL, filiale de la plus grande sociĂ©tĂ© exploitant des mines de charbon au Pays de Galles, a pour sa part bĂ©nĂ©ficiĂ© de deux arrĂȘtĂ©s du ministre de l'Ăcologie (publiĂ©s au Journal Officiel) lui accordant l'autorisation de « rechercher des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux », l'un en date du 4 mars 2008 pour une superficie de 3 269 km2 dans le dĂ©partement du Jura (dit « permis des MoussiĂšres »), l'autre en date du 20 aoĂ»t 2010 pour une superficie de 1 470 km2 dans le dĂ©partement du Doubs (dit « permis de Pontarlier »).
Bien qu'aucun de ces permis ne soient des permis d'exploitation de gisement d'hydrocarbures de roche-mÚre, deux députés européens, José Bové et Corinne Lepage, ont demandé fin 2010 un moratoire sur la prospection des gaz de schiste en France, notamment parce qu'ils craignent une nouvelle dégradation de la ressource en eau (10 000 à 15 000 m3 par forage[35]) et de pollution des nappes phréatiques par les hydrocarbures, et parce qu'elle est un frein de plus à la transition énergétique du fossile vers le renouvelable.
2011 : DĂ©but janvier 2011, le mouvement de protestation prend rapidement de lâampleur avec la demande de la communautĂ© de communes de Villeneuve-de-Berg dâun moratoire sur le gaz de schiste et dâun dĂ©bat public avant toute exploitation et le refus officielle de toute exploitation de gaz de schiste par 65 communes dans la seule rĂ©gion du Languedoc-Roussillon.
Face Ă ces inquiĂ©tudes, en fĂ©vrier 2011, les ministres de l'Ănergie Ăric Besson et de l'Ăcologie Nathalie Kosciusko-Morizet commandent un rapport pour l'Ă©valuation des enjeux (notamment environnementaux) des gaz de schiste au Conseil gĂ©nĂ©ral de l'industrie, de l'Ă©nergie et des technologies (CGIET) et au Conseil gĂ©nĂ©ral de l'environnement et du dĂ©veloppement durable (CGEDD). Sa publication, initialement prĂ©vue pour le 31 mai 2011, a Ă©tĂ© repoussĂ©e au mois de fĂ©vrier 2012. Dans ses conclusions gĂ©nĂ©rales[36], le rapport souligne que l'irruption du sujet dans l'espace public français n'a pas permis un dĂ©bat technique et dĂ©mocratique serein, et que si les techniques utilisĂ©es sont sĂ©parĂ©ment connues de longue date, la combinaison de celles-ci et l'utilisation Ă grande Ă©chelle a suscitĂ© des craintes. Rappelant que le principe de prĂ©caution et la loi du 13 juillet 2011 militent pour ne pas cĂ©der Ă l'immobilisme, le rapport conjoint suggĂšre :
- d'engager les travaux dâĂ©laboration d'une rĂ©glementation spĂ©cifique aux techniques liĂ©es aux hydrocarbures de roche-mĂšre, en sâinspirant fortement des meilleurs travaux en cours aux Ătats-Unis
- de susciter des collaborations, dans lâesprit des pĂŽles de compĂ©titivitĂ©, entre les diffĂ©rents acteurs du secteur pour la rĂ©alisation des expĂ©rimentations scientifiques
- de participer activement à des échanges entre pays européens en vue de développer les meilleures
pratiques.
De la premiĂšre coordination locale crĂ©Ă©e Ă Millau le 4 fĂ©vrier 2011 Ă la premiĂšre coordination nationale organisĂ©e Ă Valence le 26 fĂ©vrier 2011, il nâaura fallu que trois semaines aux opposants aux gaz de schiste pour se structurer [33]. La mobilisation anti gaz de schiste continue de grandir pendant les mois de mars et dâavril avec notamment l'organisation d'un Ă©vĂ©nement d'envergure nationale organisĂ©e par des comitĂ©s franciliens anti gaz de schiste Ă Meaux le 16 avril 2011.
En parallÚle, une mission d'information s'est constituée à l'Assemblée nationale. Elle a rendu son rapport le 8 juin 2011, concluant sur le constat d'un désaccord entre ses deux rapporteurs[37].
