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Accords de Babylone

Les accords de Babylone ou partage de Babylone ou partition de Babylone désignent l'attribution des territoires d'Alexandre le Grand à ses généraux, les Diadoques, après sa mort à Babylone en juin Il est le premier grand partage de l'empire d'Alexandre avant celui de Triparadisos (321).

Positions-clés et satrapies définies par les accords de Babylone, selon Arrien et Diodore.

Contexte historique

Alexandre meurt le à Babylone. Aucun de ses compagnons d'armes ne songe alors à diviser son empire : des héritiers existent et le loyalisme à l'égard de la dynastie des Argéades est fort, sinon chez les généraux, du moins chez les soldats. Alexandre ayant pris la précaution au début de son règne de faire le vide parmi la nombreuse parentèle masculine, souvent illégitime, de son père, ne demeure de celle-ci qu'un fils mentalement déficient, Arrhidée, qu'Alexandre garda à ses côtés. De ses femmes légitimes, Alexandre n'a pas eu d'enfants mais Roxane est sur le point d'accoucher.

Il semble que dans un premier temps, deux conceptions s'affrontent au sein du « conseil des Amis Â» (philoi) et des « gardes du corps Â» (sĂ´matophylaques) qui suit la mort du roi. Certains, dont Perdiccas, privilĂ©gient l'option visant Ă  renforcer le pouvoir central et Ă  l'organiser fortement. PtolĂ©mĂ©e et d'autres Diadoques souhaitent au contraire la constitution d'une assemblĂ©e de satrapes se rĂ©unissant Ă©pisodiquement, structure assez lâche qui revient Ă  donner une forte autonomie aux provinces et Ă  ceux qui les dirigent. Dans les deux cas, il est pris la dĂ©cision d'attendre la naissance de l'enfant de Roxane. Perdiccas et LĂ©onnatos, auxquels le conseil prĂŞte serment, sont dĂ©signĂ©s tuteurs provisoires de l'enfant Ă  naĂ®tre. Toutefois, les fantassins de la phalange acceptent mal la politique de fusion des cultures prĂ´nĂ©e par Alexandre. L'idĂ©e que le futur roi puisse ĂŞtre Ă  demi-perse par sa mère suscite leur opposition. De plus, MĂ©lĂ©agre, officier envoyĂ© par le conseil pour nĂ©gocier auprès des soldats, joue sa carte personnelle et se range Ă  l'avis de ces derniers. Grâce au chancelier d'Alexandre, Eumène de Cardia, qui profite de son statut de non-MacĂ©donien pour Ĺ“uvrer Ă  une conciliation, un compromis est trouvĂ©. Le demi-frère d'Alexandre est proclamĂ© roi sous le nom de Philippe III ArrhidĂ©e, mais les droits de l'enfant Ă  naĂ®tre sont prĂ©servĂ©s ; c'est un fils qui Ă  sa naissance est proclamĂ© roi sous le nom d'Alexandre IV.

Aucun des deux rois n'Ă©tant apte Ă  assumer le trĂ´ne, une rĂ©partition des postes s'organise au sein du conseil de Babylone. Perdiccas est dĂ©signĂ© chiliarque de l'empire (Ă©quivalent du vizir achĂ©mĂ©nide) et Ă©pimĂ©lète (gouverneur) du royaume ; avant la mort d'Alexandre, il occupe dĂ©jĂ  la fonction de chiliarque, sans le titre, et c'est Ă  lui que le roi Ă  l'agonie aurait confiĂ© l'anneau royal dont le sceau authentifie les actes de souverainetĂ©[1]. Cratère, l'officier en qui sans doute Alexandre a le plus confiance après HĂ©phaistion, devient prostatès (tuteur) de Philippe III ; il n'est cependant pas Ă  Babylone, mais en Cilicie avec les 10 000 vĂ©tĂ©rans sur la route du retour en Europe. Antipater conserve la rĂ©gence de la MacĂ©doine et de la Grèce, alors qu'avant la mort du roi, Cratère est censĂ© le remplacer. Son fils Cassandre, arrivĂ© Ă  Babylone peu avant la mort du roi, est placĂ© Ă  la tĂŞte du bataillon des hypaspistes. SĂ©leucos reçoit quant Ă  lui le titre d'hipparque qui lui offre le commandement de la cavalerie des Compagnons, commandement prestigieux qu'ont exercĂ© avant lui HĂ©phaistion et Perdiccas. Afin de marquer sa nouvelle autoritĂ©, Perdiccas fait rapidement exĂ©cuter MĂ©lĂ©agre parmi une trentaine d'insurgĂ©s de la phalange.

