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Albertine Sarrazin

Albertine Sarrazin, née le [1] à Alger et morte le [1] à Montpellier, est une femme de lettres française.

Albertine Sarrazin
Naissance
Alger, Département d'Alger, Algérie française
DĂ©cĂšs (Ă  29 ans)
Montpellier, HĂ©rault, France
Auteur
Langue d’écriture français
Mouvement Littérature prolétarienne
Genres

ƒuvres principales

PremiĂšre femme Ă  raconter sa vie de prostituĂ©e, de dĂ©linquante et son expĂ©rience en prison pour femmes, elle meurt Ă  29 ans en salle d'opĂ©ration pour ses reins, elle a passĂ© huit Ă  dix annĂ©es en prison. « Cavaleuse miraculĂ©e par l’écriture »[2], elle est notamment connue pour avoir Ă©crit les romans L'Astragale et La Cavale publiĂ©s par Jean-Jacques Pauvert.

Biographie

Enfance

DĂ©posĂ©e Ă  sa naissance, le , Ă  l’Assistance publique d’Alger en AlgĂ©rie française[3], elle est baptisĂ©e Albertine Damien le , du nom de Damien[4]. Elle est adoptĂ©e en par un couple sans enfant. Le pĂšre, mĂ©decin militaire en poste Ă  Alger, est ĂągĂ© de 58 ans. La mĂšre, ThĂ©rĂšse[5], sans profession, infirmiĂšre bĂ©nĂ©vole pendant la guerre est ĂągĂ©e de 55 ans. L’acte d’adoption dĂ©finitif date du .

À deux ans, Albertine souffre d’un accĂšs de paludisme, dĂ©but d’une longue sĂ©rie de crises. Elle suit sa scolaritĂ© dans des Ă©tablissements religieux. En 1947, elle est diplĂŽmĂ©e d’éducation religieuse et reçoit le certificat Ă©lĂ©mentaire signĂ© par l’archevĂȘque d’Alger.

À dix ans, elle est la victime d'un viol, perpĂ©trĂ© par son oncle. Le pĂšre cessant de faire partie des corps de rĂ©serve depuis le , la famille quitte Alger en et emmĂ©nage en France, Ă  Aix-en-Provence dans un logement meublĂ© au 28 rue de la Paix.

Albertine reçoit l'Ă©ducation rigoureuse du milieu bourgeois. Inscrite au collĂšge Sainte Catherine de Sienne d’Aix-en-Provence, elle obtient, au fil des ans, de nombreux premiers prix d'excellence.

En 1949, elle commence Ă  Ă©crire dans des carnets Ă  spirale Les aventures de trois guides indisciplinĂ©es. En 1952, elle est interne au lycĂ©e, oĂč ses enseignants se plaignent de son indiscipline ; son pĂšre l’oblige Ă  voir un psychiatre qui l'estime normale mais recommande un Ă©loignement familial. Le juge accorde alors « la correction paternelle »[6], qui autorise le pĂšre Ă  mettre son enfant en maison de correction. Albertine est donc envoyĂ©e de force Ă  la prison du Bon Pasteur Ă  Marseille. À son entrĂ©e, elle est rebaptisĂ©e Annick, comme toutes les pensionnaires arrivant dans cet Ă©tablissement. Son sĂ©jour devra durer six ans, jusqu'Ă  sa majoritĂ© (21 ans). ParallĂšlement, son pĂšre tente de rĂ©voquer son adoption et demande Ă  cet effet une enquĂȘte sociale.

Le procĂšs

En 1953, Albertine Damien passe la premiĂšre partie du baccalaurĂ©at qu'elle obtient avec la mention bien et s'enfuit Ă  Paris. Elle retrouve une camarade du Bon Pasteur, avec qui elle a de nombreuses aventures, se prostituant, chapardant dans les voitures et les magasins. Fin , elle revient Ă  Marseille voir son pĂšre puis retourne Ă  Paris aprĂšs lui avoir volĂ© son pistolet de service. Ainsi Ă©quipĂ©e, elle tente un hold-up oĂč son amie blesse une vendeuse d'une balle Ă  l'Ă©paule droite.

