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Bataille d'Orbetello

La bataille d'Orbetello ou d'Orbitello est une double bataille livrée pendant la guerre de Trente Ans. C'est un affrontement terrestre mené de mai à à Orbetello, ville forte toscane assiégée par les Français, et une bataille navale donnée le entre la flotte française chargée de soutenir le siège et une flotte espagnole de secours. C'est au départ un succès français, avec le débarquement réussi du corps expéditionnaire en Toscane. L'opération s'enlise par la suite à cause de la mort de l'amiral français tué dans la bataille navale, avant de tourner à l'échec complet avec la fuite des troupes terrestres. L'opération vaut de sévères critiques à Mazarin, son organisateur, et ne satisfait pas le roi d'Espagne, qui s'attendait à un succès plus éclatant de ses forces. Cette bataille, qui ébranle malgré tout la puissance espagnole en Méditerranée, n'a pas de conséquences immédiates sur un conflit qui va durer entre les deux pays jusqu'en 1659.

Bataille d'Orbetello
Description de cette image, également commentée ci-après
La bataille navale et le siège d'Orbetello
Informations générales
Date Mai-juillet pour le siège, pour la bataille navale
Lieu Orbetello
Issue Indécis : victoire navale française, succès espagnol terrestre
Commandants
Marquis de Maillé-Brézé †
Thomas de Savoie
Comte du Daugnon
Francisco DĂ­az Pimienta (es)
Comte de Linhares (en)
Forces en présence
16 vaisseaux
20 galères
8 brûlots
22 vaisseaux
30 galères
10 brûlots

Guerre de Trente Ans

Batailles

CoordonnĂ©es 42° 26′ nord, 11° 13′ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Italie
(Voir situation sur carte : Italie)
Bataille d'Orbetello
GĂ©olocalisation sur la carte : Toscane
(Voir situation sur carte : Toscane)
Bataille d'Orbetello

Le contexte en 1646 : la guerre acharnée contre l'Espagne

La France est en guerre contre les Habsbourg d'Espagne et de Vienne depuis 1635. La flotte française mène une lutte acharnée en Méditerranée contre les forces espagnoles et a déjà remporté de nombreux succès (bataille de Guetaria, de Vado, de Barcelone, de Carthagène). En 1646, Mazarin, qui a succédé à Richelieu mort en 1642, décide de porter la guerre jusqu'en Italie en y envoyant une forte expédition. Le cardinal a trois objectifs :

  • Couper les communications espagnoles en MĂ©diterranĂ©e. Celles-ci, dĂ©jĂ  très amoindries par la victoire française de Vado, passent par les PrĂ©sides de Toscane, puis GĂŞnes, pays amis. Les forces espagnoles peuvent ensuite gagner le Milanais, traverser les Alpes et dĂ©boucher en Allemagne oĂą la guerre fait rage. Pour Mazarin, cette opĂ©ration doit permettre de verrouiller la Toscane et d'Ă©branler aussi l'influence espagnole sur l'Italie, entre autres Ă  Rome[1].
  • RĂ©agir contre l'Ă©lection d'Innocent X, un pape favorable Ă  l'Espagne. Cette Ă©lection est un coup dur pour la France, mais il peut ĂŞtre rapidement contrebalancĂ© si le dĂ©barquement est un succès. Il ne s'agit pas d'envahir les États pontificaux, mais de forcer Innocent X Ă  rĂ©flĂ©chir avant de donner des rĂ©ponses favorables aux demandes de Madrid[1].
  • Le dernier objectif est le plus ambitieux : chasser les Espagnols d'Italie. Mazarin, lui-mĂŞme d'origine italienne, souffre de la domination de l'Espagne sur l'Italie et rĂŞve d'en expulser celle-ci[1]. Après le dĂ©barquement sur les PrĂ©sides, la flotte doit se diriger sur Naples, prendre la ville par surprise et placer sur le trĂ´ne napolitain le prince Thomas de Savoie, Ă  qui est confiĂ© le commandement de l'expĂ©dition[1].

Il s'agit donc d'une très grosse opĂ©ration. En secret, la flotte s'arme Ă  Toulon. Pour dĂ©barquer Ă  Orbetello, Mazarin, qui connaĂ®t très bien le terrain, prĂ©pare avec minutie la campagne et Ă©tablit le calendrier des opĂ©rations. Le commandement de la flotte est confiĂ© au jeune amiral de MaillĂ©-BrĂ©zĂ© qui s'est illustrĂ© lors des prĂ©cĂ©dentes batailles contre l'Espagne. La flotte appareille le . Le duc de MaillĂ©-BrĂ©zĂ© et le commandeur des Gouttes embarquent sur l’Admiral. Le vice-amiral, le Comte du Daugnon et le chef d'escadre de Montigny embarquent Ă  bord du Dunkerque. MaillĂ©-BrĂ©zĂ© dispose de 16 vaisseaux, 20 galères, 8 brĂ»lots, 4 flĂ»tes, 68 barques ou tartanes. Ă€ son bord, 5 000 fantassins, 500 cavaliers, de l'artillerie et du ravitaillement[2].

Combats terrestres et bataille navale

Les vaisseaux et galères de Maillé-Brézé assurent avec succès le débarquement, mais le siège d'Orbetello s'enlise.
La bataille navale tourne à l'avantage des Français, mais Maillé-Brézé trouve la mort sur son vaisseau le Grand Saint-Louis, ce qui coupe court à l'exploitation de la victoire.

L'armĂ©e navale longe sans encombre les cĂ´tes de Provence et le Ligurie. Le 9 mai, elle mouille Ă  San Stefano. MaillĂ©-BrĂ©zĂ© dĂ©barque les 400 hommes du comte du Daugnon, qui occupe Talamone, la tour des Salines puis s'empare du fort San Stefano. Le 13 et , on dĂ©barque l'artillerie. Or, la rĂ©gion, qui compte de nombreux marais, est très insalubre et il aurait fallu entrer en campagne beaucoup plus tĂ´t : avec les premières chaleurs, la rĂ©gion exhale des miasmes pestilentiels[3]. Il faudrait neutraliser rapidement Orbetello. Mais le prince Thomas se rĂ©vèle un piètre stratège. Il nĂ©glige d'assurer ses arrières, perd du temps, ce qui laisse le temps aux 200 hommes de la garnison d'Orbetello de se retrancher. Le siège s'enlise. Les maladies et les dĂ©sertions font fondre les effectifs français. La flotte, restĂ©e au large en soutien, surveille les environs et n'ose s'approcher de crainte de s'Ă©chouer[3]. Ă€ Paris, Ă  la lecture des dĂ©pĂŞches, Mazarin s'Ă©tonne et s'impatiente : « C'est une Ă©trange affaire que de passer un fossĂ© en Italie. »[4]

Ces lenteurs permettent aux Espagnols de rĂ©agir en combinant des vaisseaux venus d'Espagne renforcĂ©s par les galères de Naples, de Sardaigne et de Sicile. Le , Ă  l'aube, la flotte espagnole de l'amiral don Francisco DĂ­az Pimienta (es) est en vue. Il dispose de 22 vaisseaux, 30 galères, des brĂ»lots, des flĂ»tes[2] et porte avec lui 3 300 soldats pour secourir la place[5]. En voyant l'ennemi, MaillĂ©-BrĂ©zĂ© s'empresse de faire remorquer ses vaisseaux par les galères afin de ne pas ĂŞtre surpris au mouillage par l'assaillant. Puis, il met sa flotte en ordre de bataille. Il la divise en trois groupes de six navires : au centre, le corps de bataille qu'il commande Ă  bord du Grand Saint-Louis. Ă€ bâbord, la division du comte du Daugnon qui porte sa marque au mât de misaine de la Lune. Enfin Ă  tribord, la division du contre-amiral de Montigny qui monte le Soleil. Six autres vaisseaux de rĂ©serve sont laissĂ©s au commandement de Montade.