Le conseil de Babylone se traduit donc par un vaste renouveau à la tête des satrapies. En 321, la première guerre des Diadoques voit la défaite et à la mort de Perdicas lors de la campagne contre Ptolémée en Égypte. Les accords de Triparadisos sont alors conclus en vue de réorganiser le commandement et les satrapies de l'ancien empire.

Sources

Le détail des accords de Babylone est mal connu. Seules quatre sources anciennes décrivent la répartition effectuée :

  • L'unique compte-rendu complet est celui rĂ©digĂ© par Diodore de Sicile dans la Bibliothèque historique (livre XVIII) qui est Ă©galement la source la plus ancienne (vers 40 av. J.-C.).
  • L'Ă©vĂŞque byzantin Photios (820-893) a produit un abrĂ©gĂ© de 279 livres dans la Bibliothèque, qui contient deux comptes rendus pertinents, bien que rĂ©sumĂ©s[2]. Le premier est Histoire de la succession d'Alexandre d'Arrien[3], le deuxième est Histoire de Dexippe, dĂ©crivant les Ă©vĂ©nements ayant suivi la mort d'Alexandre[4]. Le travail de Dexippe semble fondĂ© sur celui d'Arrien.
  • La dernière source est l'abrĂ©gĂ© des Histoires phillipiques de Trogue PompĂ©e par Justin ; source la plus tardive, elle diverge des trois autres et semble contenir plusieurs erreurs[5].
  • Toutes les sources semblent avoir lu (et dans une certaine mesure copiĂ©) Diodore, ou la source la plus probable de Diodore au livre XVIII, HiĂ©ronymos de Cardia, contemporain des Ă©vĂ©nements. Un passage en particulier, qui liste les satrapes et les satrapies qu'ils acquièrent, est exprimĂ© de façon similaire dans toutes les versions, bien qu'il s'agit Ă©galement de celui oĂą la plupart des ambiguĂŻtĂ©s existent.

RĂ©partition des satrapies

Partage de l'empire d'Alexandre après les accords de Babylone.

Europe

  • MacĂ©doine, Grèce et Épire : toutes les sources s'accordent sur le fait qu'Antipater conserve la rĂ©gence de MacĂ©doine et de Grèce ; Arrien lui ajoute l'Épire et suggère que cette rĂ©gion est partagĂ©e avec Cratère ; Dexippe charge Cratère des affaires et de la dĂ©fense du royaume.
  • Illyrie : Arrien inclut l'Illyrie dans les attributions d'Antipater ; Diodore Ă©crit que la MacĂ©doine et les peuples adjacents lui sont attribuĂ©s. Justin considère Philon comme gouverneur d'Illyrie ; aucune mention de Philon n'existe ailleurs.
  • Thrace : toutes les sources mentionnent Lysimaque comme gouverneur de Thrace et de Chersonèse, ainsi que des rives du Pont-Euxin, de Tyras Ă  Salmydessos.

Asie Mineure

Afrique

Asie de l'Ouest

L'attribution des satrapies asiatiques est sujette Ă  caution, les Ă©crits de Justin divergeant fortement de ceux de Diodore, Arrien et Dexippe.

