Armée de l'Est
L'Armée de l'Est fut la dénomination officielle d'une armée française lors de la guerre franco-prussienne de 1870.
Armée de l'Est | |
Armée de l'Est déposant les armes en Suisse. | |
Création | décembre 1870 |
---|---|
Dissolution | désarmement et exil en Suisse. |
Pays | France |
Branche | Armée de Terre |
Guerres | Guerre franco-allemande de 1870 |
Batailles | Bataille de Villersexel, Bataille d'HĂ©ricourt (1871), retraite vers la Suisse. |
Commandant | général Bourbaki puis général Clinchant |
Origine
L'Armée de l'Est prend naissance en à Bourges, à partir de la division de l'armée de la Loire et s'étoffe tant bien que mal durant son parcours en direction du nord-est (Chalon-sur-SaÎne, Besançon).
Objectifs
Elle reçoit pour mission de couper les arriĂšres et les lignes de communication des Prussiens, et de dĂ©livrer Belfort, oĂč le Colonel Denfert-Rochereau s'est enfermĂ© avec ses troupes dans la citadelle. AprĂšs avoir dĂ©barquĂ© le gros de ses troupes Ă la gare de Clerval (petite ville au nord de Besançon), le gĂ©nĂ©ral Bourbaki engage sa campagne Ă l'Est qui doit commencer par la conquĂȘte de Villersexel.
Composition
- 15e corps d'armée
- 18e corps d'armée
- 20e corps d'armée
- 24e corps d'armée
- Réserve générale
Batailles
Le , la bataille de Villersexel est engagĂ©e. Le lendemain, elle connait son apogĂ©e par une victoire des troupes françaises. Sous le commandement de l'intuitif gĂ©nĂ©ral August von Werder, les Prussiens se retirent de Villersexel (car pour Werder, cette ville n'a rien de stratĂ©gique), et migrent en direction de MontbĂ©liard. Les Prussiens s'installent alors sur une ligne gĂ©ographique qui suit un petit cours d'eau : la Lizaine. Au sud, MontbĂ©liard et HĂ©ricourt, au nord, Frahier. Les troupes prussiennes rejoignent ainsi les contingents qui occupent dĂ©jĂ tout le Pays. Werder anticipe la manĆuvre de Bourbaki visant Ă atteindre Belfort pour reprendre la ville et dĂ©livrer la garnison française.
- La bataille de Villersexel, soldats français assiégeant des soldats prussiens reclus dans une ferme.
- ScĂšne semblable en couleur.
- Vue des destructions du Bourg de Villersexel.
- L'artillerie allemande devant les ruines du chĂąteau de Villersexel.
Mais enlisĂ©e Ă Villersexel dans des problĂšmes d'organisation et de ravitaillement de toutes sortes, l'armĂ©e de l'Est est incapable de poursuivre rapidement son adversaire. Mettant ainsi Ă profit cette inaction, les troupes prussiennes prennent pied sur la rive gauche de la Lizaine. Cette riviĂšre, bien que peu importante, forme un obstacle naturel. De plus, le remblai de la ligne de chemin de fer qui suit la Lizaine (de MontbĂ©liard Ă HĂ©ricourt) offre un abri inopinĂ© pour les Prussiens. Les Prussiens profitent de deux jours de rĂ©pit (10 et ) pour placer des soldats tout le long de la Lizaine. Des bouches Ă feu sont installĂ©es sur les hauteurs : Ă ChĂąlonvillars (pour dĂ©fendre Chenebier et Frahier), au Mont-Vaudois (pour tenir HĂ©ricourt) et Ă MontbĂ©liard (aux mains des Prussiens depuis ), au niveau des Grands-Bois et sur ce quâon appellera plus tard les Batteries du Parc. Les soldats allemands profitent de la valeur dĂ©fensive de la Lizaine dont la largeur oscille entre 6 et 8 mĂštres et la profondeur prĂšs dâun mĂštre. Ils font sauter la plupart des ponts, bourrent dâexplosifs les autres, amĂ©nagent les routes pour faire passer le ravitaillement. Les Français, de leur cĂŽtĂ©, sont sur un terrain boisĂ© difficile. Ainsi donc, de MontbĂ©liard Ă Frahier, une ligne de front d'environ 20 km est puissamment dĂ©fendue.
