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Australopithecus garhi

Australopithecus garhi est une espèce Ă©teinte d’Hominina appartenant au genre Ă©galement Ă©teint des australopithèques, ayant vĂ©cu au dĂ©but du PlĂ©istocène infĂ©rieur (GĂ©lasien), il y a environ 2,5 millions d’annĂ©es, dans la rĂ©gion Afar, en Éthiopie. Les premiers fossiles attribuĂ©s Ă  cette espèce ont Ă©tĂ© dĂ©couverts en 1997 dans la formation gĂ©ologique de Bouri, dans le moyen-Awash, et l'espèce a Ă©tĂ© dĂ©crite en 1999. Comme les autres espèces d'australopithèques, A. garhi a un volume cĂ©rĂ©bral d'environ 450 cm3, une mâchoire prognathe, et des molaires et prĂ©molaires plus volumineuses que le genre Homo. Des fossiles postcrâniens trouvĂ©s au voisinage mais dont l'attribution reste incertaine montrent une locomotion bipède et des membres supĂ©rieurs ayant conservĂ© une capacitĂ© arboricole. Ils laissent envisager un dimorphisme sexuel comparable aux autres espèces d'australopithèques.

Les découvreurs d'A. garhi ont envisagé, pour la première fois s'agissant d'une espèce pré-Homo, qu'il ait pu fabriquer des outils lithiques, en raison d'ossements animals présentant des marques de découpe trouvés à proximité des fossiles, mais il n'existe pas encore de preuves suffisamment solides pour l'assurer. Les chercheurs n'excluent pas aujourd'hui que les premiers outils lithiques aient été fabriqués dès le Pliocène par des australopithèques plutôt que par Homo habilis, comme on l'a longtemps supposé.

Historique

Localisation du moyen-Awash, où furent découverts les fossiles d'Australopithecus garhi

Australopithecus garhi a été décrit en 1999 par les paléoanthropologues Berhane Asfaw, Timothy White, Owen Lovejoy (en), Bruce Latimer, Scott Simpson et Gen Suwa (en) sur la base de fossiles découverts peu auparavant dans les niveaux Hatayae de la formation géologique de Bouri (en), dans le Moyen-Awash (en), dans la région Afar, en Éthiopie.

Comme les caractéristiques d'A. garhi étaient inattendues aux yeux des découvreurs, l'espèce a reçu l'épithète spécifique garhi, qui signifie « surprise » dans la langue locale afar[1] - [2].

Fossiles

Fossiles de l'hypodigme

Le spécimen holotype, un crâne partiel (BOU-VP-12/130), a été découvert le par le paléoanthropologue éthiopien Yohannes Haile-Selassie.

Le , le paléoanthropologue français Alban Defleur avait découvert une mandibule complète (BOU-VP-17/1) à environ km au nord, dans la localité d'Esa Dibo de la formation Bouri.

Fossiles voisins

Les premiers fossiles attribuables au genre des australopithèques ont Ă©tĂ© dĂ©couverts sur le site de Bouri en 1996. Ils comprennent un ulna (cubitus) adulte (BOU-VP-11/1), dĂ©couvert le par T. Assebework, et un squelette partiel (BOU-VP-12/1), dĂ©couvert 13 jours plus tard par Timothy White, incluant un fĂ©mur gauche, un humĂ©rus droit, un radius et un ulna, un fibula (pĂ©ronĂ©), un pied et une mandibule partiels. D'autres fragments de crâne (BOU-VP-12/87) ont Ă©tĂ© collectĂ©s Ă  50 mètres au sud de BOU-VP-12/1. Le palĂ©oanthropologue amĂ©ricain David DeGusta a dĂ©couvert un humĂ©rus (BOU-VP-35/1) Ă  km au nord de BOU-VP-17/1.

Cependant, BOU-VP-11, -12 et -35 ne peuvent pas être attribués de manière assurée à Australopithecus garhi[1].