  • Syrie, MĂ©sopotamie : toutes les sources s'accordent sur respectivement LaomĂ©don de Mytilène et ArcĂ©silaos.
  • Babylonie : Diodore considère Archon comme satrape.
  • Perside : Diodore et Dexippe s'accordent sur Peucestas.
  • Carmanie : TlĂ©polème est satrape de Carmanie après la seconde partition ; Diodore le place comme satrape dès la première.
  • Hyrcanie et Parthie : Diodore les alloue Ă  Phrataphernès, Dexippe lui rajoute l'Hyrcanie. Phrataphernès est satrape de ces rĂ©gions avant la mort d'Alexandre.
  • Petite MĂ©die : toutes les sources s'accordent sur Atropatès, Perse de naissance et dĂ©jĂ  satrape de MĂ©die sous Alexandre.
  • Grande MĂ©die : Diodore et Dexippe l'allouent Ă  Peithon. Justin Ă©crit qu'Atropatès est placĂ© Ă  la tĂŞte de la Grande MĂ©die, le beau-père de Perdiccas Ă  la tĂŞte de la Petite MĂ©die. Toutefois, Atropatès est le beau-père de Perdiccas. Peithon est satrape de Grande MĂ©die après la seconde partition.
  • Susiane : ni Diodore, ni Arrien, ni Dexippe ne mentionnent la Susiane dans la première partition, mais ils la mentionnent dans la deuxième. Seul Justin donne un nom pour la première partition, celui de Scynus.

Asie centrale

  • Bactriane et Sogdiane : Diodore dĂ©clare Philippe comme satrape de ces deux rĂ©gions ; Dexippe le dĂ©crit comme satrape de Sogdiane mais ne mentionne pas la Bactriane. Justin dĂ©signe Amyntas et Scytheaus comme satrapes de Bactriane et Sogdiane.
  • Drangiane et Arie, Arachosie et GĂ©drosie : toutes les sources s'accordent respectivement sur Stasanor et Sibyrtios.
  • Paropamisades : Diodore et Dexippe font du beau-père d'Alexandre, Oxyartès, un Bactrien, le dirigeant de la rĂ©gion. Justin mentionne Extarches, peut-ĂŞtre une erreur de transcription.
  • Indus et Pendjab : Diodore et Dexippe mentionnent Poros et Taxilès comme satrapes respectifs. Justin mentionne Taxilès au Pendjab et ne cite pas l'Indus.
  • Autres territoires indiens : toutes les sources mentionnent Peithon fils d'AgĂ©nor comme dirigeant les territoires indiens qui ne sont pas attribuĂ©s Ă  Poros et Ă  Taxilès. La localisation de ces territoires demeure toutefois incertaine.

Résumé

Le tableau suivant résume la partition de l'empire d'Alexandre selon les historiens antiques.

Rôle ou région Accords de Babylone Accords de Triparadisos
Diodore Justin Arrien Dexippe Diodore Arrien
Roi de Macédoine Philippe III Philippe III Philippe III Philippe III et Alexandre IV Philippe III et Alexandre IV
RĂ©gent Perdiccas Perdiccas Perdiccas Antipater Antipater
Tuteur des rois Cratère Cratère Cratère
Commandant de la cavalerie SĂ©leucos SĂ©leucos Cassandre Cassandre
Commandant des Gardes Cassandre
Macédoine Antipater Antipater Antipater et Cratère Antipater Antipater Antipater
Illyrie Antipater Philon Antipater et Cratère Antipater Antipater Antipater
Épire Antipater Antipater et Cratère Antipater Antipater Antipater
Grèce Antipater Antipater Antipater et Cratère Antipater Antipater Antipater
Thrace Lysimaque Lysimaque Lysimaque Lysimaque Lysimaque Lysimaque
Phrygie hellespontique Léonnatos Léonnatos Léonnatos Léonnatos Arrhabée Arrhabée
Grande Phrygie Antigone Antigone Antigone Antigone Antigone Antigone
Pamphylie Antigone NĂ©arque Antigone Antigone Antigone Antigone
Lycie Antigone NĂ©arque Antigone Antigone Antigone Antigone
Carie Asandros Cassandre Cassandre Asandros Asandros
Lydie MĂ©nandre MĂ©nandre MĂ©nandre MĂ©nandre Cleitos Cleitos
Cappadoce Eumène Eumène Eumène Eumène Nicanor Nicanor
Paphlagonie Eumène Eumène Eumène Eumène Nicanor ? Nicanor ?
Cilicie Philotas Philotas Philotas Philotas Philoxène Philoxène
Égypte Ptolémée Ptolémée Ptolémée Ptolémée Ptolémée Ptolémée
Syrie Laomédon Laomédon Laomédon Laomédon Laomédon Laomédon
Mésopotamie Arcésilaos Arcésilaos Arcésilaos Amphimaque Amphimaque
Babylonie Archon Peucestas SĂ©leucos SĂ©leucos SĂ©leucos
PĂ©lasgie Archon
Grande Médie Peithon Atropatès Peithon Peithon Peithon
Petite Médie Atropatès Atropatès
Susiane Scynos Antigénès Antigénès
Perside Peucestas Tlépolème Peucestas Peucestas Peucestas
Carmanie Tlépolème Néoptolème Tlépolème Tlépolème
Arménie Phrataphernès
Hyrcanie Phrataphernès Philippe Phrataphernès Phrataphernès Philippe ? Philippe ?
Parthie Phrataphernès Nicanor Philippe Philippe
Sogdiane Philippe Scythaeus Philippe Stasanor Stasanor
Bactriane Philippe Amyntas [note 1] [note 1] Stasanor Stasanor
Drangiane Stasanor Stasanor Stasanor Stasandre Stasandre
Arie Stasanor Stasanor Stasanor Stasandre Stasandre
Arachosie Sibyrtios Sibyrtios Sibyrtios Sibyrtios
GĂ©drosie Sibyrtios Sibyrtios Sibyrtios Sibyrtios[note 2]?
Paropamisades Oxyartès Oxyartès[note 3]? Oxyartès Oxyartès Oxyartès
Pendjab Taxilès Taxilès Taxilès Taxilès Taxilès
Indus Poros Peithon fils d'Agénor Poros Poros Poros
Gandhara Peithon fils d'Agénor Peithon fils d'Agénor Peithon fils d'Agénor Peithon fils d'Agénor Peithon fils d'Agénor Peithon fils d'Agénor

