Alicia Eguren
Alicia Graciana Eguren (Buenos Aires, - disparue sous la dictature argentine le ) était une enseignante, poétesse, essayiste et journaliste argentine. Elle a entretenu une étroite relation politique et sentimentale avec le dirigeant péroniste John William Cooke qui fut conseiller de Juan Domingo Perón après le putsch qui le destitua en 1955. Elle est l'une des premières instigatrices de la résistance péroniste et proche de Che Guevara, occupant un rôle important dans l'organisation de groupes révolutionnaires et guérilleros en Argentine. Elle fut capitaine des Forces Armées Révolutionnaires de Cuba, en intégrant le Neuvième Bataillon des milices populaires de La Havane, en combattant à Escambray et lors de l'invasion de la Baie des Cochons.[1] Elle fut incarcérée entre 1955 et 1957 par la dictature argentine de la Révolution libératrice puis détenue et disparue en 1977, sous la dictature appelée Processus de Réorganisation Nationale.
Biographie
Premières années
Eguren entra à la Faculté de Philosophie et de Lettres de la UBA (Université de Buenos Aires) et à Rosario, Santa Fe, en tant que professeure de Littérature.
Elle participa au journal Con Todo, dirigea la revue Nuevo Hombre et édita la revue culturelle Sexto Continente.
En 1946, elle rencontra John William Cooke dans un centre d'études dirigé par Ricardo César Guardo. Après cette fugace rencontre, ils ne se revirent pas avant 1955.
Entre 1946 et 1951, elle fit publier cinq recueils de poèmes, avec une tendance à l'idéalisme catholique:
- Dieu et le monde,
- Le chant de la terre initiale,
- Poèmes du XXe siècle.
Elle édita aussi la revue Nombre et publia quelques essais.
Entre 1948 et 1949, elle édita la revue Sixième Continent, avec l'écrivain Armando Cascella, un espace d'expression du nationalisme dans ses différentes versions, du plus conservateur avec monseigneur Octavio Derisi (1907-2002), le père Alberto Ezcurra (1937-1993) ―chef du groupe nationaliste antisémite Tacuara― et Carlos Ibarguren (1877-1956), jusqu'au plus progressiste avec Raúl Scalabrini Ortiz (1898-1959) et José Vasconcelos (1882-1959). Ce type d'adhésions garantit à Alicia une certaine présence dans des espaces officiels, académiques et non académiques variés.
En 1953, elle entra au ministère des Affaires Etrangères et se maria avec le diplomate Pedro Catella, qu'elle accompagna à Londres (Grande-Bretagne). Peu de temps après la naissance de son unique fils, ils se séparèrent.
Résistance à la dictature et prison
Eguren fut prisonnière sous la dictature de Pedro Eugenio Aramburu et envoyée à la prison pour femmes d'Olmos (près de La Plata). Elle se trouva avec un nombre important d'anciens fonctionnaires péronistes. Le périodique Palabra Argentina fut fermé et son directeur, Alejandro Olmos, arrêté. Eguren fut libérée après 19 mois de prison, pendant lesquels elle subit de multiples tortures et privations de nourriture puis s'exila à Montevideo[2].
Remise en liberté, elle voyagea au Chili pour rejoindre avec Cooke, qui avait fui du Río Gallegos avec Héctor Cámpora, Guillermo Patricio Kelly et le chef d'entreprise Jorge Antonio. Ils voyagèrent ensemble à Montevideo, où ils se marièrent.
En 1957, ils voyagèrent ensemble à Caracas pour rejoindre Juan Domingo Perón en exil. Eguren fut témoin du pacte Perón-Frondizi, signé à Caracas par l'intermédiaire de Rogelio Julio Frigerio et de John William Cooke.
En 1959, le couple retomba dans la clandestinité. Eguren collabora à l'organisation de la prise d'Alto Verde (à Tucumán) dirigée par le commandant Uturunco. Elle fut la première tentative d'action alternative, la guérilla rurale péroniste. Cette même année, Eguren remplaça Cooke dans la coordination stratégique de la résistance péroniste.
En 1960, ils se rendirent ensemble à Cuba. Eguren était amie de Che Guevara, et cela rapprocha John William Cooke de la Révolution cubaine. Tous les deux participèrent en tant que miliciens dans la défense de la baie des Cochons face à l'invasion américaine survenue sous la présidence de John F. Kennedy.
À partir de ce moment, ils firent des allées et venues sur l'île. Elle maintint un lien étroit avec le Che. L'expérience de la Révolution cubaine influença les cercles intellectuels ainsi que l'espace des groupes de gauche péronistes. Dans cette direction, le nationalisme commença à se présenter comme une variable significative au sein de la «nouvelle gauche», qui essaya de s'éloigner des débats provoqués par la confrontation entre l'Union Soviétique et la Chine.
En 1962, Eguren reprit la lutte armée en intervenant dans l'Armée Guérillero du Peuple, groupement guérillero dirigé par Jorge Masetti ― figure notable de l'application tactique de la théorie du foco― qui après s'être organisé en Bolivie franchit la frontière au nord de la province de Salta tandis qu'Arturo Umberto Illia assumait la présidence de la Nation. Deux des membres moururent de faim dans la forêt et un troisième mourut en tombant dans une gorge de la montagne. Deux autres, Adolfo Rotblat (alias Le Pupi) et Bernardo Groswald (alias Nardo), furent fusillés par leurs collègues sur ordre de Massetti. Au cours du premier combat contre la gendarmerie, le Cubain Hermes Peña et Jorge Guille moururent tandis que les autres furent arrêtés. De Masetti, qui n'était pas présent, ils n'eurent plus de nouvelles et il fut supposé qu'il était resté dans la forêt et y était mort. D'après Rodolfo Walsh, «Masetti n'apparaît jamais. Il s'est dissout dans la forêt, dans la pluie, dans le temps. Dans quelque lieu méconnu le cadavre du Commandant Deuxième empoigne un fusil»[3].