Les deux filles en fuite sont arrĂȘtĂ©es le , boulevard Saint-Michel. Le 24, elles sont prĂ©sentĂ©es au juge Bertin et sĂ©parĂ©es. C'est Ă  ce moment-lĂ  qu'Albertine commence Ă  rĂ©diger Les carnets verts. Quelques jours plus tard elle est dĂ©fĂ©rĂ©e au parquet et envoyĂ©e Ă  la prison de Fresnes. En 1954, elle commence Ă  Ă©crire des poĂšmes et, un an plus tard, elle passe la seconde partie du bac par correspondance[7].

En , les deux amies comparaissent devant la Cour d'assises des mineurs de la Seine ; le procĂšs se dĂ©roule Ă  huis clos. Albertine nargue les juges et les jurĂ©s de la cour d'assises : « Je n'ai aucun remords. Quand j'en aurai, je vous prĂ©viendrai », dit-elle. Tenue pour ĂȘtre le cerveau du braquage, elle est condamnĂ©e Ă  sept ans de prison, sa comparse « ne prend que cinq ans ». Elle est d'abord enfermĂ©e Ă  Fresnes, puis, en 1956, on la transfĂšre Ă  la prison-Ă©cole dans la Citadelle de Doullens dans la Somme[8] oĂč elle est intĂ©grĂ©e Ă  la division BĂ©arn sous le matricule 504. Ses parents, auxquels elle venait de demander un avocat, rĂ©voquent, pour toute rĂ©ponse, leur adoption plĂ©niĂšre, procĂ©dure rarissime en France.

En , elle s’inscrit au certificat d’études littĂ©raires gĂ©nĂ©rales classiques, pour la session de . La mĂȘme annĂ©e, elle est mise au cachot, pendant dix jours, pour avoir embrassĂ© une autre dĂ©tenue sur la bouche. Le , elle s'Ă©vade en sautant d'un bastion d'une hauteur de dix mĂštres et se brise l'astragale[9]. En rampant, elle se traĂźne jusqu'Ă  la route nationale.

Le grand amour

C'est lĂ , sur le bord de la route, que Julien Sarrazin, un petit malfrat, la ramasse. Il la cache chez sa mĂšre, la soigne, et tombe amoureux d'elle. Il la cache ensuite dans une guinguette de CrĂ©teil, la petite Venise, puis chez une fille de joie. Albertine s’attache Ă  lui. Elle est alors hospitalisĂ©e Ă  CrĂ©teil et opĂ©rĂ©e de l’astragale.

En , Julien est arrĂȘtĂ© et incarcĂ©rĂ© Ă  Boulogne en VendĂ©e. Albertine se retrouve seule Ă  Paris et se prostitue pour survivre. Elle rencontre alors un mĂ©canicien, Maurice Bouvier, dit l’oncle, qui devient son souteneur et lui verse des compensations financiĂšres. Quelques mois plus tard, Julien est libĂ©rĂ© ; ils partent vivre Ă  Calais.

Le , Julien est arrĂȘtĂ© Ă  Abbeville pour vol et Albertine pour usage de faux-papiers. Julien, relaxĂ©, est relĂąchĂ© le , mais Albertine doit finir de purger la peine de Doullens. TransfĂ©rĂ©e Ă  Amiens, elle est enfermĂ©e dans le quartier des femmes sous le matricule 2091. Elle s’occupe alors de l’entretien et de la couture, et nomme sa machine Ă  coudre CornĂ©lie. Elle Ă©tudie la philosophie, l’anglais, Ă©crit des poĂšmes, et dĂ©bute Times, journal de prison 59.

Le , Julien et Albertine (21 ans) se marient Ă  la mairie du Xe arrondissement de Paris entre deux gendarmes. Albertine entame l'Ă©criture de La Cavale. Elle est transfĂ©rĂ©e Ă  Soissons, pour que Julien puisse la voir plus souvent. Mais il est arrĂȘtĂ© pour cambriolage et condamnĂ© Ă  15 mois de prison. Il est libĂ©rĂ© le .

