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Alma Mahler

Alma Maria Mahler, née Schindler, à Vienne le et morte à New York le , est une musicienne et compositrice de lieder.
Successivement épouse du compositeur Gustav Mahler, de l'architecte Walter Gropius et du romancier Franz Werfel, elle a été également la maitresse d'Oskar Kokoschka.

Alma Mahler
Biographie
Naissance
Décès
(à 85 ans)
New York
Sépulture
Nom de naissance
Alma Maria Schindler
Nationalités
autrichienne (jusqu'en )
autrichienne (-)
américaine (à partir de )
Activités
Père
Mère
Anna Sophie Schindler (d)
Beau-parent
Conjoints
Gustav Mahler (de à )
Walter Gropius (de à )
Franz Werfel (de à )
Enfants
Maria Anna Mahler (d)
Anna Mahler
Manon Gropius (en)
Autres informations
Propriétaire de
Nuit d'été sur la plage (d)
Maître
Genre artistique
Site web

Biographie

À Vienne

Née à Vienne en 1879[1] , fille du peintre paysagiste Emil Schindler et de la cantatrice Anna Bergen (1857-1938), Alma grandit à Vienne[2]. Parmi les amis de son père, on compte Gustav Klimt, à qui elle doit son « premier baiser » volé lors d'un voyage à Gênes en 1899[3] - [4].

Issue d'un milieu cultivé, musicienne, belle, intelligente, indépendante d'esprit, Alma est courtisée du Tout-Vienne. Elle fréquente quelques personnages éminents de la capitale, dont Klimt, le directeur de théâtre Max Burckhard et le compositeur Alexander von Zemlinsky, avec lequel elle aura une liaison probablement toute platonique qu'elle raconte dans son journal. C'est en 1901, à une soirée chez Berta Zuckerkandl-Szeps (belle-sœur de Georges Clemenceau) qu'elle fait la connaissance de Gustav Mahler, alors directeur de l'Opéra de Vienne depuis 1897. Un an après ils se marient, le , à la Karlskirche de Vienne[5]. Alma et Gustav, de dix-neuf ans son aîné, mènent une vie de couple tumultueuse. Son charme naturel et sa vivacité transforment Mahler qui rencontre, grâce à elle, d'éminents artistes comme le poète dramatique Gerhart Hauptmann, les peintres Gustav Klimt et Koloman Moser ou le chef de file de l'avant-garde musicale viennoise, Arnold Schönberg.

Alma Mahler, Walter Gropius et leur fille Manon.

En épousant Mahler, elle a accepté d'abandonner ses propres aspirations artistiques en musique[1] - [4] et en peinture. Le compositeur lui a effectivement mis le marché en main dans une longue lettre, envoyée durant leurs fiançailles. Si Alma l'épouse, elle doit renoncer à ses propres ambitions. Dans le cas contraire, le mariage n'aura pas lieu. Alma accepte, sans se douter des frustrations que cet accord va engendrer chez elle. Même s'il reconnaît en elle une musicienne douée, Gustav Mahler est avant tout un homme de son temps, qui attend d'une épouse qu'elle lui facilite la vie[4] . Souvent sacrifiée au travail et à l'œuvre d'un mari distrait et exigeant, Alma succombe au charme de l'architecte Walter Gropius, avec lequel elle noue une relation extra-conjugale[6], tout en excluant le divorce. En raison de l'échec de leur relation conjugale que Mahler attribue à son âge et sur les demandes répétées d'Alma, le compositeur consulte Sigmund Freud, le 27 août 1910 à Leyde, aux Pays-Bas, et s'entretient avec lui durant quatre heures lors d'une conversation-promenade[7]. « Votre femme cherche son père dans l'homme qu'elle aime, vous êtes celui-là », lui dit-il[8]. L'entretien semble avoir été d'un certain secours au compositeur qui écrit à sa femme « …Suis joyeux. Conversation intéressante… »[9]. De fait, Mahler recouvre « sa capacité d'amour » pour Alma durant les derniers mois de sa vie[9].

Alma a deux enfants avec Mahler, Maria (1902-1907), qui meurt des suites de la scarlatine compliquée d'une diphtérie, et Anna (1904-1988) qui deviendra sculptrice après avoir été l'élève de Giorgio de Chirico, à Rome[10].