BientĂ´t les deux flottes arrivent au contact mais le vent manque et il faut faire remorquer les vaisseaux par les galères. Lorsque celui-ci se lève enfin, on entame la canonnade. Le combat tourne Ă  la mĂŞlĂ©e gĂ©nĂ©rale typique des affrontements navals de cette Ă©poque. Les vaisseaux et galions cherchent le duel individuel au canon ou Ă  l'abordage, la tactique de la ligne de file, caractĂ©ristique des combats navals d'après 1650, n'ayant pas encore Ă©tĂ© thĂ©orisĂ©e. Le Grand Saint-Louis dĂ©mâte le Santiago navire amiral espagnol. Au terme d'une longue mĂŞlĂ©e, les deux flottes sont fortement endommagĂ©es. Les Espagnols perdent la frĂ©gate Santa Catalina, brĂ»lĂ©e par son propre Ă©quipage pour Ă©viter la capture. Le galion Testa de Oro subit de gros dommages[5]. Deux vaisseaux français ont des avaries importantes et un brĂ»lot explose. Au crĂ©puscule, les Espagnols se retirent. La victoire revient Ă  l'escadre française, mais Ă  ce moment, un des derniers boulets frappe en pleine tĂŞte MaillĂ©-BrĂ©zĂ©, qui disparaĂ®t prĂ©maturĂ©ment Ă  27 ans[2].

Il peut arriver que la mort du chef change totalement le cours des évènements. C'est le cas ici. La victoire navale reste sans lendemain, car Du Daugnon, qui prend la commandement après la mort de Maillé-Brézé, ne poursuit pas les Espagnols en fuite. Dans la nuit, sous prétexte de faire réparer des avaries, il appareille pour gagner Toulon et Marseille, abandonnant littéralement le corps expéditionnaire et la flotte de transport. Les Espagnols reviennent sur Orbetello pour soulager la garnison, mais une tempête disperse leurs navires pendant la nuit et leur coûte une galère, tout comme aux Français en fuite. Il n'en reste pas moins que le corps expéditionnaire, privé de soutien, est condamné. La flotte espagnole, qui s'est reformée, débarque les troupes de renfort et saisit ou détruit les navires de transport, mais sans parvenir à secourir immédiatement la place. Le siège est finalement levé le , après un mois de combats d'arrière garde et l'arrivée d'une autre force espagnole qui a traversé les États pontificaux depuis Naples[3]. La troupe française se disloque : le prince Thomas s'enfuit avec la cavalerie en direction de la Savoie en abandonnant l'infanterie à son triste sort. Cette dernière est évacuée par quelques navires, mais l'artillerie et les bagages sont perdus[3]. Selon l'expression d'un contemporain, « le coup de canon qui avait tué par hasard Brézé avait ruiné l'entreprise. »[6]

Des conséquences politico-militaires complexes

Cet Ă©chec vaut Ă  Mazarin de sĂ©vères critiques. L'opinion française, qui ne comprend pas l'utilitĂ© de cette expĂ©dition, impute son Ă©chec Ă  l'ambition personnelle de Mazarin. Le Journal d'Olivier Lefèvre d'Ormesson se fait l'Ă©cho de ces rĂ©criminations : c'est « sa guerre (…), une entreprise faite seulement pour montrer au pape son autoritĂ© en France (…), mais qui ne rĂ©ussirait qu'Ă  sa honte, parce qu'il avait envoyĂ© lĂ  de bonnes troupes qui eussent bien servi ailleurs[7] et qui pĂ©rirent devant Orbetello, non seulement par la rĂ©sistance des ennemis, mais par la corruption de l'air, oĂą les habitants ne peuvent vivre[8]. » Les dĂ©vots y ajoutent qu'il est impie de faire la guerre au pape, mĂŞme par Espagnols interposĂ©s et que Dieu l'en a puni… L'Ă©chec provoque aussi une crise ministĂ©rielle car il faut trouver un successeur Ă  MaillĂ©-BrĂ©zĂ© qui occupait la charge capitale d'Amiral, autrement dit la surintendance de toute la marine française. Les clans nobiliaires reprĂ©sentĂ©s dans le gouvernement se disputent la charge qui dispose aussi de très gros revenus et Mazarin, qui ne veut renforcer aucun d'entre eux, pousse la reine Ă  s'approprier le poste faute de mieux, ce qui ne fait que renforcer son impopularitĂ©[8].

