Annemarie Heinrich
Annemarie Heinrich (Darmstadt, Allemagne, 1912 â Buenos Aires, Argentine, 2005) Ă©tait une photographe dâorigine allemande naturalisĂ©e argentine. SpĂ©cialisĂ©e dans les portraits et le nu artistique, elle sâillustra plus particuliĂšrement en photographiant dans les annĂ©es 1940 une sĂ©rie dâactrices et dâacteurs de cinĂ©ma de son pays dâadoption[2] - [3] - [4]. Elle fut probablement la premiĂšre en Argentine Ă pratiquer la photographie comme une forme d'art.
photographiée par son fils Ricardo Sanguinetti.
Naissance | |
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DĂ©cĂšs | |
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Nationalité | |
Activité |
Photographe (portraits, nus) |
Lieu de travail |
Buenos Aires (- |
Distinction |
Prix Konex |
Archives conservées par |
Biographie
NĂ©e en 1912 Ă Darmstadt (selon dâautres sources Ă Dresde), Annemarie Heinrich grandit Ă Berlin, jusquâĂ ce que des raisons Ă©conomiques et politiques (son pĂšre, auparavant premier violon Ă lâopĂ©ra de Berlin, revenu blessĂ© de la Grande Guerre, Ă©tait dorĂ©navant dans lâincapacitĂ© de jouer de son instrument) portĂšrent sa famille Ă Ă©migrer en Argentine en 1926, pour sâĂ©tablir Ă Larroque, dans le dĂ©partement de GualeguaychĂș, en Entre RĂos, oĂč deux frĂšres de la mĂšre dâAnnemarie, pacifistes, sâĂ©taient installĂ©s dĂšs avant la guerre[3]. Câest dâun de ces deux oncles, photographe de la localitĂ©, quâelle apprit la photographie, se voyant offrir ainsi une alternative Ă son dĂ©sir de devenir scĂ©nographe, dĂ©sir irrĂ©alisable pour elle en Argentine, car ne possĂ©dant pas encore la langue espagnole.
AprĂšs que la famille eut dĂ©mĂ©nagĂ© vers le Grand Buenos Aires, Ă Villa Ballester (partido de San MartĂn), elle chercha, en lâabsence de cours ou dâouvrages spĂ©cialisĂ©s, Ă sâengager comme apprentie dans diffĂ©rents studios de photographie tenus par des Allemands, Polonais, Hongrois ou Autrichiens, oĂč elle accomplit toutes sortes de tĂąches â nettoyer les cuves de dĂ©veloppement, prĂ©parer le rĂ©vĂ©lateur etc. â, tout en Ă©tudiant, Ă ses heures, lâespagnol au Colegio Roca. Le week-end, au moyen de lâappareil photo de son pĂšre, elle prenait des photos sur la place de Villa Ballester, le quartier quâelle habitait avec sa famille. Elle amĂ©nagea une chambre noire dans le domicile parental et ouvrit, Ă lâĂąge de 18 ans, son premier studio de photographie. Avec lâaide de son pĂšre, elle confectionna ses propres sources dâĂ©clairage Ă partir de bidons de kĂ©rosĂšne.
Elle commença bientĂŽt Ă faire le portrait des dames de la haute sociĂ©tĂ© pour le compte de la revue Mundo social, et, poser devant lâappareil photo de Heinrich Ă©tant devenu une sorte de consĂ©cration que toutes recherchaient, son studio de la rue Santa Fe se transforma progressivement en un lieu mythique. Dans les annĂ©es 1930, elle sâillustra surtout, en parallĂšle avec le grand dĂ©veloppement que connut alors lâindustrie du cinĂ©ma et la radio, et en plus de ses photos de mode, de danse, ou de ses nus, par des portraits dâactrices et dâacteurs, quâelle fit paraĂźtre dans les revues consacrĂ©es au spectacle, telles que SintonĂa, Radiolandia, El Hogar, entre autres[3]. En particulier, dĂšs le tout premier numĂ©ro en 1935, et une quarantaine dâannĂ©es durant, le magazine Radiolandia publia en page de couverture les photographies de Heinrich. Une premiĂšre exposition consacrĂ©e Ă ses photographies eut lieu en 1938 ; de nombreuses autres devaient suivre Ă partir de 1950, en Argentine mĂȘme, au BrĂ©sil, au PĂ©rou, en Italie, en France et en Union soviĂ©tique â la derniĂšre en date au musĂ©e de la Photographie Ă Charleroi.