Autres fossiles

Des restes d'Hominina découverts en 1990 sur deux sites proches - un os pariétal partiel (GAM-VP-1/2), une mandibule gauche (GAM-VP-1/1) et un humérus gauche (MAT-VP-1/1) - sont inattribuables à un genre précis.

Datation

Les fossiles de l'hypodigme sont datĂ©s d'environ 2,5 millions d'annĂ©es sur la base d'une datation argon-argon.

Description

Comme les autres espèces d'australopithèques, A. garhi a un volume cĂ©rĂ©bral d'environ 450 cm3, une lĂ©gère crĂŞte sagittale longeant la ligne mĂ©diane du crâne et une mâchoire prognathe. Les dents postcanines, molaires et prĂ©molaires, sont massives (mĂ©gadontie post-canine (en)), similaires ou supĂ©rieures Ă  celles des autres australopithèques et de Paranthropus robustus, espèce Ă  grandes dents[1].

Comme Australopithecus afarensis, trouvé dans la même région, A. garhi a un rapport humérus / fémur semblable à celui d'un humain, mais un index brachial (rapport entre le bras inférieur et le haut du bras) semblable à un chimpanzé, ainsi que des phalanges de la main incurvées[1]. Ceci est généralement interprété comme une adaptation à une locomotion bipède tout en conservant une capacité arboricole pour pouvoir saisir des fruits dans les arbres[3].

Le spĂ©cimen d'humĂ©rus cataloguĂ© BOU-VP-35/1 est nettement plus grand que l'humĂ©rus du squelette BOU-VP-12/1, ce qui pourrait indiquer un dimorphisme sexuel, avec des mâles plus gros que les femelles, Ă  un degrĂ© similaire Ă  ce qui est constatĂ© chez A. afarensis. Cela pourrait toutefois reprĂ©senter une variabilitĂ© normale au sein de l'espèce car il est difficile de conclure sur la base de seulement deux spĂ©cimens. Dans la première hypothèse, BOU-VP-12/130 est considĂ©rĂ© comme un mâle et BOU-VP-17/1 comme une femelle. Les paranthropes contemporains d'Afrique de l'Est ont Ă  peu près la mĂŞme taille qu'A. garhi[1], estimĂ©e pour les mâles Ă  environ 140 cm[2].

Les australopithèques auraient eu des taux de croissance rapides et semblables à ceux des chimpanzés, sans l'enfance prolongée typique d'Homo sapiens. Cependant, les jambes d'A. garhi seraient longues, contrairement à celles d'autres australopithèques, et, chez Homo sapiens, des membres allongés se développent pendant la poussée de croissance retardée de l'adolescence. Cela pourrait signifier qu'A. garhi, par rapport aux autres australopithèques, aurait eu soit une croissance globale plus longue, soit un taux de croissance des jambes plus rapide[3].

Phylogénie

En Afrique de l'Est, les fossiles d'Hominina datĂ©s entre 3 et 2 millions d'annĂ©es sont rares, Ă  l'exception des vestiges de Paranthropus aethiopicus, contrairement Ă  l'Afrique du Sud qui a livrĂ© de nombreux fossiles d'Australopithecus africanus datĂ©s de cette pĂ©riode.

Les descripteurs originaux considéraient A. garhi comme un descendant d'Australopithecus afarensis, l'ayant trouvé dans la même région, principalement sur la base de similitudes dentaires. Bien qu'ils aient attribué les fossiles au genre Australopithecus, ils ont avancé l'idée qu'A. garhi pourrait représenter un ancêtre du genre Homo.

En 1999, les paléoanthropologues américains David Strait et Frederick E. Grine ont cependant conclu qu'A. garhi était un cousin du genre Homo plutôt qu'un ancêtre car A. garhi et Homo ne partageraient selon eux aucune synapomorphie, c'est-à-dire des traits dérivés communs[4] - [5].