À la mort de Mahler, en 1911, Alma, jeune veuve riche, est engagée, en novembre de la même année, comme assistante par le biologiste autrichien Paul Kammerer, qui devint son amant, leur relation prend fin au printemps 1912. Puis pendant deux ans, Alma est la maîtresse de l'écrivain et peintre Oskar Kokoschka[1]. Pendant cette idylle passionnée et chaotique, il peint pour elle des éventails où il peint des détails de leur vie amoureuse et de ses propres fantasmes. Alma est pour Oskar une égérie qui lui inspire de nombreux chefs-d’œuvre, il réalise la toile La Fiancée du vent. Il désire l'épouser mais il la fatigue. Effrayée par la passion qu'elle suscite en lui, Alma rompt avec Kokoschka, qui part pour Berlin.

Alma, qui, dans le même temps, fréquentait toujours l'architecte Walter Gropius, l'épouse le à Berlin. De leur union naît en 1916, leur fille Manon qui va mourir de la poliomyélite en 1935, à l'âge de 18 ans. Le compositeur Alban Berg, grand ami d'Alma et qui aimait beaucoup Manon, lui dédiera le Concerto à la mémoire d'un ange.

Oskar sombre dans la dépression qu'il combat en commandant en 1918 à Hermine Moss, une marionnettiste réputée, une poupée de lin et de crin à l’image d’Alma en grandeur nature. La réalisation prend environ 6 mois, il veut que la poupée soit l’exacte réplique d'Alma. Il vit comme maritalement avec sa poupée, sa servante Reisl s’occupe de la poupée et l’habille. La poupée finit avec la tête tranchée au cours d'une beuverie[11].

L'exil

Dès 1919, Alma vit avec le romancier Franz Werfel. Enceinte de lui (elle a quarante ans), alors qu'elle est toujours mariée avec Gropius, elle divorce en 1920, mais leur enfant, Martin Carl Johannes, naît prématurément et meurt à dix mois. Elle épouse Werfel en [12].

En 1938, Alma et Werfel fuient l'Anschluss[1] et se réfugient en France, où ils trouvent asile auprès d'autres intellectuels exilés à Sanary-sur-Mer, dans le Var, (Exil en paradis, artistes et écrivains sur la Riviera (1933-1945), Manfred Flügge). Mais l'invasion et l'occupation de la France par les Allemands en 1940 les contraignent de nouveau à fuir avec l'aide du journaliste américain Varian Fry installé à Marseille. Ils franchissent à pied les Pyrénées pour se rendre en Espagne puis au Portugal d'où ils embarquent pour les États-Unis[1].

Ils s'installent à Los Angeles, où Werfel connaît le succès lorsque Le Chant de Bernadette est adapté au cinéma, avec notamment Jennifer Jones. Erich Wolfgang Korngold lui dédie son Concerto pour violon en 1945, date de la mort de Werfel. Alma, désormais surnommée la « veuve des quatre arts », part vivre à New York. Devenue citoyenne américaine en 1946, elle est alors une actrice majeure de la vie culturelle new-yorkaise. Elle est présente lors des répétitions de Leonard Bernstein[13], grand admirateur de la musique de Gustav Malher, ainsi qu'il l'a signalé dans son cours de 1973 à la chaire Charles-Eliot-Norton (en) d'Harvard. Benjamin Britten considère qu'elle est un "lien vivant" entre Malher et Alban Berg et lui dédie son morceau Nocturne for Tenor and Small Orchestra[14].

Elle meurt le [1], à l'âge de 85 ans.

L'histoire de sa vie a été adaptée au cinéma dans le film de Bruce Beresford, Alma, la fiancée du vent. Elle a également été l'objet d'un best-seller de Françoise Giroud, Alma Mahler, ou l'art d'être aimée[15]. Il est à noter que sa présence dans l'imaginaire public est davantage liée aux rencontres de sa vie amoureuse qu'à ses œuvres — ce dernier ouvrage refuse explicitement, par exemple, de parler de sa musique[16].

L'Å“uvre

Alma Schindler commence des études de composition avec Alexander von Zemlinsky en 1900. Mais elle n'est artistiquement productive que durant sa jeunesse. Elle compose quelques lieder et des pièces instrumentales, tout en commençant à travailler sur un opéra.

Les cinq lieder de 1910

Les quatre lieder de 1915

Les cinq lieder de 1924

  • Hymne, (Novalis) ;
  • Ekstase, (Otto Julius Bierbaum) ;
  • Der Erkennende, (Franz Werfel) ;
  • Lobgesang, (Richard Dehmel) ;
  • Hymne an die Nacht, (Novalis).

Publications posthumes

En 2000, deux nouveaux lieder sont publiés[17] :

  • Kennst du meine Nächte, (Leo Greiner) ;
  • Leise weht ein erstes Blühn, (Rainer Maria Rilke).

