Aliment ultratransformé
Un aliment ultratransformé (AUT) est un aliment issu de l'industrie agroalimentaire dont la composition, les processus de transformation industrielle et les additifs utilisés le font rentrer dans le groupe « ultra-transformé » (groupe 4) de la classification internationale NOVA[1] - [2]. L’indice de transformation Siga distingue quant à lui 3 groupes d’aliments ultratransformés : les aliments ultratransformés équilibrés (notés 5), les aliments ultratransformés gourmands (notés 6) et les aliments ultratransformés à limiter (notés 7).
Un aliment ultratransformé se caractérise par la présence dans sa liste d’ingrédients d’au moins une substance elle-même ultratransformée, dénommée marqueur d’ultratransformation. Ces substances sont obtenues par synthèse, ou bien par une succession de procédés physiques, chimiques ou biologiques appliqués à des matières premières naturelles et qui conduisent à une forte dégradation par rapport à leur matrice d’origine[3].
Les ingrédients marqueurs d’ultratransformation prennent différentes formes et ne se limitent pas aux additifs. On y retrouve donc une partie (et non pas la totalité) des additifs référencés, mais aussi des sucres hydrolysés, des matières grasses hydrogénées, des protéines isolées, et bien d’autres ingrédients obtenu grâce aux procédés de « cracking alimentaire »[3].
Le groupe des aliments ultratransformés comprend notamment des aliments à très haute valeur énergétique, contenant des matières grasses saturées, du sel, des sucres libres en grande quantité, tout en n'apportant naturellement que peu de fibres, de protéines et de micronutriments. Les aliments ultratransformés sont aussi généralement peu périssables et consommables très facilement à tout moment[4].
On retrouve des exemples d’aliments ultratransformés dans les catégories d’aliments tels que le jambon, les lasagnes, les sodas[5], les barres chocolatées, les viandes fumées, les poêlées de légumes industrielles[6] ou les céréales de petit-déjeuner[7]. Attention cependant à éviter les confusions rapides car tous les produits de ces catégories ne sont pas nécessairement ultratransformés. Pour chaque type d’aliments on trouve, presque toujours, des produits peu ou pas transformés dans le commerce.
Risques pour la santé
En France, les aliments ultratransformés représentent environ 80 % de l’offre actuelle en hyper et supermarchés, tandis que ces aliments ne devraient idéalement pas dépasser 15 % de l’apport journalier[8].
De 33 à 36 % des calories consommées en France sont issus[9], et jusqu'à 40 % pour les végétaliens (ces derniers consommant cependant aussi plus de produits bruts)[10] - [11].
Trop riches en mauvais sucres et en mauvais gras, ils sont parfois qualifiés de « fake food », d’« aliments mensongers » ou de « nourriture dénaturée »[7]. Mais la publicité et leur packaging encouragent leur consommation.
Études scientifiques
Il y a un consensus scientifique sur le fait que leur faible densité nutritionnelle, leur caractère peu rassasiant voire addictif (qui incite à trop manger), et leur forte charge énergétique (sucres et gras), font des aliments ultra-transformés des sources de troubles métaboliques et d'autres maux (obésité, aux maladies cardiovasculaires et inflammatoires, éventuellement aggravés par « la présence d’additifs alimentaires, de composés néoformés)[12] et de composés provenant des emballages et autres matériaux de contact »[6].
Différentes études sur le sujet des aliments ultratransformés (depuis leur définition dans la classification NOVA en 2009) ont montré un risque d'obésité accru de +26 %, associé à une hausse de seulement 10 % de la consommation d’aliments ultratransformés[13]. Un lien entre diabète[7] et aliments ultra-transformés a été mis en évidence. À long terme, ces aliments sont un facteur de risque du développement de diabète de type 2.
Une étude[14] publiée le dans le British Medical Journal montre une corrélation entre la consommation d'aliments ultratransformés et un accroissement du risque de cancers[6] et plus particulièrement de cancer du sein chez la femme.