Le , les premiers contingents français parviennent dans la région d'Arcey (à 10 km au sud-est de Montbéliard). AprÚs quelques escarmouches avec des postes avancés prussiens, l'armée de l'Est parvient sur les hauteurs de Montbéliard. Le plan de Bourbaki consiste en une attaque frontale déployée sur 19 km.
- Le combat de Chenebier, cÎté français.
- La bataille de la Lizaine, cÎté prussien.
- Le combat d'Héricourt, cÎté prussien.
- Les soldats prussiens Ă Frahier.
ComposĂ©e de 140 000 hommes, l'armĂ©e est hĂ©tĂ©roclite et improvisĂ©e. L'ennemi est composĂ© d'environ 52 000 hommes. Le climat en ce dĂ©but de bataille est extrĂȘmement rigoureux. Il neige, et il a neigĂ© abondamment durant les jours prĂ©cĂ©dents ; la tempĂ©rature nocturne atteint â20 °C. Alors que les Prussiens ont trouvĂ© des abris par rĂ©quisitions, les troupes françaises bivouaquent dans les bois et dans les chemins creux. En dĂ©pit des actes de bravoure accomplis dans la rĂ©gion de Villersexel, c'est une armĂ©e Ă©puisĂ©e et mal Ă©quipĂ©e qui arrive pour combattre sur le front de la Lizaine (par exemple, on manque totalement de fers Ă glace pour les chevaux). Les premiers combats s'engagent devant les villes d'HĂ©ricourt et de MontbĂ©liard. Les troupes pĂ©nĂštrent dans MontbĂ©liard et attaquent le chĂąteau pour y dĂ©loger les Prussiens qui tirent Ă l'arme lourde. Le petit village de Bethoncourt au nord-est de MontbĂ©liard connait un douloureux combat durant lequel succombent des bataillons de savoyards et de zouaves. Mais les luttes les plus sanglantes se dĂ©roulent devant HĂ©ricourt et Chagey. Pendant trois jours, les combats sur la ligne de la Lizaine connaissent des affrontements acharnĂ©s.
Retraite
Ăchec de la retraite vers Besançon
Le , aucune percée décisive n'ayant été marquée, le général Bourbaki décida de suspendre les combats et d'opérer la retraite de ses troupes en direction du sud, vers Besançon. La libération de Belfort avait donc échoué. Entre-temps, les Allemands avaient transféré deux corps d'armée vers le théùtre d'opération jurassien et formé une nouvelle armée, l'Armée du Sud, commandée par Edwin von Manteuffel, qui avançait de façon à couper la voie ferrée de Lyon à Besançon. L'attaque de diversion entreprise par Garibaldi vers Dijon ne suffit pas à ralentir l'avance prussienne.
Refuge en Suisse
L'ArmĂ©e de l'Est fut contrainte de dĂ©vier sa marche en direction de Pontarlier. Cette retraite sur le plateau du Haut-Doubs, dans le froid sĂ©vĂšre et la neige, est comparable au tableau Le Radeau de la MĂ©duse. Les soldats, affamĂ©s, Ă©puisĂ©s, dĂ©cimĂ©s par le froid, n'Ă©taient plus que l'ombre d'eux-mĂȘmes. Par une nĂ©gligence des nĂ©gociateurs, l'armĂ©e de l'Est n'Ă©tait pas comprise dans les conditions de l'armistice franco-allemand signĂ© le .
Acculée à la frontiÚre suisse, l'Armée de l'Est était prise au piÚge. Bourbaki tenta alors de se suicider, avec un pistolet, le à 19h30. Il ne fut que légÚrement blessé, mais laissa le commandement de l'Armée au général Clinchant, son principal adjoint. Ce dernier négocia la Convention des VerriÚres avec le général suisse Hans Herzog qui prévoyait l'internement de son Armée en Suisse, aprÚs qu'elle eût été désarmée au passage de la frontiÚre. à partir du 1er février, 87 847 hommes dont 2 467 officiers[1] commencent à passer la frontiÚre, principalement aux VerriÚres.