En , Albertine obtient une grĂące de sept mois. En 1961, elle a un accident de voiture avec Julien et sa mĂšre. Cette derniĂšre meurt. Julien est de nouveau incarcĂ©rĂ©, cette fois-ci Ă  Pontoise, pour avoir volĂ© des bijoux, et Albertine pour les avoir portĂ©s. Elle est libĂ©rĂ©e le . En , elle s’installe Ă  AlĂšs pour se rapprocher de NĂźmes oĂč est incarcĂ©rĂ© Julien, et devient pigiste au MĂ©ridional.

Le , elle est prise Ă  voler une bouteille de whisky au Prisunic. CondamnĂ©e Ă  quatre mois de prison, Ă  AlĂšs, elle Ă©crit Les Soleils noirs qui deviendront L'Astragale : « petit roman d’amour pour Julien ». En , Julien est libĂ©rĂ©; le , c'est au tour d'Albertine. Ils s'installent dans les CĂ©vennes Ă  la TaniĂšre (hameau de Camias, commune de Saint-AndrĂ©-de-Majencoules) dans une vieille maison achetĂ©e par Maurice, un ancien client d'Albertine, qui vient d'y prendre sa retraite et voue Ă  la jeune femme un amour platonique.

Publications

RenĂ© Bastide, le journaliste du MĂ©ridional pour lequel elle avait fait quelques piges entre deux emprisonnements, l’adresse aux Ă©ditions Jean-Jacques Pauvert dont il connaĂźt le directeur littĂ©raire, Jean-Pierre Castelnau qui, le , accepte de publier L'Astragale et La Cavale. Albertine part alors pour Montpellier afin de corriger les derniĂšres Ă©preuves.

En 1966, ses livres connaissent un grand succÚs tant critique que populaire, elle reçoit le prix des quatre-jurys 1966. Elle achÚve La TraversiÚre, publié le .

L’Astragale est traduit en espagnol (El AstrĂĄgalo), en anglais en 1966. Au dĂ©but de 1967 Albertine cumule plusieurs opĂ©rations de l’astragale, ce qui ne l'empĂȘche pas de travailler sur l’adaptation de L’Astragale pour le cinĂ©ma, que Guy Casaril va rĂ©aliser.

DĂ©cĂšs

Albertine et Julien s’installent aux Matelles au dĂ©but de 1967.

« Julien, le “petit casseur”, qui lui a donnĂ© son nom, est devenu, Ă  force de travail lui aussi, prospecteur gĂ©ologue. « C’est en me mariant que j’ai su enfin que j’avais un nom », dira l’abandonnĂ©e qui si souvent en changea, ou fut un numĂ©ro de matricule. Ils vivaient, heureux enfin Ă  douze kilomĂštres de Montpellier, dans une vieille ferme qu’ils avaient amĂ©nagĂ©e et qu’Albertine avait appelĂ©e “L’Oratoire”, parce qu’au bout d’une allĂ©e de mĂ»riers se trouvait une Vierge. »[10]

Mais Albertine, fragilisée par l'alcool, le tabac, les opérations récentes et sa vie chaotique, meurt à 29 ans à la clinique Saint-Roch de Montpellier, des suites d'une opération du rein mal préparée[11]. L'anesthésiste, non diplÎmé, ne l'a jamais vue avant l'opération et ne connaßt ni son groupe sanguin, ni son poids (le minimum pour opérer) ; de plus, elle n'est pas surveillée en salle de réveil et le sang de réserve manque. La presse dira : « Albertine Sarrazin termine son étrange destin. » Elle est inhumée, dans un premier temps au cimetiÚre des Matelles puis, à la demande de son époux, sur leur propriété du mas de L'Oratoire.

Son mari attaque en justice l'Ă©quipe chirurgicale, le parquet fait classer l'affaire sans suites, mais Julien fait appel et gagne son procĂšs : le chirurgien, le docteur Schilliro, et l'anesthĂ©siste de la clinique Saint-Roch, le docteur Pietrera, sont condamnĂ©s Ă  deux mois de prison avec sursis et 90 000 francs (environ 110 000 euros de 2019, avec l'inflation) d'amende pour homicide involontaire[12]. Peine lĂ©gĂšre, mais amende lourde pour l'Ă©poque ; cette affaire, ajoutĂ©e Ă  d'autres semblables, incitera fortement les autoritĂ©s sanitaires Ă  modifier les rĂšglements concernant l'anesthĂ©sie et les procĂ©dures prĂ© et post-opĂ©ratoires.

