Anwar al-Awlaqi
Anwar al-Awlaqi (en arabe أنور العولقي), de son nom complet Anwar bin Nasser bin Abdullah al-Awlaqi (né le à Las Cruces, aux États-Unis – mort le ), est un imam américain, d'ascendance yéménite. Il était l'un des membres les plus actifs de la nébuleuse terroriste Al-Qaïda et un des responsables les plus influents de sa filière yéménite, Al-Qaïda dans la péninsule arabique, dont il était l'idéologue en chef[1]. Il est ciblé à quatre reprises par des drones américains, frappes qui ont provoqué la mort de 54 civils[2]. Il est tué par l'une de ces attaques le .
Imam du Yémen (en) |
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Naissance | |
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Décès |
(à 40 ans) Al-Jawf, Yémen |
Nationalité |
Américaine Yéménite |
Formation | |
Activité | |
Famille |
Nasser al-Awlaqi (père) (mort le 28 septembre 2021) Abdulrahman al-Awlaki (fils) (assassiné le 14 octobre 2011) Tarek al-Dahab (beau-frère) Nawar al-Awlaki (fille) (assassiné le 29 janvier 2017) |
Père |
Nasser al-Awlaki (en) |
Enfants |
Biographie
Il naît le à Las Cruces, au Nouveau-Mexique. Son père, Nasser al-Awlaqi, étudia aux États-Unis dans plusieurs facultés au cours des années 1960. C'est un brillant élève qui obtient un master en économie de l'agriculture à l'université d'État du Nouveau-Mexique en 1971, un doctorat à l'université du Nebraska à Lincoln et enseigna à l'université du Minnesota de 1975 à 1977. Il se maria avec une citoyenne américaine avec qui il eut un fils, Anwar. La famille retourne au Yémen en 1978[3], où Nasser exerça les fonctions de président de l'université de Sanaa et de ministre de l'Agriculture au sein du gouvernement yéménite d’Ali Abdallah Saleh.
En 1978, à l'âge de sept ans, Anwar al-Awlaqi suit ses parents au Yémen. Il y étudie dans un lycée séculier à Sanaa. Il revient aux États-Unis en 1991 pour poursuivre ses études à l'université du Colorado[3]. Il déménage ensuite en Californie où il devient imam de la mosquée de San Diego à l'âge de vingt-cinq ans. En 2001, il part pour Washington et devient imam à la mosquée de Falls Church. Ses prêches y sont notamment suivis par Nidal Malik Hasan, auteur de la fusillade de Fort Hood en 2009.
Dans les semaines qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001, il est consulté par les journalistes pour comprendre l'Islam. Il condamne les meurtres de masse, invite les équipes de télévision à le suivre et leur explique les rituels de sa religion. Il dit : « Nous sommes ici pour construire, pas pour détruire » (en anglais : We came here to build, not to destroy), dans un sermon, il déclare : « Nous sommes le pont entre les américains et le milliard de musulmans à travers le monde » (en anglais : « We are the bridge between Americans and one billion Muslims worldwide »). Il avait également fait un prêche dans le Capitole des États-Unis (bâtiment du Congrès) quelques semaines avant les attaques[4].
Selon des proches, Anwar, autrefois modéré[5], aurait adhéré à l'idéologie d'Al-Qaida à la suite des attentats du . Les autorités américaines affirment cependant que l'extrémisme d'Anwar serait antérieur aux faits, bien que cela ne soit pas prouvé. L'imam retient toutefois l'attention du FBI en raison de ses liens présumés avec la nébuleuse terroriste.
À la suite des attentats du , sa mise sous surveillance par la CIA s'intensifie. Ses sermons auraient en effet inspiré trois des dix-neuf pirates de l'air responsables des attaques, (Nawaf al-Hazmi, Khalid al-Mihdhar et Hani Hanjour, membres du commando ayant détourné le vol American Airlines 77 destiné à frapper le Pentagone) ayant fréquenté les mosquées de San Diego et de Dar al-Hijrah à Falls Church dont il était le recteur entre 2001 et 2002[6].