La dĂ©couverte en Éthiopie, publiĂ©e en 2015, de la mandibule partielle LD 350-1, attribuĂ©e au genre Homo, a fait reculer son anciennetĂ© Ă  2,8 millions d'annĂ©es, un âge bien supĂ©rieur Ă  celui d'A. garhi[6]. De plus, A. garhi possède des dents jugales massives, alors que LD 350-1 prĂ©sente des dents jugales rĂ©duites, ce qui est une caractĂ©ristique des espèces du genre Homo.

RĂ©gime alimentaire

Les grandes dents des espèces d'australopithèques ont historiquement été interprétées comme des adaptations à un régime d'aliments coriaces, mais elles peuvent aussi n'avoir servi que pendant les périodes plus maigres pour des aliments de second choix plus durs. La morphologie dentaire peut ainsi ne pas représenter le régime alimentaire usuel des australopithèques, mais plutôt un régime inhabituel en période de disette[7].

Usage d'outils

Bien qu'A. garhi n'ait été trouvé avec aucun outil associé, les os de mammifères trouvés avec ses fossiles présentent des marques de découpe et de percussion faites avec des outils en pierre : la mandibule gauche d'un bovidé alcélaphin avec trois marques de découpe successives et sans ambiguïté vraisemblablement faites en retirant la langue, un tibia de bovidé avec des marques de découpe, des marques de hachage et des cicatrices d'impact d'un marteau, peut-être infligées pour récolter la moelle osseuse. Un fémur de l'équidé Hipparion présente des marques de découpe compatibles avec un démembrement et un filetage.

L'absence d'outils en pierre avec les fossiles pourrait s'expliquer par le fait que la localité de Hatayae était probablement une bordure de lac herbeuse sans relief avec peu de matières premières pour fabriquer des outils en pierre. Il est possible que ces Hominina créaient et transportaient des outils vers des sites de boucherie dans l'intention de les utiliser plusieurs fois avant de les jeter[8] - [2], mais il est également possible qu'il ne s'agissait pas d'outils taillés mais de pierres naturellement coupantes[9].

Sur le site voisin de Kada Gona, oĂą on trouve une abondance de matières premières, de nombreux outils oldowayens datĂ©s de 2,56 millions d'annĂ©es ont Ă©tĂ© dĂ©couverts depuis 1992. Comme A. garhi Ă©tait la seule espèce identifiĂ©e dans les environs Ă  l'Ă©poque, elle Ă©tait apparue comme un bon candidat pour ĂŞtre l'auteur de ces outils[10] - [11]. Cependant, en 2015, une mandibule attribuĂ©e au genre Homo, LD 350-1, a Ă©tĂ© dĂ©couverte Ă  Ledi-Geraru (en), Ă©galement dans la rĂ©gion Afar, datĂ©e de 2,8 Ă  2,75 millions d'annĂ©es[6]. D'autres outils oldowayens ont Ă©tĂ© trouvĂ©s en 2019 Ă  Ledi-Geraru, datĂ©s d'environ 2,6 millions d'annĂ©es, lĂ©gèrement antĂ©rieurs aux artĂ©facts de Kada Gona, et tous ces outils peuvent donc Ă  nouveau ĂŞtre attribuĂ©s au genre Homo, inventeur des outils oldowayens Ă  arĂŞtes vives[12].

NĂ©anmoins, d'autres australopithèques ont Ă©tĂ© associĂ©s Ă  la fabrication d'outils en pierre, après la dĂ©couverte en 2010 de marques de dĂ©coupe datĂ©es de 3,4 millions d'annĂ©es contemporaines d'Australopithecus afarensis[9], et la dĂ©couverte en 2015 du lomekwien du lac Turkana datĂ© de 3,3 millions d'annĂ©es, contemporain de Kenyanthropus[13].

Notes et références

Notes

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Australopithecus garhi » (voir la liste des auteurs).