En 1953, elle cofonda lâĂ©phĂ©mĂšre groupe de photographes argentins Carpeta de los diez[3] et mit sur pied en 1979, conjointement avec cinq autres photographes, le Conseil argentin de la Photographie, dont le propos Ă©tait (et est encore) lâĂ©tude et la diffusion de la production photographique nationale argentine et lâintroduction des Ćuvres les plus innovantes de la crĂ©ation mondiale[5]. Entre autres faisaient partie de ce Conseil ses disciples Sara Facio et Alicia D'Amico.
En 1982, elle se vit dĂ©cerner le prix Konex â DiplĂŽme du MĂ©rite â au titre de lâun des 5 meilleurs photographes de la dĂ©cennie en Argentine.
Elle avait son studio sur l' Avenida Callao et lâAvenida Las Heras, dans le quartier portĂšgne de Recoleta. Elle sâĂ©teignit en , Ă lâĂąge de 93 ans, Ă Buenos Aires, et fut inhumĂ©e dans la section allemande du cimetiĂšre de la Chacarita[4]. Elle avait Ă©tĂ© mariĂ©e avec lâĂ©crivain Ricardo Sanguinetti, dont elle eut deux enfants, Alicia et Ricardo Sanguinetti, qui sont tous deux actifs comme photographes. Alicia travaille dans le mĂȘme studio que sa mĂšre.
Ćuvre
Annemarie Heinrich rĂ©alisa le portrait photographique de nombre de cĂ©lĂ©britĂ©s argentines, du spectacle ou autres, de la pĂ©riode dorĂ©e du cinĂ©ma et du thĂ©Ăątre argentins, images qui aux yeux de beaucoup dâArgentins aujourdâhui, souvent dans lâignorance que ces photos sont dâelle, ont fini par revĂȘtir un caractĂšre de photo officielle, et appartiennent en quelque sorte Ă la mĂ©moire collective argentine. En 1939, câest elle qui fut chargĂ©e de faire les premiĂšres photos dâEva Duarte, actrice alors ĂągĂ©e de vingt ans et encore quasi inconnue ; Ă©voquant cet Ă©pisode, Heinrich dit : « la premiĂšre fois que jâai fait son portrait, câĂ©tait pour la revue SintonĂa. On mâavait demandĂ© que je fasse dâelle de 'bonnes photos et un peu sexy, si câest possible', ce que je nâai pas pu faire parce quâEva nâĂ©tait pas sexy. Elle Ă©tait une gamine de province, trĂšs modeste et simple ». Elle rĂ©alisa aussi les portraits de Libertad Lamarque, Mirtha Legrand, Zully Moreno, Tilda Thamar, Jorge Luis Borges, Pablo Neruda, Chabuca Granda, Yehudi Menuhin, Juan Carlos Castagnino, Rafael Alberti, Atahualpa Yupanqui, Mercedes Sosa, Astor Piazzolla, AnĂbal Troilo, Marlene Dietrich, Flora Nudelman, etc.
En plus du portrait, Heinrich se voua pendant toute sa carriĂšre Ă lâart du nu en photographie. En 1991, lâexposition, dans la vitrine de son studio, dâune photo de nu de lâactrice NinĂ Gambier, prise en 1944, dĂ©clencha un petit scandale.
Annemarie Heinrich fit du portrait photographique et du nu un vĂ©ritable art, et fut probablement la premiĂšre en Argentine Ă traiter la photographie comme telle. Elle possĂ©dait par ailleurs une technique exceptionnelle et fut experte et novatrice en matiĂšre dâĂ©clairage et de retouches sur le nĂ©gatif. PrĂ©cocement, elle sut exploiter, au service de la puretĂ© des formes et dâune glorification du corps humain, et pour les besoins de ses desseins esthĂ©tiques et de ses idĂ©es dâavant-garde, toute la gamme des possibilitĂ©s techniques de la photographie : montage, retouches, flou, clair-obscur, exposition prolongĂ©e et multiple, etc.