En 2002, pourtant, autorisé à quitter le territoire américain, Anwar al-Awlaqi s'installe brièvement au Royaume-Uni, à Londres et fréquente la mosquée de Finsbury Park, avant de retourner au Yémen avec sa femme et ses cinq enfants en 2004[7]. Il enseigne alors à la très religieuse université d'al-Elman, et devient un blogueur influent. L'établissement religieux où il enseigne est dirigé par l'imam Cheikh Abd-al-Majid al-Zindani (en), réputé pour avoir combattu en Afghanistan contre les Soviétiques aux côtés d'Oussama ben Laden, fondateur du réseau Al-Qaida[8]. Al-Zindani a été désigné comme terroriste par les États-Unis et les Nations unies en 2004. Il nie toutefois avoir influencé Anwar al-Awlaqi[9].
À partir de 2006, Anwar al-Awlaqi lance de nombreux appels au jihad sur Internet. Il n'hésite pas à utiliser des sites sociaux comme Facebook, ou de partage de vidéos tels que YouTube, pour diffuser ses prêches[10]. Ses prêches en anglais, langue qu'il maîtrise parfaitement, sont suspectés d'avoir inspiré plusieurs islamistes à commettre des attentats sur le sol américain. Au Yémen, ses appels au djihad sont lus par de nombreux internautes avant que son site ne soit rendu inaccessible.
Le , Anwar al-Awlaqi est arrêté au Yémen à la demande de Washington pour sa participation présumée au kidnapping d'un adolescent chiite en vue d'une rançon, de même qu'à l'enlèvement d'un attaché militaire américain. Emprisonné pendant dix-huit mois, il est interrogé par le FBI en 2007 sur ses liens présumés avec les Attentats du , mais est finalement relâché, faute de preuves, en décembre la même année. Anwar al-Awlaqi se soustrait aux enquêtes menées par la police yéménite sur ses liens présumés avec Al-Qaida en 2009. À la fin de l'année, son nom figure sur la liste des terroristes les plus recherchés au Yémen[11].
Fusillade de Fort Hood (5 novembre 2009)
Anwar al-Awlaqi a entretenu une correspondance avec Nidal Malik Hasan, américain musulman d'origine palestinienne, psychiatre dans l'armée de terre des États-Unis et auteur de la fusillade de Fort Hood, perpétrée le , dans l'enceinte de la base de Fort Hood, au Texas. L'attaque a causé la mort de treize personnes et fait une trentaine de blessés.
Des dizaines de mails faisant état d'une correspondance entre Hassan et Awlaqi ont été interceptés par la CIA quelques mois avant les faits[12]. Dans certains, Nidal Malik Hassan exprime clairement son soutien à Awlaqi[13]. Toutefois, comme le souligne The Wall Street Journal, il n'existe aucune preuve permettant d'affirmer qu'Anwar al-Awlaqi ait eu un rôle direct dans l'attaque[14]. Toutefois, Nidal Malik Hassan est connu pour avoir fréquenté la mosquée Dar al-Hijrah à Falls Church du temps où l'imam en était le recteur et pourrait avoir été influencé par ses discours.
Même si l'existence d'un lien entre Hassan et Awlaqi a été étudiée, la piste d'un acte solitaire a été également avancée[15]. De fait, l'enquête n'a pas établi de lien direct entre Hassan et des groupuscules terroristes tels qu'Al-Qaida.
Tentative d'attentat du vol 253 Northwest Airlines Flight (25 décembre 2009)
Anwar al-Awlaqi est suspecté d'avoir recruté et inspiré le Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab, auteur de la tentative d'attentat avortée sur le vol 253 Northwest Airlines Flight reliant Amsterdam à Détroit le . Des sources sécuritaires américaines ont affirmé que l'imam radical avait confirmé avoir rencontré le jeune homme peu avant les faits. En février 2010, dans une interview publiée sur al-Jazeera, Awlaqi avoue connaître Umar Farouk Abdulmutallab : « Il est un de mes étudiants ; oui, nous étions en correspondance ». Il a cependant nié être le commanditaire de la tentative d'attentat[16].
The Sunday Times mentionne toutefois que la rencontre entre les deux hommes remonte à 2005, alors qu'Umar Farouk Abdulmutallab étudiait l'arabe au Yémen[17]. Après son arrestation, des éléments d'enquête ont prouvé que le jeune homme suivait les discours de l'imam[18].
Activité au sein d'Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (AQPA)
En 2009, les branches saoudiennes et yéménites d'Al-Qaïda fusionnent pour former Al-Qaïda dans la péninsule arabique. Anwar al-Awlaqi est perçu comme un de ses militants les plus charismatiques, mais, selon La Voix du Yémen, malgré l'importante couverture médiatique qui lui était consacré, il n'occupait aucun poste de premier plan au sein de l'organisation. La direction du groupe est assurée par Nasser al-Wouhayshi, un ancien garde du corps d'Oussama ben Laden. En , Wouhayshi annonce dans une interview qu'Anwar al-Awlaqi n'avait pas « de liens particulièrement étroits avec al-Qaïda et qu’il n’a pas fait allégeance à Ben Laden »[19]. Le président américain Barack Obama l'a néanmoins qualifié de « chef des opérations externes d'Al-Qaida dans la péninsule arabique »[20]. Selon des responsables américains, Awlaqi tenait principalement un rôle de leader charismatique et de recruteur au sein d'AQPA[21].
À la suite de la disparition de l'imam courant 2009, les gouvernements américain et yéménite tentent de retrouver sa trace. Il était soupçonné avoir trouvé refuge dans les zones tribales au sud du Yémen, d'où il poursuivait ses appels au jihad contre les États-Unis[22] - [23], cherchant à inciter des musulmans américains à commettre des actes terroristes sur le territoire[24]. Considéré par le Pentagone comme une menace aussi importante qu'Oussama ben Laden, son nom est inscrit sur la liste de la CIA des terroristes recherchés « morts » ou « vifs », par l'administration de Barack Obama. Il devient de fait le premier citoyen américain à être la cible d'une élimination dans le cadre de la lutte de contre-terrorisme engagée par Washington depuis les Attentats du [25].
Le , Awlaqi est la cible d'un raid de l'aviation yéménite dans la province de Chabwa où il était soupçonné avoir trouvé refuge. L'attaque, ayant entraîné la mort d'une trentaine de civils, manque le militant islamiste qui ne se trouvait pas sur les lieux à ce moment-là[26].
En , il est la cible d'une deuxième tentative d'élimination dans une attaque de drone contre son véhicule dans la province de Chabwa, mais il parvient à s'enfuir.
Quelques mois plus tard, il échappe de justesse à une autre attaque causée par un drone américain le , ce qui le conduit à quitter le sud du pays pour rejoindre al-Jawf, zone désertique au nord du Yémen, proche de la frontière saoudienne. Ces attaques dont il était la cible ne l'empêchaient pas d'apparaître en public pour prêcher et donner des conférences dans plusieurs mosquées de la province de Chabwa[27].
Décès
Anwar al-Awlaqi est mort le dans la province d'al-Jawf, tué par un missile lancé d'un drone américain contre son véhicule lors d'une des attaques aériennes américaines. Six autres militants islamistes sont morts dans l'attaque, dont Samir Khan, un informaticien américain d'origine pakistanaise. Le groupe aurait été victime d'un premier tir à proximité d'une maison où les militants s'abritaient. En tentant de fuir à bord d'un véhicule, un second missile frappe la voiture, tuant ses occupants[28]. Le décès d'Awlaqi a été confirmé par un responsable d'AQPA[29] - [30]. À propos de ces événements, l'on peut lire dans un article du Yemen Observer, d'une part que le frère, Khamis Afrag, d'une des victimes (le chauffeur décédé) fait partie de la direction du parti islamique d'opposition Al-Islah, d'autre part qu'Awlaqi a séjourné, dans les dix jours précédant son décès, notamment dans la ferme d'Amin Al-Okaimi, membre du parlement et président du parti précité[31].
Son fils, Abdul Rahman, est tué avec cinq autres militants islamistes dans un raid aérien américain lancé dans la province de Chabwa le [32].
Sa mort soulève un débat aux États-Unis sur le droit d'assassiner des ressortissants américains au nom de la lutte contre le terrorisme. Selon le The Washington Post, l'élimination d'Anwar al-Awlaqi aurait été approuvée par un document secret du département de la Justice des États-Unis[33].
Le , l'administration américaine reconnaît formellement être à l'origine des attaques de drones ayant entraîné la mort du prédicateur islamiste[34] - [35].