Julien Sarrazin dĂ©cĂšde le aprĂšs avoir Ă©crit un premier livre en 1974, Contre-escarpe, autobiographie sans complaisance dĂ©diĂ©e « Ă  mes trois amours, ma mĂšre, mon frĂšre, Albertine »[13], puis un second en 1981, Chausse-trappes, qui ne sera publiĂ© qu’au printemps 2015 par Edilivre [14]. Il repose Ă  cĂŽtĂ© d’Albertine, Ă  l’Oratoire.

ƒuvres

  • La Cavale (Jean-Jacques Pauvert, 1965) adaptĂ© au cinĂ©ma par Michel Mitrani en 1971
  • L'Astragale (Jean-Jacques Pauvert, 1965) adaptĂ© au cinĂ©ma par Guy Casaril en 1969, et par Brigitte Sy en 2015.
  • La TraversiĂšre (Jean-Jacques Pauvert, 1966)
  • Romans, lettres et poĂšmes (Jean-Jacques Pauvert, 1969)
  • PoĂšmes (Jean-Jacques Pauvert, 1969)
  • Lettres Ă  Julien (Pauvert, 1971)
  • Le Times, journal de prison 1959 (Ă©ditions Sarrazin, 1972). RĂ©Ă©dition, Les Ă©ditions du Chemin de fer, 2013.
  • la CrĂšche, Bibiche, l'Affaire Saint-Jus, le Laveur (nouvelles, Ă©ditions Sarrazin, 1973).
  • Lettres de la vie littĂ©raire (Pauvert, 1974)
  • Le Passe-Peine (Julliard, 1976)
  • Biftons de prison (1976)
  • Bibiche, vu par Annabelle Guetatra, Les Ă©ditions du Chemin de fer, 2012.
  • Affaire Saint-Jus et autres nouvelles de prison (Le laveur, Affaire Saint-Jus, La crĂšche), Ă©ditions du Chemin de fer, 2019.

L'ensemble de ces livres a été tiré à plus de 3 millions d'exemplaires.

Notes et références

  1. « Sarrazin, Albertine », sur bedetheque.com (consulté le )
  2. Djemaa Maazouzi, « Entre rĂ©bellion et convention : ‘‘l’exception’’ Albertine Sarrazin », Études françaises, vol. 47, no 1,‎ , p. 113-127 (lire en ligne)
  3. selon une source familiale
  4. On donne en effet aux enfants de l'Assistance le nom du saint du jour oĂč l'enfant est trouvĂ©
  5. Qu'elle appelle "mother" dans ses lettres, comme son hĂ©ros Rimbaud appelait lui-mĂȘme sa mĂšre.
  6. Les pÚre et mÚre, légitimes ou naturels, d'un enfant, ont tous les deux, mais chacun dans une mesure distincte, le droit de le faire détenir.
  7. avec le Centre national d'enseignement par correspondance basé à Vanves
  8. aujourd'hui désaffectée, mais en cours de réhabilitation comme l'ensemble de la citadelle
  9. la fracture de ce petit os du pied la fera extrĂȘmement souffrir et l'empĂȘchera mĂȘme de marcher
  10. J. Graven (juge Ă  la cour de cassation suisse), « A la recherche d’Albertine disparue et de sa vĂ©ritĂ© », in Revue Internationale de Criminologie et de Police Technique, Volume XXI, n°3, juillet-septembre 1967, disponible en ligne sur site web officiel, Ă  l’initiative des ayants droit d’Albertine Sarrazin
  11. Gil Lorfevre, « LittĂ©rature : il y a 50 ans, Albertine Sarrazin s'Ă©teignait Ă  Montpellier », Le Midi Libre,‎ (ISSN 0397-2550, lire en ligne)
  12. « Justice: Le «casseur» et les honnĂȘtes gens », sur Referentiels du Nouvel Observateur, p. 36-37,
  13. Cf. en ligne sur site web officiel
  14. Cf. en ligne sur site web officiel

Annexes

Bibliographie

Documentaire

  • Albertine Sarrazin, le roman d'une vie de Sandrine Dumarais, produit pas Comic Strip Production, 52 min, 2004.

Articles connexes

Liens externes

Bases de données et dictionnaires

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