Une autre étude, dirigée par la docteure Mathilde Touvier et publiée le dans la revue de l’Association médicale américaine Jama Internal Medicine, menée sur 44 000 patients pendant sept ans aboutit à une corrélation similaire entre taux d'aliments ultratransformés dans l'alimentation et mortalité, notamment par cancer[15] - [16]. Cette étude a aussi révélé que la consommation régulière d’aliment ultratransformés, même de 10 %, pourrait être associée à une augmentation de 12 % du risque de maladies cardiovasculaires[17].
D’autres études ont confirmé une corrélation entre la consommation de ces produits et un risque accru de divers troubles métaboliques dont l'hypertension artérielle[6]. Une étude portant sur les plus de 100 000 Français volontaires du projet Nutrinet-Santé[18] suivis entre 2009 et 2017, a mis en évidence « une association entre la part d’aliments ultratransformés dans le régime alimentaire des participants et un risque accru de maladies cardiovasculaires, à la fois coronarienne comme l’infarctus du myocarde et les maladies cérébrovasculaires comme l’AVC »[19] - [5].
Le Journal of the American College of Cardiology a publié une étude montrant qu’un régime végétal riche en aliments ultra-transformés est lui aussi associé à un risque accru de maladies cardiovasculaires[20].
Une étude (2019) montre une prise de poids de 800 g en deux semaines induite par un régime alimentaire très majoritairement ultratransformé[21].
Un régime riche en aliments ultratransformés accroît aussi le risques de dépression[22], et présentent un risque de mortalités toutes confondues accru de 14 %[23].
Perte de l’effet matrice dans les aliments ultratransformés
Elle semble être l'une des explications des effets sur la santé des aliments ultratransformés. Par rapport aux aliments bruts, les aliments ultratransformés sont composés d’ingrédients dont la complexité de leur structure originelle est très altérée. Selon les travaux du Dr Anthony Fardet, « l’effet matrice » d’un aliment participerait davantage de son action sur la santé que sa composition nutritionnelle. Il influence notamment la cinétique de libération des nutriments dans le tube digestif, leur biodisponibilité et donc leurs effets métaboliques, mais aussi la sensation de satiété. Comparé à son ou ses ingrédient(s) de départ, la digestibilité des nutriments d’un aliment ultratransformé est modifiée, et entraîne notamment des réponses physiologiques et métaboliques différentes[24].
Par exemple, une amande entière libère plus lentement ses lipides qu'une poudre d'amande. La matrice initiale de l'amande confère des interactions complexes entre les nutriments, qui limite l'absorption lipidique dans le colon. L'ultra-transformation des aliments modifie à long terme les réponses métaboliques et physiologiques[25].
Enjeux de santé publique et sensibilisation
Depuis leur première définition dans la classification NOVA en 2009, les aliments ultratransformés préoccupent de plus en plus les autorités de santé, dont l'OMS et la FAO, jusque dans les pays tels que l'Uruguay longtemps épargnés par la malbouffe[26].
Depuis 2019, les aliments ultratransformés sont même mentionnés dans le Programme National Nutrition-Santé français , une programme édité par le Ministère de la Santé qui a ainsi formulé l’objectif d’« Interrompre la croissance de la consommation des produits ultratransformés (selon la classification NOVA) et réduire la consommation de ces produits de 20% sur la période entre 2018 et 2021 ». Il s'agit aussi d’« inciter à l’amélioration des pratiques industrielles en s’appuyant sur les résultats de la recherche sur aliments transformés et ultra transformés ». En plus de ces objectifs, le PNNS 4 recommande de « limiter les boisson sucrées, les aliments gras, sucrés, salés et ultra-transformés »[27].
Pour mieux s’alimenter, il est conseillé de lire la liste d’ingrédients sur l’étiquette des produits. Les ingrédients les plus susceptibles d’être des aliments ultratransformés possèdent souvent :
- des longues listes d’ingrédients ;
- des ingrédients absents des plats traditionnels ;
- de nombreux additifs ;
- des allégations santé inhabituelles[28].
