Argyrodes
Les Argyrodes sont un genre d'araignées aranéomorphes de la famille des Theridiidae[1].
RĂšgne | Animalia |
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Embranchement | Arthropoda |
Sous-embr. | Chelicerata |
Classe | Arachnida |
Ordre | Araneae |
Sous-ordre | Araneomorphae |
Famille | Theridiidae |
- Conopistha Karsch, 1881
- Argyrodina Strand, 1926
- Microcephalus Restrepo, 1944
Les Argyrodes prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt considĂ©rable en aranĂ©ologie, par leur mode de vie trĂšs particulier. La morphologie du cĂ©phalothorax des mĂąles, ainsi que leur taille rĂ©duite, sont propices aux recherches globales sur l'anatomie interne. Elles possĂšdent notamment un systĂšme glandulaire exceptionnel. Ces recherches sont rĂ©alisĂ©es par la pratique spĂ©cialisĂ©e des coupes histologiques.
Il semblerait que la prĂ©diction de Legendre en 1963[2], les crĂ©ditant dâun « rĂŽle beaucoup plus important que celui que nous tentons de leur attribuer » est aujourd'hui confirmĂ©e.
Distribution
Les espÚces de ce genre se trouvent en Asie, en Afrique, en Amérique, dans le sud de l'Europe et en Océanie[1].
Description
Les Argyrodes sont de petite taille (3 Ă 12 mm), leurs pattes sont grĂȘles et possĂšdent un opisthosoma plus ou moins conique, souvent inclinĂ© vers l'arriĂšre chez le mĂąle et plus Ă©levĂ© chez la femelle (Fig.1), parfois pourvu de tubercules. Cet abdomen peut briller d'un vif Ă©clat mĂ©tallique dĂ» Ă la guanine des cellules intestinales perçues Ă travers le tĂ©gument (Fig. flĂšches) et responsable du nom gĂ©nĂ©rique (Argyros = « argent » en grec), ainsi que de leur nom anglais de dewdrop spiders (dewdrop signifiant « gouttes de rosĂ©e »), en rĂ©fĂ©rence Ă leur forme et leur aspect brillant.
Dimorphisme sexuel
La particularité anatomique la plus remarquable des Argyrodes réside dans la partie antérieure du céphalothorax des mùles, au niveau du clypéus (bandeau ou acron, premier segment des Arthropodes). Sa morphologie étrange, mise en évidence au microscope électronique à balayage (M.E.B.) est liée à la présence d'un organe sous-jacent découvert par André Lopez dans des coupes histologiques sériées de mùles d' Argyrodes zonatus (provenant de Madagascar), sans équivalent chez la femelle (Fig.2) : la glande clypéale[3] ou glande acronale (Fig.3) retrouvée ultérieurement dans le genre tout entier.
Alors que le prosoma des femelles a un aspect ordinaire et assez uniforme (Fig.2), celui des mùles présente une morphologie remarquable, utilisée pour la classification et dont l'aspect parfois extravagant, mis en évidence par le microscope électronique à balayage (MEB) au niveau du clypéus associe des protubérances diverses et des dépressions, échancrures ou sillons que des poils garnissent (Fig.4).
Suivant lâaspect gĂ©nĂ©ral et la disposition de ces reliefs, Lopez (1977b, 1979)[4] avait initialement proposĂ© de rattacher les mĂąles dâ Argyrodes Ă cinq types morphologiques bien distincts, du moins chez les espĂšces alors connues : types ânasutĂ©â, ârostrĂ©â, âlippuâ ou âprognatheâ et âcamardâ.
Finalement, une nouvelle classification, comportant cette fois 6 morphotypes, lui parut plus appropriée.
Suivant leur aspect gĂ©nĂ©ral et leur disposition, il a Ă©tĂ© proposĂ© de rattacher les mĂąles dâ Argyrodes aux types morphologiques suivants[4] - [5] - [6] - [7] - [8]: type « acuminĂ© » (Fig.5), type "rostrĂ©" (Fig.4) incluant Ă©galement Argyrodes borbonicus et Argyrodes chounguii, type "nasutĂ©" (Fig.4), type « prognathe » (Fig.7) auquel se rattache aussi les Argyrodes benedicti, type "lippu" (Fig.8) et type « camard » (Fig.9).
