Arcadie (poésie)
L'Arcadie (grec Ἀρκαδία) est une utopie, terre idyllique pastorale et harmonieuse. Le terme vient de la province grecque d'Arcadie et remonte à l'Antiquité classique.
Antiquité
Région de Grèce, l'Arcadie symbolisa dès l'Antiquité un âge d'or. Cette représentation s'ancre dans la poésie bucolique latine et hellénique, où l'Arcadie était représentée comme un pays idéal. Elle imprègne la poésie antique:
Virgile
Virgile en parle dans plusieurs églogues de ses Bucoliques (composées entre -42 et 39 av. J.-C.). Pan, « au visage divin, que rougissaient l'hièble sanglante et le carpin » y est présenté comme un dieu d'Arcadie, que celle-ci admire. Le berger Corydon et le chevrier Thyrsis, tous deux d'Arcadie, se livrent à un chant amébée. Ce dernier demande que les bergers de cette contrée couronnent de lierre un poète grandissant[1].
Ovide
Ovide dans ses Fastes (vers 15 apr. J.-C.) nous en apprend plus[2] :
Dans la partie sur les Carmentalia du 11 janvier, il explique que l'Arcadie, créée avant la lune, doit son nom à son roi Arcas (fils de Zeus et de Callisto). C'est là que vécut la déesse prophétesse Carmenta, qui un jour annonça à son fils Évandre que de grands changements les menaçaient tous deux. Tous deux fuirent alors quittèrent l'Arcadie et les lares de Parrhasius (en). Son navire arriva vers la terre d'Hespérie ; suivant les divins conseils de sa mère, il se dirigea vers l'embouchure du Tibre et remontait le fleuve italien dans le Latium.
Dans la partie sur les Lupercales du 15 Février, il donne à cette fête une origine arcadienne. Les antiques populations de l'Arcadie adoraient Pan, dieu des troupeaux ; partout dans leurs montagnes, on retrouvait ses autels. En sont témoins le Pholoé, la cime du Nonacris (en), couronnée de pins sauvages, le haut mont Cyllène, et les neiges des sommets parrhasiens (en), l'eau du Stymphale et le Ladon. Quotidiennement, il recevait des offrandes comme protecteur des troupeaux, comme dieu des cavales, comme gardien des brebis. Dans son exil, Évandre apporte avec lui le culte de cette divinité rustique lors qu'il arrive dans la future Rome (où il fondera la colonie de Pallantium). Selon Ovide, depuis ce jour, Pan est aussi un dieu pour les Romains. Le flamine Diale célèbre encore sa fête d'après les rites anciens, tels que les leur ont transmis les Pélasges.
Toujours selon le poète, suivant les traditions, les Arcadiens habitaient la terre avant la naissance de Jupiter ; c'était une race plus vieille que la lune. Ils vivaient nus, à la merci des intempéries ; l'agriculture leur était inconnue. Maintenant donc, la nudité des Luperques, souvenir des mœurs de nos aïeux, nous donne aussi une idée de leur riche indigence.
Expliquant l'origine du nom du mois de mai, les Pléiades. Une d'elles, Maïa, suivant les traditions, surpassa en beauté ses sœurs, et reçut dans son lit le puissant Jupiter. Elle mit au jour, sur le sommet du Cyllène ombragé de cyprès, le dieu qui d'un pied ailé fend les plaines de l'air ; c'est lui qu'adorent les Arcadiens, le rapide Ladon et le vaste Ménale, contrée que l'on croit plus antique que la Lune[alpha 1].
Renaissance
À la Renaissance, l'Arcadie fut rêvée comme une utopie. La vie pastoraliste fut idéalisée par les écrivains de cette époque. Elle inspira entre autres :
- Jacopo Sannazaro, poète italien, pour son L'Arcadie (1483-1504) ;
- Thomas More, philosophe et théologien anglais, pour son Utopia (1516) ;
- The Countess of Pembroke's Arcadia (en), roman écrit par l'écrivain anglais Philip Sidney (1593) ;
- Lope de Vega, poète espagnol, pour son La Arcadia (1598). Ce roman sert de prétexte à la présentation de ses poèmes (plus de 160).
Acadie
L'explorateur italien Giovanni da Verrazzano donna le nom d'Arcadie à la côte nord atlantique de l'Amérique du Nord. Elle est devenue l'Acadie. Au XVIIe siècle, Samuel de Champlain fixa sa présente orthographe, avec le « r » omis, et William Francis Ganong a mis en évidence dans une succession de cartes le déplacement progressif de l'appellation vers le nord, jusqu'à sa position actuelle dans les Provinces Atlantiques.
Et in Arcadia ego
Et in Arcadia ego est une locution latine attribuée à la Mort et voulant dire "Même en Arcadie je suis (présente)" (ou « Je suis aussi en Arcadie. »)[alpha 2]. Cela signifie que même ce le lieu des félicités qu'est l'Arcadie n'est pas épargné par la mort. Il s'agit d'une formule équivalente de Memento mori. Cette phrase a inspiré plusieurs œuvres :
- Le tableau Et in Arcadia ego, du peintre baroque italien Giovanni Francesco Barbieri (Le Guerchin), exécuté dans les années 1610 et début 1620. Elle est conservée dans les galeries d'art du Palais Corsini à Rome.