AprĂšs le dĂ©pĂŽt par les dĂ©putĂ©s socialistes d'une proposition de loi[38] devant ĂȘtre examinĂ©e le 12 mai 2011, la majoritĂ© de droite a annoncĂ© une initiative identique[39]. Deux dĂ©putĂ©s (PS et UMP) ont prĂ©alablement dĂ©posĂ© une rĂ©solution[40] en vue de la constitution d'une commission d'enquĂȘte parlementaire.
En mai 2011, plus de 110 000 personnes avaient signĂ© une pĂ©tition contre l'exploitation de gaz de schiste par un procĂ©dĂ© chimique que les Ă©cologistes estiment trĂšs polluant pour l'environnement. AprĂšs cinq mois de contestation, les dĂ©putĂ©s ont votĂ© le 11 mai 2011 une proposition de loi UMP du dĂ©putĂ© de Seine-et-Marne Christian Jacob, Ă©laborĂ©e « au nom du principe de prĂ©caution » et avec le soutien du gouvernement. Celle-ci interdit lâexploration et lâexploitation des « hydrocarbures liquides ou gazeux » par « des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche » (cf annexe texte de loi). La mĂ©thode, accusĂ©e par les Ă©cologistes de polluer les nappes phrĂ©atiques, consiste Ă injecter de grandes quantitĂ©s dâeau et de produits chimiques afin de briser la roche pour en extraire ensuite le gaz. Les titulaires des permis dĂ©jĂ dĂ©livrĂ©s ont ensuite eu deux mois pour prĂ©ciser leur mĂ©thode d'exploration : s'ils souhaitaient continuer Ă utiliser la fracturation hydraulique leurs permis seraient annulĂ©s. Cette loi, dite loi Jacob, est votĂ©e Ă 287 voix pour (principalement la majoritĂ© UMP) et 186 voix contre (opposition socialiste et communiste)[41]. Elle fait de la France le premier pays au monde Ă mettre en Ćuvre un tel dispositif lĂ©gislatif.
Le PDG de Total a dit regretter l'interdiction votĂ©e par l'AssemblĂ©e nationale de la technique de la fracturation hydraulique et vouloir rechercher une autre solution pour explorer les sols et des moyens plus « propres » pour exploiter le gaz de schiste[42], prĂ©cisant que « ce qui a Ă©tĂ© votĂ© n'exclut pas la possibilitĂ© pour les compagnies de rester titulaires de leurs droits miniers, ce qui est d'ailleurs assez habile [âŠ] On va garder nos droits et puis faire en sorte qu'un jour les gens comprennent qu'on puisse faire de la fracturation hydraulique de maniĂšre propre ». DĂ©but septembre, le groupe a annoncĂ© ne pas prĂ©voir de recours Ă la technique de fracturation hydraulique[43].
Ă la suite de Total, tous les dĂ©tenteurs de permis ont affirmĂ© qu'ils ne recourraient pas non plus Ă la technologie de la fracturation hydraulique. Si ces derniers respectent effectivement la loi, le gouvernement a tout intĂ©rĂȘt Ă leur laisser les permis : grĂące au code minier, les rĂ©sultats des recherches exploratoires seront totalement libres d'accĂšs pour lâĂtat. Par ailleurs, quand bien mĂȘme des rĂ©serves seraient prouvĂ©es, rien ne force Ă proroger les permis ou Ă autoriser lâexploitation[44].
Les 26-27-28 aoĂ»t 2011, le mouvement dâopposition perdure nĂ©anmoins avec le rassemblement fin de 15 000 personnes Ă LĂ©zan, Gard et la rĂ©daction dâune dĂ©claration politique Ă©largissant la question de lâopposition Ă lâexploitation des gaz de schiste Ă celle de la transition Ă©nergĂ©tique [45].
Le 3 octobre 2011, trois permis jugĂ©s litigieux (sur 64 existants[46]), lâun appartenant au Français Total, les deux autres Ă l'AmĂ©ricain Schuepbach, ont Ă©tĂ© annulĂ©s[47]. Quelques mois aprĂšs ces annulations, Total a annoncĂ© quâil allait dĂ©poser un recours contre l'abrogation de son permis dit de MontĂ©limar[48].
2012 : Le 14 septembre 2012, le dĂ©putĂ© UMP et ancien ministre de l'Industrie Christian Estrosi demande la mise en place d'une commission d'enquĂȘte parlementaire[49] sur l'exploitation des gaz de schiste en France afin d'Ă©tudier les consĂ©quences, les avantages et les inconvĂ©nients de l'exploitation de ces hydrocarbures au regard des nouveaux Ă©lĂ©ments scientifiques, techniques et environnementaux.