Le nouveau « type acuminĂ©â est caractĂ©risĂ© par une protubĂ©rance unique droite ou procurvĂ©e, en « tourelle » ou en « cimier », surplombant le groupe oculaire et inclut ainsi des espĂšces telles quâArgyrodes cognatus (Seychelles) (Fig.5) et A.projiciens (AmĂ©rique tropicale). Lâancien type ârostrĂ©â (Fig.4) convient mieux aux mĂąles dont le clypeus est divisĂ© en deux projections par une Ă©chancrure (E) : la protubĂ©rance oculaire (Po) et la bosse frontale (Bf), cette derniĂšre Ă©voquant un rostreâŻ; il concerne une majoritĂ© dâespĂšces, dâabord rattachĂ©es au ânasutĂ© â, notamment Argyrodes elevatus, de Guadeloupe, A.zonatus, de Madagascar et Mayotte (Fig.1), A.nephilae, de Guadeloupe (Fig.8), A.rostratus nephilae, des Seychelles (Fig.9) et le taxon cosmotropical A. argyrodes.
Le type "nasutĂ©" (Fig.6) semble aujourd'hui rĂ©servĂ© Ă Argyrodes nasutus Pick.Cambr., de Ceylan, dont la bosse frontale se dispose en une sorte de ânezâ caricatural (Fig.6: Bf) et Ă une nouvelle espĂšce de la RĂ©union : Argyrodes.borbonicus Lopez (figure 1).
Le type « lippu » (Fig.7 Ă 9) est caractĂ©risĂ© par une forte âbosse clypĂ©ale» surplombant les chĂ©licĂšres comme une lĂšvre infĂ©rieure Ă©versĂ©e. Cette saillie forme la berge antĂ©rieure d'un sillon (S) que garnissent des poils. Il se rencontre chez Argyrodes. amplifrons (Fig.7 Ă 9) et A.ululans (), de Guyane française.
Le type « prognathe » (Fig.7) semble propre Ă certaines autres espĂšces sud-amĂ©ricaines : Argyrodes benedicti Lopez, Ă©galement de Guyane française, A.cochleaforma (Fig.7), A. sullana, A.atopus,et A. proboscifer. Le clypeus saille au-dessus des tiges chĂ©licĂ©riennes (Ch), tel une mandibule, cette protubĂ©rance (P), plus ou moins incurvĂ©e, Ă©tant creusĂ©e dâune fossette poilue (F) et pouvant avoir un aspect en âcuillĂšreâ.
Le type âcamardâ (par exemple Argyrodes caudatus (Fig.8) et A.cancellatus, tous deux des Antilles françaises) est caractĂ©risĂ© par lâabsence de projectionsâŻ; il montre un clypeus (C) peu saillant, haut, peu courbĂ© aux allures plates, comme âĂ©crasĂ©â, si on le compare aux types prĂ©cĂ©dentsâŻ; lâĂ©chancrure est remplacĂ©e par deux sillons transversaux symĂ©triques (S) Ă©troits, nâapparaissant que lors de l'examen de lâanimal (de face).
De plus, lâĂ©tude au MEB[4] montre lâaspect du tĂ©gument (lisse ou garni de reliefs en âĂ©caillesâ) et lâexistence de saillies accessoires plus ou moins tronconiques (Fig.), en « chicots » chez Argyrodes amplifrons (Fig.8,9 : flĂšches jaunes), visibles seulement sous certaines incidences, tendant Ă refermer l'Ă©chancrure ou le sillon.
Cette Ă©tude met aussi en Ă©vidence la structure des poils (sillons, spinulesâŠ), mais Ă©galement et, surtout, lâexistence dâorifices bĂ©ants, le plus souvent de niveau avec la surface tĂ©gumentaire, rarement dans le fond de fentes Ă©troites, sans ordre ou en groupes, toujours sĂ©parĂ©s des poils, donc indĂ©pendants de leur alvĂ©ole basale bien que Whitehouse (1987) affirme le contraire par manque dâĂ©tude histologique. Ils sont les pores excrĂ©teurs dâun organe glandulaire sous-jacent remarquable, la glande clypĂ©ale, dĂ©jĂ perceptible par transparence dans des cĂ©phalothorax Ă©claircis artificiellement.
