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Dernier ancĂȘtre commun

type d'ancĂȘtre

Pour les articles homonymes, voir DAC.

En biologie de l'Ă©volution, le concept de dernier ancĂȘtre commun (DAC) Ă  deux lignĂ©es d'ĂȘtres vivants, ou cĂ©nancĂȘtre[1],[2], correspond Ă  l'espĂšce la plus rĂ©cente que ces deux taxons ont pour ancĂȘtre commun. Cette espĂšce, qui correspond au dernier nƓud de l'arbre phylogĂ©nĂ©tique Ă  partir duquel divergent les branches de chacune des lignĂ©es en question, est le plus souvent difficilement identifiable dans la pratique.

Le dernier ancĂȘtre commun Ă  deux ou plusieurs individus est une notion distincte qu'il importe de ne pas confondre avec la prĂ©cĂ©dente.

Dernier ancĂȘtre commun en tant qu'espĂšce

Description

Le dernier ancĂȘtre commun Ă  deux lignĂ©es d'ĂȘtres vivants est une espĂšce qui, Ă  un moment donnĂ©, se scinde en deux populations qui vont progressivement diverger, jusqu'Ă  former deux espĂšces distinctes, puis potentiellement, si suffisamment de temps s'Ă©coule et en l'absence d'extinctions, deux lignĂ©es Ă©volutives distinctes.

Cette scission peut se produire en une seule génération, par exemple en cas d'isolement géographique soudain, ou sur de nombreuses générations, quand la séparation est ralentie par une succession de réhybridations.

Il faut généralement chez les mammifÚres plusieurs dizaines de milliers d'années avant que cette séparation se traduise en une divergence morphologique perceptible.

Les espĂšces ayant un dernier ancĂȘtre commun rĂ©cent sont phylogĂ©nĂ©tiquement plus proches que des espĂšces ayant un dernier ancĂȘtre commun plus ancien[3]. Par exemple, l'Homme et le chimpanzĂ© ont un ancĂȘtre commun rĂ©cent, tandis que l'Homme et le tilleul ont un ancĂȘtre commun ancien.

Le dernier ancĂȘtre commun universel (acronyme DACU en français, ou LUCA en anglais pour last universal common ancestor) ou dernier ancĂȘtre universel (DAU), est l'hypothĂ©tique plus rĂ©cent ĂȘtre vivant dont tous les organismes vivant actuellement sur Terre descendent. On estime qu'il aurait vĂ©cu il y a quelque 3,5 Ă  3,8 milliards d'annĂ©es[4]. LUCA ne doit pas ĂȘtre confondu avec le premier organisme vivant : il est probable qu'il soit lui-mĂȘme issu d'une lignĂ©e Ă©volutive et qu'il ait cohabitĂ© avec d'autres formes de vie qui n'ont pas laissĂ© de descendants[4].

Une entité souvent théorique

AncĂȘtre ou oncle ?

Le dernier ancĂȘtre commun est une entitĂ© souvent thĂ©orique car il est difficile de trouver un fossile dont on puisse ĂȘtre certain qu'il soit cette entitĂ©[5].

En effet, si pour deux espÚces A et B on trouve un fossile C qui partage des caractéristiques primitives avec ces deux espÚces :

  • il peut ĂȘtre un ancĂȘtre de A et B, mais pas forcĂ©ment le dernier si la divergence s'est produite parmi ses descendants ;
  • il peut aussi avoir divergĂ© lui-mĂȘme de la lignĂ©e commune Ă  A et B, plusieurs gĂ©nĂ©rations avant le dernier ancĂȘtre effectif.

Cela ne signifie pas qu'il n'a pas existé une espÚce qui soit à l'origine des deux espÚces A et B, mais qu'on pourra rarement exhiber avec certitude un membre fossile de cette espÚce.

Dernier ancĂȘtre commun en tant que population

Les recherches génétiques basées sur la comparaison de l'ADN nucléaire de différentes populations humaines actuelles suggÚrent que l'humanité entiÚre descend d'une population originelle qui aurait vécu il y a 110 000 à 120 000 ans en Afrique.

Cette estimation approximative n'est pas du mĂȘme ordre que les dĂ©couvertes de fossiles ou de vestiges archĂ©ologiques plus anciens attribuĂ©s Ă  l'espĂšce Homo sapiens, qui ne sont pas nĂ©cessairement reprĂ©sentatifs de la population qui forme le « dernier ancĂȘtre commun » de l'humanitĂ© actuelle. Les plus anciens fossiles connus attribuĂ©s Ă  l'espĂšce Homo sapiens sont en effet datĂ©s d'environ 300 000 ans, Ă  Djebel Irhoud, au Maroc[6].

De la mĂȘme façon, les plus anciens NĂ©andertaliens connus sont les fossiles de la Sima de los Huesos, en Espagne, datĂ©s de 430 000 ans. Pourtant, les Ă©chantillons d'ADN nuclĂ©aire extraits des fossiles nĂ©andertaliens d'Europe et d'Asie qui ont pu en livrer montrent une coalescence gĂ©nĂ©tique bien plus rĂ©cente, ce qui montre que certaines populations nĂ©andertaliennes se sont nĂ©cessairement Ă©teintes avant d'atteindre le PlĂ©istocĂšne supĂ©rieur.