Elle aurait composé une centaine de lieder qui restent encore inédits.

Sa musique connaît un regain d'enregistrements, mais toujours sur la base des quatorze à seize lieders publiés ; elle n'est en revanche que très rarement programmée en concert.

Notes et références

  1. Brigitte François-Sappey, « Mahler, Alma (née Schindler) [Vienne 1879 - New York 1964] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Dictionnaire universel des créatrices, Éditions Des femmes, , p. 2705
  2. Catherine Sauvat, Alma Mahler, Payot, , p. 28.
  3. François Blondel, Gustav Klimt (1862-1918), entre femmes et paysages, VisiMuZ Editions, , p. 47.
  4. Macha Séry, « Big Alma », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  5. Catherine Sauvat, Alma Mahler, Payot, , p. 120.
  6. Catherine Sauvat, Alma Mahler, Payot, , p. 138.
  7. (en-GB) « Mahler Foundation - Meeting with Freud », sur Mahler Foundation (consulté le )
  8. Henry-Louis de La Grange, Gustav Mahler. Chronique d'une vie. III Le Génie foudroyé 1907-1911, Fayard, 1984
  9. Gustav Mahler, Lettres à Alma, Van de Velde, 1979, traduction de M. et R. d’Asfeld
  10. « Mahler Alma 1879-1964 », sur Musicologie.org
  11. « Oskar Kokoschka et la poupée Alma », sur hautetfort.com (consulté le ).
  12. Catherine Sauvat, Alma Mahler, Payot, , p. 178.
  13. Elle est photographiée lors de ces répétitions par Alfrend Eisenstaedt. Voir par exemple le blog Euterpe
  14. Françoise Giroud, Alma Mahler ou l’art d’être aimée, Paris, Laffont,
  15. « Alma Mahler, reine déchue. Françoise Giroud retrace l'itinéraire de la grande séductrice de Vienne », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  16. « L'art n'y a peut-être rien perdu de majeur, comment savoir ? La plupart de ses œuvres ont disparu. Mais ce n'est pas la question. » Cité par : Danielle Roster in Die großen Komponistinnen, Insel Verlag, Frankfurt-sur-le-Main 1998 (ISBN 3-458-33816-0). Traduit en français par Denise Modigliani comme : Les Femmes et la création musicale. Éditions l'Harmattan, Paris 1998 (ISBN 2-7384-6565-X).
  17. Susan M. Filler, Hildegard Publ. Comp., Bryn Mawr, États-Unis

Bibliographie

  • Guide de la mélodie et du Lied, sous la direction de Brigitte François-Sappey et Gilles Cantagrel, Fayard, 1994.
  • Henry-Louis de La Grange, Gustav Mahler. Chronique d'une vie. I Vers la Gloire 1860-1900. Fayard, 1979.
  • Henry-Louis de La Grange : Gustav Mahler. Chronique d'une vie. II L'âge d'Or de Vienne 1900-1907. Fayard, 1983.
  • Henry-Louis de La Grange : Gustav Mahler. Chronique d'une vie. III Le Génie foudroyé 1907-1911. Fayard, 1984.
  • Gustav Mahler : Lettres à Alma, traduction de M. et R. d’Asfeld, Van de Velde, 1979.
  • Alma Mahler-Werfel : Gustav Mahler − Mémoires et correspondance, traduit par Nathalie Godard, Lattès, 1980.
  • Alma Schindler-Mahler : Ma vie, traduction Gilberte Marchegay, Hachette, 1985.
  • Karen Monson : Alma Mahler, muse de tous les génies, Buchet-Chastel, 1985.
  • Françoise Giroud : Alma Mahler ou l’art d’être aimée, Laffont, 1985.
  • Françoise Lalande : Alma Mahler, Actes Sud, 1989.
  • Catherine Sauvat : Alma Mahler − Et il me faudra toujours mentir, Payot & Rivages, 2009.
  • Alma Mahler-Werfel : Journal intime, Suites 1898-1902, traduction Alexis Tautou, Payot & Rivages, 2010.
  • Agnès Boucher : Comment exister aux côtés d'un génie, Fanny Mendelssohn, Clara Schumann, Alma Mahler et les autres, L'Harmattan, 2012 (ISBN 978-2-296-96153-1)
  • Agnès Boucher : Alma Mahler, naissance d'une ogresse, L'Harmattan, 2013 (ISBN 978-2-343-01208-7)

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