Le rapport Gallois sur la compĂ©titivitĂ© remis au gouvernement Ayrault le 5 novembre 2012 repose la question de lâexploitation des gaz de schiste en prĂ©conisant la poursuite des recherches alternative Ă la fracturation hydraulique. Le gouvernement ne donnera pas suite aux prĂ©conisations du rapport en ne retenant pas « la reprise des recherches sur lâexploitation sur les gaz de schiste parmi les grands projets destinĂ©s Ă relancer la compĂ©titivitĂ© ». Toutefois, le 13 novembre 2012, le PrĂ©sident François Hollande dĂ©clare que la recherche sur d'autres techniques que la fracturation hydraulique "continue" en prĂ©cisant que "Tant qu'il n'y a pas de nouvelle technique, j'ai dit que durant mon quinquennat il n'y aurait pas d'autorisation de permis d'exploration des gaz de schiste." [50].
Arguments des promoteurs de lâexploitation du gaz de schiste en France
La France est dĂ©pendante des autres pays pour sa consommation de gaz. Elle en importe notamment de la Russie, des Pays-Bas, de l'AlgĂ©rie et de la NorvĂšge. Depuis les annĂ©es 1970, la consommation de gaz a augmentĂ© plus rapidement que celle des autres Ă©nergies[51]. Les principaux consommateurs de gaz en France sont le secteur tertiaire, le rĂ©sidentiel et l'industrie. Moins de 2 % de cette consommation provient de la production nationale[51]. C'est avant tout dans un but d'indĂ©pendance, du moins partielle, du point de vue Ă©nergĂ©tique que la France veut dĂ©velopper les exploitations de ces hydrocarbures de roche-mĂšre (selon la presse, qui se base sur une « estimation initiale » des « ressources possibles » effectuĂ©e par l'EIA, qui la qualifie elle-mĂȘme d'« incertaine compte tenu de la raretĂ© des donnĂ©es existantes », « son exploitation permettrait Ă la France de couvrir sa consommation annuelle de gaz sans importation pendant 100 ans »[52] - [53]).
L'exploitation de ce gaz a permis aux Ătats-Unis d'augmenter trĂšs largement leur production de gaz et ils sont ainsi passĂ©s d'importateurs Ă exportateurs de gaz, ce qui a ainsi contribuĂ© Ă la baisse du prix du gaz dans le pays. Cette chute du prix profite aux industriels amĂ©ricains au dĂ©triment des EuropĂ©ens en particulier dans le secteur de la chimie et de la pĂ©trochimie, avec un Ă©cart de compĂ©titivitĂ© croissant de part et dâautre de lâAtlantique et des transferts de capacitĂ©s considĂ©rables depuis lâEurope et lâAsie vers les Ătats- Unis[54]. Ainsi, pour certains industriels europĂ©ens tels que GDF Suez, la question du gaz de schiste mĂ©rite d'ĂȘtre Ă©tudiĂ©e : "de nombreuses Ă©tudes sont rĂ©alisĂ©es, nous participons Ă l'Ă©valuation du potentiel de gaz non conventionnel en Europe" a ainsi indiquĂ© Jean-François Cirelli[55].
Controverse et réglementation en Europe
GĂŒnther Oettinger, commissaire europĂ©en Ă lâĂnergie, a dĂ©clarĂ© en septembre au sujet des gaz non conventionnels qu'il souhaitait "des normes communes de protection de l'environnement, pour que les Ătats membres puissent accorder des autorisations d'exploitation dans un cadre clair"[56]. Il a ajoutĂ© que les Ă©tats membres devaient avoir "de hautes exigences en matiĂšre de sĂ©curitĂ© et de normes environnementales"[57].
Notes et références
Notes
- Le CERCLA (Comprehensive Environmental Response, Compensation, and Liability Act) de 1980 est une loi fédérale visant à la dépollution des sites contaminés par des substances dangereuses
- Blowout désigne dans ce contexte une perte brutale et explosive en surface de fluide, gaz ou matiÚre, avec éventuel incendie ; exemples de blowout : 1 2 et 3, sur Flickr, dans la catégorie Blowouts, Explosions & Fires
Références
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- Fac-simile Courrier de mise en demeure (Subpoena) envoyée par l'EPA pour Halliburton (2pp, PDF, 516K) et citation à comparaßtre envoyée par l'EPA pour Halliburton (PDF)
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