Peu de temps après, Eguren et Cooke fondèrent l'Action Révolutionnaire Péroniste.
Eguren participa au congrès du groupe trotskiste Palabra Obrera. Elle se lia au MLN (Mouvement de Libération Nationale) d'Ismael Viñas, au Parti Communiste Argentin et au PSAV (Parti Socialiste Argentin d'Avant-garde)[4].
Eguren exprima son militantisme à travers des tâches de diffusion, d'organisation et de soutien logistique à diverses expériences. Elle collabora à la guérilla des Uturuncos au nord-ouest du pays, réunit des militants de petites organisations et de noyaux de gauche (en général, scindés en partis qui adoptèrent une ligne réformiste, qu'Eguren n'hésita pas à critiquer), et organisa des groupes pour son entraînement à Cuba[4].
En 1963-1964, elle soutint la tentative de l'EGP (Ejército Guerillero del Pueblo - Armée Guérillero du Peuple), à Salta. En 1964, elle fut la cofondatrice de l'ARP (Action Révolutionnaire Peronista), conçue comme un groupe d'action et de prise de conscience dans le cadre du mouvement péroniste, mais indépendant de ses structures «officielles»[4].
En 1967, elle participa à la revue Con Todo, avec le maire Alberte. Elle retourna avec Cooke à Cuba ; il dirigeait la délégation argentine à la Conférence Tricontinental, de laquelle naîtra la OLAS (Organisation Latinoaméricaine de Solidarité)[4].
John William Cooke mourut le 19 septembre 1968, à 48 ans. Entre 1971 et 1972, Eguren publia les travaux de Cooke, notamment la correspondance entre Perón et Cooke et continua à travailler à la Tendance Révolutionnaire (une branche du péronisme). En 1969, elle participa au congrès fondateur à Córdoba et collabora à la rédactiondu document Stratégie et tactique révolutionnaire. Eguren s'identifiait aux FAP (Forces Armées Péronistes), au PB (Péronisme de Base), au MR17 (Mouvement Révolutionnaire 17 Octobre) et au FRP (Front Révolutionnaire Péroniste), groupes qui, à la différence de Montoneros, respectaient les conceptions marxistes[4].
Le 4 octobre 1971, elle publia sa Lettre ouverte à Perón, et entama sa participation à l'hebdomadaire Nuevo Hombre, dirigé par Enrique Walker et dans laquelle écrivaient Antonio Caparrós, Nicolás Casullo, Pablo Damiani, Eduardo Luis Duhalde, Vicente Zito Devise, Rodolfo Ortega Peña et divers militants détenus à la prison de Villa Devoto. Dans Nuevo Hombre, Eguren publia les «Notes pour une biographie de John» et «Pulgarcito» (sélection de ses papiers). La publication s'identifiera en 1973 avec le FAS (Front Anti-impérialiste et pour le Socialisme), stimulé par le PRT-ERP (Parti Révolutionnaire des Travailleurs - Armée Révolutionnaire du Peupke). En novembre 1973, la revue reproduit le discours prononcé par Eguren au premier congrès du FAS[4].
À cette époque, Eguren alerta les jeunes péronistes à l'égard de Perón. Elle pensait que le péronisme était une «rivière difficile» et plus d'une fois «descorazonante» et que l'idéalisation de Perón conduirait à l'abîme[4].
En 1973, elle fit partie du conseil éditorial du quotidien El Mundo, orienté PRT-ERP, qui fut fermé en 1974, de même que Nouveau Homme. Bien que il a serré des solides liens avec le PRT-ERP, en 1975 a soutenu l'initiative qu'il a donné forme au Parti Péroniste authentique. Avec l'intention de nourrir cette nouvelle expérience a participé ― avec Alberte et Mabel di Leo―, à la fondation du Groupement 26 Juillet[4].
Elle fut arrêtée-disparue le [5] et jetée vivante d'un hélicoptère au-dessus du Río de la Plata dans les Vols de la mort.
Références générales
- Jara, Juan Carlos: «Alicia Eguren, une femme dans la politique argentine», article sans date sur le site Pionero Diario.
Références
- (es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Alicia Eguren » (voir la liste des auteurs).
- Seoane 2014.
- Bravas Alicia Eguren de Cooke y Susana Pirí Lugones, Mujeres para una pasión argentina, María Seone, Sudamericana, Buenos Aires (ISBN 9789500747394), p 45
- Entrevista a Héctor Jouvet, publicada en Lucha Armada en la Argentina, n.º 2, págs. 51-59. Buenos Aires, marzo-mayo de 2005.
- «Notas para una biografía de Alicia Eguren», artículo de Miguel Mazzeo del 26 de marzo de 2007 en el sitio web Prensa de Frente.
- Artículo de personas desaparecidas erreur modèle {{Lien archive}} : renseignez un paramètre «
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», de un documento oficial del Poder Judicial de la Nación, pág. 132.
Liens externes
- Fond Alicia Eguren - John William Cooke, ouvert à la consultation publique dans la Bibliothèque Nationale Mariano Brun de la République Argentine.
Bibliographie
- María Seoane, Bravas. Alicia Eguren de Cooke y Susana Perí Lugones, Buenos Aires, Sudamericana, , 399 p. (ISBN 978-950-07-4739-4)