Comportement
Contrairement Ă la majoritĂ© des AranĂ©ides, les Argyrodes sont incapables de mener une existence indĂ©pendamment de la nature. Leur vie se trouve assujettie Ă la prĂ©sence dâautres Theridiidae solitaires comme Latrodectus, ou coloniaux comme Anelosimus eximius[9], Eresidae (Stegodyphus),Pholcidae (Holocnemus), ou encore Lycosidae du genre Hippasa et surtout, dâAraneidae (Cyrtophora, Nephila, Micrathena, Argiope, MetepeiraâŠ). Les Argyrodes habitent leur toile, en tous lieux, prĂ©sentant souvent une certaine spĂ©cificitĂ© vis-Ă -vis de lâhĂŽte.
Industrie séricigÚne
Les femelles Argyrodes n'élaborent que de simples petites toiles de repos, irréguliÚres, constituées de quelques fils qui s'incorporent à ceux de l'araignée qui les héberge. Quelques autres fils isolés, dits d' « alarme », les unissent aux rayons et au moyeu. Par l'intermédiaire des vibrations transmises, ces fils renseignent les Argyrodes sur le comportement de leur hÎte.
Elles y installent aussi leurs gracieux cocons ovigÚres, qui sont généralement blancs ou jaune clair, et plutÎt brun-verdùtre chez Argyrodes cognatus. De forme et de texture trÚs élaborées, ces cocons pédonculés évoquent de petites « urnes » ou de minuscules « montgolfiÚres » (Fig. 17-18-19).
Cleptoparasitisme
Les Argyrodes mĂąles et femelles se nourrissent de dĂ©bris alimentaires et de proies engluĂ©es, menues, mais parfois aussi Ă©normes, isolĂ©ment ou en mĂȘme temps que lâhĂŽte. Legendre en 1960[10] a dĂ©fini ce type de relations comme un cas particulier dâinquilinisme, Ă vrai dire plutĂŽt de commensalisme, terme auquel doit ĂȘtre substituĂ© aujourd'hui celui de kleptoparasitisme (du grec kleptein = voler). Un possible avantage de voler des proies et de se nourrir avec lâhĂŽte est la prĂ©digestion partielle de cette nourriture, comme l'a suggĂ©rĂ© Kullmann en 1959[11], ce qui peut spĂ©cialement ĂȘtre avantageux pour de trĂšs grosses proies. Les Argyrodes, telles qu'Argyrodes borbonicus, (observations de A. Lopez Ă la RĂ©union) peuvent Ă©galement dĂ©vorer les jeunes de l'araignĂ©e hĂŽte, Cyrtophora citricola par exemple.
La pression exercĂ©e par les Argyrodes sur leurs hĂŽtes peut ĂȘtre telle que ces derniers sont alors contraints de dĂ©placer la toile. Il existe donc chez les Theridiidae kleptoparasites une certaine nocivitĂ© que ne manifestent pas les « âŁcommensaux » aranĂ©idiens appartenant Ă d'autres groupes zoologiques : LĂ©pidoptĂšres adultes (Robinson), chenilles, HĂ©tĂ©roptĂšres Miridae et Nabidae du genre Arachnocoris.
Le propriĂ©taire lĂ©gitime de la toile tolĂ©rerait les Argyrodes âcommensauxâ, faute de pouvoir les chasser. Il semblerait donc que les Argyrodes soient pourvus dâun moyen de dĂ©fense qui les met Ă lâabri des entreprises violentes de lâhĂŽte.
Protection
La glande clypĂ©ale ou acronale ne peut pas ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un organe de dĂ©fense Ă©laborant une substance rĂ©pulsive ou vulnĂ©rante Ă lâinstar des insectes : elle manque chez les femelles. De plus, lâabsence de musculature compressive ainsi que la terminaison des canaux excrĂ©teurs dans une rĂ©gion anfractueuse conformĂ©e en cul-de-sac ne permettent pas une projection de substance ou sa libĂ©ration massive lors des âstressâ.
Dâautres facteurs interviennent dans la protection des Argyrodes.
- Argyrodes sp. femelle, se camouflant en extension.