Notes et références

Notes

  1. Il est suggéré chez Arrien et Dexippe qu'Oxyartès conserve le titre de satrape de Bactriane.
  2. Pas explicitement déclaré, mais probable.
  3. En considérant que Justin signifie « Oxyartes » en écrivant « Extarches ».

Références

  1. Selon les auteurs de la Vulgate d'Alexandre : Diodore, XVII, 117, 3 ; Quinte-Curce, X, 6, 16, Cornélius Népos, Eumène, 2, 2.
  2. Photius, Bibliotheca (lire en ligne)
  3. Arrien, Histoire de la succession d'Alexandre, t. 92 (lire en ligne)
  4. Dexippe, Histoire, t. 82 (lire en ligne)
  5. (la) Justin, Epitoma Historiarum Philippicarum, t. XIII (lire en ligne)
  6. (la) Arrien, Anabasis Alexandri, t. III, 6 (lire en ligne)
  7. (en) « Nearchus », Livius

Annexes

Sources antiques

Bibliographie

  • Pierre Cabanes, Le Monde hellĂ©nistique de la mort d’Alexandre Ă  la paix d’ApamĂ©e, Seuil, coll. « Points Histoire / Nouvelle histoire de l’AntiquitĂ© », .
  • Jean Delorme, Les grandes dates de l'AntiquitĂ©, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , chap. 8 (« Royaumes et civilisations de l'Orient hellĂ©nistique (323-200 av. J.-C.) »), p. 73-86.
  • Jean-Marc HĂ©roult, La fin de l’empire d’Alexandre le Grand, Larousse, , 176 p..
  • François Lefèvre, Histoire du monde grec antique, Le livre de Poche, , 640 p..
  • Laurianne Martinez-Sève, Atlas du monde hellĂ©nistique (336-31 av. J.-C.) : Pouvoir et territoires après Alexandre le Grand, Paris, Autrement, coll. « Atlas-mĂ©moires », , 96 p. (ISBN 978-2-7467-3616-0)
  • Claire PrĂ©aux, Le Monde hellĂ©nistique : La Grèce et l'Orient de la mort d'Alexandre Ă  la conquĂŞte romaine de la Grèce (323-146 avant J.-C.), t. 1, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio. L'histoire et ses problèmes », , 398 p.
  • Édouard Will, Histoire politique du monde hellĂ©nistique 323-, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 2-02-060387-X).

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