Références

  1. (en) Berhane Asfaw, Timothy White, Owen Lovejoy, Bruce Latimer, Scott Simpson et Gen Suwa, « Australopithecus garhi: a new species of early hominid from Ethiopia », Science, vol. 284, no 5414,‎ , p. 629–635 (PMID 10213683, DOI 10.1126/science.284.5414.629, Bibcode 1999Sci...284..629A, lire en ligne)
  2. (en) E. Culotta, « A new human ancestor? », Science, vol. 284, no 5414,‎ , p. 572–573 (PMID 10328732, DOI 10.1126/science.284.5414.572, S2CID 7042848)
  3. (en) E. H. Harmon, The Paleobiology of Australopithecus, Springer Science and Business Media, coll. « Vertebrate Paleobiology and Paleoanthropology », , 263–272 p. (ISBN 978-94-007-5918-3, DOI 10.1007/978-94-007-5919-0_18), « Age and Sex Differences in the Locomotor Skeleton of Australopithecus »
  4. (en) D. S. Strait et F. E. Grine, « Cladistics and Early Hominid Phylogeny », Science, vol. 285, no 5431,‎ , p. 1210–1 (PMID 10484729, DOI 10.1126/science.285.5431.1209c, S2CID 45225047)
  5. (en) D. S. Strait, « The systematics of Australopithecus garhi », Ludus Vitalis, vol. 9, no 15,‎ , p. 109–135
  6. (en) B. Villmoare, W. H. Kimbel et C. Seyoum, « Early Homo at 2.8 Ma from Ledi-Geraru, Afar, Ethiopia », Science, vol. 347, no 6228,‎ , p. 1352–1355 (PMID 25739410, DOI 10.1126/science.aaa1343 Accès libre, Bibcode 2015Sci...347.1352V)
  7. (en) J. E. Scott, K. R. McAbee, M. M. Eastman et M. J. Ravosa, « Experimental perspective on fallback foods and dietary adaptations in early hominins », Biology Letters, vol. 10, no 1,‎ , p. 20130789 (PMID 24402713, PMCID 3917327, DOI 10.1098/rsbl.2013.0789)
  8. (en) J. De Heinzelin, J. D. Clark, T. D. White, W. Hart, P. Renne, G. Woldegabriel, Y. Beyene et E. Vrba, « Environment and behavior of 2.5-million-year-old Bouri hominids », Science, vol. 284, no 5414,‎ , p. 625–629 (PMID 10213682, DOI 10.1126/science.284.5414.625, Bibcode 1999Sci...284..625D)
  9. (en) S. P. McPherron, Z. Alemseged et C. W. Marean, « Evidence for stone-tool-assisted consumption of animal tissues before 3.39 million years ago at Dikika, Ethiopia », Nature, vol. 466, no 7308,‎ , p. 857–860 (PMID 20703305, DOI 10.1038/nature09248, Bibcode 2010Natur.466..857M, S2CID 4356816)
  10. (en) S. Semaw, P. Renne et J. W. K. Harris, « 2.5-million-year-old stone tools from Gona, Ethiopia », Nature, vol. 385, no 6614,‎ , p. 333–336 (PMID 9002516, DOI 10.1038/385333a0, Bibcode 1997Natur.385..333S, S2CID 4331652)
  11. (en) S. Semaw, M. J. Rogers et J. Quade, « 2.6-Million-year-old stone tools and associated bones from OGS-6 and OGS-7, Gona, Afar, Ethiopia », Journal of Human Evolution, vol. 45, no 2,‎ , p. 169–177 (PMID 14529651, DOI 10.1016/s0047-2484(03)00093-9)
  12. (en) D. R. Braun, V. Aldeias et W. Archer, « Earliest known Oldowan artifacts at >2.58 Ma from Ledi-Geraru, Ethiopia, highlight early technological diversity », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 116, no 24,‎ , p. 11712–11717 (PMID 31160451, PMCID 6575601, DOI 10.1073/pnas.1820177116 Accès libre)
  13. (en) S. Harmand, J. E. Lewis et C. S. Feibel, « 3.3-million-year-old stone tools from Lomekwi 3, West Turkana, Kenya », Nature, vol. 521, no 7552,‎ , p. 310–315 (PMID 25993961, DOI 10.1038/nature14464, Bibcode 2015Natur.521..310H, S2CID 1207285)

Voir aussi

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