Le camouflage (crypsis)
Les Argyrodes se tiennent au repos, toujours suspendues, ventre en lâair dans les toiles oĂč elles rappellent des gouttes dâeau par leur frĂ©quent Ă©clat argentĂ©, ou encore des dĂ©tritus tombĂ©s accidentellement sur les fils, de par leur petite taille, leur couleur brun-jaune clair, un abdomen de profil triangulaire, avec les pattes Ă©tendues vers lâavant en position « rectiligne » ou flĂ©chies et appliquĂ©es alors contre l' opisthosome en position « ramassĂ©e ». Leurs dĂ©placements sont trĂšs lents et prĂ©cautionneux afin d'Ă©viter la stimulation de lâhĂŽte, lorsque ce dernier est immobile.
Les Argyrodes possÚdent une grande agilité dans l'esquive grùce à leur sensibilité tactile, à des réflexes trÚs rapides et au fait que lors des vibrations anormales de la toile ou celles transmises par les fils d'alarme, les Argyrodes se laissent brusquement choir comme « des gouttelettes d'argent », au bout de fils de rappel tissés à trÚs grande vitesse. Ces fils permettent aux petites araignées d'abandonner leur support dans une chute et de regagner ensuite leur position initiale quand la perturbation, donc le danger, a cessé[10].
Il est à noter toutefois que certaines Theridiidae, rattachées autrefois au genre Argyrodes, ne sont pas dépendantes de la toile d'un hÎte, mais construisent dans la végétation leurs propres édifices de capture, petits et incomplets, constitués par des fils non adhésifs qu'elles utilisent comme support et se saisissent de menues proies (essentiellement d'autres araignées, mais également des insectes) qui s'y aventurent ou passent à leur portée (Clyne, 1979; Eberhard, 1979,1980). Elles les engluent avec de la soie collante et les enveloppent ensuite de soie sÚche. Ces espÚces font partie aujourd'hui du groupe des Ariamnes, à abdomen vermiforme, et de celui des Rhomphaea, à opisthosome incurvé.
Glande clypéale (mùles)
Le comportement sexuel met en jeu la glande clypéale de maniÚre indiscutable (Legendre, Whitehouse)[10].
Lors de l'accouplement et pendant que le mĂąle insĂšre son pĂ©dipalpe, les parties buccales de la femelle entrent en contact intime avec les reliefs cĂ©phaliques du mĂąle, Ă©treints par les chĂ©licĂšres, et avec les sĂ©crĂ©tions clypĂ©ales Ă©mises Ă ce niveau (Fig.10). Des manĆuvres du mĂȘme ordre ont Ă©tĂ© dĂ©crites chez les Erigoninae, dĂ©montrant Ă©galement un dimorphisme sexuel prosomatique et un Ă©quipement glandulaire propres aux mĂąles.
Description
Depuis les premiĂšres observations de Blackwall (1877) et de Pickard-Cambridge (1880), divers zoologistes ont remarquĂ© que la zone gĂ©nitale de certaines femelles dâAraignĂ©es Ă©tait recouverte par une âsubstanceâ Ă©trangĂšre ou contenait des fragments de pĂ©dipalpes mĂąles inclus (embolus, segment distal du style, ou sa coiffe) notamment chez les Araneidae, les deux dispositifs pouvant ĂȘtre qualifiĂ©s d'obturateurs.
La substance a Ă©tĂ© dĂ©signĂ©e sous les noms de âbouchon Ă©pigynalâ (Levi, 1977 a : âepigynal plugâ) ou de âbouchon dâaccouplementâ (Jackson, 1980âŻ; Yoshikura, 1982)(âmating plugâ), appellation traduisant mieux le rapport du matĂ©riel Ă©tranger avec la copulation. Ce âbouchon dâaccouplementâ classique peut ĂȘtre dĂ©fini comme un matĂ©riel recouvrant les orifices de copulation et lâĂ©pigyne dâaraignĂ©es femelles sâĂ©tant appariĂ©es. Il est toujours absent chez les femelles vierges des espĂšces concernĂ©es. Les « bouchons » varient de lâun Ă lâautre par leur taille (pellicule trĂšs mince Ă masse volumineuse), leur forme (coin, masse amorphe ou sculptĂ©e, masse unique ou dĂ©doublĂ©e), que cette disposition soit ou non symĂ©trique, leur couleur (blanche, jaune, orange, rouge), et leur texture (lisse et brillante ou granuleuse). Les deux orifices de copulation et la zone qui les sĂ©pare en sont couverts, mais le gonopore (ou orifice gĂ©nital primaire) reste toujours libre.