L'un de ses beaux-frères, Tarek al-Dahab, commandant militaire d'AQPA, était connu pour avoir pris et occupé temporairement la ville de Radah le . Sous la pression des tribus locales, ses troupes se retirent fin janvier pour se replier à Al-Masanah, ville natale de Dahab. Le , Tarek al-Dahab y est assassiné par son demi-frère, Hizam[36]. L'altercation a entraîné une série de heurts entre les militants islamistes et une tribu locale hostile à Al-Qaïda. Tarek est remplacé par Qaïed al-Dahab, qui est à son tour tué dans une attaque de drone le à Manasseh, dans la province de Bayda[37].
Chérif Kouachi, l'un des deux auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo du 7 janvier 2015, a déclaré avoir été financé par al-Awlaqi dans une interview téléphonique à la chaîne BFM TV le [38].
Références
- mediarabe.info
- (en-GB) Spencer Ackerman, « 41 men targeted but 1,147 people killed: US drone strikes – the facts on the ground », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
- (en) csmonitor.com
- (en) « Imam’s Path From Condemning Terror to Preaching Jihad », New York Times, (consulté le )
- (en) washingtonpost.com
- (en) Imam From Va. Mosque Now Thought to Have Aided Al-Qaeda
- Paris Match, 30 septembre 2011
- (en) www.washingtonpost.com
- (en) Yemen cleric Zindani warns against 'foreign occupation' BBC News, 11 janvier 2010
- (en) Is imam a terror recruiter or just an incendiary preacher? Mc Clatchy, 20 novembre 2009
- (en) 'Fort Hood' imam blown up: yemen New York Post, 25 décembre 2009
- (en) Even in death, slain al Qaeda figure could play role in Fort Hood shooting trial Statesman.com, 30 septembre 2011
- Major Hasan's E-Mail: 'I Can't Wait to Join You' in Afterlife ABC News, 19 novembre 2009
- (en) Yemen in Talks for Surrender of Cleric The Wall Street Journal, 15 janvier 2010
- Fusillade à Fort Hood : le tueur fou ne faisait pas partie d'un groupe terroriste Le Point, 9 novembre 2011
- (en) Yemeni American cleric Aulaqi confirms contact with Nigerian suspect The Washington Post, 6 février 2010
- (en) MI5 knew of Umar Farouk Abdulmutallabs UK extremist links The Sunday Times, 3 janvier 2010
- (en) Investigators Recover SIM Cards During Searches of Homes Tied to Abdulmutallab Fox News, 28 décembre 2009
- Un drone de la CIA tue Anwar Al-Awlaqi La Voix du Yémen, 1er octobre 2011
- (en) Two-Year Manhunt Led to Killing of Awlaki in Yemen The New York Times, 30 septembre 2011
- Anwar al-Awlaki, dirigeant d'Al-Qaïda au Yémen, a été tué, Casefree, 30 septembre 2011
- (en)
- (en)
- La légalité du meurtre d'Al-Awlaki mise en question Le Figaro,
- Un des leaders d'Al-Qaïda a été tué au Yémen TSR info.ch, 30 septembre 2011
- Yémen: avant sa mort l'iman Aulaqi se déplaçait librement et apparaissait en public Le Parisien, 3 octobre 2011
- Washington élimine un de ses ennemis publics au Yémen Libération,
- Al-Qaïda confirme la mort d'Anwar Al-Aulaqi Cyberpresse.ca, 10 octobre 2011
- Can Yemen crisis be internationalized more? Yemen Observer, 8 octobre 2011
- (en) Al-Qaida's Yemen media chief dies in US drone attack The Guardian, 15 octobre 2011
- (en) Secret U.S. memo sanctioned killing of Aulaqi The Washington Post, 30 septembre 2011
- Washington reconnaît finalement avoir tué l'imam Al-Aulaqi Le Monde, 22 mai 2013
- « Washington reconnaît avoir tué l'imam Anwar Al-Aulaqi », Atlas Info,
- Yémen: 17 tués dans des heurts après l'assassinat d'un chef d'Al-Qaïda NouvelObs, 16 février 2012
- Al-Qaïda confirme la mort d'un de ses chefs militaires au Yémen La Libre.be, 14 septembre 2013
- http://www.lepoint.fr/societe/charlie-hebdo-cherif-kouachi-se-revendique-d-al-qaida-09-01-2015-1895310_23.php
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