Son premier livre de photographies, El ballet en la Argentina, comprenant 233 images sur la danse, rĂ©alisĂ©es entre 1934 et 1960, parut en 1962, avec des textes (sous le pseudonyme dâĂlvaro Sol) de celui qui fut son Ă©poux, lâĂ©crivain Ricardo Sanguinetti.
Elle considĂ©rait lâart du portrait comme rĂ©sultant dâune collaboration entre le photographe et son modĂšle. Dans un reportage du quotidien ClarĂn, elle dĂ©clara :
« Un bon portrait, câest davantage quâune photo pour carte dâidentitĂ©. Un visage doit exprimer tout ce quâun ĂȘtre humain renferme au-dedans de lui-mĂȘme, et cela prend du temps. »
Dans ce mĂȘme reportage, elle livra sa maniĂšre de travailler et sa vision de lâart :
« La beautĂ©, on lâapprĂ©hende en regardant. Jâai travaillĂ© toute ma vie en regardant un corps, une lumiĂšre, un reflet. »
Annemarie Heinrich avait adoptĂ© des positions opposĂ©es au nazisme. « Si le photographe nâa pas dâĂ©thique », affirma-t-elle, « la meilleure photo du monde ne vaut rien. »
Prix
Annemarie Heinrich fut honorée des prix et distinctions suivants :
- Premier prix du Foto Club Argentino (1982)
- Premier prix, mĂ©daille dâor, de lâAAFP (1982)
- Prix Alicia Moreau de Justo aux Cent Femmes remarquables du XXe siĂšcle
- Honorable Excelencia FIAP mondiale de la Fédération internationale de l'art photographique, FIAP (1982)
- Nommée membre de la Gesellschaft Deutscher Lichtbilder (Allemagne)
- Prix décerné par le Théùtre Colón de Buenos Aires pour sa contribution à la culture (1992)
- Citoyenne illustre de la Ville de Buenos Aires (1992)
- Prix argentin dĂ©cernĂ© par le MusĂ©e national des Beaux-Arts (PremiĂšre Biennale internationale dâArt de Buenos Aires, 2001)
Publications
- Ballet en la Argentina, avec des textes de Ălvaro Sol (pseudonyme de son mari R. Sanguinetti), 1962
- Annemarie Heinrich, Centro Editor de América Latina, 1982
- La Azotea, el espectĂĄculo en la Argentina, 1988
- Annemarie Heinrich. Un cuerpo, una luz, un reflejo, textes de Juan Travnik, Ă©d. LariviĂšre, 2004
Références
- « http://searcharchives.bl.uk/IAMS_VU2:IAMS032-003252571 » (consulté le )
- (es) Erika Billeter, Canto a la realidad. FotografĂa Latinoamericana 1860-1993, Barcelone, Lunwerg Editores, , 3e Ă©d., 390 p. (ISBN 978-84-7782-268-4, BNF 37510276)
- Annemarie Heinrich sur le site argus-fotokunst.de, consulté le 10 novembre 2013.
- Annemarie Heinrich, maestra de la luz, art. du quotidien La Nación, consulté le 10 novembre 2013.
- (es) M.L. Sougez et H. PĂ©rez Gallardo, Diccionario de historia de la fotografĂa, Madrid, Ediciones CĂĄtedra, (ISBN 84-376-2038-4), p. 224-225
Liens externes
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Page officielle
- MuriĂł Annemarie Heinrich, la fotĂłgrafa mayor de la Argentina, art. du journal ClarĂn du
- Annemarie Heinrich, CurrĂculum, sur le site de la fondation Konex
- MuriĂł ayer Annemarie Heinrich. Una mujer que sabĂa dominar la luz, journal PĂĄgina 12, Ă©d. du
- Naissance Ă Darmstadt