Les obturateurs en « bouchons » ont Ă©tĂ© signalĂ©s chez les Salticidae, Clubionidae, Araneidae (dont Cyclosa), Oxyopidae, Thomisidae, Toxopidae et Theridiidae, notamment avec le genre Argyrodes prĂ©sentĂ© ici. DĂ©crivant Argyrodes cognatus des Ăźles Seychelles, Blackwall (1877) soulignait que les organes sexuels de cette "Epeira cognata" sont trĂšs dĂ©veloppĂ©s, proĂ©minents, asymĂ©triques et montrent une saillie incurvĂ©e en âcrosse â. Cambridge, dans une note jointe et plus tard encore (1880, p. 326) souligne que cet « appendice sexuel anormal » rĂ©sulte en fait de lâadhĂ©rence accidentelle dâune petite particule de matiĂšre ârĂ©sineuseâ de mĂȘme couleur, certainement âadventice â, formĂ©e par une « exsudation de cause et nature inconnues ». Il le signale aussi chez Argyrodes argentatus (processus rouge transparent, brillant, de nature « rĂ©sineuse ») et chez A. procrastinans (gros, arrondi, proĂ©minent, de couleur brun-rouge, trĂšs brillant, en forme de capuchon recouvrant lâouverture gĂ©nitale). Bien plus tard, Exline et Levi (1962) dĂ©crivent lâĂ©pigyne des Argyrodes femelles comme une plaque sclĂ©rifiĂ©e souvent recouverte par un matĂ©riel ârĂ©sineuxâ difficile Ă enlever.
Chez une femelle d' Argyrodes cognatus Ă©tudiĂ©e au MEB (Fig.11)., l'obturateur en « bouchon » fait largement saillie au-dessus de la rĂ©gion gĂ©nitale femelle. Il sây prĂ©sente comme une masse volumineuse, nettement bilobĂ©e, paraissant aussi pĂ©diculisĂ©e. Les deux « lobes » sont inĂ©gaux, asymĂ©triques, orientĂ©s transversalement et ont une surface mamelonnĂ©e, lisse, sans sculpture Ă©vidente. Le « pied » se fond dans le sillon Ă©pigastrique oĂč il s'Ă©tale en « socle » au niveau des orifices de copulation (Fig.11). L'un des « bouchons » examinĂ©s renfermait un « corps Ă©tranger » aciculaire pouvant provenir du mĂąle (palpe ?) . Dans les coupes histologiques (para) sagittales, le « bouchon » (Fig.12) parait formĂ© par une substance inorganisĂ©e, presque homogĂšne, un peu craquelĂ©e en « Ă©cailles ». Elle a une coloration naturelle jaunĂątre rappelant celle de la cuticule, pĂ©nĂštre jusque dans les canaux de copulation quâelle semble injecter en les obturant et prĂ©sente sans Ă©quivoque lâaspect dâune sĂ©crĂ©tion coagulĂ©e et durcie, aussi bien dans sa partie externe saillante que dans celle qui emplit les canaux de copulation. Ce matĂ©riel ne peut provenir de la femelle ; il a donc Ă©tĂ© sĂ©crĂ©tĂ© par le mĂąle qui lâa apposĂ© et injectĂ©.
Origine
Il est vraisemblable que la sĂ©crĂ©tion provient du bulbe copulateur mĂąle, sinon chez toutes les AraignĂ©es qui Ă©laborent ces obturateurs non structurĂ©s, du moins dans le cas prĂ©cis des Argyrodes. Les glandes gnathocoxales de ces Theridiidae ne peuvent ĂȘtre concernĂ©es, car elles sont trop peu dĂ©veloppĂ©es et ne prĂ©sentent pas un dimorphisme sexuel salivaire contrairement aux Linyphiidae. En revanche, lâĂ©pithĂ©lium du tube sĂ©minifĂšre parait ĂȘtre un bien meilleur candidat Ă la production de lâobturateur, car il prĂ©sente un dĂ©veloppement considĂ©rable. La glande quâil constitue est trĂšs complexe (Fig.13 : Gp) et dâun volume disproportionnĂ© Ă celui du conduit chitineux (Fig.13 : Tc) ; son rĂŽle nâest probablement pas limitĂ© Ă la seule mobilisation du sperme (induction et Ă©jaculation secondaire). il est trĂšs possible quâen fin dâĂ©jaculation secondaire, une partie de la sĂ©crĂ©tion de cette mĂȘme glande passe dans la lumiĂšre du receptaculum seminis bulbaire ou du moins dans celle de son canal Ă©jaculateur par des orifices qui restent Ă mettre en Ă©vidence, alors qu'elle en est sĂ©parĂ©e ailleurs par lâendocuticule du mĂȘme rec.