CĂ´tĂ© espagnol on se montre aussi très mĂ©content du rĂ©sultat. Le roi Philippe IV, qui s'attendait Ă  ce que l'escadre française fĂ»t dĂ©truite, relève de leurs commandements le comte de Linhares (en) et l'amiral Pimienta. Les deux hommes, accusĂ©s de mauvaise gestion et d'avoir abandonnĂ© leurs troupes, sont jetĂ©s en prison. La flotte espagnole sort en crise de cette affaire, alors qu'elle n'a pas vĂ©ritablement dĂ©mĂ©ritĂ© et que l'attaque française sur l'Italie a Ă©tĂ© repoussĂ©e, 6 000 soldats napolitains sont transportĂ©s Ă  Valence pour lutter contre les armĂ©es françaises engagĂ©es en Catalogne[9]. Le rĂ©pit est cependant de courte durĂ©e car Mazarin, s'il renonce Ă  s'en prendre Ă  Naples, relance en 1647 l'opĂ©ration sur la Toscane. Celle-ci, menĂ©e par des gĂ©nĂ©raux expĂ©rimentĂ©s sur un terrain un peu plus favorable au nord d'Orbetello, sera cette fois un plein succès avec la prise de Porto-Longone sur l'Ă®le d'Elbe, et Piombino sur la cĂ´te italienne[10]. La guerre, encore incertaine en 1646-1647, va peu Ă  peu basculer en faveur de la France.

Galerie

  • Mazarin prĂ©pare avec soin l'expĂ©dition qui est dirigĂ©e Ă  la fois contre la domination espagnole en Italie, et contre le pape qui n'est pas favorable Ă  la France.
    Mazarin prépare avec soin l'expédition qui est dirigée à la fois contre la domination espagnole en Italie, et contre le pape qui n'est pas favorable à la France.
  • Le jeune et talentueux duc de MaillĂ©-BrĂ©zĂ© reçoit le commandement de l'escadre qui doit couvrir le dĂ©barquement dans les PrĂ©sides de Toscane.
    Le jeune et talentueux duc de Maillé-Brézé reçoit le commandement de l'escadre qui doit couvrir le débarquement dans les Présides de Toscane.
  • Les PrĂ©sides de Toscane sont un petit État italien qui est utilisĂ© par les Espagnols pour faire passer des troupes vers l'Allemagne et dont la France veut se saisir.
    Les Présides de Toscane sont un petit État italien qui est utilisé par les Espagnols pour faire passer des troupes vers l'Allemagne et dont la France veut se saisir.
  • Le prince Thomas de Savoie commande les troupes dĂ©barquĂ©es Ă  Orbetello, mais se rĂ©vèle un mĂ©diocre stratège incapable de prendre la ville.
    Le prince Thomas de Savoie commande les troupes débarquées à Orbetello, mais se révèle un médiocre stratège incapable de prendre la ville.
  • Le siège d'Orbetello est un Ă©chec français. MalgrĂ© sa victoire, la flotte se replie et le corps de dĂ©barquement, attaquĂ© par des renforts espagnols, se disloque.
    Le siège d'Orbetello est un échec français. Malgré sa victoire, la flotte se replie et le corps de débarquement, attaqué par des renforts espagnols, se disloque.
  • MalgrĂ© l'Ă©chec de l'expĂ©dition française, le roi d'Espagne se montre très mĂ©content des rĂ©sultats de sa flotte et dĂ©met de leur commandement ses amiraux.
    Malgré l'échec de l'expédition française, le roi d'Espagne se montre très mécontent des résultats de sa flotte et démet de leur commandement ses amiraux.

Notes et références

  1. Berthière 2007, p. 268-269. Les Espagnols donnent le nom de « présides » aux postes fortifiés qu'ils possèdent en terre étrangère. Les présides de Toscane comprennent Porto Ercole, Orbetello, Porto San Stefano, Talamone, Ansedonia, Porto Longone (île d'Elbe).
  2. Vergé-Franceschi 2002, p. 1087.
  3. Berthière 2007, p. 270.
  4. Anecdote citée par Le Moing 2011, p. 211-212.
  5. Fernández Duro. Armada española desde la Unión de los Reinos de Castilla y de León. p. 360-376.
  6. Cité par Le Moing 2011, p. 211-212.
  7. C'est-à-dire dans les zones où sont engagées les plus fortes armées françaises : les Flandres et l'Allemagne.
  8. Berthière 2007, p. 270-271.
  9. Stradling. Spain's struggle for Europe, 1598-1668. p. 255.
  10. Berthière 2007, p. 271.

Voir aussi

Sources et bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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