- Les deux peintures pastorales Et in Arcadia ego peints par le peintre classique français Nicolas Poussin (la deuxième est aussi connue sous le nom Les Bergers d'Arcadie), figurant des bergers idéalisés de l'Antiquité classique, réunis autour d'une tombe austère sur laquelle est gravée la locution. La première version, datée de 1628-1630, est conservée à Chatsworth House (Royaume-Uni). La seconde, plus célèbre, est datée de 1638-1640 et se trouve au Musée du Louvre.
- Le tableau Et in Arcadia Ego, du peintre classique français Sébastien Bourdon, réalisée entre 1637 et 1638 et conservée à la Yale University Art Gallery (New Haven, États-Unis).
- Le deuxième tableau de Poussin a inspiré un relief figurant sur le Shepherd's Monument (Monument du berger), sur lequel figure aussi l'inscription de Shugborough. Réalisé par le sculpteur flamand Peter Scheemakers (nl) entre 1748 et 1763, il se trouve Shugborough Hall, en Angleterre.
- Auch ich in Arkadien (Et in Arcadia ego), dessin du peintre néo-classique bavarois (actuelle Allemagne) Johann Christian Reinhart, 1785.
- Et in Arcadia Ego, peinture du peintre allemand Georg von Dillis, 1790/1800.
- Auch ich war in Arkadien (Moi aussi j'étais en Arcadie), estampe de l'aquafortiste allemand Carl Wilhelm Kolbe der Ältere (de), 1801.
- En 1806 est aménagé le domaine de la Garenne Lemot (Vendée), où sont aménagées de nombreuses fabriques. L'une d'elles, le tombeau à l'antique, par l'architecte français néo-classique Mathurin Crucy, est inspiré de celui de la seconde peinture de Poussin[3].
- Et in Arcadia ego, dessin d'Aubrey Beardsley publié en 1896 dans le journal The Savoy.
- A fool on a roof : et in Arcadia ego, and other poems ("Un imbécile sur un toit : et in Arcadia ego", et autres poèmes), recueil de l'écrivain américain Jean Wright publié en 1911.
- Et in Arcadia ego, poème de l'écrivaine américaine Theodosia Garrison publié en 1917.
- Le tableau Et in Arcadia Ego, assemblage du sud-africain Christo Coetzee (en), réalisé en 1964.
- Et in Arcadia ego, plaque sur un mur du quai du lac Hofvijver (nl) (La Haye, Pays-Bas), par l'artiste-paysager écossais Ian Hamilton Finlay, 1998[4].
- Et in Arcadia ego. Fotografien von Wilhelm von Gloeden, Guglielmo Plüschow und Vincenzo Galdi, livre de photos publié en 2000.
- Q oder ET IN ARCADIA EGO (Q ou ET IN ARCADIA EGO), aquarelle publiée de Paul Mersmann (de) dans Blätter zur Förderung der Legendenbildung um Gutenberg (26 feuilles pour favoriser la formation de légendes sur Gutenberg), 2004.
- Et in Arcadia ego, Nicolas Poussin (première version).
- Et in Arcadia ego (ou Les Bergers d'Arcadie), Nicolas Poussin (deuxième version).
- Et in Arcadia Ego, Sébastien Bourdon.
- Le relief de Shugborough, adapté de la deuxième version de Nicolas Poussin de Et in Arcadia ego. La phrase en latin y est inscrite.
- Auch ich in Arkadien (Et in Arcadia ego), Johann Christian Reinhart.
- Auch ich war in Arkadien, Carl Wilhelm Kolbe der Ältere (de).
- Et in Arcadia Ego, Georg von Dillis.
- Tombeau à l'antique du domaine de la Garenne Lemot, Mathurin Crucy.
- Et in Arcadia ego, Aubrey Beardsley.
- Et in Arcadia ego, Christo Coetzee (en).
- A fool on a roof : et in Arcadia ego, and other poems, Jean Wright (ouvrir le lien pour le lire).
- Exemplaire d'Et in Arcadia ego, Theodosia Garrison (ouvrir le lien pour le lire).
- Photo publiée dans Et in Arcadia ego, montrant trois jeunes nus devant l'ancienne tombe romaine appelée "Tomba del frontespizio".
- Q oder ET IN ARCADIA EGO, Paul Mersmann (de).
Usage moderne
Autres œuvres
- Thomas Cole, peintre américain fondateur de la Hudson River School, réalisa une série de cinq tableaux dépeignant la croissance et la chute d'une ville imaginaire, à cinq "état" différents. Le second, L'État arcadien ou pastoral, peint en 1834, montre l'évolution de cette vallée ayant quitté l'état sauvage pour être exploitée par des paysans.L'État arcadien (titre original : The Course of Empire : The Arcadian or Pastoral State), Thomas Cole, 1834.
- En 2009, le chanteur de rock britannique Pete Doherty sort la chanson Arcady, dans laquelle il décrit cette contrée[5].
Organisations
Géographie
- Arcadia est actuellement le nom de plusieurs villes du monde.
Notes et références
Notes
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Fernando Filipponi, « Souvenir d’Arcadie au musée Gualtieri. Les sources littéraires dans les arts décoratifs à la cour de Clément XI », Revue de l’Art, n° 209/2020-3, p. 23-33.
Liens externes
- (en) Net in Arcadia Virtual Museum of Contemporary Classicism