Fonction
La sĂ©crĂ©tion serait dĂ©posĂ©e dans les canaux de copulation puis en surface lors du retrait, sây coagulant ensuite pour assumer un rĂŽle de blocage irrĂ©versible. Ce dernier se trouve liĂ© Ă une rĂ©duction de la fuite du sperme et surtout, Ă la compĂ©tition spermatique. Jackson (1980) considĂšre en effet que les « mating plugs » sont des adaptations formant obstacle Ă l'insĂ©mination par d'autres mĂąles. Ils reprĂ©sentent, en effet, une barriĂšre physique, sorte de « ceinture de chastetĂ© » (Robinson,1980 : « chastity belt ») quâun second partenaire devrait obligatoirement extraire, peut ĂȘtre avec son pĂ©dipalpe pour pouvoir copuler en chassant le sperme du premier, manĆuvre dâautant plus hasardeuse que les femelles ne tolĂšrent guĂšre des accouplements prolongĂ©s !
Physiologie comparée
Par leur nature (sĂ©crĂ©tion gĂ©nitale du partenaire) et leur fonction, les obturateurs d'AraignĂ©es femelles peuvent ĂȘtre comparĂ©s au sphragis des LĂ©pidoptĂšres Parnassiinae tels que celui du Semi-Apollon (Parnassius mnemosyne).
Stridulation
DerniÚre particularité éthologique : les Argyrodes, du moins certaines d'entre elles, sont censées produire des sons, cette prétendue stridulation ayant valu à quelques espÚces leur binÎme linnéen particulier : Argyrodes ululans et Argyrodes stridulator. Elle a été attribuée à un appareil « stridulatoire » se situant au niveau du pédicule. Cet appareil, dit de type « a » ou « prosoma-opisthosoma» comporte deux parties distinctes, une lyre sur le céphalothorax et un « archet » sur l'abdomen. Il fait partie d'un « complexe » sensoriel sus-pédiculaire.
Anatomie interne des Argyrodes
L'équipement glandulaire a été étudié dans les pédipalpes et dans les deux tagmes.
Prosome (CĂ©phalothorax)
La glande clypĂ©ale ou acronale, organe le plus antĂ©rieur du cĂ©phalothorax et d'intĂ©rĂȘt capital, est prĂ©sentĂ©e sĂ©parĂ©ment du fait de son originalitĂ©.
L'organe du rostre ou lĂšvre supĂ©rieure d' Argyrodes argyrodes et Rhomphaea (Argyrodes) canariensis est un modĂšle dont les aspects histologiques et ultrastructuraux peuvent ĂȘtre Ă©tendus aux autres Araneae. Ils montrent sans ambiguĂŻtĂ© qu'il s'agit d'un organe sĂ©crĂ©teur : la glande rostrale.
Les glandes « salivaires » ou gnathocoxales ont une structure banale et ne présentent pas de dimorphisme sexuel.
Les glandes rétrognathocoxales, bien développées, entrent dans le cadre des organes segmentaires d'araignées.
Appareil Ă©pigastrique
Les glandes acinoïdes prégonoporales, partie de l'appareil épigastrique et annexes de l'appareil génital mùle, sont petites et de type « acinoïde ». Comme chez les autres araignées qui en sont pourvues, leur sécrétion est probablement utilisée pour recouvrir une trÚs petite toile spermatique.
Appareil séricigÚne
Les glandes séricigÚnes étaient inconnues dans le genre Argyrodes jusqu'à l'étude de leurs composition et structure histologique par Kovoor et Lopez en 1983[12].