L'Armée de l'Est dans l'art et la littérature
Cette tragĂ©die a Ă©tĂ© immortalisĂ©e sous la forme d'un panorama circulaire exceptionnel rĂ©alisĂ© par le peintre suisse, Ădouard Castres, et ses collaborateurs, que l'on peut voir Ă Lucerne (Suisse). Le panorama Bourbaki se prĂ©sente sous le forme d'une rotonde d'un diamĂštre de plus de 40 m. Il existe peu de panoramas de ce genre dans le monde. RĂ©alisĂ© sur la base de nombreuses esquisses dessinĂ©es pendant cette guerre, il est le tĂ©moignage historique d'une qualitĂ© documentaire exceptionnelle. Cette Ćuvre constitue un document Ă la mĂ©moire de la premiĂšre grande action humanitaire de la Croix-Rouge suisse, et de la politique de neutralitĂ© de la ConfĂ©dĂ©ration. Le thĂšme trĂšs particulier â voire unique â du panorama est l'incommensurable misĂšre des soldats blessĂ©s, affamĂ©s et gelĂ©s qui ont passĂ© la frontiĂšre suisse le . AprĂšs avoir rĂ©alisĂ© un grand nombre de projets, le peintre Castres a ainsi associĂ© Ă l'idĂ©e de guerre, non pas la notion de victoire, mais la notion de douleur. Le cadre choisi : un triste paysage d'hiver gris-blanc, d'immenses champs couverts de neige, a permis d'accentuer la tragĂ©die humaine soigneusement dĂ©crite. C'est en colonnes interminables que les soldats traversent le champ de vision des visiteurs âŠ.
Cet épisode, ainsi que le panorama de Lucerne, sont évoqués par l'écrivain et journaliste franc-comtois André Besson dans Mon pays comtois[2].
Notes et références
- Colonel Ădouard Secretan, L'ArmĂ©e de l'Est : 20 dĂ©cembre 1870-1er fĂ©vrier 1871, Attinger, , 538 p. (OCLC 3821754), p. 553
- AndrĂ© Besson, Mon pays comtois, Paris, Ăd. France-Empire, , 450 p. (ISBN 978-2-7048-0797-0, OCLC 410927960), p. 262-266.
Annexes
Bibliographie
- Yves Chenut, Les derniĂšres chevauchĂ©es des vaincus : de Besançon Ă Bischofszell, via Villersexel, janvier-mars 1871 : roman historique, Besançon, Editions CĂȘtre, coll. « CĂȘtre poche. », , 445 p. (ISBN 978-2-87823-184-7, BNF 41236064)
- Davall Emile, Les troupes françaises internées en Suisse à la fin de la guerre franco-allemande en 1871, Rapport rédigé par ordre du Département militaire fédéral sur les documents officiels déposés dans ses archives, Bern 1873
- Deicher Patrick, Die Internierung der Bourbaki-Armee 1871. BewĂ€ltigung einer humanitĂ€ren Herausforderung als Beitrag zur Bildung der nationalen IdentitĂ€t, 3. ĂŒberarbeitete Auflage, Selbstverlag, Luzern 2009
- Edouard Jacky et Alfred Audeoud, L'occupation des frontiÚres suisses en 1870-1871 et l'entrée en Suisse de l'armée française de l'Est, Delachaux et Niestlé, (OCLC 715432568)
- Jezler Peter R./Jezler Elke/Bosshard Peter, Asyl fĂŒr 87'000. Der Ăbertritt der Bourbaki-Armee in die Schweiz 1871, ZĂŒrich 1986
- Henri Ortholan, L'armée de l'Est : 1870-1871, Paris, Bernard Giovanangeli Editeur, , 224 p. (ISBN 978-2-7587-0035-7, BNF 42442875)