Moins consommer d’aliments ultratransformés est l'une des recommandations de certains chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique[29]. Leurs travaux proposent l’adoption d’un régime alimentaire préventif universel basé sur la règle des 3V, à savoir une alimentation principalement Végétale, Vraie (donc peu ultratransformée) et Variée, privilégiant les produits locaux et de saison. Les bénéfices d’un tel régime sont l’impact santé favorable au niveau individuel, et la réduction des problèmes environnementaux liés au système agro-industriel dans son ensemble[30].
Influence de lobbys industriels
Des chercheurs ont récemment (2021) montré comment les acteurs de l'industrie alimentaire ultra-transformée, via leurs lobbyistes, leurs laboratoires et chercheurs internes, leur services de presse et de relations publiques, via des « organisations de façade » (Industry Front Groups)[31], manipulent les politiques nationales et mondiale sur les aliments ultratransformés, en cherchant à freiner et limiter le travail de l'OMS et des chercheurs indépendants, avec des méthodes évoquant celles de l'industrie du tabac[32]. Ces méthodes reposent principalement sur une triple stratégies :
- coaliser les industriels derrière des groupes de pression, aux échelles nationales et internationale, via des alliances ouvertes entre entreprises telles que les associations professionnelles, et via des relais plus secrets (par exemple dans les domaines de la science, de la politiques avec l'embauche de fonctionnaires (pantouflage), ou, pour l'échelle internationale, d'anciens personnels de l'OMS. La cooptation d'ONG et d'influenceurs de la société civile est également recherchée. Ce lobbying, notamment via les associations professionnelles, s'exprime aussi via des colloques, consultations et auditions formelles présentant les points de vue favorable à l'Industrie[32] ;
- directement ou indirectement contribuer Ă formuler ou Ă reformuler des politiques publiques (ou sinon Ă les freiner)[32] ;
- contrôler ou orienter les données et l'information sur l'alimentation, dont via « le financement et la diffusion de la recherche favorable aux intérêts commerciaux, et la contestation des preuves défavorables »[32]. Les messages de l'industrie sont aussi relayés par des personnalités mises en avant par un travail de relations publiques, et par le « churnalisme ».
Cas des simili-produits carnés
Avec l'émergence du véganisme, de nombreux industriels de l'agroalimentaire ont développé de larges gammes de produits estampillés « vegan » imitant des produits carnés (steaks, saucisses, etc.). Or, beaucoup de ces produits[10], pour offrir les qualités gustatives et plastiques des produits imités, contiennent des additifs (texturants, arômes, sucres, etc.) qui en font des aliments industriels ultratransformés, dégradant considérablement leurs qualités nutritives et augmentant les risques sanitaires (maladies chroniques, obésité, diabète, hypertension, cancers, etc.)[11].
Accusations
À la suite d'une alerte de 60 millions de consommateurs, publiée le , la société Danone est appelée le 17 et à répondre à une commission d'enquête gouvernementale pour expliquer les différences entre ses promesses pour la santé et le caractère peu nutritif, voire risqué, de plusieurs produits ultratransformés dans sa gamme « santé » (notamment Actimel, Activia fruit, Danette, Danao, Taillefine, etc.). François Eyraud, directeur général de Danone produits frais France, répond que Danone répond à l'attente des clients et commercialise aussi de l'eau naturelle en bouteille[33].
Notes et références
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- « Quand Danone peine à justifier ses aliments ultra-transformés », L'Obs,‎ rédigé le 18 juillet 2018 (lire en ligne, consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- [PDF] (en) Carlos A. Monteiro et al, « NOVA. The star shines bright », World Nutrition, vol. 7, nos 1-3,‎ (lire en ligne, consulté le ).
- Anthony Fardet, Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai, Thierry Souccar, 2017.
Liens externes
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Pascale Santi, « Une nouvelle étude suggère un effet néfaste des aliments ultratransformés sur la santé », sur Le Monde, .
- « Les aliments ultra-transformés, cette "bouffe" qui nous rend malade », sur France Inter, .