On sait que les femelles d'AraignĂ©es possĂšdent en gĂ©nĂ©ral 6 types de glandes Ă soie. Chez toutes les espĂšces d' Argyrodes Ă©tudiĂ©es, on ne trouve que 5 types. Les glandes flagelliformes semblent en effet, manquer totalement, ce qui pourrait conditionner le cleptoparasitisme, compensateur d'une absence des fils-support de toile de capture. Les 5 autres types prĂ©sentent tous les caractĂšres anatomiques principaux dĂ©crits chez diffĂ©rents Theridiidae tels que Steatoda, Achaearanea et Latrodectus, la « Veuve noire » (Kovoor, 1977) : glandes piriformes petites et occupant un espace trĂšs rĂ©duit ; glandes aciniformes peu nombreuses ; glandes tubuliformes Ă©videmment absentes chez les mĂąles et Ă©laborant deux produits protĂ©iques dans une seule catĂ©gorie cellulaire, responsables de la production des cocons ; glandes agrĂ©gĂ©es de deux sortes, typiques, les plus grandes et atypiques, plus ventrales ; glandes ampullacĂ©es majeures et mineures. Cette derniĂšre catĂ©gorie est la plus volumineuse des glandes sĂ©ricigĂšnes d'Argyrodes. Cette grande taille des ampullacĂ©es, plus importantes que chez les autres Theridiidae, ne peut ĂȘtre en rapport avec la production d'une charpente de toile, cette derniĂšre n'existant que dans le groupe des Ariamnes (considĂ©rĂ©es parfois comme des Argyrodes : A. colubrinus, flagellum, attenuatus) qui construisent seulement quelques fils ne servant pas de piĂšge. En revanche, le grand volume des ampullacĂ©es pourrait bien ĂȘtre en relation avec l'abondance des fils de rappel que l'araignĂ©e produit Ă la moindre alerte et grĂące Ă eux, se laisse brusquement tomber de la toile de son hĂŽte. Il est Ă noter que les ampullacĂ©es majeures ont une forme spĂ©ciale propre aux Theridiidae : au tube contournĂ© distal fait suite une longue ampoule en forme de croissant caractĂ©ristique.
Liste des espĂšces
Selon World Spider Catalog (version 21.0, 06/04/2020)[13] :
- Argyrodes abscissus O. Pickard-Cambridge, 1880
- Argyrodes alannae Grostal, 1999
- Argyrodes ambalikae Tikader, 1970
- Argyrodes amboinensis Thorell, 1878
- Argyrodes antipodianus O. Pickard-Cambridge, 1880
- Argyrodes apiculatus Thorell, 1895
- Argyrodes argentatus O. Pickard-Cambridge, 1880
- Argyrodes argyrodes (Walckenaer, 1841)
- Argyrodes atriapicatus Strand, 1906
- Argyrodes bandanus Strand, 1911
- Argyrodes benedicti Lopez, 1988
- Argyrodes binotatus Rainbow, 1915
- Argyrodes bonadea (Karsch, 1881)
- Argyrodes borbonicus Lopez, 1990
- Argyrodes callipygus Thorell, 1895
- Argyrodes calmettei Lopez, 1990
- Argyrodes chionus Roberts, 1983
- Argyrodes chiriatapuensis Tikader, 1977
- Argyrodes chounguii Lopez, 2010
- Argyrodes coactatus Lopez, 1988
- Argyrodes cognatus (Blackwall, 1877)
- Argyrodes convivans Lawrence, 1937
- Argyrodes cylindratus Thorell, 1898
- Argyrodes cyrtophorae Tikader, 1963
- Argyrodes delicatulus Thorell, 1878
- Argyrodes dipali Tikader, 1963
- Argyrodes elevatus Taczanowski, 1873
- Argyrodes exlineae (Caporiacco, 1949)
- Argyrodes fasciatus Thorell, 1892
- Argyrodes fissifrons O. Pickard-Cambridge, 1869
- Argyrodes fissifrontellus Saaristo, 1978
- Argyrodes flavescens O. Pickard-Cambridge, 1880
- Argyrodes flavipes Rainbow, 1916
- Argyrodes fragilis Thorell, 1877
- Argyrodes gazedes Tikader, 1970
- Argyrodes gazingensis Tikader, 1970
- Argyrodes gemmatus Rainbow, 1920
- Argyrodes gouri Tikader, 1963
- Argyrodes gracilis (L. Koch, 1872)
- Argyrodes hawaiiensis Simon, 1900
- Argyrodes ilipoepoe Rivera & Gillespie, 2010
- Argyrodes incertus Wunderlich, 1987
- Argyrodes incisifrons Keyserling, 1890
- Argyrodes incursus Gray & Anderson, 1989
- Argyrodes insectus Schmidt, 2005
- Argyrodes jamkhedes Tikader, 1963
- Argyrodes kratochvili (Caporiacco, 1949)
- Argyrodes kualensis Hogg, 1927
- Argyrodes kulczynskii (Roewer, 1942)
- Argyrodes kumadai Chida & Tanikawa, 1999
- Argyrodes laja Rivera & Gillespie, 2010
- Argyrodes lanyuensis Yoshida, Tso & Severinghaus, 1998
- Argyrodes latifolium Liu, Irfan & Peng, 2019
- Argyrodes lepidus O. Pickard-Cambridge, 1880
- Argyrodes levuca Strand, 1915
- Argyrodes lucmae Chamberlin, 1916
- Argyrodes maculiger Strand, 1911
- Argyrodes margaritarius (Rainbow, 1894)
- Argyrodes mellissi (O. Pickard-Cambridge, 1870)
- Argyrodes mertoni Strand, 1911
- Argyrodes miltosus Zhu & Song, 1991
- Argyrodes minax O. Pickard-Cambridge, 1880
- Argyrodes miniaceus (Doleschall, 1857)
- Argyrodes modestus Thorell, 1899
- Argyrodes nasutus O. Pickard-Cambridge, 1880
- Argyrodes neocaledonicus Berland, 1924
- Argyrodes nephilae Taczanowski, 1873
- Argyrodes parcestellatus Simon, 1909
- Argyrodes pluto Banks, 1906
- Argyrodes praeacutus Simon, 1903
- Argyrodes projeles Tikader, 1970
- Argyrodes rainbowi (Roewer, 1942)
- Argyrodes reticola Strand, 1911
- Argyrodes rostratus Blackwall, 1877
- Argyrodes samoensis O. Pickard-Cambridge, 1880
- Argyrodes scapulatus Schmidt & Piepho, 1994
- Argyrodes scintillulanus O. Pickard-Cambridge, 1880
- Argyrodes sextuberculosus Strand, 1908
- Argyrodes strandi (Caporiacco, 1940)
- Argyrodes stridulator Lawrence, 1937
- Argyrodes sublimis L. Koch, 1872
- Argyrodes sundaicus (Doleschall, 1859)
- Argyrodes tenuis Thorell, 1877
- Argyrodes tripunctatus Simon, 1877
- Argyrodes unimaculatus (Marples, 1955)
- Argyrodes vatovae (Caporiacco, 1940)
- Argyrodes viridis (Vinson, 1863)
- Argyrodes vittatus Bradley, 1877
- Argyrodes weyrauchi Exline & Levi, 1962
- Argyrodes wolfi Strand, 1911
- Argyrodes yunnanensis Xu, Yin & Kim, 2000
- Argyrodes zhui Zhu & Song, 1991
- Argyrodes zonatus (Walckenaer, 1841)
Selon World Spider Catalog (version 20.5, 2020)[14] :
- â Argyrodes parvipatellaris Wunderlich, 1988
Publication originale
- Simon, 1864 : Histoire naturelle des araignées (aranéides). Paris, p. 1-540 (texte intégral).
Liens externes
- (en) Référence Animal Diversity Web : Argyrodes (consulté le )
- (en) Référence BioLib : Argyrodes Simon, 1864 (consulté le )
- (en) Référence Catalogue of Life : Argyrodes (consulté le )
- (fr+en) Référence ITIS : Argyrodes Simon, 1864 (consulté le )
- (en) Référence NCBI : Argyrodes (taxons inclus) (consulté le )
- (en) Référence Paleobiology Database : Argyrodes Simon 1864 (consulté le )
- (en) Référence World Spider Catalog : Argyrodes Simon, 1864 dans la famille Theridiidae +base de données (consulté le )
Bibliographie
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Notes et références
- WSC, consulté lors d'une mise à jour du lien externe
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- WSC, consulté le version 21.0, 06/04/2020
- Dunlop, Penney & Jekel, 2023 : « A summary list of fossil spiders and their relatives. » World Spider Catalog, Musée d'histoire naturelle de Berne (version 23.5 (en).).