Dernier ancĂȘtre commun en tant qu'individu

Description

Il importe de ne pas confondre cette notion avec les précédentes.
Le dernier ancĂȘtre commun Ă  deux ou plusieurs personnes est l'individu le plus rĂ©cent que ces personnes ont pour ancĂȘtre commun, sur toutes leurs lignes d'ascendance confondues, ou bien sur une ligne d'ascendance particuliĂšre telle que la lignĂ©e agnatique ou la lignĂ©e cognatique.

Cette troisiĂšme notion ne concerne que l'homme moderne et quelques rares espĂšces animales domestiques disposant d'un pedigree, seuls cas oĂč il peut ĂȘtre utile de distinguer des individus particuliers. Pour toutes les autres espĂšces, y compris les espĂšces humaines fossiles, les Ă©tudes ne descendent pas sous le niveau des populations, et ce sont donc les deux premiĂšres notions qui s'appliquent.

Lignées agnatique et cognatique

Il existe nĂ©cessairement, pour des raisons mathĂ©matiques, un plus proche ancĂȘtre commun agnatique de tous les hommes actuels (les femmes n'ont pas de chromosome Y), et un plus proche ancĂȘtre commun cognatique de tous les humains actuels (les deux sexes ont des cellules Ă  mitochondries), mais rien ne permet de dire qu'ils aient vĂ©cu Ă  la mĂȘme Ă©poque. Le diffĂ©rentiel de fĂ©conditĂ© potentielle entre hommes et femmes fait que l'ancĂȘtre commun agnatique devrait ĂȘtre logiquement le plus rĂ©cent des deux. Par ailleurs, compte tenu des extinctions progressives de lignĂ©es, les tenants de ces deux titres ne peuvent que rajeunir au fil du temps[7].

Le biologiste Richard Dawkins, thĂ©oricien de l'Ă©volution, reprenant des Ă©tudes spĂ©cialisĂ©es, indiquait en 2004 que l'ADN mitochondrial (hĂ©ritĂ© de la mĂšre) et l'ADN du chromosome Y (hĂ©ritĂ© du pĂšre) montraient une coalescence remontant respectivement Ă  140 000 ans (Ève mitochondriale) et 60 000 ans (Adam-Y)[7]. Cependant, en 2011, le chercheur italien Fulvio Cruciani a calculĂ© par la diversitĂ© de l'ADN du chromosome Y que le plus rĂ©cent ancĂȘtre patrilinaire commun daterait plutĂŽt d'environ 142 000 ans[8]. Il faut noter toutefois que le plus rĂ©cent ancĂȘtre patrilinĂ©aire commun Ă  tous les hommes, sauf ceux appartenant aux haplogroupes africains A et B, l'Adam Eurasien, porteur de la mutation M168, soit environ 98 % de la population, aurait bien vĂ©cu il y a environ 60 000 ans en Afrique. Si on inclut les haplogroupes A et B (2 % de la population), dans ce cas l'ancĂȘtre commun agnatique aurait vĂ©cu il y a environ 142 000 ans[9].

Toutes ascendances confondues

Selon une Ă©tude publiĂ©e en 2005, si l'on considĂšre toutes les lignes d'ascendance et pas seulement les lignes fĂ©minines ou masculines pures, le dernier individu ancĂȘtre commun de tous les humains vivant aujourd'hui aurait vĂ©cu il y a entre 2 000 et 5 000 ans[10]. D'autres modĂšles rapportĂ©s par une autre Ă©tude suggĂšrent que le dernier ancĂȘtre commun des EuropĂ©ens de l'Ouest aurait vĂ©cu vers l'an 1000[11]. Ces estimations sont basĂ©es sur des modĂšles mathĂ©matiques thĂ©oriques et non sur des Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques.

Références

  1. Damien Aubert, Classer le vivant : Les perspectives de la systématique évolutionniste moderne, Paris, Ellipses, , 496 p. (ISBN 978-2-340-01773-3)
  2. (en) Walter M. Fitch, « Homology : a personal view on some of the problems », Trends in genetics,‎
  3. Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader, Classification phylogénétique du vivant, t. 1, Paris, Belin éditeur, , 4e éd., 583 p. (ISBN 978-2-7011-8294-0)
  4. Guillaume Lecointre, Colinne Fortin, Gérard Guillot et Marie-Laure Le Louarn-Bonnet, Guide critique de l'évolution, Paris, Belin éditeur, , 571 p. (ISBN 978-2-7011-4797-0)
  5. EspĂšce fossile ou ancĂȘtre commun ?, Cyril Langlois ENS Lyon
  6. « L'Ă©quipe du Pr Hublin a dĂ©couvert "le premier de notre espĂšce", il a 300.000 ans », Sciences et Avenir,‎ (lire en ligne)
  7. (en) Richard Dawkins, « The Grasshopper's Tale », dans Il Ă©tait une fois nos ancĂȘtres, Boston, Houghton Mifflin Company, (ISBN 0297825038), p. 416
  8. (en) Fulvio Cruciani et al., « A Revised Root for the Human Y Chromosomal Phylogenetic Tree : The Origin of Patrilineal Diversity in Africa », The American Journal of Human Genetics, vol. 88, no 6,‎ (DOI , lire en ligne)
  9. (en) Fernando L. Mendez (2013), An African American Paternal Lineage Adds an Extremely Ancient Root to the Human Y Chromosome Phylogenetic Tree
  10. (en) Rohde DL (2005), On the Common Ancestors of All Living Humans, Massachusetts Institute of Technology
  11. (en) Rohde DLT, Olson S, Chang JT (2004), Modelling the recent common ancestry of all living humans, Nature 431: 562-566

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes